Prix de construction d’une charpente neuve, Mozé, 1683

Ma grand’mère, née en 1886, disait qu’elle avait traversé une époque remarquable :

elle avait connu l’arrivée de l’eau courante et potable, l’électricité, le train et l’automobile.

Dans les années 70, lors de mes longues traversées nantaises en autobus, il m’est arrivé de saisir au vol des conversations, dont celle de ces 2 femmes, parlant des jeunes. Elles avaient l’âge de ma mère, c’est à dire nées dans les années 1910. Elles devisaient sur tout ce qui avait tellement changé que les jeunes (des années 70) avaient la vie facile et en particulier tout oublié du mode de vie qu’elles avaient connu :

elles citaient leur jeunesse sans eau, sans toilettes autres que dans le jardin etc…

J’ai personnellement vécu 1 an sans chauffage, ni eau courante : étudiante je louais une chambre haute dans un manoir du 15e siècle, et je montais tous les soirs mon broc plein et mon seau hygiénique vide, puis j’ai vécu encore 3 ans sans chauffage à l’époque où je travaillais. C’était dans les années 50 et 60.

Nos logements ont en effet connu une telle évolution au 20e siècle que beaucoup aujourd’hui n’ont plus aucune idée de ce qu’il fut autrefois. Mais moins de confort, c’était aussi beaucoup moins cher. Nous payons aujourd’hui le confort !

Lors de mes recherches dans les archives notariales, j’ai toujours été frappée par le coût peu élevé des travaux de construction et rénovation, et des prix de vente des maisons. Non seulement nous ne construisons plus sans tout un tas de règles de confort, mais pire, notre époque est marquée par la spéculation délirante. Le but de ce billet est de vous rappeler que nos ancêtres ont connu un tout autre logement.
Pourtant, autrefois les constructions étaient faites pour durer des siècles, alors que nous construisons de nos jours l’éphémère.
Ceux qui voudraient convertir les livres d’antant en euros actuels pour comprendre un budget logement, tenteraient de comparer des choses incomparables. Pour la construction d’une maison sans chambre haute : cas du logement des métayers et closiers :

    1-Enlever les frais d’architecte, inutile autrefois pour les maisons d’agriculteurs, que le maçon et le terrasseur savaient faire eux-mêmes.
    2-Enlever le prix du terrain, car aujourd’hui il est spéculatif et hallucinant, ce qui n’existait pas autrefois.
    3-Enlever l’électricité
    4-Enlever toute la plomberie : pas d’eau courante pas de gaz, pas de salle de bains, pas de latrines, pas de cuisine, pas de chauffage (cuisine et chauffage sont assurés uniquement la cheminée).
    5-Enlever les vitres aux fenêtres.
    6-Enlever le carrelage au sol : le plus souvent terre battue.
    7-Enlever les cloisons : tout le monde ensemble dans la grande salle basse, qui est salle à tout faire. Et dans la foulée, enlever les papiers peints, etc…
    8-Prendre tous les matériaux sur place : en Haut-Anjou, pays de schiste ardoisier et de grès roussard, pas de problème.
    9-Tout est recyclé : la pierre des châteaux (demandez à ceux de Noyant-la-Gravoyère et de l’Isle-Baraton toute proche !), et celle des maisons en ruines (j’ai trouvé des contrats qui le précisent), mais aussi les charpentes comme dans le contrat ci-dessous.
    10-Enlever les charges sociales (pas d’assurance maladie, pas de retraite etc…)
    11-Par contre construire une grande cheminée dans la salle basse, laquelle recevra l’air nécessaire à sa ventilation par la fenêtre, laquelle fenêtre sera donc située de manière à favoriser le feu.
    12-Pour séparer le grenier de la salle basse, seulement des poutres et ce qu’on appelle une terrasse.
    13-Les réparations de la terrasse et de la couverture sont aux frais du preneur du bail (nous les verrons prochainement) et représentent généralement quelques journées de travail par an.
    14-Pour une ou deux chambres hautes, dans une maison manable (manoir, gentilhommière…), ajouter un escalier et les cheminées des chambres hautes. Au fait, les pièces se nomment chambre basse et chambre haute, le mot chambre étant équivalent à notre pièce, à ceci près que son usage n’est pas différencié, et qu’on fait tout en milieu rural dans la chambre basse : dormir, cuisine, manger, vivre etc…

Voici un marché de charpente, qui vous donnera une idée du prix de la construction, fort peu élevé. Attention, il concerne 3 chantiers de réparations différents :
Le 25 août 1683 avant midy, par devant nous René Rontard notaire de la baronnie de Blaizon, résidant à Mozé, furent présents en leurs personnes establis et soumis sous ladite cour chacun d’honorable homme André Aubert marchand bourgeois de la ville d’Angers, et y demeurant, paroisse de St Pierre, d’une part, et Jean Bernier charpentier demeurant au village de la Roche paroisse dudit Mozé d’autre part, entre lesquels a été fait le marché qui ensuit, c’est à savoir que ledit Bernier s’est obligé faire pour ledit Sr Aubert, toute la charpente d’un corps de logis appelé la Hairarye en cette paroisse où demeure François Benoist, de longueur de 44 pieds (soit 14,30 m) ou environ qui est d’y mettre à neuf 33 chevrons, 2 sabliers, 2 filières, un tirant et un poinçon avec ses liens et branchettes, et le faîtage et au surplus se servira de la vieille charpente en ce qui s’en trouvera qui pourra servir, qu’icelui Bernier reliera avec le neuf et la posera en sorte qu’il y ait 4 chevrons sous latte, et audit lieu, il étaiera le plancher de la principale chambre pour le soutenir pendant que l’on maçonnera et refera le pignon où est la cheminée en sorte qu’il ne tombe, et encore de faire et retailler pour ledit Sr Aubert la charpente sur une chambre de maison sise à Bourneuf paroisse de Mûrs de longueur de 25 pieds en laquelle charpente s’oblige y mettre à neuf le nombre de 15 chevrons, 2 filières, de longueur dudit bâtiment et un chevron vieil sur l’étable dudit lieu, même un étaie sous la poutre de ladite étable, et au surplus de ladite charpente, se servira de la vieille charpente et fera en sorte qu’il y aura 4 chevrons sous latte, pour tout quoi faire se fournira de tout bois pour ce faire pour ce qui regarde le neuf et comme aussi de faire à neuf un écrou et une vis et un futeau qu’il posera et mettra au pressoir du lieu de la Farferye après qu’icelui Sr Aubert l’aura rendu à place cela étant fait ledit Bernier s’oblige de mettre et poser lesdits écrou, vis et fusteau dans 15 jours prochainement venants, et quant à l’esgard des autres charpentes cy-dessus promet et s’oblige les rendre faites et parfaites bien et duement comme il appartient dans le 15e jour de novembre prochain, et pour lesquels besogne et charpente iceluy Sr Aubert promet et s’oblige payer et bailler audit Bernier scavoir pour le lieu de la Hairearye la somme de 105 livres, pour le lieu de Bourneuf 47 livres et pour la Farferye 18 livres, sur laquelle somme iceluy Sr Aubert en a payé audit Bernier la somme de 36 livres 10 sols et le surplus de ladite somme icelui Sr Aubert promet et s’oblige la payer audit Bernier en travaillant payant fin de besogne fin de payement, ce qui a été ainsi voulu consenti, stipulé et accepté, et à ce tenir etc obligent etc renonçant etc dont etc fait et passé au bourg dudit Mozé maison dudit Sr Aubert en présence d’honorable homme Claude Rondeau Me chirurgien et Jacques Benoist marchand serger demeurant à Mozé témoins à ce requis et appelés, ledit Sr Bernier a dit ne savoir signer. Constat, accordé en faveur dudit marché qu’icelui Bernier passera un pan de bois qui y est présentement pour faire séparation du grenier audit lieu de la Harearye en l’endroit où il y sera marqué aussi pour faire séparation dudit grenier afin d’en faire deux en lequel pan de bois icelui Bernier y laissera la place d’une porte de largeur de 2 pieds 8 pouces. Signé Aubert, Benoist, Rondeau, Rontard

Plus nous avons de confort et de spéculation sur les terrains, plus nos logements coûtent cher… et plus nous laissons d’exclus… Voyez tout le mal que se sont donnés Mr Borloo et Mme Boutin… Et, dans tous les cas, il serait vain de convertir des livres de 1623 en euros pour comprendre le prix d’une maison de nos ancêtes. Pour comparer, faut-il encore que les choses soient comparables…

Vous pouvez visiter sur mon site de nombreuses montrées de l’habitat, lors de baux à ferme, en particulier le bail des terres dépendant de Mortiercrolles, situé autrefois en Haut-Anjou, aujourd’hui en Mayenne.

La propriété d’un bien foncier autrefois : l’exploitant agricole est rarement propriétaire de l’exploitation

Ce blog illustre uniquement le Haut-Anjou, parce que je le connais, et je ne parle que de ce que je connais pour l’avoir longuement étudié dans les archives notariales et autres archives. Rien ne sort sur ce blog d’un quelconque wiki ou forum, et autres lieux internautiques où n’importe qui a droit de dire n’importe quoi.

Ce qui caractérise la France de l’Ancien Régime, c’est d’abord l’extrême diversité entre provinces, voire même à l’intérieur d’une province : diversité de droits, coutumes, mœurs, logements, type d’exploitation, de cultures, vocabulaire, accent… etc… Il en résulte très souvent tant de différences sur un seul terme, que vous ne pouvez rien extrapoler hors du Haut-Anjou… voire m’écrire qu’il y a une erreur sur mon site parce que vous avez tel ou tel sens… et que j’en ai un autre. Consultez d’abord le Dictionnaire du Monde Rural de Lachiver, et vous constaterez que chaque mot peut avoir beaucoup de sens différents selon le lieu et l’époque…

Le présent billet s’efforce de répondre pour le Haut-Anjou à la question

    « mon ancêtre achète en 1623 un bien de 300 livres, à quoi cela correspond ? »

La question est incomplète car une partie de la réponse est dans cet acte, puisque tous ces actes spéficient clairement lieu, type de terre et superficie ; ces 3 paramêtres sont bien plus utiles que le montant en livres pour comprendre la réponse. Nous allons voir pourquoi, nous étudierons successivement : l’hémorragie du monde agricole, qui possède la terre agricole, comment et pourquoi placer ses économies.

  • 1-L’hémorragie agricole
  • La population agricole était de 80 % en 1800, 50 % en 1870, 36 % en 1945 et seulement 6 % en 1990. Autrefois majoritaire, elle constitue donc la majorité de nos ascendants.

  • 2-Propriété de la terre agricole
  • L’exploitant agricole d’autrefois est rarement propriétaire de l’exploitation. Celle-ci est appellée métairie et closerie en Haut-Anjou, la métairie étant environ le double de la closerie voire plus, en surface, en revenus, et en valeur de cession foncière. Dans les régions très voisines, pour lesquelles il existe des études, on estime que 75 à 80 % des terres agricoles sont sous bail soit à ferme (louage) soit le plus souvent à moitié. (j’y reviendrai). Mais je n’ai encore jamais trouvé d’exploitant en Haut-Anjou qui possède son exploitation.

    Selon Annie Antoine, « Fiefs et villages du Bas-Maine au 18e siècle », Editions Régionales de l’Ouest, Mayenne, 1994, le clivage richesse/pauvreté ne recouvre pas le clivage propriétaire/exploitant,

    et selon R. Dupuy « Structures foncières en Haute-Bretagne à la fin de l’Ancien Régime, Pierre.51-55 in Actes du colloque franco-québécois, Rennes-Québec, 1985, « le clivage majeur nous semble plutôt opposer les pauvres, qu’ils soient tenanciers ou propriétaires, aux riches, également fermiers ou propriétaies ou les deux à la fois. » (j’y reviendrai)

    Or, de temps, y compris de nos jours, une exploitation agricole doit avoir une surface minimale pour être rentable. Nous arrivons donc à la notion de surface plutôt que de valeur monétaire.

  • 3-Comment placer ses économies
  • Nous venons de voir qu’environ 20 % de la terre n’est pas aux mains de gros propriétaires bailleurs des exploitations agricoles. Ces 20 % sont constitués de lopins d’une à plusieurs boisselées, fréquemment des rangs de vigne aussi, et assez souvent exploités en direct. Ces propriétaires sont artisans ruraux, petits hobereaux, et agriculteurs (métayers, closiers, laboureurs).
    En effet, si l’exploitant agricole n’est pas propriétaire de son exploitation, il possède souvent quelques lopins, ou quelques rangs de vigne, pour son utilisation personnelle. Ces lopins sont en quelque sorte le placement de quelques économies, exactement comme de nos jours vous placez les vôtres sur un livret ou autre placement sûr. Ces lopins pouvaient parfois se montrer fort utiles, en cas de coup dur (tout comme votre livret A d’ailleurs…). Ainsi, lorsqu’un proche parent était arrêté en flagrant délit de faux-saunage, s’il n’était pas rédiviste, il pouvait négocier sa liberté contre une amende, souvent de 200 livres. Immédiatement, tous les proches alertés se retrouvaient chez le notaire et vendaient des lopins pour payer cette amende.

      Merveilleuse solidarité !

    Donc, en l’absence de banque autrefois, ces petites cessions de lopins de terre sont des placements d’économies, et ce sont des placement sûrs, ce qui ne gâche rien. C’était en quelque sorte le livret A de l’époque, qui rapportait un peu puisque ces petits lopins permettent de compléter un peu les revenus puisque cette fois les fruits vont entièrement à l’exploitant. Citons le cas de la vigne, que j’ai étudiée au moins jusqu’à Château-Gontier, qui est toujours possédée par quartiers ou rangs par de multiples petits propriétaires, car je le répète, autrefois il était moins dangereux de boire du vin que de l’eau… alors chacun tentait sa production…
    Et puis, et cela est totalement oubliée des générations actuelles, autrefois, on dotait ses enfants au mariage, donc les parents devaient économiser en plaçant dans le seul placement alors connu : un lopin de terre, parfois une petite maison… C’était même la principale destination des économies…. J’y reviendrai très longuement.

  • 4-Conclusion
  • Donc, votre ancêtre a placé ses économies de l’année, comme vous placez sur le livret A. Mais hélas, la comparaison avec le livret A s’arrête là, car de nos jours lorsqu’on économise sur lui ou ailleurs, on peut espérer (on le peut) acheter un jour un bien cette fois plus important comme un appartement, (le fameux apport personnel) etc… Autrefois, ceci n’était pas vrai. Ces populations rurales besogneuses avaient tout juste le temps de parer aux coups dur et de doter leurs enfants avant de disparaître, et tenter de leur procurer un statut comme le leur, mais jamais ils ne montaient socialement, sinon par une autre voie. J’ai dans mes ascendants un exemple, qui fera l’objet d’un billet. Mais ne rêvez pas, c’était rare… voire rarissime… Essayez de deviner la voie… Réfléchissez bien, vous pouvez y parvenir…
    J’ai mis sur ce site un grand nombre de rôles de taille, de contrats de mariage, d’inventaires après décès, et je vais vous faire des tables d’équivalence en autres biens de la même époque, ainsi le lit de chêne du métayer vaut 30 livres lui aussi.

    La prochaine fois je traite le coût d’une maison pour les petits artisans propriétaires. C’est important avant de passer aux meubles nécessaires. Et j’espère qu’au fil de ces billets vous pourrez devenir capables de gérer un budget de l’époque, sans passer par 2008 où les comparaisons ne sont bonnes à rien.. Ainsi, la terre est le bien qui est le plus incomparable : nous avons maintenant n’importe quel prix au m2, avec un facteur hallucinant, qui s’appelle la spéculation. Ainsi personne ne peut dire ce que vaut un m2 en France, tant les différences donnent le vertige. Ces différences n’existaient pas autrefois, seule la qualité agricole de la terre donnait quelques différences, minimes, au regard des abimes que nous connaissons de nos jours…

    Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet Merci d’en discuter sur ce blog et non aller en discuter dans mon dos sur un forum ou autre blog.

    La maison à chambre haute pour les gentilshommes et bourgeois,

    et la maison sans chambre haute des agriculteurs, autrefois

    J’ouvre une nouvelle catégorie (en colonne de droite) NIVEAU DE VIE, terme que je préfère à VALEUR DE L’ARGENT parce que je compte vous exprimer comment on vivait selon les métiers etc… Il est vain de vouloir transposer en monnaie actuelle le prix puisque le contenu des dépenses est totalement différent. A titre d’exemple, il est indispensable au 17e siècle d’avoir un ou plusieurs coffres, fermant si possible à clef. Or, le coffre a quasiement disparu de nos jours, donc à l’image du coffre, comprenez bien que ce qui importe c’est de comprendre ce qu’il faut pour vivre et combien cela coûte à l’époque par rapport au budget de l’époque. Il faut donc appréhender le contenu des dépenses, et du budget d’alors, et même où trouver et acheter etc… ce qui est aussi important que le prix, vous en conviendrez, donc cette rubrique sera aussi un peu l’annuaire du qui fait quoi.

    Au fil de cette rubrique, je tenterai de distinguer le nécessaire et le superflu. Je voulais commencer par le lit, et j’allais le faire, lorsque j’ai constaté que je mettais la charue avant les bœufs, car ce qui surprend le plus dans les modes de vie d’antant c’est le type de maison, et l’endroit où sont les lits. Pire, au-delà du type de maison, c’est le mode de vie dans cette maison.
    Je m’explique :
    Nombre de gentilshommes ou bourgeois ont construit des maisons manables dans leur campagne d’origine, fin 16e siècle. Les nombreux auteurs s’entendent à reconnaître un nom comme maison manable ou gentilhommière, à tout ce qui a des chambres hautes avec cheminée et un escalier fut-il en tour ou inclus par la suite dans le corps de maison, alors que toutes les autres maisons étaient basses.
    Dans les baux à ferme en Anjou, elle est souvent nommé maison de maître, et, plus récemment manoir.

    Mais, ces mêmes gentilshommes durent rapidement trouver un office à la ville, à Angers, voir Tours ou Paris, car leurs revenus fonciers ne leur permettaient plus d’assumer leur train de vie (ou, quand ils sont restés à la campagne, ils se sont appauvris, et à ce sujet voyez : NASSIET Michel, Noblesse et pauvreté, la petite noblesse en Bretagne, 15e-18e siècle, Archives historiques de Bretagne, 1997
    Quittant leur campagne pour la ville, ils louèrent par bail à moitié, leurs terres et maison à un agriculteur, qui eut souvent pour logement la maison de maître. Durant des siècles, ces agriculteurs ont vécu au rez de chaussée de la maison, et les chambre hautes étaient grenier à foin ou céréales.
    Dans les années 1990, visitant de telles maisons manables faisant office depuis 4 siècles de logement de l’agriculteur, j’ai rencontré encore de tels agriculteurs, et vu des mes yeux vu, qu’on vivait encore uniquement au rez de chaussée à la fin du 20e siècle, dans ses ex-maisons manables…
    Ceci signifie clairement qu’il y a eut un mode de vie du monde agricole, probablement allant à l’économie de chauffage, et l’harmonisation des modes de vie entre eux. D’ailleurs, un agriculteur qui aurait le mauvais goût d’installer son lit dans la chambre haute, aurait sans doute été la risée de ses confrères…
    Dans le même ordre d’idée, il y a une vingtaine d’années, j’ai visité avec des généalogistes l’écomusée de la Bintinaie, près de Rennes. La Bintinaie était une grosse ferme ayant récemment cessé son activité. La salle, car c’est ainsi qu’il convient d’appeler la pièce à vivre et tout faire des agriculteurs au rez-de-chaussée, comportait queluqes lits, et le guide nous assurait que 13 (ou 17) personnes dormaient dans cette pièce. A l’époque, je n’avais pas encore cherché et dépouillé autant d’inventaires après décès que je l’ai fait depuis, et ce fut pour moi, comme pour tous les autres visiteurs, un choc. Je me souviens fort bien que nous tentions d’imaginer combien par lits, etc… en vain. Nous avions beaucoup de mal à nous imaginer la scène… Malheureusement, cet écomusée n’a pas de site Internet, mais allez le visiter, c’est frappant…
    Voyez également ANTOINE Annie, Fiefs et villages du Bas-Maine au 18e siècle, Editions régionales de l’Ouest, Mayenne, 1994

    Changé, Mayenne
    Changé, Mayenne

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    Dans ce Vieux Manoir, ici il y a 100 ans, à Changé (53), la fenêtre de la chambre haute n’est pas d’origine, mais elle atteste un usage en maison de maître au fil des siècles, sinon cette chambre haute aurait été transformée en grenier et cette fenêtre aurait l’air d’un accès au grenier par l’extérieur, pour engranger les récoltes de céréales.

    Alors me direz-vous, j’ai bien de la chance d’avoir trouvé quelle maison avait chambre haute ou non. Je ne sais pas si j’ai eu de la chance, car j’ai surtout longuement et même plus que longuement cherché.
    Au fil de cette rubrique, je vais tenter de vous donner une image exacte de l’intérieur des divers métiers, car il se trouve que j’ai tout l’échantillonnage des métiers dans mon escarcelle maintenant, et vous pourrez alors extrapoler sur vous, même sans avoir un acte vous concernant directement. Mais d’abord, souvenez vous bien de l’histoire de la chambre haute à la campagne… ceci sera moins vrai en ville car on y construit plus en hauteur… Mais comme l’immense majorité des Français étaient paysans, il est important de se pencher sur leur mode de vie…

    La semaine prochaine, avant de voir les lits, maintenant que vous savez qu’on ne le met pas n’importe ou, il faut que nous parlions propriété versus bail à moitié et bail à ferme. En effet, dans le budget d’aujourd’hui le logement est la part importante, et il faut donc y passer un moment.

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    Musique autrefois, dans nos campagnes

    sans CD, MP3 et autres baladeurs…

    dont désormais beaucoup ne se séparent plus dans la rue, les transports en commun…

    Plus classique, aujourd’hui à Nantes, c’est la Folle journée 2008. Du mercredi 30 janvier au dimanche 3 février 2008 : Franz Schubert et ses amis, les compositeurs de son époque…

    Le terme musique nous vient du latin musica ; grec, dérivé de, Muse. Le terme grec est dabord un adjectif au féminin, c’est donc l’art des Muses, comme la rhythmique est la science des rhythmes, comme la métrique est la science des mètres. Cela explique le sens général que ce mot avait dans le principe. Dans le sens ancien et primitif, la musique n’était pas une science particulière, c’était tout ce qui appartenait aux Muses ou en dépendait ; c’était donc toute science et tout art qui apportait à l’esprit l’idée d’une chose agréable et bien ordonnée. Chez les Égyptiens, suivant Platon, la musique consistait dans le règlement des moeurs et l’établissement des bonnes coutumes. Selon Pythagore, les astres dans leurs mouvements forment une musique céleste. Il nous reste de saint Augustin un traité de la Musique où il n’est question que des principes et des conditions des vers. (Littré, Dictionnaire)


    Nos ancêtres, en majorité habitants des campagnes et paysans, avaient les chants populaires, les chants d’église, parfois accompagnés d’orgue, et les joueurs de veuze, musette, et cornemuse.

    Avez-vous trouvé parmi vos ancêtres des musiciens ? si oui, faîtes signe.

    Pour ma part, je n’en ai pas, mais j’ai eu le bonheur de trouver le baptême d’un des miens en musique, ou plutôt dont le parrain est musicien et je suppose qu’il a sorti son instrument, certes pas dans l’église, où il n’était pas le bienvenu, mais sous le toît familial.
    Vous avez bien lu, le parrain est sonneulx de veze. Et, de vous à moi, lorsque je suis tombée dessus, j’ai mis quelques minutes avant de réaliser pleinement que le sonneux était un sonneur d’une variante de la cornemuse, et il m’a fallu les dictionnaires pour apprendre à connaître la vèze ou veuze, qui, rassurez-vous, existe encore.

    C’était en 1585 à Saint-Aubin-du-Pavoil (49), région où les joueurs de vèze se manifestent toujours lors des fêtes locales. Et tappez veze ou veuze dans votre moteur internet et vous serez surpris de la quantité de sites qui perpétuent cet instrument traditionnel, probablement le seul qui ait joué à nos ancêtres autre chose que de la musique religieuse… En tous cas, j’en ai la preuve pour le Haut-Anjou.

    Pour Mardi-Gras, vos idées seront bienvenues… Merci.
    Ce billet est le 60ème, dois-je continuer ?

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    Etrangers venus autrefois en France.

    Hier c’était la journée mondiale des Migrants : le 20e siècle restera dans l’histoire comme celui des populations déplacées, réfugiées.

    Autrefois des étrangers venaient s’installer en France mais le terme migrant n’existait pas. On eut d’abord, fin 18e siècle :

    ÉMIGRANT, ANTE, adj. et subst. ÉMIGRATION, s. f. ÉMIGRER, v. n. Ces trois mots sont nouveaux; mais les deux premiers sont déjà reçus par l’usage. Il parait que le troisième ne tardera pas à l’être. Ils se disent de ceux qui quittent leur pays pour s’établir ailleurs. (Jean-François Féraud: Dictionaire critique de la langue française, Marseille, Mossy 1787-1788)

    On a maintenant :

    MIGRANT , -ANTE adj. XXe siècle. Participe présent de migrer. Se dit d’un groupe humain ou d’une personne qui effectue une migration, des migrations. Population migrante. Un travailleur migrant et, subst., un migrant.
    MIGRER v. intr. XIXe siècle. Emprunté du latin migrare, « changer de séjour ». Effectuer une migration, des migrations (surtout en parlant des animaux). Les hirondelles migrent vers les tropiques pour hiverner. En parlant des personnes, on dit, plus précisément, Émigrer et Immigrer. Par anal. S’emploie aussi dans différents domaines scientifiques. Au cours de l’électrolyse, les ions migrent vers les électrodes. (Dictionnaire de l’Académie, neuvième édition, 1992).

    Voici comment la chimiste que je fus trouve un terme de chimie passé aux êtres humains, via les oiseaux migrateurs !

    J’habite un port, Nantes, fondé par des étrangers, puis accueillant à bras ouverts Hollandais, Portugais, Espagnols, etc… aux 16e et 17e siècles, n’hésitant pas à franciser aussitôt leur nom et à les élire au corps de ville.
    Je salue ici le magnifique livre : Nantais venus d’ailleurs
    Histoire des étrangers à Nantes des origines à nos jours (Dir. Alain Croix, Presses Universitaires de Rennes, 2007):

    Le premier Nantais était, par définition, un étranger : ce livre propose donc notre histoire, celle des fils et filles d’étrangers que nous sommes tous. Des étrangers qui ne sont pas définis par une pièce d’identité: c’est le regard des autres qui fait l’étranger. Ces étrangers ont été, à un moment de notre histoire, des protestants et des juifs. Ils ont été des ruraux, des immigrants venus d’autres régions de France, encore plus étrangers s’ils ne parlaient pas le français et s’ils étaient pauvres, à l’exemple des bas-bretons. Ce livre collectif se veut tourné vers le présent, et le fruit d’une histoire résolument citoyenne.

    Dans mon dernier vagabondage dans les registres paroissiaux de la région de Château-Gontier (Mayenne), que je relis toujours avec plaisir, j’ai rencontré à Azé en 1679 la sépulture suivante :

    exposée en cette paroisse par des égyptiens. Les enfants exposés sont en ceux que les parents ont abandonné. Ainsi, un couple d’Egyptiens était en marche vers je ne sais quelle destination, et a laissé son bébé à Azé.

    Cette voie de passage, à pied, (on disait alors chemin) était celle des cloutiers, quincaillers… Normands, chers à mon coeurs et à bon nombre d’entre vous n’est-ce-pas ?.
    J’ai toujours du mal à me représenter ces chemins, parcourus à pied par tant de pélerins, marchands, et populations qui se déplaçaient vers une autre vie, souvent par ce que papa maman avaient eu trop de fils et qu’un seul suffisait pour prendre leur suite, alors les cadets devaient prendre leur balluchon et partir… J’ai une grande tendresse pour mes ancêtres cadets déplacés (qu’on dirait aujourd’hui migrants), mon Breton Mounier, mon quincailler Guillouard, etc… mais surtout mes Moride, surement venus d’Espagne… selon mon hypothèse de la francisation des Morido.
    Et cela n’est rien, comparé aux siècles précédents, que nos recherches ne pourront pas atteindre, et qui ont vu tant de populations venus d’ailleurs… J’ai tappé hier l’histoire féodale de Lonlay-le-Tesson (Orne) et réalisé à quel point la Normandie (entre autres) fut anglaise, bien plus que je ne soupçonnais… Je réalise un peu chaque jour, à travers mes recherches, mes ascendances étrangères… comme l’ouvrage Nantais venus d’ailleurs., riche en iconographies splendides, nous le fait découvrir en profondeur.

    Ce billet traite un sujet délicat, et j’ai seulement tenté de le comprendre, même si je n’y suis pas parvenue à vos yeux, tant sa dimension humaine est délicate. Veuillez m’en excuser, j’ai voulu exprimer ce que je ressentais grâce précisément à mes recherches, car jamais je n’aurai compris Alain Croix sans tout ce travail généalogique derrière moi.

    Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet seule une citation ou un lien sont autorisés.

    Autrefois sans calendrier

    Je croule sous les calendriers, aussi aujourdh’ui une grande partie prend le chemin du tri sélectif, dans les poubelles jaunes de l’immeuble ! Je conserve celui des pompiers (corps de métier que j’admire), celui des Postes (utile), et celui de ma pharmacienne, imprimé maison qui donne toutes les pharmacies de garde dans l’année, pour le cas où.
    Hier, je vagabondais dans le 16e siècle en ligne en Mayenne. Le zoom s’y est amélioré au fil des années et la consultation devient possible sans avoir trop mal aux yeux.
    Dans mon vagabondage, j’ai rencontré en 1573 un prêtre qui exprimait la date « lundi des Rogations », « vigile de Saint Mathieu », puiqu’autrefois l’année était rythmée par les fêtes religieuses.
    Les Rogations sont les 3 jours qui précèdent l’Ascencion, que le calendrier perpétuel donne le 30 avril en 1573, donc on est le lundu 27 avril.
    Pour les Saints, j’ai dépouillé il y a deux ans le registre de Saint-Aubin-du-Pavoil, dans lequel le prêtre ne connaissait que ce type de date, aussi j’ai établi un document récapitulatif car les saints d’antant ont changé de mode et souvent de date.
    Demain, nous partons comprendre comment fonctionnaient nos ancêtres sans calendrier chez eux.

    Donc autrefois dans les chaumières, point de calendrier, et à quoi bon puisque la majorité ne savait pas lire. Comment fonctionnait-on ?

    C’est simple, tout reposait sur le prêtre. Il possédait un rituel, « livre contenant les cérémonies, les prières, les instructions, & autres choses qui regardent l’administration des sacrements, particulièrement les fonctions curiales » (Dictionnaire de L’Académie française, 4th Edition,1762). Je reviendrai là-dessus car j’ai la chance d’en posséder un très ancien, du diocèse de Nantes, mais attention tout en latin !
    C’est le prêtre, qui grâce au calendrier perpétuel, annonçait chaque dimanche les fêtes à venir Ses paroissiens n’avaient qu’a savoir compter jusqu’à 7 pour attendre le dimanche suivant, ou bien chaque matin se dire lundi, mardi… etc… jusqu’au dimanche suivant.
    C’est qu’à l’époque tout le monde allait à la messe, ne serait-ce que parce que l’église était alors le centre d’infos du village, même pour les bannies des ventes aux enchères etc…, dont nous reparlerons plus tard. Et pour avoir des nouvelles, le rendez-vous dominical fut le plus souvent le seul moyen…
    Enfin, un prêtre avait peu de chances de se tromper, car rassurez-vous, il avait des contacts plus haut, ne serait-ce chaque début d’année pour recevoir son papier timbré pour y noter les actes de baptêmes, mariages et sépultures. En outre, il rencontrait ses confrères voisins en leur rendant visite voire en soupant ensemble. Bref, il n’était pas isolé du reste du monde, et c’est souvent lui qui apportait les nouvelles.
    Mais me direz-vous, il fallait savoir compter ! Je suis persuadée que tout le monde savait compter jusqu’à 20 qui est le nombre de sols pour faire une livre. Savoir compter est sans aucun rapport avec savoir lire. Vous avez tous remarqué combien les petis enfants savent merveilleusement débiter les chiffres oralement en montrant aussi leurs doigts de la main, bien avant d’avoir appris à lire.

    Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet seule une citation ou un lien sont autorisés.