Moitié de fruits ne signifie pas moitié de gains : la spéculation chez les marchands fermiers

J’écris ce billet en réponse partielle à Françoise dans son commentaire posté hier portant sur le bail à sous-ferme en « bal à moitié », le fermier et les revenus des 2 parties.
Je n’ai pas encore eu le temps de relire l’ouvrage d’Annie Antoine, et je vais le faire, mais je voudrais ici vous livrer un témoignage direct.
Jean Guillot a 17 ans, il est fils de marchand fermier à Gené, et déjà formé à la spéculation sur les marchandises. Il va mourir d’ici quelques semaines au front dans les derniers batailles de Napoléon et donne sa vie à la France dans des termes édifiants, ce qui ne l’empêche pas de raisonner en toute lucidité comme ce qui suit va vous indiquer.

Je vous prie de lire sur mon site la lettre de Jean Guillot Trêves, le 4 novembre 1813, dont je mets ci-dessous la vue de la page parlante :

La lecture de cette page est édifiante :

Quant aux lieux où nous vivons, on y met en réquisition tout ce qui sert à la nourriture des hommes et des chevaux. Pour preuve c’est qu’à la maison où je suis logé, hier un commissaire de la ville de Trèves, suivi du maire de l’endroit, vint appôser le marc du maréchal Kélerman qui commande à Mayence sur les deux seuls boeufs que possède mon hôte dans son étable, encore sont ils extrêmement maigres. De là il me semble pouvoir conclure que tout devenant rare dans les environs du Rhin, la chèreté des vivres se communiquera aux provinces contigües et de celles-ci à celles qui les avoisines ; ainsi de suite : de manière qu’il est très probable que l’anjou en sente aussi l’influence. Mon cher papa, ce n’est pas à moi de pouvoir vous donner un conseil ; mais il me semble que si j’étais à votre place, vos marchandises n’étant point encore vendues, j’attendrais plus tard pour m’en défaire, car s’il existe un camp à mayence comme tout paraît l’assurer, il est infaillible que tout sera porté au dernier degré de chèreté. Voici mon cher papa comme je raisonne. Je désire pour vous ne pas me tromper. Je désirerais même que vous puissiez, si vos facultés vous les permettaient, obtenir une commission de fournisseur en boeufs ou en grains…

Selon ce témoignage des plus clairs, les marchands fermiers spéculaient.
Selon moi, le colon, exploitait direct sous bail à moitié de fruits, avait certes la garantie de la moitié des fruits, mais moitié de fruits ne signifie par moitié de gains, car pour transformer les fruits en gains encore faut-il les vendre, et le marchand fermier captait selon moi les fruits en les achetant au colon au cours officiel ou autre cours, mais pouvait ensuite stocker les marchandises et spéculer. Et en matière de spéculation, je persiste à dire qu’il y a des malins et des moins malins, mais je persiste à dire qu’il y avait spéculation.

Ceci dit j’ouvre immédiatement l’ouvrage d’Annie Antoine, et cela me fera du bien pour ma détendre sans télé en cette journée où mon écoeurement télé a atteint des niveaux record : je vomis de voir ces journalistes de toutes chaînes débarquer aux Antilles avant les secours. J’ai honte pour nous autres Français de la métropole, et je tiens à ce que les Antillais sachent que tous les Français de métropole ne sont pas ces voyeurs de leur malheur, et qu’ils sont plus choqués par l’attitude des journalistes que par les polémiques sur la lenteur des secours, que je ne partage pas du tout. La seule polémique que je fais vise uniquement les journalistes, écoeurants de leur absence totale d’éthique et de sens humain tout court.
et je signe
Odile

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