Fin de la peste, puis dysenterie de 1639 en Anjou

extraits de l’ouvrage de François LEBRUN, les Hommes et la mort en Anjou aux XVIIe et XVIIIe siècles, Flammarion, 1975

  • chapitre IX : La conjoncture démographique : peste et méfaits des gens de guerre 1583-1660

  • 3 -La peste de 1625 à 1640


1626
A Château-Gontier, les méfaits de l’épidémie semblent avoir été limités. Peut-être faut-il y voir la conséquence des mesures énergiques prises par la municipalité. Dès le 17 juillet 1626, celle-ci interdit l’entrée de la ville aux habitants d’Angers et autres lieux « où il y a de la maladie de contagion », et nomme trois chasse-gueux pour veiller aux portes. Cependant, quelques cas s’étant déclarés en septembre, il est décidé, le 18, de transporter les malade dansla closerie du Bois-Plaidé où ils seront soignés par un chirurgien ; les 6 et 14 octobre, des mesures de police et d’hygiène publicque sont édictées : interdiction aux habitants des faubourgs d’entrer en ville, tenue du marché hors les murs, expultion dansles vingt-quatre heures de tous les chiens et de tous les porcs (« à faulte, permis de les tuer »), obligation de tenir les maisons « nettes tant dehors que dedans »

A Angers par contre, la peste de 1626 mérite tout autant que celle de 1583 d’être appellée la grand peste. Tout commence en février dans le faubourg Saint-Michel où 23 décès sont enregistrés en quelques jours ; pour éviter des inhumations intra-muros, on rouvre le cimetière Saint-Sauveur, déjà utilisé en 1583. En dépit de cette précaution, le mal pénètre en ville où la situation est très vite d’autant plus grave que les maisons et les rues sont encombrées de pauvres des paroisses voisines, « métayers, closiers et autres gens de labeur » qui, raconte Louvet, ont abandonné leurs villages à cause de la cherté des blés et sont venus en ville avec femmes et enfants pour demander l’aumône. N

En même temps qu’à Angers, la peste réaparaît un peu partout dans la province en 1631 et 1632, notamment à Baugé, où l’on enregistre en six mois, de mai à octobre 1631, 216 décès, soit quatre fois plus qu’en temps normal.
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A la fin de 1632, intervient pour la province une courte rémission avant la dernière offensive des années 1636-1640. En septembre 1636, des cas de peste ayant été signalés à Angers, rue Valdemaine, le sanitat de la Pantière est ouvert. Il est fermé dès le 20 décembre, mais il faut l’ouvrir à nouveau au printemps 1637. Une fois de plus l’hiver amène une régression du mal et le printemps et l’été de 1638, sa résurgence : en juillet 1638, les malades sont envoyés à la Pantière et le chirurgien et le récollet qui en prennent soint sont installés dans la tour Guillou. La flambée cette fois déborde la ville et atteint de nombreuses paroisses de la campagne, notamment en Craonnais et en Baugeois.

De nouveau en sommeil durant l’hiver, la peste réaparaît en juillet 1639, à Angers et un peu partout dans la province. Cette nouvelle manifestation, considérée désormais par les Angevins comme une fatalité liée au retour de la belle saison, n’et ni plus ni moins meurtrière que celles des années précédentes. Mais dans les premiers jours d’octobre, une terrible épidémie de dysenterie frappe de nombreuses paroisses de l’Anjou, avec une simultanéité et une brutalité étonnantes. Dysenterie bacillaire et peste sont des maladies trops distinctes l’une de l’autre et alors trop fréquentes pour que les contemporains s’y trompent. Valuche note dans son journal à l’année 1639 : « Au mois d’octobre, les maladies de discenterie se sont tant enracinées de tous costés tant ès villes et aux champs que homme vivant n’avoit point vu si grande mortalité pour esetre universille » ; de leur côté, plusieurs curés imputent avec précision à la dysenterie, non à la « contagion » leur paroisse ; enfin Barthélémy Roger se montreta un chroniqueur exact lorsqu’il écrira vers 1670 : « Sur la fin de l’année 1639, la dissenterie survint en Anjou qui, avec un reste de contagion, emporta une infinité de personnes. ». L’étude attentive des retistres paroissiaux permet de constater d’abord que l’épidémie a touché essentiellement l’ouest et le centre de la province ; le sud des Mauges, le Saumurois-Layon, la plus grande partie du Baugeois parraissent avoir été épargnés. Il semble bien que l’épidémie soit venue de haute Bretagne et du Pays Nantais où la dysenterie fait des ravages dès l’été de 1639. La sécheresse exceptionnelle a certainement contribué à l’extention de l’épidémie : « On tient, écrit Valuche, que c’est à cause de la grande stérilité d’eaulx qui est ès-puitz et fontaines, et des eaulx sales et bourbeuses qu’lon a beu. ». En tout cas, c’est dès les premiers jours d’octobre – parfois, comme à Azé, dès les derniers jours de septembre – que les curés angevins enregistrent les premiers décès dus à la dysenterie, aussi bien à Beaupréau qu’à Grez-en-Bouère, à Brissax qu’a Candé. Les denieres inhumations massives datent du milieu de décembre ; pratiquement dans la dernière semaine de l’année, le fléau disparaît avec la même simultanéité et la même soudaineté qu’il est apparu tois mois plus tôt. Ainsi, même là où les curés n’ont pas employé explicitement le mot de dysenterie, le seul fait de la hausse brutale de la mortalité, très rigoureusement limitée au dernier trimestre de l’année, permet d’invoquer, sans risque d’erreur, le même mal implacable que dans les paroisses voisines.

7 réponses sur “Fin de la peste, puis dysenterie de 1639 en Anjou

  1. Bonjour,

    bien des registres paroissiaux arrivés jusqu’à nous ne commencent qu’à cette époque, et je trouve émouvant cette coïncidence entre ce fléau et cet écueil à la mémoire de nos ancêtres. Ecueil parfois surmonté quand on a le bonheur d’avoir accès à des actes notariés, ce pour quoi nous sommes certainement très nombreux à devoir vous remercier.

    Cordialement,
    Luc

  2. -La peste à Villevêque.

    -Le 28 septembre-1er octobre 1638,sépulture de la femme de Jehan Maubert,et de ses deux enfants décédés de peste.
    -Le 3 août 1640,sépulture « d’un nommé Rabin,mort de contagion au village de La Binottière »
    -Le 6 août,sépulture de sa femme,morte de contagion.
    -Le 11 août,sépulture de Marie Lochet,du Champ-aux-Dames,morte de peste.
    -« Le 20 d’août j’ay sorti du presbitaire,à cause de la maladie d’Urban ».
    -Le 25 novembre,sépulture de Jeanne Robinaye, »enterrée la nuit et morte de contagion »;et d’Ancelme Lemarchand »aussi secrètement ».
    -La dernière sépulture indiquée comme de peste,est du 28 avril 1641;les morts pour le plus grand nombre sont des enfants.
    (Supplément à la Série E.Commune de Villevêque.BMS-1616-1792.)

  3. Bonjour Odile , merci pour cet extrait
    Le curé de Nyoiseau a annoté la durée de la contagion sur le registre ( Saint-Pierre) -Baptêmes, mariages, sépultures- 1593-1676 p 110
    dure du 14 septembre 1626 au 12 avril 1627

  4. Encore une fois un grand merci pour votre travail ! Et la mise à disposition de vos recherches …
    Je suis toujours sur le rameau angevin de ma famille et , dans les pages du registre paroissial d’Ecuillé, je trouve les pages relatives aux décès par contagion de dysenterie du mois d’août 1639 à mars 1640.
    Pour me renseigner plus avant, je tape sur Google Anjou 1639 et me voilà plus informée !

    1. Bonjour Josette
      et merci de m’encourager par ce petit signe de votre part, car souvent mes lecteurs ne prennent pas la petite minute pour me dire si j’ai été utile.
      Et oui ! j’ai dépouillé des contagions en Anjou, mais je ne sais si j’ai quelque part ajouté le petit point suivant : après des périodes de contagion, il restait plus de biens pour les survivants, c’est triste à dire aussi cruement, mais c’est pourtant pure vérité.
      Odile

  5. Contagion .
    La nuit de devant et cinquièsme de août mil six cent trente huit décéda et fut enterrée au jardin de la Mercerie Jeanne Avril veuve de déf Gabriel de Rousseau.
    Soulaire et Bourg AM 1637-1673 (vue 56).
    Jeanne ancêtre à la 13 ème génér.

    1. Bonjour Madame
      Cela devait être dur pour ses proches de ne pas pouvoir l’inhumer au cimetière, car sur le plan religieux d’alors, c’était impensable, sauf bien entendu en épidémie.
      Bon confinement
      Odile

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