Insinuation du testament de Perrine Ragaru en 1586, Angers 1604

Ce testament est insinué 18 ans après avoir été écrit. Il comporte une donation au veuf, et lui laisse le choix du nombre de cierges pour la sépulture, et bien plus, il est exécuteur testamentaire ! Certes, il y a un autre exécuteur testamentaire, mais tout de même que le donataire soit l’un des exécuteurs du testament semble curieux : à la fois juge et partie !

L’acte qui suit est extait des Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 1B160 insinuations – Voici la retranscription de l’acte : Le 14 juillet 1604 (date d’insinuation) : Au nom du père du filz et du benoist St Esprit Amen, le 25 jour d’aougst 1586 avant midy sachent tous présents et avenir que Je Perrine Ragareu femme et espouze d’honneste homme Me François Letort avocat Angers gisant au lit malade de corps touttefois par la grâce de Dieu saine d’esprit et entendement considérant la mort este certaine à tout homme créature et l’heure d’icelle incertaine désirant ne décedder de ce monde sans premier avoir ordonné de mes affaires et biens temporelz qu’il a pleu à Dieu me présenter fais et ordonne mon testament et dernière volontée en la forme et manière qui s’ensuit
• Premier je recommande mon âme à Dieu mon père et créateur de tout le monde Jésuschrist son filz unicque mon saulveur et au Benoist St Esprit suppliant mondict créateur qu’il luy plaise me pardonner mes peschez et offenses et recepvoir au royaulme celleste maditte âme laquelle je recommande pareillement à la glorieuse Vierge Marye Mr St Michel Ange St Pierre St Pol et généralement à tous les Stz et Stes du Paradis lesquelz je supplie de prier Dieu pour moy à fin que je obtienne pardon et rémission de mes pechez
• Item et après que mon âme sera séparée d’avec mon corps je veil et ordonne mondict corps estre porté à sa sépuluture laquelle je eslie en l’église parroichial de St Michel du Tertre de ceste dite ville près la sépulture de mes deffunctz père et mère et que à la conduitte d’icelluy assistent processionnellement les curez prêtres et chappelains de ladite parroise avec ceux de l’églize St Maurille et les 4 mendiants de ceste ville qui diront les souffrages et oraisons acoustumées et seront criées les patesnoste par ceste ville ainsy que l’on a acoustumé faire
• Item je veil avoir pour luminaire à la conduitte de mondict corps et pour servir à mon enterrement et service cy-après le nombre de torches et cierges le tout de crire que mondict mary verra bon estre auquel du tout je m’en raporte
• Item je veil et ordonne estre dict et cellebré en ladite église de St Michel du Tertre le jour de mon enterrement si c’est au matin sinon le landemain 3 grandes messes à diacre et soubz diacre et tel nombre de messes à basse voix qu’il plaira à mondict mary et autre service qu’il avisera tant le jour de mondict enterrement que de mon service
• Item je donne par ces présentes audict Letort mon mary tous et chacuns mes meubles et choses censées et réputées pour meubles de quelque quallité qu’ilz soient avec la tierce partie de mes immeubles et héritaiges tant patrimoniaulx que matrimoniaulx et choses censées et réputtées mes patrimoine et matrimoine en quelque part qu’ilz soient situéz et assis que j’ay de présent et que je pouray avoir lors de mon décès pour en jouir par ledit Letort mondict mary en propriétté et à perpétuitté pour luy ses hoirs et ayant cause suivant et aulx charges de ce pays et duché d’Anjou et desquelz meubles et tiers d’héritaiges cy dessus donnez j’ay dès à présent vestu et saisy mondict mary et m’en suis devestue et dessaisye contitutué possesseresse ma vie durant seulement pour et au proffict de mondict mary ledit don stippullé et accepté par nous notaire soubz signé pour Letort absent
• Item je nomme et eslis pour exécuteur du présent mon testament ledict Letort mon mary et Me Jacques Gohory lesquelz je prie en prendre la charge et faire exécuter mondict testament selon sa forme et teneur
• et pour cest effect je les ay saisiz et les saisy et par ces présentes de tous et chacuns mes aultres biens jusques à l’entière et parfaite exécution suivant laditte coustume de ce pays prie et requiers Me René Molloré notaire royal Angers régler ces présentes en bonne forme et y faire apposer le scel royal
• par davant lequel Moloré je me suis establye et soubzmise et obligée moy mes hoirs et ayant cause avec tous et chacuns mes biens meubles présents et avenir quelz qu’ils soient renonczant à touttes choses à ce contraire et ay promis ne contrevenir aux présenes ains les entretenir par les foy et serment de mon corps baillé en la main dudict Moloré dont nous Moloré notaire susdict avons jugé et jugeons ladite testatrice et icelle de son consentement condempnée par le jugement et condempnation de ladite court
• fait et passé en la maison desdits Letort et Ragareu audit Angers en présence d’honneste homme Me Jamet Boys licencié ès droictz Michel Desbois apothicaire et Estienne Perier praticien demeurant audit Angers tesmoings à ce requis et appellez sont signez en la munutte des présentes Perrine Ragareu Boys Desbois Perier et Moloré notaire Angers –
• Le testament cy dessus a esté leu et publié en jugement la court et juridiction ordinaire de la sénéchaussée d’Anjou et siège présidial d’Angers tenant ce requérant ledict Letort auquel a esté décerné le présent acte ce fait a esté insignué au pappier et registre des insignuations du greffe civil dudit siège pour y avoir recours donné audit Angers par devant nous François Lamis conseiller du roy lieutenant général de Mr le sénéchal d’Anjou ledit sabmedy 24 juillet 1604

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5 réponses sur “Insinuation du testament de Perrine Ragaru en 1586, Angers 1604

  1. Les causes de la rédaction de ce testament – la maladie dont elle est atteinte en 1586 – sont sans conséquences visibles pour Perrine Ragareu puisqu’elle ne décèdera que le 30 juin 1604 à Angers (Saint-Michel du Tertre).
    L’insinuation a donc été enregistrée moins d’un mois après, mais les raisons ne sont pas indiquées. L’aîné des enfants survivants de ce couple n’a que 17 ans.

    A la fois juge et partie en effet… Peut-être la raison au final de cette insinuation.

    Note d’Odile :
    Merci pour ces précisions, car chaque précision permet de mieux appréhender les circonstances de l’insinuation. En tout cas, j’ai de plus en plus la certitude que cette procédure n’était utilisée qu’en cas de présomption de difficultés.
    Ici, c’est sans doute la donation qui aurait dû être insinuée dès la rédaction du testament, car normalement le but des insinations est la publication des donations, enfin si je ne m’abuse.

  2. Si un jour le contrat demariage de ce couple est retrouvé, peut-être que certaines précisions seront apportées ? Car il ne fait pas de doute qu’un mariage entre deux membres de familles d’avocats au présidial d’Angers ait donné lieu à discussions, finalisées par un contrat.

  3. Donc,si je comprends bien,lorqu’elle teste ,elle n’a pas encore d’enfants.A notre époque ,suite à l’existence d’heritiers directs ,ce testament ne pourrait être valable ,et au XVIIe?
    Note d’Odile :
    Je pense savoir qu’elle a déjà un enfant et qu’il vit encore en 1604 à son décès.
    Cette donation (car c’est bien d’une donation qu’il s’agit) m’a seulement paru curieuse du fait qu’elle n’est pas réciproque, car dans les donations de cette époque, il y a totale réciprocité.
    Et par le fait que le mari soit exécuteur testamentaire. Pour moi, ce point reste curieux, puisqu’il est donataire.

  4. Elle a déjà un enfant (né en 1585), mais je ne suis pas sûr du tout qu’il soit encore vivant en 1604. Le seul dont on trouve la trace un peu plus tard est né en 1588. Il meurt par contre sans descendance, avant son père d’ailleurs. Mais bien après sa mère

  5. J’ai la copie d’un testament d’ une paysanne de Champigné en 1691(Ad 49) le protocole religieux et le même et en proportion les sommes réservées pour les cierges et services pour le repos de l’âme( 3 services solennels de 3 grandes messes )sont très conséquents par rapport à un patrimoine très réduit .Le mari est aussi exécuteur testamentaire car il n’ont pas d’enfants ensemble ,pensons aussi à l’affection et à la confiance qui pouvait unir un couple .Finalement les choses étaient peut être plus simples à cette époque ,maintenant ,il faut changer de contrat de mariage et n’oublions pas l’Etat qui est l’héritier de chacun…Il serait intéressant aussi de retrouver un testament d’un protestant :les formules religieuses y sont réduites au minimum et ceux-ci nient toute efficacité aux messes pour les morts(extrait la religion ds la France moderne XVI- XVIIIs M.Venard A ;Bonzon)
    Note d’Odile :
    Vous avez raison, c’est parce que l’état veille de nos jour à ses deniers ! Autrefois, il n’y avait pas de droits de succession, et c’était probablement mieux ! Ainsi, de nos jours, les célibataires travaillent pour léguer presque tout à l’état ! J’en suis, et j’avoue que je trouve ceci une injustice que de pas me laisser le droit de disposer après ma mort de ce que j’ai gagné toute ma vie de mes salaires !

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