Les habits de bougran de ceux qui soignent les pestiférés : Nantes 1583

Il fallait attendre 40 jours après guérison pour réapparaître. Et j’ajoute, « si toutefois on ne mourait pas ».

L’habit de bougran semble bien désigner un tissu de récupération, et comme nous sommes à Nantes un port avec voiliers, et fabriques de voiles, je suppose que ce tissu est fait de vieilles voiles. Voici la longue définition de ce tissu, qui semble avoit beaucoup varié au fil des siècles :

BOUGRAN[1] (Bougrain, Bucherame) n.m. Son nom viendrait de la ville de Boukhara, située en Ouzbékistan, à moins que ce ne soit de Bulgarie, dont les habitants sont les « Bougres », ou encore de « gabnar », en latin « validus fruit », allusionà l’enduit fortement fommé, que pourraient aussi signifier les mots bas latin « bucharanum, buchiaranum ». De très nombreuses formes de ce mot sont connues dès le XIIIè siècle : bougueren, boucheran, bouqueram, bouscq et, en Provence, Bocaran. Au Moyen âge, c’est une sorte de mousseline très légère, précieuse et chère, parfois utilisée en doublure, parfois imprimée ou peinte quand elle est portée par-dessus ou employée dans l’ameublement. On la rencontre surtout dans le domaine liturgique et dans le monde oriental. Elle est fabriquée en Arménie (Erzinghiam), au Kurdistan (Mouch et Mardin), en Perse (Ispahan), dans le district de Telingana et en Inde, pays de Malabar, au Tannay (Cambaye), au pays d’Habech en Afrique et enfin à Chypre. Le Bougran est importé en Occident dans les ports de Saint-Jean-d’Acre, de Constantinoble, de Satalia et de Famagouste.Au XIVème siècle, l’étoffe est mentionnée dans les « Comptes de l’Argenterie », à propos de Clémence de Hongrie (1328), qui possède une chambre de « bouqueran » blanc. Au XVème siècle, c’est un tissu de lin, utilisé en ameublement, en sellerie et pour les étendards de l’aristocratie. Entre les XVIIème et XXème siècles, le bougran reste une grosse toile forte et gommée, fabriquée en chanvre et coton (armure taffetas), de diverses couleurs, qui sert de garniture et de soutien à l’intérieur de rideaux et de vêtements civils et liturgiques. Au XIXème siècle, disparu des tissus précieux, le bougran est réservé aux vêtements de dessous. C’est souvent un tissu de récupération : vieux draps de lit, morceaux de voiles de vaisseau sont apprêtés et vendus comme bougrans, sans largeurs précisément définies, longs de 4,72 m. Fabriqué en particulier à Alençon, Caen, Paris, Rouen, en Angleterre, en Saxe, en Bavière et en Autriche.

[1] HARDOUIN-FUGIER Elisabeth et Coll., Les Étoffes, dictionnaire historique, Editions de l’Amateur, 2005