Vente puis réméré de la maison de la Corne de Cerf, Angers, 1617

Nous retrouvons Philippe Chevalier et Françoise Tessard. En 1617 il vend la maison de la Corne de Cerf rue de la Fromagerie à Angers la Trinité à Jean Pouriatz sieur de la Hanochaie pour 320 livres, avec faculté de réméré dans les 5 ans.
Et en 1621, Philippe Chevalier étant décédé, sa veuve, Françoise Tessard fait jouer la faculté de réméré, et rachète pour la même somme de 320 livres à Jean Pouriatz la maison en question.

Cet acte est troublant, s’agissant d’un couple de Combrée. En effet, Chevalier avait achetée cette maison, et on peut se demander pourquoi un tel placement à Angers. D’ordinaire on fait ses placements au plus près de son lieu d’habitation.
Et le réméré en 1621 par Françoise Tessard sa veuve est encore plus troublant. Pourquoi ce couple avait-il intérêt à investir à Angers ?

Réméré s. m. Terme de Palais purement latin, qui n’a d’usage que dans cette phrase, Faculté de remeré, pour dire, La faculté de racheter dans un certain temps la chose qu’on vend (Dict. de L’Académie française, 1st Edition, 1694)

L’acte qui suit est extrait des Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 5E5 – Voici la retranscription de l’acte : Le 8 avril 1617 avant midy, devant nous Guillaume Guillot notaire du roy à Angers, fut présent en personne soubzmis et obligé honneste Philippe Chevallier marchand demeurant au bourg de Combrée
lequel a recogneu et confessé avoir ce jourd’huy vendu quitté ceddé et transporté et par ces présentes vend cèdde quitte et transporte dès maintenant et promet garantir
à honorable homme Me Jean Pouriaz sieur de la Hanochaie advocat au siège présidial d’Angers et y demeurant paroisse St Michel du Tertre présent et acceptant qui a achepte pour luy savoir une maison logis et appartenances ou pend pour enseigne la corne de cerf située au bas la rue de la Fourmaigerie paroisse de la Trinité de cette ville composée de salle basse chambre à costé une court et estable chambre haulte grenier et superficie joignant d’un costé (blanc) d’un bout sur le pavé de ladite rue de la Fromagerie et d’autre bout (blanc) tout ainsi que ladite maison se poursuit et comporte qu’elle appartient audit Chevallier par acquestz qu’il en a fait de Meslet qui l’occupe présentement par ferme et en jouy …
tenu du fief et seigneurie aux cens et rentes seigneuriaux et féodaux quitte du passé …
la présente vendition et transport faite pour et moyennant le prix de 320 livres payée et baillée manuellement en présence et au vue de nous par ledit Pourriaz audit Chevallier qui la eue et receue en monnaie bonne et de poids selon l’édit
o grâce et faculté donnée et concédée par ledit acquéreur audit vendeur de pouvoir rémérer lesdites choses vendues d’huy en 5 ans prochains

PS à l’acte ci-dessus, qui est le réméré de ladite maison : Et le 19 janvier 1621 avant midy devant nous notaire susdit fut présent en personne Me Jehan Pourriaz acquéreur mentionné au contrat cy dessus lequel a présentement eu et receu de Françoise Tessard veufve dudit défunt Chevallier vendeur audit contrat, absente, et de ses deniers par les mains de Me Briand Guybelais notaire demeurant à Combrée à ce présent et acceptant la somme de 320 livres tz en monnaie ayant cours pour la rescousse et réméré des choses vendues par ledit contrat dont ledit Pouriatz s’est tenu contant bien payé et en quitte ledit Tessard, de laquelle il a présentement reçu par les mains dudit notaire la somme de 16 livres 4 sols pour la ferme et jouissance desdites choses vendues à compter du 8 avril dernier jusques huy, l’en quitte présentement sont et demeurent lesdites choses vendues bien et duement rescoussées et rémérées par ledit contrat
fait à Angers en notre tablier présents Pierre Hardy et François Martin clerc tesmoins

Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet Merci d’en discuter sur ce blog et non aller en discuter dans mon dos sur un forum ou autre blog.

7 réponses sur “Vente puis réméré de la maison de la Corne de Cerf, Angers, 1617

  1. Bonjour,
    Il fait avouer que les commentaires sur le réméré sont assez difficiles à obtenir. Et grande est ma surprise de constater que cette pratique date d’aussi longtemps. Dans mon pays, le réméré s’utilise curieusement comme une sûreté par les institutions de micro finance au même titre que l’hypothèque. J’ai oui dire d’ailleurs qu’à la base le réméré était une facilité donnée aux personnes mineures bénéficiant d’un fonds de commerce d’en donner usage à des tiers pour leur compte le temps qu’il aient la capacité d’exercice.Je saurai gré à toute personne de me confirmer cette information. Ce sujet assez passionnant m’attire et j’aimerai faire des travaux de recherche dessus . Toute aide me sera précieuse en terme de références bibliographiques sur la question.
    Cordialement.
    Note d’Odile : L’usage était fréquent, au moins dans les Provinces d’Anjou et de Bretagne (que je connais un peu, et nous étions alors en état de droit coutumier par province) et les ouvrages de droit anciens, consultables aux Archives Départementales du Maine-et-Loire pour l’Anjou, de Loire-Atlantique pour la Bretagne, vous expliciteraient les modes de fonctionnement du réméré avant la Révolution. La liste de leurs ouvrages sont en ligne, et il suffit de tapper DROIT pour avoir la liste des ouvrages pertinents de ces Archives sur leurs sites respectifs.
    Par ailleurs le Dictionnaire de l’Ancien Régime, de Lucien Bély, PUF, 1996, ne l’aborde pas dans sa table des matières.
    Même chose pour le Dictionnaire de la culture juridique de Denis Alland, PUF, 2003
    et ce sont les seuls ouvrage que je possède
    Enfin, j’ai déjà consulté des ouvrages anciens de droit sur GALLICA et comme ils ont un moteur de recherche par mot il est possible qu’ils répondent
    Désolée de ne pouvoir plus pour vous renseigner, mais je ne suis pas juriste, et seulement passionnée de textes anciens illustrant les modes de vie de nos ancêtres
    Cordialement

  2. Dans le sud, cette pratique s’appelle aussi « vente à pacte de rachat » (vu au moins au XVIIIe s.), mais je ne connais pas son fonctionnement exact

  3. Sur Gallica, le moteur de recherche au mot remeré donne 24 ouvrages parmis lesquels le Code civil (édition de 1804) et voici les articles du Code Civile s’y rapportant :

    de la faculté de rachat.

    1659. La faculté de rachat ou de réméré est un pacte par lequel le vendeur se réserve de reprendre la chose vendue, moyennant la restitution du prix principal, et le remboursement dont il est parlé à l’article 1673.
    1660. La faculté de rachat ne peut être stipulée pour un terme excédant cinq années. Si elle a été stipulée pour un terme plus long, elle est réduite à ce terme.
    1661. Le terme fixé est de rigueur, et ne peut être prolongé par le juge.
    1662. Faute par le vendeur d’ avoir exercé son action de réméré dans le terme prescrit, l’ acquéreur demeure propriétaire irrévocable.
    1663. Le délai court contre toutes personnes, même contre le mineur, sauf, s’ il y a lieu, le recours contre qui de droit.
    1664. Le vendeur à pacte de rachat peut exercer son action contre un second acquéreur, quand même la faculté de réméré n’aurait pas été déclarée dans le second contrat.
    1665. L’acquéreur à pacte de rachat exerce tous les droits de son vendeur ; il peut prescrire tant contre le véritable maître que contre ceux qui prétendraient des droits ou hypothèques sur la
    chose vendue.
    1666. Il peut opposer le bénéfice de la discussion aux créanciers de son vendeur.
    1667. Si l’acquéreur à pacte de réméré d’une partie indivise d’ un héritage, s’est rendu adjudicataire de la totalité sur une licitation provoquée contre lui, il peut obliger le vendeur à retirer le tout
    lorsque celui-ci veut user du pacte.
    1668. Si plusieurs ont vendu conjointement et par un seul contrat un héritage commun entre eux, chacun ne peut exercer l’ action en réméré que pour la part qu’ il y avait.
    1669. Il en est de même, si celui qui a vendu seul un héritage a laissé plusieurs héritiers. Chacun de ces cohéritiers ne peut user de la faculté de rachat que pour la part qu’ il prend dans la succession.
    1670. Mais, dans le cas des deux articles précédens, l’acquéreur peut exiger que tous les covendeurs ou tous les cohéritiers soient mis en cause, afin de se concilier entre eux pour la reprise de l’héritage
    entier ; et, s’ils ne se concilient pas, il sera renvoyé de la demande.
    1671. Si la vente d’ un héritage appartenant à plusieurs n’a pas été faite conjointement et de tout l’héritage ensemble, et que chacun n’ait vendu que la part qu’il y avait, ils peuvent exercer séparément l’ action en réméré sur la portion qui leur appartenait ; et l’acquéreur ne peut forcer celui qui l’exercera de cette manière, à retirer le tout.
    1672. Si l’ acquéreur a laissé plusieurs héritiers, l’action en réméré ne peut être exercée contre chacun d’ eux que pour sa part, dans le cas où elle est encore indivise, et dans celui où la chose vendue a été partagée entre eux. Mais s’ il y a eu partage de l’hérédité, et que la chose vendue soit échue au lot de l’un des héritiers, l’action en réméré peut être intentée contre lui pour le tout.
    1673. Le vendeur qui use du pacte de rachat, doit rembourser non-seulement le prix principal, mais encore les frais et loyaux coûts de la vente, les réparations nécessaires, et celles qui ont augmenté la valeur du fonds, jusqu’ à concurrence de cette augmentation. Il ne peut entrer en possession qu’ après avoir satisfait à totes ces obligations.
    Lorsque le vendeur rentre dans son héritage par l’effet du pacte de rachat, il le reprend exempt de toutes les charges et hypothèques dont l’acquéreur l’aurait grevé : il est tenu d’ exécuter les baux faits sans fraude par l’acquéreur.

  4. Le prix des grains a augmenté fortement à partir du milieu du XVIe,les propriétaires dont les revenus n’étaient pas indexés sur ceux-ci vendaient « à grâce ou à réméré » leurs propriétés aux chanoines car l’Eglise autorisait ce type de vente, comme certains ne pouvait rembourser, les chapitres se sont enrichis à cette période, notamment celui de St Pierre la Cour et celui de la Cathédrale(Histoire du Mans et du pays manceau Ed Privat)

  5. voir définitions dans le lexique historique du Moyen Age de René Fédou chez Armand Colin.
    Rente constituée est sans obligation de rembourser le capital, le prêteur se constitue une rente annuelle ; puis apparition au XVe s. de la « faculté de rachat » ; le quémandeur peut se libérer en remboursant le capital.
    On trouve le terme de « censal » en Roussillon…
    Bonne quête…

  6. Bonjour Justafré,
    Je ne pense pas que réméré (vente à pacte de rachat) et rente constituée (censal) soit la même chose :
    – La vente à pacte de rachat/réméré implique un bien (on vent un bien avec la faculté de le racheter à l’avenir, mais sans aucun paiement annuel)
    – La rente constituée est un prêt d’argent avec paiement d’une somme annuelle (cens) avant remboursement intégral de la somme prêtée.

  7. Bonjour,

    Nous sommes une équipe spécialisée – Credixis – dans les opérations de vente à réméré et disposons d’une réelle expertise dans ce domaine.
    Ces opérations sont tout à fait opportunes en présence d’une typologie de clientèle n’ayant pas accès au rachat de crédits.
    Vous pouvez nous retrouver sur notre site internet pour en savoir davantage
    Cordialement
    Note d’Odile : j’ai supprimé le lien volontairement car mon blog n’est pas fait pour la pub, mais j’ai conservé ce commentaire pour l’histoire du réméré.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *