Maison couverte d’aissis à Fontaine Yot, Champcenest (77) 1559

Champcenest relevait de Provins, et les habitants devaient se rendre à Provins pour passer une vente devant notaire. A cette époque, l’immense majorité des ventes foncières sont payées à rente perpétuelle en nature, c’est à dire en blé. Le notaire dont j’ai déjà relevé 400 actes en 1558-1559 fait court, et pourtant très riche en informations, ainsi il donne très souvent l’origine du bien vendu ou l’origine de la part en indivis d’un bien, et indique donc le nom des défunts dont c’était la succession, en d’autres termes le document que je dépouille depuis 4 semaines est une mine d’or pour les origines familiales, donc la généalogie, malheureusement, rares sont les généalogies qui remontent à 1558 dans cette région…
Ce notaire a une autre particularité : ses clients sont tous manuels : vigneron, laboureur, maçon, colleron, manouvrier etc… et aussi quelques tanneurs bien que pour ces derniers, que je connais pour les avoir étudiés, ce n’est pas une profession pauvre, mais des revenus intermédiaires… Le fonds de ce notaire est donc particulièrement intéressant…
J’y rencontre le plus souvent des difficultés à identifier les noms de tous les lieux, très nombreux à avoir été modifiés au fil des siècles et même parfois disparus… mais ici je suis certaine de la Fontaine Yot qui existe encore ainsi, même si en 1559 elle est écrite Fontaine des Yaunes. Ainsi, la modernité a conservé le Y et la phonétique…
Mais cet acte nous délivre une maison très particulière, car malgré l’immensité de mes dépouillements et curiosités, je n’avais encore jamais vu une telle couverture de maison. Je vous ai souligné l’original.

Vous lisez bien AISSIL avec un magnifique L à la fin. Il n’en est rien car voici ce que donne M. Lachiver, Dictionnaire du monde rural, 1997 :

  • aissil : vinaigre
  • aissis : petit ais, petite planche mince qui sert à couvrir les maisons et les granges

C’est la première fois que je rencontre des planches et pour tout vous dire, j’ai été autrefois une petite fille qui connaissait la grande brière et les maisons couvertes de paille, et je les regardais toujours avec beaucoup d’émotion… mais jamais de planches… Le notaire de Provins en 1558 donne le plus souvent les maisons couvertes de tuiles.

Voici la retranscription : Le 24 novembre 1559 Gilet Bourgeois laboureur demourant à la Fontaine des Yaunes paroisse de Champsecret recognait avoir baillé et délaissé à tiltre de rente annuelle et perpétuelle et promis garantir de son fait et obligation seulement et pour toute autre garantage de Jehan Cheneau aussi laboureur demourant en ladite paroisse ad ce présent preneur audit tiltre 7 arpents de terre en une piece ou y a maison couverte d’aissil court lieu et comme le tout contenant ensemble assis et situé à ladite Fontaine des Yaunes tenant d’un bout à Jehan Cheneau d’autre à Raolin Guillault d’un costé sur les … (AD77-216E1258)

Il y avait au moins 3 collerons à Provins en 1558 : Pierre Ledoyen, Pierre Deverse et Nicolas Domenchin

En 1558,  le colleron fabrique les colliers de chevaux, donc c’est un bourrelier. Et à Provins il y avait beaucoup de chevaux compte tenu du nombre important de notables, et surtout de l’absence d’université ce qui rendait tous ces notables dépendant de Paris, donc beaucoup de déplacements pour études et affaires… Moi, la Nantaise et Angevine, je ne mesurais pas à ce jour ce que pouvait être la vie sans université … car Angers et Nantes étaient universitaires, et avec Provins, je découvre toute cette population éduquée mais au loin.
Je viens d’en trouver un 3ème années 1558-1560 et ils portent des noms bien connus à Provins à l’époque, et même si les registres paroissiaux ne sont pas très bavards pour les métiers lorsqu’il s’agissait de métiers manuels, les notaires sont plus parlants, et même filiatifs…

Mais en 1558 les prénoms sont anciens et ici, un prénom m’échappe, celui d’une femme, et je vous mets en rouge ce prénom écrit par le notaire avec une abréviation, visible par le tilt qui figure au dessus. Sachant aussi qu’à cette date le P ressemble au X ce qui est très visible quand vous regardez les chiffres écrit en chiffre romain, car les X du chiffre romain sont alors semblables à P du texte. Voyez le commentaire ci-dessus et mieux encore la page suivante de ce blog.

Le 14 décembre 1558 Jehan Camberlain laboureur demeurant au Houssay paroisse de St Martin des Champs recognait avoir prins et retenu à tiltre de rente annuelle et perpétuelle de Pierre Ledoyen colleron demeurant audit Provins bailleur pour luy et Christofle [j’avais eu peur de ce prénom masculin pour une femme et écrit Perpofle] sa femme fille de feu Denisot Boucher à laquelle il promet faire louer ratiffier etc, c’est à savoir la 22ème partie par indivis dont les 22 pars font le tout en tout tel droit part et portion qui est advenue et escheue à ladite Christofle par le décès et trespas de feue (blanc) jadis femme dudit Denis Boucher père et mère d’icelle Christofle en une maison grange et jardin cour terres labourables et autres héritages sis au Chaseron et es environs lez Provins pour en jouir par ledit preneur à toujours moiennant le prix de 2 septiers de blé froment bon grain mesure de Provins à rendre audit lieu demeure dudit bailleur au jour de St Martin premier paiement commençant dudit jour St Martin prochainement venant en ung an et de là continuer servir et sera tenu ledit preneur labourer et faire valoir etc et … (AD77-216E1258)

Le 20 octobre 1559 Beroust Dauvergne vigneron demeurant à Provins recognait avoir vendu ceddé transpoté et promis garantir à Pierre Deverse colleron demeurant à Provins ad ce présent acheteur ung quartier et demi de vigne sis à Mongibert lez Provins … (AD77-216E1258)

Le 5 janvier 1559 (avant Pâques, donc le 5 janvier 1560) Nicolas Domenchin colleron demeurant à Provins recognait avoir vendu ceddé et promis garantir à Gilet Domenchin laboureur et marchant demeurant à Villiers St Georges ad ce présent c’est à savoir tout tel droit part et portion popriété et possession et seigneurie qui audit recognaissant peult et pouroit compéter et appartenir par le décès trespas et succession de Germain Domanchin son père grant et père naturel dudit acheteur tant en debtes meubles et immeubles … moiennant la somme de 12 livres tz … et ad ce a esté présente Légère femme dudit vendeur … (AD77-216E1258)

Les prénoms non genrés à Provins en 1558 : beaucoup de Claude, Dominique, et même Anne, Philippe, et voici Christophe

Mon cerveau vieillissant a du mal à admettre les prénoms masculins (du moins pour ce qui est ma culture) donnés aux femmes et vice-versa. A Provins, depuis quelques mois j’ai relevé beaucoup d’Anne chez les hommes, et de Claude, Dominique chez les hommes comme chez les femmes, et même des Philippe aussi chez les femmes, ce qui était pour moi une nouveauté dans le cas de Philippe.

Comme vous l’avez vu hier sur mon blog, mon cerveau a totalement bloqué devant Christophe chez une femme. J’avais écrit « Christophe » lors de ma première frappe, et au moment de mettre en ligne j’ai eu honte d’écrire Christophe pour une femme, cela me semblait totalement impossible. Car dans mes innombrables relevés et retranscriptions anciennes j’ai trouvé certes Christophlette aliàs Christoflete mais je n’avais jamais rencontré le prénom masculin donné à une femme…

Suite au commentaire reçu sur ce sujet, j’admets que mon cerveau était bloqué, et que je dois revenir à ma retranscription de Christophe pour une femme. Je remercie la personne qui a débloqué mon cerveau en matière de prénom non genré.  Donc, quand je retranscris il faut que je ne pense surtout pas au genre… et que je me contente de taper ce qui est écrit sans y penser… J’ai tapé des miliers de Christophe abrégés avec le tilt sur le X depuis 30 ans que je retranscris mais je n’étais pas capable hier de l’écrire pour une femme…

Et voici à Provins à la même époque les Christophe hommes que j’ai déjà relevés, et tous avec la même écriture. Voyez pour cela mon relevé en ligne il y a quelques semaines. 

Le 3 décembre 1557 Missire Christofle Bondis prêtre Mathurin Bondis cordonnier, Marin Sachot à cause de Nicole sa femme soy faisant fort d’elle prometant faire ratiffier ces présentes et Jacques Gaultier et Jehan Jaumereau esdits noms et comme tuteurs d’Antoine et Louet Bondis enfants mineurs de feu Ayoul Bondis reconnaissent avoir baillé cédé et promis garantir … à Nicolas Otimot manouvrier à vignes demeurant à Provins ad ce présent preneur une maison et jardin en ceste ville rue de Chasteauffort tenant d’une part à une ruelle par laquelle on va à la rue de Voulsier d’autre à Pierre Corbeil … par devant à ladite rue de Chasteaufort .. pour 16 sols 8 deniers tournois de rente annuelle et perpétuelle paiable chacun an au jour et feste de St Jehan

Le 27 juin 1558 furent présents en leurs personnes Jehanne veufve de feu Guillaume Camuset en son nom pour la moictié et soy faisant fort de Jehan et Pierre Camusets ses enfants et de Guillaume Charron dit Deberges à cause de Suzanne sa femme fille de ladite Jehanne, Anthoine Hure la-boureur demeurant à St Ylier au nom et comme tuteur et curateur de Jacques et Jehanne et Christophe enfants mineurs dudit deffunt et de ladite Jehanne, recognaissent avoir baillé dé-laissé par manière de partaige à Guillaume Camuset laboureur demeurant à Rouilly ad ce présent et acceptant pour sa part et portion des biens immeubles à luy advenus et escheuz par le décès et trespas de Guillaume Camuset …

Le 27 octobre 1558 Galet Demonteurain sieur (> scieur avec un scie dans les mains et pas une terre) de long et Jehanne sa femme demeurant à Chenoise recognaissent avoir prins et retenu à tiltre de rente annuelle et perpétuelle de Chris-tophle ? Guillerte Colin Bouyn à cause de sa femme Denis Boucher aussi à cause de sa femme Gilles Lesve soy faisant et portant fort en cette parie de Jehan Pierre et Colas Guillaumes ses enfants auxquels il promet faire ratiffier … c’est à savoir une maison et jardin comme il se com-porte à Chenoise …

1582.03.03 BLANOT Pierre « fils de Laurens Blanot et Georgette Millert parrain Pierre Lafosse et Christophle Cousin -p361 »

1581.06.01 CHAMPYON Christophle « fils de Loys Champyon et Claude Chapetet parrain Christophle Laure (s) et Philippe Herault (s) marraine Genevieve femme de Constantin Farouel -p341 »

L’orthographe aléatoire des noms de famille, Provins 1558

Je vous ai mis sur ce blog la confusion entre le B et le V en 1558 dans la région de Provins (77). Mais il y a bien pire, à savoir l’orthographe des noms de lieux, sans compter avec les variations subies au fil du temps sur ces noms ce qui les rend parfois très difficile à identifier. Il a aussi les noms de famille. Comme vous l’avez bien compris, les noms de lieux et les noms de famille étaient donnés oralement au prêtre et/au notaire pour ce qui est des actes écrits qui nous sont demeurés. Donc nous ne possédons que ce que celui qui écrivait l’acte a bien pu entendre et/ou comprendre… Il s’ensuit que la plupart des noms de famille sont uniquement une représentation phonétique de ce qui a été dit oralement. Voici un exemple qui a le mérite d’être très remarquable car le fils n’a pas du tout la même orthographe que le père et leurs noms sont pourtant sur la même ligne…

Le 17 mars 1558 (avant Pâques, donc le 17 mars 1559) Pierre Jaunay marchant boucher demeurant à Provins fils de feu Jehan Gennay jouissant de ses droits comme il dit aagé de 22 ans recognait avoir baillé ceddé à tiltre d’eschange et promis garantis à Jehan Vilain vigneron demeurant audit Provins ad ce présent et acceptant les trois parts par indivis dont les … (AD77-216E1258)

L’accent à Provins au 16ème siècle : le B et le V se confondaient

Notre IA actuelle, celle de Google, ne connaît que l’accent espagnol, rien sur le vieux français. Mais nous avons eu autrefois, sans doute plus ou moins selon les régions de France, une tendance à confondre le B et le V dans la prononciation et l’écriture qui s’ensuivait. Ainsi je vous livre Provins (77) province de la Brie en 1558 selon un acte notarié, donc c’est écrit par un notaire, sachant cependant qu’il écrivait ce qu’il entendait. Ainsi la paléographie devient assez troublée par l’écriture fréquente du V en B. Pour les noms propres qu’ils soient patronymes ou lieux, cela est parfois très délicat…

Le 2 décembre 1558 Thomas Briget vigneron demeurant à Bouy paroisse de Chalaup la Petite recognait avoir vendu et promis garantir à Pierre Ganguart vigneron demeurant audit lieu, ad ce présent acheteur, demy quartier de vigne prins en une pièce de trois quartiers ou finage dudit Bouy au lieu dit la Brosse (AD77-216E1258)

 

Lupien, Lupienne et même Lupin, dans la Brie au 16ème siècle

Je fouille Provins et sa région, aux innombrables prénoms très originaux pour moi la Nantaise. Il faudrait même que je vous en fasse une liste tant c’est impressionnant.
La première fois que j’ai rencontré Lupienne, j’ai cru que mes yeux n’étaient probablement en face des trous et qu’il devait s’agir de Lucienne ! Mais je me rendis vite compte qu’il fallait bien lire LUPIENNE.
Comme vous le savez sans doute, à moins que vous l’ayez oublié tant notre époque informatisée nous simplifie tout (enfin quand on n’est pas allergique au numérique…) autrefois, point de papiers d’identité, et devant le prêtre lors des baptêmes, mariages et sépultures, tout comme chez le notaire, c’était oralement qu’on déclinait les prénoms et noms. Et bien entendu tout reposait alors sur les connaissances et/ou oreilles du prêtre et/ou du notaire… et donc à diverses interprétations.
C’est ainsi que ce jour, je lis LUPIN aussi je viens vous le faire voir :

Du 17ème jour de may l’an 1558 Lupin Dupont dit Senart laboureur demeurant à Rouilly lez Provins recognait avoir vendu ceddé et promis garantir à Pierre Guerin laboureur (AD77-216E1258)

Voici les saints selon le Dictionnaire hagiographique, ou Vie des saints et des bienheureux honorés en tout temps de L.M. Petin, tome 2 :
LUPICIN reclus près l’Algurande sur les confins du Berri, est mentionné par saint Grégoire de Tours. Il mourut vers l’an 500 – Fête le 23 juin
LUPIEN néophyte, mourut la semaine de son baptême au pays de Retz en Bretagne l’an 480 – Fête le 1er juillet
LUPIN chanoine de l’église cathédrale de Carcassonne, florissait dans le 9ème siècle – Fête le 30 avril

Donc on a le choix, mais je suppose tout de même que LUPIEN était le seul connu en Brie et que mon DUPONT dit Senart a mal prononcé son prénom… Mais, une chose est certaine, moi qui vient de découvrir sur ma télé MADELEN de l’INA et les très anciennes séries télé, dont Arséne Lupin, et pire, j’avais regardé hier, j’ai cru rencontré Arsène en lisant cet acte…