Nous avions vu à 2 reprises des éléments concernant le lit : le fabricant de matelas, et le prix du lit selon les classes sociales. Mais la plupart du temps en Anjou, le lit est estimé garni et non au détail de chaque élément. Grâce à nos voisins du Maine, qui ont souvent le détail des prix, on sait que les éléments de la garniture sont en fait plus onéreux que le bois de lit lui-même.
Voici un exemple, qui nous est communiqué par Elisabeth Vaillen, de Laval : Inventaire Pivert, 1700 (Archives de la Mayenne, série 3E)
Attention, vous passez dans la retranscription de l’acte, donc en orthographe telle que dans l’acte.
Je passe à mes commentaires, dans mon orthographe actuelle. Si je précise ce point, c’est que je ne compte pas les emails quotidiens pour me dire d’un ton péremptoire : Madame sachez que tel lieu, tel patronyme, tel terme s’écrit ainsi. Mon site est entièrement fait de retranscriptions qui sont au contraire pures racines des termes.
La catolene se comprend mieux phonétiquement, car autrefois les accents régionaux altéraient beaucoup les termes, donnant lieu à de très jolies et très diverses variantes. Ainsi les syllabes a e et o étaient souvent mélangées.
Si on regarde bien la phrase, on sait qu’elle est en serge, et vous savez maintenant que le »sarger » aliàs »sargier » travaille la laine. Maintenant, si vous étudiez phonétiquement catolene, vous obtenez la catelogne ou
catalogne : couverture de laine, sans doute appelée ainsi à cause de son origine. On écrit aussi chatalongue, castellongne, et à Avranches au 18e siècle on trouve castalloine (M. Lachiver, Dict. du monde rural, 1997).
Je ne compte plus les variantes orthographiques que j’ai rencontrées, toujours est-il qu’elle est le plus souvent présente.
Donc, notre catolene est la couverture de laine sur fil. Je crois savoir que de nos jours nous avons la couverture toute laine (ou alpaga, ou cachemir ou autre), de coton, et enfin plus récemment de polaire. On peut regarder la catolene comme leur ancêtre, si je peux m’exprimer ainsi.
Les lignes suivantes sont fort intéressantes, car on a dans les trois cas le terme couette mais l’une garnie de plume les deux autres de balle. Celle de plume est l’élément le plus coûteux. Et, comme la plume est légère, gageons qu’elle est dessus, et sert donc de couverture. C’est d’ailleurs ce que va nous démontrer la présence des autres couettes.
Les deux dernières couettes sont dites de balle. Le terme balle a tant de sens, que celui qui nous concerne disparaît dans une multitude d’explications. Je connais son sens, entre autre parce que j’ai travaillé durant 2 ans dans l’un des plus grands moulins d’Europe sur le Rhin à Cologne. Cet immense moulin, sur 12 niveaux, est un souvenir merveilleux pour moi, car comme souvent en Allemagne on se déplaçait par Pater Noster, c’est à dire espèce d’ascenceur sans porte et qui ne s’arrête pas. Mais celui du moulin était aussi sans cloisons, et en demi-cercle. Fabuleux, tout bonnement fabuleux… Enfin, pas la première fois, car j’ai eu tout bonnement la trouille : pour une Française le Pater noster est toujours une découverte, mais celui-ci était une très impressionnante découverte, on voyait le vide des 12 étages en regardant par terre. En tant qu’employée chimiste au labo, au 12e étage, vue imprenable sur le Rhin et Cologne, je devais faire mes prélèvements quotidiens moi-même, avec le Pater Noster.
Donc la balle est un sous-produit des moulins, c’est l’enveloppe du grain. La couette de balle est une sorte de poche de toile remplie de balle. La balle donne son nom aux couettes remplies de balle, aussi voici en Anjou ce que donnent les dictionnaires :
Ballière : couette de balle d’avoine (Charles Ménière, Glossaire angevin, 1880)
Baline, balline : large poche remplie de balles d’avoine pour le lit (Henri Boré, Glossaire du patois angevin, 1988)
Ballin : petite paillasse bourrée de balle d’avoine et de guinche pour un berceau cf. ballo, pissou (Cerle J. Ferry, Laval, Lexique du patois vivant, 2001).
Ballée : en Anjou, matelas rembourré avec des balles d’avoine. On dit aussi balline, ballière (M. Lachiver, Dict. du monde rural, 1997)
Vous avez vu au passage le pissou, terme parlant. En effet, pour les enfants, on remplaçait aussitôt la balle d’avoine.
La couette de balle est donc ce qui est dessous, et qui sera progressivement remplacée par le matelas de laine, puis de mousse, de ressorts…. Et bien entendu il s’agit le plus souvent de balle d’avoine, d’où le titre de mon billet. Elle a disparu avec la disparition du monde rural et l’urbanisation, et l’invention de la mousse de synthèse etc…, mais beaucoup s’en souviennent encore…, l’utilisent encore…
Pour les autres termes, vous êtes grands, et au cas où vous souhaiteriez des définitions, voyez mon lexique des inventaires en Haut-Anjou.
Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet seule une citation ou un lien sont autorisés.
Toujours aussi passionnants, vos articles et toujours aussi »percutantes » vos mises au point. Encore,bravo et surtout continuez…Merci PR Vallier
Note d’Odile : Merci pour vos encouragements. Merci de participer aux commentaires lorsqu’un sujet vous interpelle, car c’est cela qui fait vivre ce travail.
Jehan ROHOU dans « Fils de ploucs », publié en 2004 aux Editions Ouest France (2 tomes) nous restitue ses souvenirs d’une enfance bretonne avant la 2e guerre mondiale, et les mutations traversées.
Malgré mon enfance citadine, de 5 ans sa cadette, je retrouve des points communs.
Ainsi, l’époque où les lits clos étaient transformés en cloisons pour poules ou pommes de terre, que les antiquaires s’empressaient de saisir. En effet, il y avait chez mes parents, citadins, une armoire style « à gâteau », et j’ai toujours entendu mes parents raconter qu’ils l’avaient trouvé dans une ferme servant de rangement des pommes de terre.
Jean Rohou ajoute qu’on « était alors fier de remplacer ses moelleuses couettes de balles d’avoine pour de mauvais matelas. »
Et il précise : « après le battage, nous remplissions de balles d’avoine de grand sacs aux dimensions de nos lits. Cela faisait des matelas très épaix, où il était fort agréable de s’enfoncer moelleusement. Les balles se tassaient peu à peu. Au bout d’un an, il était temps de les changer. »
C’était, semble t’il ,chose courante que de récupérer les vestiges de vieux meubles au rebut et de les reconvertir « en niche à lapins « par exemple.
Maman avait ainsi récupéré , la porte épargnée d’un bahut ou armoire basse style Louis XIII,dont elle avait fait faire une petite armoire à linge.
Il est vrai que les brocanteurs visitaient volontiers les étables et remises des fermes où ils faisaient de véritables trouvailles !