Le prénom Ismael refusé par l’évêque de Saint Malo : Ménéac 1601

Ismael Androuet est baptisé en décembre 1601, mais lors de sa confirmation en août 1613, l’évêque n’accepte pas le prénom et le fait changer par le prénom Louis.

Les prénoms autorisés autrefois dans un diocèse étaient mentionnés dans le RITUEL du diocèse, et vous avez sur mon site une page consacrée à ceux du diocèse de Nantes. Si quelqu’un possède le rituel de Saint Malo, merci de nous communiquer ces pages sur les prénoms autorisés alors par l’église car ils sont fort différents : Caro, Carisse, Geffeline etc…

 

1613.08.10 ANDROUET Louis (voir sa naissance le 10 décembre 1601) « Il est ainsi que dès le 10 décembre 1601 fut baptisé Ysmel Androuet fils Jean et Guillemette Lespec comme il est raporté au feillet 15, sur quoy monseigneur l’évêque de Saint Malo faisant le cours de sa visite en la paroisse de Ménéac et administrant le sacrement de confirmation audit Ysmel trouva que ce nom d’Ysmel estait nom étranger par l’advis des parents et de l’enfant lui imposa le nom de Louis sur quoi dom Guillaume Androuet fut présenté comme parrain et ledit révérendissime évêque de Saint Malot fit commandement au recteur de ladite paroisse de Ménéac d’imposer ledit nom de Louis sur le livre baptismal »

 

Une réponse sur “Le prénom Ismael refusé par l’évêque de Saint Malo : Ménéac 1601

  1. Bonjour Odile,

    Je n’ai malheureusement pas le rituel du diocèse de Saint-Malo et je n’ai pour l’instant jamais trouvé dans les rituels ou statuts synodaux des 15e ou 16e siècles de listes nominatives précises indiquant les noms de baptêmes autorisés ou réprouvés, comme vous avez pu le relever dans le rituel de Nantes de 1776. L’interdiction de certains noms de baptême est en fait relativement récente dans l’Eglise catholique. Elle figure pour la première fois dans le catéchisme tridentin de 1566, où l’on se contente de dire que l’on « doit donc blâmer fortement ceux qui affectent de donner aux enfants des noms de personnages païens, et particulièrement de ceux qui ont été les plus impies ».
    En 1576, le concile de Milan organisé par Charles Borromée déclare que les prêtres devront désormais « empêcher de donner des noms déshonnêtes, ou ridicules, ou païens, aux enfants ».
    Ces recommandations ne furent pas appliquées en France avant la réforme catholique du 17e siècle.
    A la fin du 17e siècle, Jean-Baptiste Thiers indique dans son Traité des superstitions que l’on « change le nom de baptême dans la confirmation, lorsqu’il est vilain, ridicule, ou indigne des chrétiens qui l’on reçu, et l’évêque en impose un autre, honnête, pieux et saint ». Quelques années plus tard, en 1716, les Conférences ecclésiastiques du diocèse d’Angers notent que « si le nom qui a été donné au baptême à un enfant, étant joint à son nom de famille, a quelque chose d’indécent, les curés doivent avoir soin d’en avertir l’évêque à la confirmation, afin qu’il le change, s’il le juge à propos, et l’évêque donnera à la personne, selon son sexe, un nom de saint ou de sainte […] Les évêques peuvent même changer aux enfants le nom qui leur a été donné au baptême si les enfants le désirent ».
    Je collectionne depuis plusieurs années les changements de nom à la confirmation et votre trouvaille me réjouit, d’autant plus que la motivation est donnée par le rédacteur de l’acte. Si jamais vous en dénichez d’autres, je serais ravi que vous nous en fassiez part. Ces changements de nom sont particulièrement fréquents en Bretagne dans la première moitié du 17e siècle et je ne m’explique pas pour l’instant pourquoi on ne les retrouve pas avec la même intensité dans les autres régions.
    La mesure fut appliquée progressivement, avec plus ou moins de rigueur selon les diocèses, en fonction des usages locaux. Certains « noms profanes » ont disparu rapidement. D’autres noms ethniques très populaires (Roland par exemple) ne furent jamais éradiqués. Caro était un ancien nom breton très populaire dans le secteur de la Trinité-Porhoët. Il fut porté par l’un des chevaliers du Combat des Trente en 1351. Dans vos relevés de Ménéac 1600-1610, j’ai relevé cinq porteurs du nom (trois pères et deux parrains). Le nom est donné par un parrain à Carisse Gastard en 1600 et celle-ci (« Carize ») est marraine à son tour en 1625. Par contre, je n’ai plus aucun Caro dans vos relevés de 1621-1625. Geffeline était aussi très fréquent dans le secteur. C’est la forme féminisée de Geffroy (cf. baptême de Geffeline Nogues en 1608). On trouve aussi la variante Pheline.
    Le rejet du nom Ysmel (Ismal dans l’acte de baptême de 1601) par l’évêque de Saint-Malo en 1613 est un cas intéressant. A cette époque, l’évêque du diocèse était Guillaume Le Gouverneur depuis 1610 et il le resta jusqu’en 1630. Il fut l’un des évêques réformateurs les plus dynamiques en Bretagne. Il publia en 1613 des statuts synodaux. Ismaël est rare comme nom de baptême, même chez les protestants de la seconde moitié du 16e siècle. Ce fut le nom du premier fils d’Abraham et il était donc certainement connu de l’évêque. Dans votre transcription, vous notez que le nom d’Ysmel « estait nom étranger » : ne serait-ce pas plutôt « estrange » ? Le nom a été rejeté parce qu’il n’offrait pas à l’enfant un modèle de sainteté et de piété suffisamment exemplaire. Au 17e siècle, d’autres noms vétérotestamentaires (Abel, Daniel, Isaac) figurent parfois dans la liste des noms changés à la confirmation. Le nom de substitution est fréquemment celui de l’évêque qui donne la confirmation. Ici le nom de Louis a vraisemblablement été proposé par les parents (« par l’advis des parents ») et accepté par l’enfant (qui avait 12 ans en 1613). Ismal était le nom de son parrain de baptême (Ismal Lemaignat). Louis est la forme masculine du nom de sa marraine (Louise de la Barre).

    Bien cordialement,
    Pierre Yves

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