NANTES LA BRUME, Ludovic GARNICA DE LA CRUZ, Paris, 1905, CHAPITRE I : LE BROUILLARD.

Ludovic Garnica de la Cruz. Nantes la brume. 1905. Numérisation Odile Halbert, 2008 – Reproduction interdite.

Le train de Bretagne reptilait par la Fosse ses anneaux enlacés d’une lourde pelisse de brouillard. Sur les glaces des portières un éventail de buée grise s’était collé. Au travers, la roulerie monotone des roues contre les rails se mêlait au grouillement des travailleurs sur les quais liserés de navires. On ne voyait rien, mais on devinait proche – à cette heure de l’après-midi – tout un monde en activité de débardeurs culbutant les sacs, roulant les barriques, une vie intensive au chant des grues et des poulies cependant que des commandements brefs giclaient comme des coups assourdis d’horloges battant le temps.
Après une halte rapide à la minuscule gare de la Bourse – hangar coquet au centre de la difficile traversée de la Ville – le train reprit à gros souffles sa lente pérégrination. La locomotive sous sa couverture jaune ruisselante crevait du poitrail la muraille brumeuse ; à chaque effort elle lançait un jet d’écume gluante comme une poitrinaire qui râle une vieille agonie. Les interminables bar-rières des passages à niveau battaient à ses côtés des gammes ferraillardes au nez placide des chevaux, aux jurons des cochers qui attendaient la masse noire se glisser derrière un opaque rideau.
La gare d’Orléans – illuminée comme une fée électrique – s’élargit, mettant un point d’or dans l’ensemble terreux. De toute la force de ses poumons la locomotive siffla un hennissement sonore, piaffa son bruyant orgueil sur les voies enchevêtrées, scabreuse et raide sons l’immense hall vitré, puis s’immobilisa les freins cerclés aux jambes.
Parmi l’inextricable brouhaha des employés hurleurs et des voyageurs bousculés René de Lorcin se pressait vers la sortie. Dans la cour il héla un fiacre, fit charger ses malles.
Chez-lui ! rue Saint-Pierre.
Sur les coussins de la voiture il se reposa une main sous le menton, paressant d’un geste familier sa barbe naissante, dans la moiteur de son respir qu’il regardait voluter indifférent.
Quelques minutes à peine la voiture s’arrêta. Le cocher ouvrit la portière à l’entrée d’une vaste maison. Sous le porche se tenait une bonne femme en coiffe.

  • C’est vous, monsieur de Lorcin. Par quel fichu temps, mon Dieu ! Vous allez bien ?
  • Bonjour, madame. Demeux, me chambre est elle prête ?
  • Je vais vous conduire, monsieur. Vous prendrez ensuite une tasse de chocolat bien chaud que je vous ai préparée. Le froid arrive, monsieur, les rhumes avec.
  • Un quart d’heure plus tard René de Lorcin sirotait l’excellente tasse de chocolat chez son aimable propriétaire. Celle-ci assise dans un vieux fauteuil de cuir démodé regardait son hôte avec curiosité.

  • Vous arrivez de Brest, monsieur, demanda-t-elle, attirant son chat sur ses genoux et frappant d’un geste machinal le coin gauche de son tablier pour en chasser une imaginaire poussière.
  • Directement. J’en suis parti ce matin.
  • Soudain le chat ronronna plus fort. Dressé sur queue droite comme une asperge, il tournait au sommet du genou de sa maîtresse. Ses narines gonflées humaient les ondes aériennes saturées du délicieux fumet du chocolat.

  • Vous habitiez Nantes autrefois m’avez-vous dit dans votre lettre ? Avec vos parents sans doute ?
  • J’ai toujours habité Nantes depuis ma naissance avec ma famille. Je n’ai quitté cette ville que momentanément jusqu’à ma majorité après la mort rapide de mes parents pour aller à Brest chez un oncle.
  • René but une gorgée. Cette fois le chat n’y tint plus. Il quitta son poste favori et commença un multitudineux frottage aux jambes de l’inconnu.

  • Ah ! vous êtes Nantais !
  • Nantais de naissance, nantais de culture, ma bonne dame. Mes parents avaient une propriété dans les Dervallières. Une gentille maisonnette en briques rouges avec un jardin drapé de larges pelouses vertes où couraient d’innombrables poulets, pigeons, canards, pintades et autres volatiles. Ma mère affectionnait beaucoup ce petit monde. Puis un jour on apporta mon père mort d’un accident de voiture et ma mère ne tarda pas à le suivre. Oh C’est de l’histoire banale !
  • Pauvre monsieur, c’est dur tout de même de perdre son père et sa mère si jeune, en si peu de temps !… Alors vous restez à Nantes définitivement ?
  • Je n’en sais rien encore. Je m’ennuyais profondément à Brest. Tous mes souvenirs étaient ici. J’ai voulu revenir terminer mes études de droit. Là-bas, c’était une tristesse froide et maladive qui me cerclait le coeur. A Nantes, ma tristesse sera peuplée d’accoutumances surannées. Il n’est pas un pavé qui ne me soit un compagnon, un bavard de mon existence journalière.
  • Ah, Monsieur, vous avez bien raison. Nantes n’est pas une jolie ville. C’est boueux et sale pour sûr. Mais quand on est né à Nantes, on aime sa ville comme elle est. Moi, j’ai soixante ans passés de la Mi-Août, eh bien ! je serais malade de penser que je ne mourrais pas ici où est mort mon défunt mari.
  • Oui, d’un côté comme de l’autre, on peut aimer sa ville natale.
  • Et sur cette énigmatique réflexion René achevant sa tasse se leva pour sortir.
    Le chat n’avait cessé de sillonner contre les barreaux de la chaise. L’extrême pointe de sa queue virotait à coups secs.

  • Viendrez-vous dîner ce soir, monsieur René ? Volontiers, madame. A quelle heure ?
  • Comme vous voudrez. Sept heures. Nous causerons. Je suis bavarde, mais prête à vous rendre service, si vous avez besoin d’un coup de main pour défaire vos malles ?
  • Merci Merci ! vous êtes trop bonne.
  • Le coucou sortit sa tête du ciboire antique appelé horloge, hullula cinq fois, alors que sans bruit le minet profitant de l’inattention grimpait sur la table et lappait sournoisement le reste du chocolat.

    On était à l’orée du mois de Novembre. La lumière frileuse des jours — masquée déjà par le blocus du brouillard – avait fui au fond de ses boudoirs inexpugnables.
    René, le col du pardessus relevé, les mains dans les poches, descendit la Grande Rue, se dirigeant machinalement vers le centre de la ville. Crébillonner, suivant l’ancestre coutume des Nantais, c’est-à-dire monter et descendre cinq ou six fois vers cinq heures la plus belle rue semée de lumières comme une courtisane violemment fêtée.
    Les mailles de la brume se resserraient en se rapprochant du sol. On aurait dit traverser de la gelée compacte qui avait des baisers glacials de cadavres. Les globes élebtrics semblaient des figures bouffies d’anges tels qu’on en voit dans les églises aux jours de fêtes resplendis de l’éclat myriadaire des cierges environnant. Encombrées de jouets fantaisistes les devantures des bazars riaient des grimaces burlesques et bariolées, alors que celles des chapeliers et des drapiers pleu-raient des vers luisants dans des fossés de moires. De vaniteux reflets giclaient jusque sur le trottoir du coeur des bijoux et des colliers forçant les papillons humains à s’arrêter dans leur hémistiche tentateur, et les vendeurs de journaux s’égosilaient ; là bouche pleine de vapeurs râclait des fonds de gorges encrassées. Avec leurs veilleuses blanchies en leur puits d’ombre, au petit trot de leurs rosse apeurées, les fiacres craquaient sourdement des déchirures de bois pourri. Les coups de fouet cassaient l’ai comme une mare gluante d’un son épais. Plus puissants les automobiles dévidaient un roulement brutal et rageur d’être maintenus. Le museau – ras du sol – avec leurs gros yeux ronds giclés des orbites ils coupaient la route condensée, secouaient des lambeaux furieux sur leurs flancs d’acier ; leurs beuglements gutturaux tourbillonnaient les poussières qui barraient la voie, affolaient la continuelle descente de ces flots entassés ainsi que d’innombrables et minuscules moutons blêmes.
    Un tohu-bohu de conversations fluctuait. L’habitude : Nantes, au, travers le parcours des époques, lisse ses longs cheveux de brumes du même geste familier. Ses regards enfouis sous des voiles ténus de pluies – la pluie liseuse monotone de ses ennuis, infirmière cantale de ses chevets ! — mirent perpétuellement les pensers les plus simples et les identiques plus enracinés. Elle somnole bercée dans sa chevelure comme en un hamac persévérant de rêves vieillots. Son âme ressemble à ces papiers de soie mouillés. N’y touchez qu’avec des doigts coutumiers ! Son àme ne sait que la chanson des réminiscences qu’elle s’est lentement assimilées. Contez-lui la même histoire, elle vous écoutera. Chantez-lui la même rengaine, elle s’endormira futilement heureuse. Un rythme nouveau la ferait pleurer de douleur ou hurler de frayeur.
    Ah ! la grise paresseuse de l’Ouest. Elle vieillit comme la statue de ses promenades, passive entre le souffle du temps transformant ses bijoux, donnant diverses couleurs à sa robe flottante, sans la migraine des imprévus, sans effort de foi ou de vaillance, de regret ou d’espoir, parce qu’il emploie les siècles à son oeuvre novatrice — insensiblement.

    le train à Nantes
    le train à Nantes

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    Ludovic Garnica de la Cruz. Nantes la brume. 1905. Numérisation Odile Halbert, 2008 – Reproduction interdite.

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    Cardeur de laine : paillasse et matelas

    Le matelas était fort rare autrefois et nos ancêtres dormaient sur la paille,

    c’est ce qui ressort des inventaires après décès. J’y trouve le plus souvent le terme paillasse.

    De nos jours, le matelas sort d’une grande surface, c’est bien connu, d’ailleurs c’est là qu’on trouve tout… et on ne sait plus rien des sources et fabricants. Mais, qu’il soit à ressort, de mousse synthérique, ou de laine, le matelas est maintenant répandu. L’artisan qui les fabriquait ayant disparu, c’est le tapissier qui de nos jours refait ces matelas de laine, alors qu’autrefois le tapissier ne faisait que les fauteuils garnis.

    Autrefois, la majorité de nos ancêtres dormait sur une paillasse, car c’est l’unique garniture que j’ai rencontrée dans la majorité des charlits dans les inventaires après décès que j’ai dépouillés. Comme son nom laisse à penser, elle était de paille, tandis que le matelas était de laine, crin et bourre. Voici les deux définitions selon le Dictionnaire de L’Académie française, 4th Edition,1762.

    PAILLASSE. s.f. Amas de paille enfermé dans de la toile, pour servir à un lit.
    MATELAS. s.m. Une des principales pièces de la garniture d’un lit, couverte de futaine, remplie de laine, de bourre ou de crin, & piquée d’espace

    Mais quel artisan fabriquait donc ces matelas de laine si rares ?
    C’est le contrat d’apprentissage de cardeur peigneur de laine, qui m’a fait comprendre quel artisan fabriquait autrefois le matelas. Eh oui, malgré tout ce que j’ai déjà fouillé, je découvre chaque jour encore des détails sur les modes de vie, et c’est fabuleux, car c’est chaque fois une joie de comprendre comment cela se passait alors.

    Donc, j’ai mis en ligne un contrat d’apprentissage de cardeur peigneur de laine. Comme il s’agissait de laine, je l’ai mis sur ma page des foulons, qui eux aussi travaillent la laine pour le drap de laine.

    Le maître, Jean Guyon, marchand cardeur peigneur de laine installé à Angers la Trinité, devra entre autres, montrer à faire les matelas quand il en fera. Notez qu’il est installé à Angers, où on livre plus souvent des matelas qu’en campagne. Pourtant la phrase laisse à penser qu’il n’en faisait pas tous les jours.
    La formation durant 3 ans, j’avais trouvé d’abord qu’elle était bien longue pour quelqu’un qui peigne la laine sur des cardes (grands peignes). L’Encyclopédie Diderot est formelle, il s’agit d’une corporation réglementée :

    Par ces statuts & réglemens, les maîtres de cette communauté sont qualifiés Cardeurs, Peigneurs, Arçonneurs de laine & coton, Drapiers drapans, Coupeurs de poil, Fileurs de lumignons. Aucun ne peut être reçû maître qu’après trois ans d’apprentissage, & un de compagnonage… Outre le pouvoir attribué aux maîtres Cardeurs de Paris, de carder & peigner la laine ou le coton, de couper toute sorte de poil, de faire des draps, &c. ils ont encore, suivant les mêmes statuts, celui de faire teindre ou de teindre dans leurs maisons toute sorte de laine, en noir, musc, & brun…

    Certes, ceci est le règlement de Paris, et date des années 1691, alors que le contrat d’apprentissage angevin date de 1681. Quoiqu’il en soit, en y regardant de plus près, le métier de cardeur s’avère bien plus spécialité qu’un vulgaire peigneur, et j’y vois là un artisan ayant un réel savoir faire.
    Comme quoi un terme peut en dire plus qu’au premier abord, et je dois beaucoup à ces contrats d’apprentissage, car ils me permettent de mieux situer certains métiers dans leurs compétences… oubliées…
    Ceci dit on dort fort bien sur la paille, j’ai connu. Un été, lorsque j’étais jeune, j’étais en camp en Haute-Savoie dans une étable : on nous avait fait remplir une poche de paille, avant de nous allongés sur les pavés de l’étable. C’était très confortable (enfin pour un jeune), et l’odeur pure nature. A vivre une fois absoluement !

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    Jean Martin, d’Ancenis, soldat de milice pour Montreuil-sur-Maine, en 1701

    « mis au chapeau ». Retenez bien l’expression, car il illustre un faux tirage au sort, que voici :

    Le 20 novembre 1688, (c’est alors la guerre de la Ligue d’Augsbourg) les intendants reçoivent l’ordre de lever dans chaque paroisse, en fonction de sa contribution à la taille, des célibataires de 20 à 40 ans. La population rurale va être très affectée par cette mesure.
    Le soldat de milice, ou « milicien » est équipé et soldé par sa paroisse.
    Le tirage au sort fut institué le 23 décembre 1692. Des garçons se précipitaient dans le mariage tandis que d’autres se mutilaient.
    Je lis dans le Dictionnaire de l’Ancien Régime de Lucien Bély (PUF, 1996, p.831) que pour être exempté il fallait mesurer moins de 5 pieds. Le pied de roi ou pied de Paris fait 32,483 cm, ce qui donnerait 162,4 cm. Cela me semble bien grand car du temps où je relevais des rôles d’incorporation début 19e siècle, les garçons de moins de 150 cm n’étaient pas rares du tout ! Je reste donc sur un grand point d’interrogation !
    On pouvait aussi être exempté pour raison familiale (fils unique), sociale (domestique de noble ou d’ecclésiastique) et économique (manufactures royales).
    Les familles des garçons se cotisaient pour engager un volontaire à leur place. Celui-ci remplaçait un milicien désigné.

    A Montreuil-sur-Maine (49), en 1689, lors du tirage au sort tout nouveau (sans doute même le premier, voyez ci-dessus), un incident éclate : celui qui a tiré le billet noir refuse de partir. Cet incident a dû marquer profondément la paroisse, car si je ne dispose pas de la suite de cet incident, tout laisse à penser qu’il y eut des poursuites, puisque le garçon devenait de fait un déserteur. Cet incident explique ce qui va suivre.

    En 1701, le volontaire de Montreuil-sur-Maine est listé dans le rôle avec les garçons qui sont appelés à tirer, et on s’est alors arrangé pour que ce soit lui qui tire le billet noir. Il vient d’Ancenis. La paroisse, unanime, s’est organisée pour un simulacre de tirage au sort, qui désignera le volontaire qu’elle a engagé. Bel exemple de détournement de la loi !

    A Montreuil, chaque garçon de Montreuil a versé la même somme, sans distinction de fortune, pour payer le volontaire engagé par la paroisse, représenté par les membres de la fabrique. Cette somme est de 3 L par graçon, et elle est élevée pour une famille pauvre.
    Ce procédé de substitution (absence de tirage au sort réellement effectué, et paiement d’un volontaire de remplacement) sera interdit le 12 novembre 1733. Il est connu sous le nom de « mettre au chapeau », sans doute par allusion au chapeau dans lequel étaient mis les billets pour tirer au sort ?
    A ce propos, je n’ai pas bien compris comment un billet noir parmi des billets blancs pouvait être tiré au sort dans un chapeau. Avez vous une idée ?

    Le document notarial du contrat d’engagement de Jean Martin pour la paroisse de Montreuil sur Maine en 1701 conserve plusieurs pièces intéressantes.

    Outre le contrat proprement dit signé devant notaire par Jean Martin, la petite liasse donne le rôle des garçons de Montreuil-sur-Maine, qui est en fait un décompte village par village du nombre de garçons devant tirer au sort, et pami ceux-ci on a ajouté le volontaire, Jean Martin. Cette liste n’est pas nominative (ou très peu) mais recense en fait les célibataires tombant sous le coup de la loi et devant tirer au sort. Elle m’apparaît comme un document important sur le plan social, car la plupart de ces garçons sont des serviteurs d’un métayer ou closier. La lecture de ce document semble montrer que ces garçons auraient eu un peu plus de mal à se marier que les autres.

    On a aussi la liste des garçons ayant payé, inscrits soit avec leur nom soit avec le lieu. Il faut dire qu’autrefois les personnes étaient souvent désignées par le lieu où elles demeuraient.
    On voit que la somme est identique pour chacun d’entre eux, et se monte à 3 livres. Bien entendu cette liste donne les mêmes que la liste précédente, mais rédigée d’une manière nominative totalement différente. Il semble qu’elle ait été faite après la fausse cérémonie du faux tirage au sort, lorsque tous les garçons furent d’accord pour payer à part égale le volontaire.

    On dispose aussi dans cette mini-liasse, d’un document fort intéressant qui est le compte du notaire pour ses frais. Il est fort rare de trouver des frais de notaire. Tout comme les frais de notaire actuels, ils se composent en 1701 du papier timbré et des frais propres au notaire. Donc, on apprend que pour avoir fait ce travail de greffier et notaire, il prend 3 livres qui lui reviendront net.
    Un tel document, même s’il donne peu de chiffres, est rarissime, et je signale donc sur ma page notaires, déjà fort riche, son existence.

    Ce compte nous apprend par ailleurs que 2 archers de la maréchaussée d’Angers sont venus apporter à Montreuil l’ordre de de départ, et ils ont facturé ce déplacement 3 L, que 2 membres de la fabrique ont conduit Jean Martin à Angers et ce déplacement est facturé 6 L 15 s

    Je considère personnellement que cette ponction sur les paroisses étaient un impôt, et j’ai donc mis sur ma page impôts, les anecdotes diverses que j’ai déjà sur ces soldats de milice.

    Bonne journée. Les apothicaires d’Angers en 1559 arrivent…

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    Carême : Allez chez le poissonnier !

    Voici, extrait du Rituel (de Nantes, 1776), les deux sermons d’antan

    en commençant par celui de la Quinquagésime (qui était il y a 8 jours) :

    … Le Jeûne du Carême commence le jour des Cendres, et il a été institué pour nous porter à suivre l’expemple de Jesus-Christ, qui jeûna quarante jours ; et pour nous disposer à la grande Fête de Pâques. Faisons-nous un devoir d’observer une pratique si religieuse, et établie pour des motifs si graves.
    Tous ceux qui ont vingt et un ans accomplis, sont obligés de jeûner, excepté les malades et les convalescents, les femmes enceintes, les nourrices, les personnes que l’âge rend faibles et caduques, ou qui sont employées à des ouvrages fort pénibles, et généralement tous ceux qui ne peuvent faire une longue abstinence sans un péril évident de leur santé. Mais il prendre garde de se flatter sois-même, Dieu est le juge des consciences. Ceux qui demandent permission, pour manger de la viande sans nécessité, n’en pêchent pas moins, parce qu’ils violent le précepte de l’Eglise…

    le premier Dimanche de Carême (qui était hier) :

    Nous sommes entrés, mes Frères, dans le temps de la pénitence. Nous vous avons expliqué Dimanche dernier l’étendue de la loi du jeûne, et nous nous persuadons que l’Eglise trouvera en vous des enfants dociles à ses Commandements ; mais faîtes attention que le jeûne du corps ne suffirait pas sans celui de l’esprit ; et ce jeûne spiritual consiste à éviter le pêché, à mortifier ses passions, et à se priver des plaisirs permis, ou du moins à en user plus sobrement. C’est pourquoi, ne le séparez point de l’autre ; et même pratiquez le avec plus d’exactitude ; puisque le fruit et le mérite du premier en dépend ; et que sans cela Dieu ne le saurait agréer.
    Marcredi, Vendredi et Samedi prochain, sont les Quatre Temps ; le jeûne qu’on y doit observer, et qui concourt, avec celui du Carême, a été institué par l’Eglise…
    Nous sommes envore obligés de vous avertir aujourd’hui, que tous les Fidèles doivent se confesser au moins une fois l’an, à leur Curé, ou a un autre prêtre commis et approuvé à cet effet et communier en leur paroisse à Pâques, pour obéir aux ordres de l’Eglise. Le temps de la Communion Paschale commencera le Dimanche des Rameaux, et finira le Dimanche de Quasimodo inclusivement.
    Nous vous exhortons, mes chers Frères, à ne pas attendre la quinzaine de Pâques, pour vous acquitter du précepte de la Confession annuelle ; puisque dans un intervalle si court, et partagé par de longs Offices, nous ne pourrions que très difficilement donner à chacun de vous le temps nécessaire pour une oeuvre si importante. Quelques-uns se présenteront peut-être à nous dans des était d’habitude mortelles, ou manquant d’ailleurs de dispositions nécessaires, et pour lors nous serions obligés de différer leur absolution et leur communion au delà du temps Paschal. Le moyen le plus sûr pour éviter ce délai, qui les empêcherait de sanctifier la grande Fête de Pâques par la participation du corps et du sang de Jesus-Christ, c’est de se confesser au plutôt, afin que nous ne soyons pas obligés de les renvoyer après la quinzaine. Cette carrière de pénitence, est très propre à la discussion des consciences. Pour nous, mes chers Frères, nous serons toujours disposés à vous donner tous les secours qui dépendront de notre ministère.

    Autrefois, on ne mangeait pas de viande pendant le carême, sauf un exception sur laquelle je reviendrai. J’ai rencontré, dans les actes notariés, plusieurs marchés de poissonniers avec le propriétaire d’un étang, pour vider l’étang pendant le carême. Je suis désolée, ils sont tous poissonniers à Angers, et j’ignore comment on procédait dans les plus petites villes. Mais, allez en voir, ils illustrent le type de poisson pêché, les dimensions et les prix payés au propriétaire de l’étang, généralement un seigneur ou son « fermier ».
    Dans tous les contrats c’est le poissonnier (un ou plusieurs) qui vide l’étang, et récupère le poisson sous l’oeil attentif du représentant du propriétaire, lors du décompte, par taille et type de poisson. Naturellement, celui-ci choisit quelques poissons, qui lui reviennent de droit.
    Et dans les ports, fleurissaient des métiers tout à fait spécialisés, ainsi, à Nantes le Compteur de morues.

    Certes, la viande était rare, voire très rare, chez beaucoup autrefois, en particulier le boeuf. En outre, la ration énergétique quotidienne était bien plus basse que de nos jours, alors que le travail physique était plus important souvent (c’est pourquoi nous sommes devenus plus gras… enfin, généralement). Je suis donc toujours en admiration devant de telles privations… qui de nos jours feraient du bien à beaucoup… à commencer par moi… et plairaient à tous les nutrionnistes de 2008 !

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    Faux-sauniers, attention, la brigade arrive ! jettez vite le sel à l’eau !

    C’est ainsi qu’on procédait autrefois à l’approche des gabeloux. Certaines émissions à la télé tendent à montrer qu’on procède encore de même de nos jours, mais avec d’autres poudres, et sur mer !
    Ce billet fait suite à celui d’hier, donc nous sommes sur la Maine, magnifique rivière qui montait d’Angers vers la Normandie via Château-Gontier autrefois.

  • Voyez la carte ancienne des paroisses d’Anjou, le trait en gras est la rivière. Vous y retrouvez toutes les paroisses bordant la rivière, et qui relevaient donc de la juridiction du grenier à sel de Château-Gontier.
  • Je n’ose redire ici qu’autrefois les rivières étaient des autoroutes commerciales importantes, mais notre environnement moderne fait oublier tant de choses, que j’ose.

    Voici donc la brigade. Enfin, la brigade presque au complet, dans l’étude du Grenier à sel de Château-Gontier. Si les officiers sont issus de la bourgeoisie locale, les gardes ne sont jamais du village à surveiller, et ils ont fait quelques dizaines de km. J’ai même vu un Nantais garde en Haut-Anjou, au nom bien Nantais : Couillaud.
    La généalogie de ces gardes est souvent difficile de ce fait, d’ailleurs celle des voituriers sur eau et autres bateliers est aussi souvent difficile, j’en sais quelque chose sur la Loire, et ce sur toute sa longueur. On n’hésitait pas, né à Nantes, à se marier à Orléans (c’est ainsi qu’à fait mon ancêtre Porcher né à Pirmil et il n’était surtout pas dans un métier de l’eau).

    Je souhaite donc bon courage à ceux qui sont en panne sur un garde de la gabelle.

    Voici les noms des gardes, relevés aux Archives de la Mayenne, concernant Montreuil sur Maine :

      1730, René Messager, de Château-du-Loir ; garde à Montreuil.
      1731, Pierre Marsollier, de Chérancé ; garde à Montreuil.
      1731, François Vidy, de Saint Loup du Gast ; garde à Montreuil.
      1733, Gilles Foustier, de Niafle ; garde à Montreuil.
      1738, Louis Le Roger, de Laval ; garde au Rideau de Montreuil.
      1738, François Adam, de Laval ; garde au Rideau de Montreuil.
      1748, Jean Hubert ; garde aux Noyers en Montreuil.

    Rien à l’article Noyers, ni à celui Rideau dans Célestin Port, pas plus qu’hier à l’article Montreuil sur Maine. Le Rideau est situé sur les bords de la Mayenne, à 1 km au N du bourg, et sur la rive opposée. Effectivement, il n’y avait pas de village avec maisons pour les femmes des gardes, seulement surement un poste de garde.
    Les femmes, demeurant au bourg de Montreuil étaient-elles bien accueillies par la population ? j’ai des doutes depuis hier, et je suppose qu’elles avaient la vie peu facile. Heureusement qu’elles étaient entre elles… ce qui était sans doute une maigre consolation. Je me sens beaucoup de tendresse pour elles depuis que j’ai trouvé hier cette petite phrase sur elles au bourg. Même si je n’en ai pas dans mes ancêtres, je suppose qu’elles n’ont pas eu la vie facile puisque leurs époux étaient honnis de la population, et qu’en outre, comme dit hier, leur exemption d’impôts, est une autre source de mécontement de cette population…

    Bonne journée, les apothicaires d’Angers en 1559 arrivent…

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    Exemptés d’impôts à Montreuil-sur-Maine, 1691

    la plupart des maisons du bourg sont occupées par les femmes des gardes du sel, qui ne sont aucunement taxées, ce qui porte un notable préjudice

    Ceci est extrait du PV dressé devant notaire, à la demande du procureur de la fabrique de Montreuil-sur-Maine (Maine-et-Loire), le 31 août 1691.
    Ce PV obéit à l’ordonnance de sa Majesté portant qu’il sera fait procès verbal en chaque paroisse des pertes et ruines arrivées depuis l’année dernière. Le procureur de fabrique, René Riveron, déclare :

  • en premier lieu que les nommés Brart et Poitrin ont sorti de ladite paroisse pour aller demeurer en celle du Lion d’Angers, qui étaient taxés environ 20 L tant au sel qu’à la taille,
  • qu’il y a la métairie de la Censive désertée et abondonnée où il y avait 60 L tant pour la grand taille que l’ustencile, et 11 mesures de sel, (je crois savoir que cette année là, Georges Bouvet étant décédé, la succession n’est pas réglée entre les héritiers, mais je ne soupçonnais pas que cela puisse engendrer des pertes de récolte)
  • que la plupart des maisons du bourg sont occupées par les femmes des gardes du sel, qui ne sont aucunement taxées, ce qui porte un notable préjudice
  • et que les fruits des arbres sont en très petite quantité n’en ayant qu’en très peu d’endroits, ce qui faisait une bonne partie pour aider à payer les tailles
  • Célestin Port (Dictionnaire Historique du Maine-et-Loire) est muet sur le poste de gabelle à l’article MONTREUIL SUR MAINE, et la phrase du PV peut s’entendre comme un poste qui n’est pas au bourg. Les femmes ne vivent pas au poste mais au bourg, et recevraient leur mari de temps à autre ? Du moins c’est ce que je comprends, et vous ?
    Je n’avais envisagé le mode de vie des épouses, et ce tout petit PV est une aubaine, qui nous rend ce petit morceau d’histoire de la gabelle.

    J’ai déjà dépouillé deux rôles pour Montreuil (le sel, l’ustencile), et j’ai été frappée par l’absence du bourg. Voici donc l’explication. Les gabelous (et leurs épouses) sont exonérés d’impôt, sans doute en temps que militaires, car autrefois les métiers à risque de sang étaient exonérés. Ainsi des nobles…

    C’est Françoise de Person, dans son ouvrage Bateliers, contrebandiers du sel 17e-18e siècles, Rennes, 1999, qui m’a fait comprendre la vie des brigades volantes sur Loire, et le trafic important de la rivière autrefois pour la contrebande aussi. A lire absoluement par tous ceux qui descendent d’un garde du sel sur eau.
    La Maine possédait ses brigades de gabelle, et les épouses étaient bien au chaud au bourg de Montreuil, les hommes le plus souvent sur l’eau : brigade volante.

    Je n’oublie pas la liste des apothicaires en 1559 à Angers, elle arrive. Vos pronostics sont parfaits, ils sont un peu plus de 25.

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