Contrat d’apprentissage de sabotier à Rablay (49), 1753

pour René Chupin chez Jacques Nouteau.

Nous poursuivons l’étude des contrats d’apprentissage. Je suis allée à la ligne lors des changements de sujet, alors que vous savez maintenant que les actes notariés ne vont jamais à la ligne et n’ont pas de ponctuation. J’ai voulu vous aider à mieux comprendre, aussi en ajoutant en italique mes commentaires.

Archives Départementales du Maine et Loire, serie 5E. Voici la retranscription de l’acte : Le 18 janvier 1753 après midy par devant nous Charles Billault notaire royal à Angers résidant à Rablay, furent présents établis et soumis Jacques Nouteau sabotier demeurant au bourg de Rablay d’une part,
et René Chupin garçon âgé de 19 ans ou environ demeurant à l’Ungillière? paroisse de Thouarcé d’autre part, (il est orphelin, et a un curateur qui apparaît ci-dessous. Il n’a donc n’a plus de père pour lui montrer son métier, comme nous le constatons dans la majorité de ces contrats. Par ailleurs cet acte précise l’âge de l’apprenti, ce qui est intéressant car peu souvent noté, mais plus on aura de telles mentions mieux on pourra se faire une idée réelle de l’apprentissage)
lesquels dit Jacques Nouteau et René Chupin sont convenus du brevet d’apprentissage sous les clauses conditions et obligations suivantes, c’est à savoir que (le contrat d’apprentissage est ici appelé brevet, terme que je retrouve bien dans les dictionnaires anciens : On appelle Brevet d’apprentissage, Un Acte passé pardevant Notaire, par lequel un Apprenti & un Maître s’engagent réciproquement; l’Apprenti à apprendre un art ou un métier; & le Maître à le lui montrer pendant un certain temps, & à certaines conditions (Dictionnaire de L’Académie française, 4th Edition, 1762)
ledit René Chupin est resté et demeuré en la maison dudit Nouteau en qualité de son apprentif (eh oui, autrefois il y avait un f final) en le métier de sabotier pour le temps et espace d’un an entier qui a commencé le 17 de ce mois et an et finira à pareil jour de l’année 1754 (cela n’est pas une longue durée, mais j’ai déjà mis un contrat de sabotier qui apprenait seulement 6 mois, c’est donc un métier vite appris)
et ce par l’avis et consentement de François Hargoulon son curateur à personne et biens demeurant paroisse dudit Rablay à ce présent et acceptant pour ledit Chupin (voici la preuve que l’apprenti n’a plus ses parents)
pendant lequel temps d’un an à compter dudit jour 17 de ce mois et an ledit Jacques Nouteau a promis et s’est obligé de loger ledit René Chupin apprentif fournir de lit nourrir à sa table le reblanchir, luy fournir de sabots pendant ledit temps d’un an, (en l’espace d’un an, j’ignore combien de paires de sabots on use, mais je gage qu’il s’agit là d’une unique paire de sabots)
et luy donnera bon traitement et luy montrera sondit métier de sabotier en ce qui se poursuit et comporte savoir creuser bucher et parer et généralement tout ce qui est et dépend de sondit métier de sabotier en ce qu’il se poursuit et comporte,
et est fait le présent brevet d’apprentissage pour et moyennant le prix et somme de 68 livres à deux termes égaux de chacun 34 livres dont le premier teme et payement de ladite somme de 34 livres commence audit jour 17 de ce mois et an que ledit Chupin s’est obligé sous l’autorité dudit Hargoulon son curateur à personne et biens, et de son consentement, donner audit Nouteau et le surplus montant à pareille somme de 34 livres ledit Hargoulon a promis et s’est obligé en son privé nom donner audit Nouteau dans le jour et fête de Magdeleine prochaine le tout à peine de toute perte dépens dommages et intérêts, (c’est une somme élevée pour un temps aussi court, preuve que la somme était toujours variable ou négociable. La sainte Madeleine est le 22 juillet, et ce terme de paiement n’est pas utilisé dans le Haut-Anjou, alors que je le rencontre dans le vignoble au sud d’Angers. Les termes sont toujours exprimés en fêtes religieuses, mais avec des variantes locales.)
ce qui a été ainsi voulu consenty stipulé et accepté…
fait et passé à Rablay en notre étude en présence et du consentement de René Lizée et Jacques Chupin ses cousins demeurant paroisse de Thouarcé et de François Liger maréchal et Jean Réthoré tisserand demeurant dite paroisse de Rablay témoins à ce requis et appelés, (on apprend une parenté au passage)
toutes lesdites parties ont déclaré ne savoir signer de ce enquis. (ce qui atteste un milieu modeste)

Je vous donne rendez-vous bientôt pour un autre contrat d’apprentissage… et si vous en avez, merci d’avoir la bonté de participer à l’enrichissement de cette base de données, afin que cette phase essentielle de la formation soit mieux connue car tous les ouvrages traitant d’enseignement autrefois laissent de côté ce contrat qui me semble important, et d’autant plus important qu’il semble avoir été le relais paternel pour les jeunes ayant perdu leur père, ce qui était autrefois fréquent.

Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet seule une citation ou un lien sont autorisés.

dispense matrimoniale par Gervais Saulou et Jeanne Aurillault, Bazouges (53)

entre Pierre Saulou meunier de Bazouges et Jacquine Rabeau de Loigné (AD-49-G)

Je continue les dispenses, même si elles ne passionnent pas tout le monde, car elles ne sont pas toutes pimentées, mais elle constitueront une importante base de données. Je les ai regroupées dans la catégorie MARIAGE, qu’il suffit de cliquer dans la colonne de droite de ce blog, pour avoir les billets pertinents, ou même si vous cherchez un nom ou un lieu de le tapper dans la fenêtre de recherche aussi à droite de ce billet.

L’acte qui suit est extrait des Archives du Maine-et-Loire, série G. Voici la retranscription de l’acte : Le 28 novembre 1733, en vertu de la commission à nous adressée par monsieur l’abbé Boucault vicaire général de monseigneur l’évêque d’Angers en date du 25 du présent mois, signé J. J. Boucault et plus bas contresigné par le Sr Péan secrétaire, pour informer de l’empêchement qui se trouve au mariage que Pierre Saulou meunier de la paroisse de Bazouges et Jacquine Rabeau de la paroisse de Loigné (Laigné) veulent contracter, des raisons qu’ils ont de demander dispense de cet empêchement et du bien qu’ils peuvent avoir.
Ont comparu devant nous Charles André d’Espinay commissaire soussigné, les parties, savoir
ledit Pierre Saulou âgé de 24 ans accompagné de Renée Guillou sa mère, Marie Saulou sa tante de la paroisse de Bazouges, et Gervais Saulou de cette paroisse d’Azé,
et ladite Jacquine Rabeau accompagnée de Pierre Rabeau son père de la paroisse de Loigné, de René Guyart son oncle de la paroisse de Bazouges, de Guillaume Rabeau son cousin de la paroisse de St Rhémy de cette ville, desquels serment pris de nous dire la vérité sur les faits dont ils seront enquis sur le rapport qu’ils nous ont fait et sur les éclaircissements qu’ils nous ont donnés, nous avons dressé leur généalogie comme il s’ensuit :

de Gervais Saulou, souche, dont issus :

  • Gervais Saulou qui épousa Jeanne Rabeau – 1er degré – Renée Rabeau mariée à Jean Rabeau
  • Pierre Saulou marié à Renée Guilleu – 2e degré – Pierre Rabeau marié à Jacquine Malvert
  • Pierre Saulou qui veut épouser Jacquine Rabeau – 3e degré – Pierre Rabeau marié à Jacquine Gigon
  • – 4e degré – Jacquine Rabeau
  • Ainsi nous avons trouvé qu’il y a empêchement du 3e au 4e degré de consanguinité entre ledit Pierre Saulou et Jacquine Rabeau.
    A l’égard des raisons qu’ils sont pour demander dispense de cet empêchement, ils nous ont assuré s’être recherchés de bonne foi depuis longtemps et s’être mis par accord du consentement de leurs parents sans croire être parents au degré prohibé.
    Et comme les biens de Pierre Saulou n’exèdent pas la valeur de 50 livres et ceux de ladite Jacquine Rabeau celle de 300 livres, ils se trouvent hors d’état d’envoyer en cour de Rome pour obtenir dispense dudit empêchement.
    Ce qui nous a été affirmé par les parents cy dessus dénommés qui ne savent signer excepté Guillaume Rabeau soussigné. Fait et arrêté au presbytère d’Azé. Signé Guillaume Rabeau, d’Espinay curé d’Azé.

    Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet seule une citation ou un lien sont autorisés.

    NANTES LA BRUME, Ludovic GARNICA DE LA CRUZ, Paris, 1905 CHAPITRE VI RUE PRÉMION

    Ludovic Garnica de la Cruz. Nantes la brume. 1905. Numérisation Odile Halbert, 2008 – Reproduction interdite.

  • Zut ! J’en ai assez… Charles, donne-moi une cigarette ?
  • Berthe s’allongea sur un canapé.
    L’atelier de Charles Delange avait subi une complète transformation. Les meubles en ordre, les tapis bien tendus, les plâtres époussetés, les vitres des fenêtres remplacés par de superbes vitraux allégoriques, les chevalets alignés, les tentures soigneusement installées, le perroquet gorgé des poussières du balayage, coi sur son perchoir fraîchement reverni. Charles, drapé dans une ample robe de chambre grenat, un bonnet turc sur ses cheveux, visitait pour la centième fois son temple d’artiste ; il rangeait de nouveau les pipes du ratelier, regardait encore si le pot à tabac avait le ventre bondé et si le petit crocodile en bronze bâillait pleinement ses allumettes. Berthe roula sa cigarette avec une dextérité remarquable et l’alluma aux tisons du foyer.

  • Malgré ton génie tu n’aurais jamais pu rendre ton atelier si coquet.
  • Le peintre joyeux vint s’asseoir près d’elle.

  • Oui, ma petite chatte d’or, tu es la fée de mon domaine. Tu auras un ticket d’honneur pour entrer au paradis des artistes.
  • Il passa sa main droite dans les cheveux dénoués de son amie baisant son front, ses sourcils.
    Elle était vêtue d’une longue robe blanche avec une ceinture en cuir de même couleur. Sa chevelure traînait comme un liquide d’or renversé le long du bras du canapé.
    Il la chatouillait de caresses dans la nuque, derrière l’oreille, sur la gorge à travers l’étoffe. Des désirs la picotaient ; elle s’agitait au cou du peintre.
    Le bonnet turc tomba sur le sol… et l’on sait ce qui serait arrivé sur le canapé moelleux aux fleurs roses quand deux coups de poings ébranlèrent violemment la porte.
    Ils se levèrent en sursaut.

  • Imbécile, s’écria Charles, je savais bien que j’avais oublié quelque chose… la sonnette, parbleu !
  • C’étaient Lolette et René.

  • Comment, ensemble… déjà ! s’exclama Berthe.
  • Nous nous sommes rencontrés par hasard dans l’escalier, expliqua Lolette.
  • René la regarda interloqué. Elle rougit.
    On arrangea les sièges. Le défilé commençait.
    Charmel, complet gris, serrant les mains à les briser ; Ormanne, maigre, deux méridionaux bavards. Belle et son inséparable Line, les deux gamines, habillées pareilles et qui riaient pour ne pas être sérieuses. Claire Vernant et Joséphine Bournier, une institutrice et une du téléphone. De Remirmont, tiré à quatre épingles, frais rasé, célèbre par ses saluts parabolants. Verneuil, roux, les cheveux baignés d’huile brillantine, l’air un peu stupide avec son monocle de difficile équilibre. Deux couples bras dessus bras dessous. Mussaud le sculpteur, gras gueulard et Marthe la Rouquine, sa maîtresse, grande fille qui grimaçait des réponses en signes compliqués des yeux et de la bouche ; Frayssère, étudiant en médecine, une grosse tête bonasse touffue de cheveu noirs frisés et hirsutes, avec son amie la blonde Mme Boucran en fuite du domicile conjugal, ayant semé ici et là deux ou trois enfants de pères inconnus, et pour le moment courbant sous son despotisme le faible et nouvel amant qu’elle suce de tout son coeur. Il la croyait fidèle ; elle l’était souvent.
    Trois autres à la queue leu-leu. En tête, un petit joufflu, sombre comme un pasteur protestant, sournois comme un rat d’égout que la lumière ébloui, frisant d’un geste sec sa frêle moustache noire : M. Gustave Monnès, auteur dramatique embryonnaire. Personne n’ignorait ses premiers essais en un acte, délayages d’idées auxquelles s’attachent les novices en quête d’originalité. Ils dormaient au fond d’un tiroir dans l’attente du sauveteur promis, le Moïse provincial désireux d’une renommée décentralisatrice dont le geste théatral imposera une miette de gloire au front du débutant prosterné humblement aux pieds de ce grand César tragédien, professeur d’un conservatoire succursale de Paris ! On le jouerait, chaque acteur aurait sa petite tirade à effet ; l’auteur viendrait sur la scène payer d’une risette sa claque d’un soir de chaleur communicative. Triomphe éphémère qu’une presse infidèle douchera d’un compte rendu passe-partout. Le dernier produit inconnu de Monnès était, disait-il, un fameux drame en cinq actes casé à l’Odéon. Papa Sardou, enfoncé ? Quant à Rostand, heu ! Il avouait un regret : « Sarah Bernhard seule est capable de rendre le véritable caractère de mon héroïne. » On gardait son sérieux, mais l’on songeait à la rêveuse Perrette de Lafontaine.
    Derrière lui venait Trémat, un gigantesque maigriot barbu, aux yeux gris malades se reposant à l’ombre de l’étoile en gestation de Monnès, étoile qui devait en son âme de croyant briller un jour au fronton du théâtre des triomphes. Puis Mondin, toujours élégant, toujours pressé, ardent directeur d’une revue bretonne, subventionnée de ducs et de marquis, devant conduire la Bretagne à son ère d’intelligence et d’indépendance nationales. Une revue parsemant aussi ses ailes naïves et coquettes sur toutes les tables de famille avec des concours de broderies et de poésies dont le jury bénin distribue aux lauréats timides des petites tapes d’encouragement et des sucreries roses aux vainqueurs. Une de ces petites revues de province qui vivote doucement dans un parfum spécial de tranquillité, de blancheur anodine, conservant loin du tam tam des « littéraire, artistique, théâtral » chers aux jeunes pourfendeurs de bourgeois la tradition d’art susceptible de réveiller parfois l’esthétique que n’a pas encore tuée tout à fait le « cochon qui sommeille. »
    Bruit de voix. Geray, laid, avec un tic qui lui tirait le cou. Léris de Montdieux, traînant deux défauts superficiels, une manière excentrique et baroque de s’habiller, l’autre de ne pas giffler les sots qui se moquaient de lui, et… une petite femme brune comme une chauve-souris, enguirlandée de fourrures.

  • Mes amis, dit Léris, je vous amène une étoile du ballet, Mlle Secacio, à qui j’apprends la langue française depuis quelques nuits sans succès.
  • La danseuse montra ses dents blanches et babilla une flottille de sons que personne ne comprit.
    Soigneusement son compagnon l’enfouit au fond d’une bergère.

  • Sommes-nous au complet ? demanda Delange.
  • Marguerite Renaud m’a promis de venir sitôt débarassée de son vieux, dit Claire Vernant.
  • Oh ! alors… les vieux sont pires que les chiens, maugré Charles.
  • Crampons et salauds, dirent ensemble du fond du cœur Belle et Line.
  • A cet aveu tous éclatèrent de rire, et les gamines sans se désappointer firent chorus.
    La danseuse étonnée interrogea Leris. Il dit oui de la tête sans comprendre. Elle pouffa se tortillant comme une anguille.

  • Ah ! mince, clama Belle, regardez donc la Bonifacio !
  • Quand le calme fut rétablit Charles commença :

  • Mesdames, Messieurs, nous sommes réunis en ce sanctuaire, non pour planter la crémaillère…
  • Ça fait des vers, remarqua Line.
  • Esprit et paix, les gosses, ou je vous flanque une fessée.
  • Oh ! faudrait voir, malin !… on se tait.
  • Non pour planter la crémaillère, il n’y en pas, non pour causer politique, car la politique est essentiellement le dépotoir réservé aux bourgeois afin qu’il puissent s’agiter à l’aise dans l’égout collecteur de leurs ambitions, non pour assister à quelque messe noire ou saturnale folichonne, au dire des vieilles filles radoteuses à la veillée quand le chat fait ronron, mais pour inaugurer de votre présence mon atelier si bien ordonné par Mlle Berthe, ma favorite.
  • Oh ! ce pacha !
  • Silence. Laissez-moi terminer mon laïus, vous baverez après à votre fantaisie.
  • Le peintre étendit les bras au-dessus de ses invités et s’écria d’un air inspiré : Invocation.

    O liberté, princesse inconnue des bourgeois, descends de ton refuge inaccessible, viens te reposer parmi nous, viens présider en mon cénacle dont murs ne sont pas souillés de la devise nationale, comme une insulte à ta beauté…

  • Amen, dit Marguerite qui entrait sans frapper. Pardon la compagnie… j’arrive en courant… mon vieux est parti… je suis toute essoufflée…
  • Pauvre chou I… viens te chauffer, dit Berthe.
  • Il pleut … il ne voulait pas s’en aller.
  • Quel est donc cet antique amoureux ? questionna Verneuil.
  • Lestique, le fabricant de chaussures de la rue des Arts.
  • Un divorcé, s’exclama René, un noir pas commode. Il habitait autrefois près de mes parents. On le connaissait, fort dans les Dervallières ; il battait sa femme, la traînait dans les massifs de rosiers où elle s’écorchait les mains et la figure… Il a trois ou quatre enfants… A son procès de divorce presque toutes les filles de son atelier déclarèrent avoir couché avec lui.
  • Il n’est pas méchant pourtant, plutôt hypocrite et pas gourmand sur l’amour… N’est-ce pas Claire ?
  • C’est vrai ! Nous logions ensemble. Quand il venait le lit n’était pas souvent défait.
  • Il se mettait à genoux et me prenait les mains. Il roucoulait :
  • Ma Marguerite chérie… ma mignonne… aimes tu ton petit Tatave — il s’appelle Gustave — veux tu l’aimer toujours tout seul….. tu seras heureuse avec moi… à mon âge on meurt en s’attachant… et patati… et patata.,
  • Elle mimait très drômatique, les scènes d’amour de son « michet ».
    Il m’a fait la cour pendant longtemps sans même avoir cà…— elle claqua son ongle sur ses dents – Il a casqué des bijoux, des robes, de l’argent. Quand il insistait je lui jetais ses bouquets par la tête. Il payait mes trois chambres… oui, trois, une pour mes amis, une pour mon amant, la dernière pour lui.
  • Maintenant tu habites chez lui.
  • Ç’à me plaisait d’avoir la même place que sa femme… il me promet le mariage.
  • Le même truc qu’avec Marie Le Jean, dit Belle. Elle travaillait dans ses bureaux nuit et jour pour lui éviter la faillite dans un moment de crise… Une honnête fille qui s’était laissé prendre à ses messes. Elle l’acceptait parce qu’elle avait une mère à soutenir… La fatigue l’a rendue malade et pendant ce temps-là il courait avec d’autres… Puis il l’a laissée dehors mourir de chagrin et de misère… Lui est toujours fier et riche. C’est lui qu’on salue bas dans la rue, elle, qu’on insulte, qu’on méprise… il a des voitures, des chevaux, elle est crevée comme un chien sans un sou… mais ce qu’il a, c’est une femme qui le lui a gagné, c’est un maquereau. S’il y avait de la Justice, on devrait le fiche à l’eau avec une pierre au cou.
  • Bien parlé, petite, dit René. Il manque à notre organisation sociale un tribunal devant lequel comparaîtraient les criminels que les lois égoïstes du tien et du mien ne peuvent atteindre. Il n’est pas moral que les voleurs d’âmes vivent impunément du produit de leur crapulerie. Ouvrez le code. Les juges punissent l’assassinat, le vol, le viol, l’empoisonnement, l’attentat à la pudeur, le faux, l’infanticide, les coups et blessures volontaires, les détournements de mineurs, les abus de confiance, que sais-je encore ? Et l’homme qui les commet tous à la fois peut cependant échapper à la censure nécessaire surtout en pareil cas. Voici la preuve. Lestique demande à la mère de Marie de prendre fille pour travailler à ses bureaux : abus de confiance… Par ses mensonges, il empoisonne son innocence, viole ses espérances les plus naturelles, et vole son honneur ; mensonges, faux en paroles, meurtre prémédité d’une virginité confiante. Il vit d’elle, vagabondage spécial, la jette ensuite à la voirie des prostituées. C’est l’étranglement final d’une existence humaine dont il s’est rassasié. Et je ne compte pas le honteux exemple que donne ce misérable affichant dans sa pelisse chaude la sérénité et la paix d’une conscience tranquille. C’est un monsieur riche ! L’or fait taire les indignés ; pas un de ses ouvriers n’ose lui cracher à la face son mépris ! A quoi bon d’ailleurs ? Ne sont-ils pas, ces infâmes, à l’abri des attaques derrière le paravent d’un rang social qui commande ! Les bourgeois savent se défendre. N’est pas construit encore que nous réserverions à la punition de leurs crimes silenciés : — une potence de Montfaucon.
  • Cette tirade mi-railleuse, mi-haineuse éploya du silence dans l’atelier. Les yeux se fixaient pensifs vers le foyer. Charles rompit le pénible froid.

  • Assez parlé de votre hibou en chaussures. Léris a bien quelque monologue gai dans son vieux sac d’élève du conservatoire.
  • Leris ne se faisait jamais prier. Il s’exécuta de bonne grâce ; la gaieté reprit son grésillet tintamarre.
    Berthe préparait avec l’aide de Belle et de Line la table surchargée de friandises et de liqueurs. La danseuse claqua de la langue.

  • Madame est gourmande sans doute, dit Line en faisant la courbette.
  • L’italienne courut l’embrasser. Geray chanta une mélodie. Musicien convaincu, il versait à flots une âme cristallisée dans la douceur harmonieuse de son rythme. Il pouvait devenir un artiste de génie s’il voulait, mais peureux de l’incertain, il traînait une simple existence de commis-voyageur, mêlant à sa vie banale quelques gouttes d’un élixir divin digne de Berlioz ou de Saint-Saens. Un concert s’organisa très vite. Charmel raconta une blague en patois provençal. Ormanne entonna une chansonnette du midi. Mussaud brailla une grivoiserie brutale. Chacune leur tour, ensemble, Claire, Marguerite et les autres dévidèrent leur répertoire folichon.
    Soudain le perroquet, tranquille jusqu’alors, se mit à hurler :

    Il est né le divin enfant,
    Chantez hautbois, résonnez musettes.

    On regarda. Line et Belle sortaient de la chambre du fond costumées en Amours, disaient-elles. A chaque épaule une aile d’oiseau volée à quelque malheureux modèle empaillé ; sur la tête une couronne de fleurs artificielles ; autour de leurs hanches un morceau de toile. Perclus parmi leurs cheveux flottants deux petits seins blancs émergeaient un bout de nez rose. On aurait dit des bébés de neige, le ventre insignifiant, les membres bien proportionnés. Elles étaient arrêtées devant Bigot un doigt dans la bouche, stupéfaites de leur audace, se regardant en côté une forte envie de rire.

  • Oh ! les folles, s’écrièrent les dames.
  • La danseuse battit un entrechat sur son fauteuil. Léris eut beaucoup de peine à l’empêcher d’en faire autant.

  • Des Amours délicieux, déclara René.
  • Quel toupet ! murmura Lolette en le regardant,
  • Et toi Charles, que penses-tu de l’idée ? cria Touffe d’or.
  • Originale… mais pas complète. Donne-leur l’aiguillère et l’amphore. Elles nous verseront le champagne. Cupidon et son frère servant le nectare à I’Olympe.
  • Le chahut s’accéléra. Les assiettes de gâteaux se vidaient comme des trous d’eau dans le sable des plages. Geray arpégeait sur le piano. Mussaud hurlait un refrain de café-concert. D’aucuns s’embrassaient. De Bemirmont chatouillait Claire qui se trémoussait, d’aise. Verneuil voulait cueillir les miettes qui pendaient aux lèvres de Joséphine. Monnès projetait des regards fascinateurs sur la danseuse de Léris. Une danseuse du théâtre, çà le tentait. N’aurait-ce été que la fille du concierge, c’était une entrée ? Il exultait. A un Moment d’accalmie il invita à la lecture du fameux drame en cinq actes reçu à l’Odéon. Trémat guérissait sa neurasthénie en regardant Frayssère bécoter sa maîtresse et l’appeler ma cotte cotte. Lolette et René formaient un couple plus calme à l’angle de la cheminée. Ils devisaient une joyeuse intimité. Elle croquait du bout des dents les bonbons que René lui tendait.
    Les bouchons de champagne sautèrent. Delange amena Line et Belle, l’une avec son amphore, l’autre avec son aiguillère. Elles doraient les coupes du flot mousseux. Pèlerinage difficile. On les chatouillait ; elles riaient trop. On les embrassait ; elles arrosaient les vêtements, les tapis. Quand ce fut fini, elles coururent se blottir sur les genoux de Charmel et d’Ormanne. « Tu sais, confiè¬rent-elles, si tu n’es pas sage, je m’en irai. »
    Charles porta le premier toast.

  • Peintres, sculpteurs, poëtes, musiciens, littérateurs, amoureuses et autres, cessez vos caresses indiscrètes ! Tendez vers moi une oreille attentive. Dans cinq minutes il serait trop tard ; vos yeux se bercent déjà de lueurs d’ivresses. Je ne blâme pas. L’ivresse est la poussière d’or qui enfante les molécules de l’art. Le beau n’est pas le vrai ; ce serait plutôt l’idéalisation d’une vision enfourchant le rêve au harnais compliqué des formes de la nature synthétique. Ainsi comprise la nature trouvera toujours place en mon atelier. Qu’il soit pour nous le phare de ralliement ou l’antre sibyllin circonscrit d’un Styx que nul bourgeois ne franchira jamais, où on causera silencieusement des maîtres et du génie, où l’on aiguisera les glaives du combat contre les Mécènes vaniteux de province. A notre persévérante amitié ! A notre triomphe ! A nos passions, veilleuses de la nuit près desquelles les doigts de nos cerveaux vont réchauffer leurs onglées ! A nos vices juvéniles, escalier unique du talent ! Malheur au vertueux, de cette vertu idiote préconisée par notre siècle enchristianisé, il n’est plus génial qu’en peignant les devantures des bouquinistes ou les grilles des tombeaux ! Dans le coeur du mal se recrute la foi qui illumine les vrais artistes. Ouvre la fenêtre, René, regarde s’il ne passe pas quelque pâle voyou, miséreux, apache, déserteur, appelle-les tous. Leur compagnie nous sera plus salutaire que l’ambiance des préjugés.
  • René avait ouvert la fenêtre. Un froid humide satura l’air chaud de la salle. Il pleuvait douillettement au dehors comme des caresses lasses de la sur la ville.

  • On ne peut rien voir, dit René.
  • Belle et Line claquaient des dents. On referma la fenêtre.

  • Tant pis, reprit Delange, portons un toast à tout le rancart de l’humanité qui gît au delà des barrières où se parquent les honnêtes gens. A la souffrance du maudit ! Aux souffreteux de l’inégalité ! Au tas gangreneux des marais infectés d’égoïsme au bord desquels se promène le groin glacial et repu des accapareurs de la liberté. A la résurrection future d’un soleil de fraternité écrasant de sa lumière les hibous serviles des innombrables religions ! A l’ère nouvelle ! l’artiste respecté, pouvant enseigner à la table du pauvre, débarrassé du sifflement jaloux des parvenus, l’alphabet du symbole de bonheur dont chaque lettre est une maille au filet invisible qui encercle l’homme à Dieu ! L’art ne doit plus être une fantaisie, mais un bélier agressif à l’assaut des vieux murs d’une époque émasculée. Jeunes.., ayant un cénacle… une ville à surprendre… débordants d’audaces irréfléchies… jetons notre caillou auprès de ceux de nos aînés. A notre tournoi, chevaliers assoiffés de chimères, contre les masses imbéciles,… en champ clos dans les artères brumeuses de Nantes !
  • La coupe de champagne en la main droite, Charles semblait le prophète transfiguré d’un avenir nouveau. Il avait croyance exagérée en l’accomplissement prochain de ses utopies. Il ne s’apercevait pas de l’obstacle formidable où butaient ses pas. Le pavé qui barre le chemin, ses faibles bras ne le rejetteront jamais dans le fossé. La lumière qui l’éblouit de l’autre côté de la haie ne brûlera pas ses cils inspirés. L’ange de David ne vient plus sur terre aider les nains à maîtriser les géants ; la fronde est distendue, les pierres sont de laine sur les cuirasses de l’ennemi.

  • A Nantes ! s’écria René avec élan. A notre ville au sol boueux ! A Nantes, qui se parchemine du râle de ses poitrinaires ! A Nantes dont le front est soucieux d’une angoisse terrible, peut-être le regret de sentir ses viscères se déchiqueter entre les mains des scoriques descendants d’un autrefois incompris ? A celle qui se voudrait vidée jusqu’à la moelle des vers qui la rongent et qui n’ont pas le cerveau assez large pour songer un peu de son histoire séculaire ! A Nantes la Brume multipliant le tourbillon mou de ses draperies tissées en gaze de pluies, en fils de nuages danseuse nonchalante des ombres et des silences aux frôlements lascifs sur les toitures lymphatiques, les murs goutteux, les rues tortueuses, les quais endeuillés des vapeurs du grand fleuve, l’hirsute abracadabrant de ses conservations et le multicolore de ses blanches nouveautés près des vieux rateliers où les archéologues mangent le foin de leur science piteuse et frigorifique ! Faire revivre ses membres ridés de notre audace ! A nous le souffle ardent de l’inspiration formida-ble qui consume la masse paresseuse des brouillards ! La faire jaillir vaporeuse comme une amante qu’on divinise ! Lui presser le coeur, en extraire les beautés incomprises, ployer les genoux devant le fougueux orchestre de ses missions secrètes ignorées des futiles ! Reine, on ne lui déniera pas son pouvoir de hantise égoïste… ; On s’enivrera de son empire ondoyeux. Se plonger dans la lutte ; son haleine glacer le feu de nos nerfs enthousiastes,.. et s’il faut succomber que ce soit à ses pieds avec la suprême oraison de fidélité et d’adulation !
  • Tour à tour chacun porta son toast. On eut dit qu’un pastiche du Bernard des Croisés avait surgi au-dessus d’eux, leur insufflant le pèlerinage sublime de la délivrance de leur ville hors la captivité des bourgeois. Les femmes mêlèrent leurs folies absurdes Le champagne troublait les têtes. La danseuse sauta sur la table, renversa les coupes, les bouteilles, et elle dansa, s’accompagnant d’une chanson gutturale espagnole ou italienne. A chaque mesure claquan des doigts, enlevant un morceau de ses habits. Bientôt elle fut nue ; sa danse devint effrénée ; elle gesticulait son ventre proéminent d’une façon ignoble ; ses seins ballonnaient. Non qu’elle fut laide ; elle avait même un charme brutal, celui de la chair où l’on devine des voluptés savantes.
    Monnès regardait de tous ses yeux.

  • Si l’on mettait le feu aux vêlements qui gisent à ses pieds, quel merveilleux tableau : La bacchante aux flammes, murmura Charles.
  • Mondin fila à l’anglaise et bientôt Marguerite. Line et Belle bâillaient.
    Monnès s’approcha de Léris.

  • Voulez-vous me la céder ce soir votre,.. amie ? Je crois que je suis pris.
  • Le coup de foudre.
  • J’en doutais jusqu’à aujourd’hui
  • Faites, cher ami. Je vous comprends.
  • Il Ia cueillit comme un papillon, fatiguée, tout en sueur. Elle s’habilla et ils partirent ensemble suivis du fidèle Trémat.
    Quand ils eurent disparu Léris ricana :

  • Il est amoureux d’une bohémienne. Ce pauvre Monnès se croit l’amant d’une actrice. C’est une de ces femmes qui font la danse du ventre sur la place Bretagne que j’ai raccrochée au passage. Il m’a demandé l’autorisation de l’emporter I Ce que je m’en moque !… Il s’en souviendra peut-être un peu trop du ballet !
  • Léris se frottait les mains heureux du tour joué à ce fat prétentieux.. Mussaud devenait tendre. Il pressait Frayssère sur son coeur l’appelant son frère son bien aimé. « Je te sculpterai nu demain acec des nichons gros comme le poing ». Frayssère bagayit : « Viens que je t’embrasse, mon vieux zozo ! »
    Leurs maîtresses les emmenèrent. Charmel et Ormanne prirent à califourchon sur leurs épaules les petites Line et Belle qui se mirent à brailler !

  • On joue au cheval… hue… hue… cocotte.
  • Remirmont avec Claire, Verneuil avec Joséphine, René avec Lolette suivaient, Léris et Geray fermaient la marche.
    Quelle tempête dans l’escalier ! Les voisins s’en plaignirent pendant un mois. D’aucuns se levèrent en chemise croyant à un incendie. Des têtes bonnet de coton apparaissaient aux portes et s’éclipsaient vite accablées d’injures terribles, de cris de guerre, de cris de mort. Ils hurlaient, réclamaient l’électricité, chantaient un de profundis. Les gamines donnaient des coups de poings dans les portes. Devant la loge du concierge ils entonnèrent en choeur un couplet farouche. Le pipelet ouvrit, mais devant la troupe menaçante n’eut pas le courage de ronchonner.
    La pluie qui glissait dense calma leur effervescence, les dipersa. Pas un seul n’avait le brave pépin si nécessaire à Nantes. Courbant le dos, serrés les uns contre les autres, ils s’enfuirent se protégeant de leur mieux.
    On entendait les voix de Line et de Belle criant sur les épaules de leurs cavaliers :

  • Ho… ha… cocotte… au trot … au galop.. hua… hue…!
  • René avait passé sa main autour de la taille de Lolette. Elle se laissait blottir contre lui et ils se couvraient ensemble de sa pèlerine. En montant la rue Mathelin Rodier, il lui dit à voix basse, très doucement :

  • Tu viens chez moi?
  • Sans lever les yeux, elle répondit simplement :

  • Oui.
  • La pluie dévidait toujours sa légende incompréhensible d’une voix de grand’mère qui n’a plus de dents pour les récits des pavanes du temps jadis.

    Ludovic Garnica de la Cruz. Nantes la brume. 1905. Numérisation Odile Halbert, 2008 – Reproduction interdite.

    Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet seule une citation ou un lien sont autorisés.

    Contrat de mariage Merit Bernier, Rablay (49), 1729

    avec habit de deuil prévu pour l’épouse si elle survit à son époux

    Tous les contrats sont écrits au kilomètre, sans alinéa, et sans ponctuation, c’est leur difficulté première. Alors, je vous présente un contrat de mariage en allant à la ligne à chaque fois que l’on change de sujet, et en vous mettant en italique et entre parenthèses, mon commentaire. Si vous avez d’autres questions, posez là dans les grilles de commentaires qui vous sont accessibles en ligne, ci-dessous.
    Les contrats ont presque toujours un rythme, immuable selon les provinces et droits coutumiers.
    Le contrat ci-après concerne une famille modeste, voire très modeste. En particulier la fille et sa mère ne possèdent que le strict minimum pour survivre, et il ressort de ce contrat que la mère aura du mal à aligner le peu qu’elle doit donner à sa fille en faveur de ce mariage.

    Voici la retranscription de l’acte : Le 10 février 1729 après midy, par devant nous Charles Billault Nre royal Angers résidant à Rablay, furent présents établis et soubmis Pierre Mérit métayer veuf de Jeanne Renou, Perrine Beguier veuve de Jacques Bernier et Catherine Bernier sa fille, Dt paroisse de Rablay, entre lesquelles dits Pierre Merit et Catherine Bernier a esté fait les traités et conventions de mariage qui suivent (introduction avec filiations, pas toujours données mais le plus souvent)
    c’est à savoir que lesdits Merit et Catherine Bernier du consentenent savoir ledit Merit de François Merit son frère, de Marie Lorine sa belle mère, et ladite Bernier du consentement de sa dite mère, de François Burgevin et Jean Morin ses beaux-frères, se sont mutuellement promis la foy de mariage et iceluy solemniser en face d’églize si tôt que l’un en sera pas l’autre requis, tout légitime empeschement cessant, (après cet engagement il est quasiement impossible de revenir en arrière, seuls de rares cas y sont parvenus. Ce point comporte souvent des collatéraux, toujours bons à prendre)
    auquel mariage entreront lesdits futurs conjoints avec tous et chacuns leurs droitz, (on attaque ici les clauses financières et les droits de chacun)
    ledit futur a déclaré avoir d’effets mobiliaires en meubles bestiaux et ensemancé pour sa part et portion, faisant moitié de sa communauté acquise entre luy et ladite Jeanne Renou, la somme de 300 L de laquelle somme il entrera en communauté celle de 100 L et le surplus montant 200 L tiendra nature de propre audit futur, en ces estocq et lignée, et à tous effets, (on ne donne pas toujours un chiffre pour les biens du futur, mais pour contre toujours un chiffre pour ce qui en entrera dans la communauté. Tous les contrats de mariage donnent ce dernier chiffre, qui est très important en droit. Ce chiffre ne semble pas un pourcentage des biens propres, et me semble plus un plancher. Enfin l’estoc ne doit pas vous faire peur, c’est la même chose que la lignée)
    et ladite Perrine Beguier veuve Bernier a promis et par ces présentes promet et s’oblige donner à ladite future sa sille en avancement de droit successif la somme de 100 L à 2 termes savoir 50 L à Noël prochain, et 50 L en un an, de laquelle somme il en entrera en communaulté, qui sera acquise entre lesdites parties dans le jour de la bénédiction nuptiale, celle de 50 L et le surplus, montant pareille somme tiendra nature de propre à ladite future de son côté et lignée à tous effets,
    à laquelle communaulté pourront ladite future elle ses hoirs renoncer toutte foy et quante à ce faisant reprendront franchement et quittement ce qu’ils justifieront qu’elle y aura aporter préférablement à tous créanciers, ensemble ses habits linge bague et joyaux, et autres hardes servant à son usage, (en fait de joyaux, c’est une phrase systématique, écrite même s’il n’y en a pas, comme c’est surement le cas présent… Mais, on ne sait jamais, ils pourraient faire fortune...)
    les debtes qui seront créées pendant ladite communaulté seront acquittées par ledit futur nonobstant que ladite future y fut obligée,
    et celles qui seront créées auparavant icelle seront acquitté par celui ou celle qui les aura créées, sans qu’elles puissent entrer en ladite communauté,
    et pour cas qu’il soit vendu ou aliéné des biens propres desdits futurs, ils en seront récompensés sur les biens de ladite communaulté, ladite future par préférence aura défault sur les biens dudit futur, (si un bien propre de Mr ou de Mme est vendu, l’argent n’en rentre pas dans la communauté, mais dans un autre bien propre)
    les successions tant directes que collatérales qui échoieront auxdits futurs tiendront nature de propre à celuy ou celle à qui elles échoiront, sans qu’elles puissent entrer en ladite communaulté, (ce dont ils hériteront de leurs proches reste bien propre et n’entre jamais dans la communauté. D’ailleurs s’ils meurent sans enfants ces biens reviennent aux collatéraux, avec la moitié des biens de la communauté)
    et a ledit futur assigné et assigne par ces présentes douaire coutumier à ladite future, sur tous et chacuns ses biens le cas avenant, (le douaire, aliàs dotation de la veuve, est souvent coutumier et la coutume variable d’une province à l’autre, mais il arrive que le douaire soit particulier et déroge à la coutume, car la future a obtenu encore plus lors de ce contrat)
    et aura ladite future un habit de deuil selon sa condition survivant ledit futur, (clause que je rencontre pour la première fois, car elle est inexistante en Haut-Anjou. Elle nous apprend, ce que j’ai vu quand j’était enfant, qu’on portait autrefois plus le dueil que de nos jours)
    et à l’égard de l’autre moitié des meubles et effets de la communaulté dudit Merit et de ladite Jeanne Renou, montant pareille somme de 300 L qui appartient à Jeanne Merit sa fille et de ladite déffunte, âgée de 2 ans environ, l’estimation qui en a esté fait faire par Louis Renou métayer grand père de ladite mineure Dt à Rablay, et François Renou vigneron oncle de la mère de ladite mineure Dt paroisse de Chanzeaux, à ce présents établis et soubmis par personne… ledit Pierre Merit déduction faire des debtes de ladite communaulté si bien qu’il revient à Jeanne Merit mineure pour la moitié des effets mobiliaires de la communauté de ladite Jeanne Merit (sic, mais surement une erreur) sa mère la somme de 300 L que ledit Pierre Merit promet et s’oblige payer et bailler à ladite Jeanne Merit sa fille quante elle aura atteint l’âge de majorité de la bien traiter entretenir nourrir et gouverner jusqu’à l’âge de 14 ans pour l’intérest de ladite somme et après ledit âge de 14 ans accomplis ledit Pierre Merit s’oblige payer l’intérest de ladite somme de 300 L à ladite Jeanne Merit sa fille au denier 20 jusque à parfait payement d’icelle (l’enfant ne sera nourri que jusqu’à ses 14 ans, puis manifestement sera placée domestique ailleurs, par contre sa part, toujours préservée, comme cela est redit dans ce contrat, ne lui sera accessible qu’à ses 25 ans, âge de sa majorité, à moins qu’elle ne se marie avant, auquel cas elle pouvait généralement la toucher.)
    ce qui a esté ainsy voulu consenty stipulé et accepté, s’obligent lesdites parties leurs hoirs … (ritournelle dans tous les contrats, avec des variantes, pour dire que tout le monde est d’accord)
    fait et passé au village de la Roche paroisse dudit Rablay demeure dudit Jean Morin présents Etienne Coeurderoy, vigneron, cousin de ladite future et Me Anthoine Debrye chevalier seigneur de Doué Dt paroisse de Rablay témoins,
    lesdits futurs, Louis et François les Renou, Jean Morin, François Merit et Marie Lorine ont déclaré ne savoir signer de ce enquis. Signé : de Brie, E. Coeurderoy, Billault (toujours intéressant de découvrir le niveau d’alphabétisation, ici peu élevé. Les signatures, quand elles existent permettent aussi des identifications par recoupement ultérieurs avec d’autres actes, car ils signent toujours en ordre, futur, future, parents, oncles, tantes, cousins etc…)

    Si vous avez des questions concernant le vocabulaire ou le droit, posez-les et je ferai un prochain contrat avec les réponses.

    Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet seule une citation ou un lien sont autorisés.

    Journal d’Etienne Toysonnier, Angers 1683-1714 (1683 fin)

    1683 : août, septembre, octobre, novembre, décembre

    Numérisation par frappe du manuscrit : Odile Halbert, mars 2008. Reproduction interdite.
    Légende : en gras les remarques, en italique les compléments – Avec les notes de Marc Saché, Trente années de vie provinciale d’après le Journal de Toisonnier, Angers : Ed. de L’Ouest, 1930

  • Le 2 aoust (1683), monsieur de la Bouchetière Aubin, avocat, épouse Mlle Planchenaux, fille du Sr Planchenaux, marchand de bétail vers Ingrandes ; elle a une autre sœur qui a épousé monsieur du Rouzay Pasqueraye, contrôleur au grenier à sel.
  • Le 6e (août 1683) mourut Mr Raveneau, notaire.
  • Le 14e (août 1683) mourut la femme de monsieur Le Mesle, receveur des décimes ; elle s’appelait Moreau de la Jemellière ; elle a laissé six enfants.
  • Le 21e (août 1683) monsieur Huau de la Gauberdière plaida sa première cause.
  • Le 28e (août 1683) monsieur de Basourdy se fit installer en la charge d’avocat du Roy, en la place de feu monsieur Ménage ; c’était un homme de la dernière droiture, d’un grand mérite et un des plus beaux esprits de ce siècle.
  • Le mesme jour (28 août 1683) mourut la femme de Mr Hary l’apothicaire ; elle s’apellait Genoüil.
  • Le 4e septembre (1683), je plaidai ma première cause avec l’applaudissement de tout le monde, grâces à Dieu, j’en suis bien aise.
  • Le mesme jour (4 septembre 1683) monsieur Claude Desmazières plaida avec moi sa première cause.
  • Le 7e (septembre 1683) il se fit un convoy général de toutes les compagnies à la cathédrale, où monsieur d’Angers célébra la messe pontificallement pour Marie Thérèse d’Autriche, infante d’Espagne, femme de Louis le Grand, 14e du nom, Roy de France et de Navarre, qui mourut au château de Versailles le vendredi 30 de juillet. Le chœur était tendu de noir avec une bande de velours et grand nombre d’écussons aux armes de la Reine ; un lit d’honneur dans le chœur avec plusieurs cierges. Le prieur de St Serge y fit l’oraison funèbre.
  • Le mesme jour (7 septembre 1683) monsieur le chevalier de la Forest d’Armaillé fut tué en duel à Paris par un monsieur Quetaire. Il fut pendu par les pieds et traîné sur la claye par les rues de Paris. Il était fils de monsieur de la Forest d’Armaillé conseiller au Parlement de Bretagne et de la dame Le Chat. Son frère, conseiller au parlement de Paris, fut au devant, fut au devant, fit passer l’action pour rencontre et empêcha que son procès luy fut fait.
  • Le mesme jour (7 septembre 1683) mourut mademoiselle de Forges âgée de 18 ans, fille de monsieur Gueniveau de Forges, bourgeois, et de mademoiselle Valtère. Sa mère mourut un mois après subitement de douleur de la mort de sa fille unique.
  • Le 20e (septembre 1683) mourut madame Rousseau de Pantigné, femme de monsieur Rousseau de Pantigné, conseiller au siège présidial de cette ville. Elle était fille de monsieur Bertin cy-devant greffier en chef au criminal et de dame Louise Gigault.
  • Le 28e mourut monsieur Pillegault de l’Ouvrinière, greffier en chef au civil du présidial de cette ville, âgé de 43 ans. Il avait épousé en premières nôces mademoiselle Buisson fille de monsieur Buisson, docteur régent ès loix, dont il a laissé plusieurs enfants, et en secondes mademoiselle …
  • Du 5e octobre (1683) monsieur Leclerc, fils de monsieur Leclerc assesseur au siège présidial d’Angers, voulant prendre le plaisir de la chasse au guet à sa campagne, sortit de sa maison le soleil couchant, et sa campa dans une hauteur à son avantage pour mieux apercevoir la proye ; étant sur le point de quitter son poste sans aucun succès, il entendit un bruit dans un buisson un peu éloigné du lieu où il était, tira son coup croyant que c’était un loup ; ce fut malheureusement sur le cocher de son père, qui était sorti un peu devant luy de la maison, sans le dire ; il mourut de ce coup huit jours après.
  • Le 28e (octobre 1683) mourut madame Rouillard, femme de Mr Rouillard, marchand ; elle s’apellait Louise Angouland, fille de monsieur Angoulant marchand droguiste et de Louise Guitton, sœur de ma déffunte mère ; elle a laissé une fille. Elle fut enterrée le lendemain dans le cimetière de St Maurille ; elle était âgée de 48 ans.
  • Le 3 novembre (1683) monsieur du Tremblay Frein, fils de monsieur du Tremblay Frein, bourgeois, et de feüe mademoiselle Gaudicher épousa mademoiselle Ménage, fille de feu monsieur Ménage, avocat du Roy, et de mademoiselle Foussier de la Cassinerie. Il avait esté pendant plusieurs années conseiller au siège présidial de cette ville ; mais dans une grande affaire que Messieurs du présidial intentèrent à monsieur Boylesve lieutenant général, il fit le personnage de procureur du Roy. Par arrest du privé Conseil, il fut obligé de résigner sa charge dans six mois. Depuis cette disgrâce, il vit longtemps le monde d’un air fort indifférent, se mit ensuite la dévotion en tête, fut dans un séminaire à Paris, revint icy dans l’habit ecclésiastique et enfin s’est déterminé pour le mariage après avoir gousté tous les états de la vie.
  • Le 4e (novembre 1683), quatre des plus grosses cloches de St Maurice qui avaient été fondües quelques jours auparavant, furent bénites. Monsieur l’Evesque d’Angers, Monsieur d’Autichamp lieutenant du Roy de la ville et Château, Monsieur Gohin premier présidant, monsieur Denyau, grand doyen, Mlle de Grammont nièce de Madame de Grammont abbesse du Ronceray, Mme d’Autichamp femme dudit Mr d’Autichamp, Mme la lieutenante générale femme de Mr Boylesve lieutenant général, et Mme Lanier femme de feu Mr Lanier maître des requestes furent parains et maraines. Le chapitre donna ensuite une collation superbe.
  • Le 11e (novembre 1683) mourut monsieur Boylesve cy-devant premier président au présidial. Il avait épousé mademoiselle de Bord dont le père avait amassé de grands biens dans la maltoste. Il a laissé plusieurs enfants sçavoir monsieur Boylesve lieutenant général, Mr du Planty Boylesve et une fille mariée à Paris à Mr Bussy. Il a plusieurs frères scavoir feu Mr de la Guérinière Boylesve, feu Mr Boylesve évesque d’Avranches, Mr de la Mauricière Boylesve, Mr de la Croiserie Boylesve, Mr des Aulnais Boylesve.
  • Le 13e (novembre 1683) mourut monsieur le chevalier Lasnier fils de feu Mr Lasnier de la Guerche président au présidial de cette ville et de mademoiselle Poisson ; elle était de la ville de Château-Gontier.
  • Le mesme jour (13 novembre 1683), monsieur Constantin, cy-devant sous-lieutenant aux gardes, se fit installer dans la charge de grand prévost de feu son père. Monsieur de Boisourdy avocat du Roy parla fort à l’avantage de l’un et de l’autre.
  • Le 23e (novembre 1683) monsieur Pouriatz, advocat, fils de feu Mr Pouriatz advocat et de damoiselle Anne Augeard, épousa mademoiselle Ragon des sentiers de la province de Bretagne.
  • Dans ce temps, on faisait voir un cheval dans cette ville qui avait huit pieds. Il marquait avec son pied droit et frapait autant de coups qu’une carte qu’on lui présentait avait de points, et ainsy de toutes les autres en prenant un Roy pour 3, une dame pour 2 et un valet pour 1. Un particulier prenait des dez et les jettait sur la table ; il marquait avec le pied combien il y avait de points. Il connaissait de plus toutes sortes de chiffres, marquait avec son pied combien de fois dix dans cent, combien de fois cinq et ainsy de toutes les autres quesetions qu’on lui faisait. Il connaissait toutes sortes de monnaies françoises et étrangères marquait combien de livres dans un louis d’or, combien de sols dans un escu, combien de livres, combien de pièces de trente sols, combien de quinze, combien de fois dix, combien de fois cinq. Il fut admiré de toute la ville. J’eus la curiosité de le voir jusqu’à trois fois ; il était fort bien fait de sa taille, âgé de 12 ans.
  • Le 24e (novembre 1683) mademoiselle Phelipeaux, femme de feu Mr Phelipeaux, étant à sa campagne, une paÿsane lui fit dire qu’une vache avait fait un veau, elle y fut pour le voir, elle s’en approcha et le caressa, la vache en fut jalouse et lui donné de ses cornes dans le ventre, dont elle mourut quatre jours après.
  • Le 28e (novembre 1683) mourut mademoiselle Ayrault, fille de feu Mr Pierre Ayrault lieutenant criminel et de mademoiselle Françoise de Pecherat ; elle fut enterrée le lendemain dans le cimetière de St Michel le long de la salle de Mr le curé. Elle donna par son testament 1 000 L à l’Hôtel-Dieu, 1 000 L à l’Hôpital général, 1 000 L aux filles du refuge ; elle fonda une messe tous les mois à la paroisse et fit plusieurs autres biens à différentes personnes. C’était une fille fort vertueuse ; elle était âgée de 31 ans ; elle mourut d’une maladie de langueur.
  • Le 2e (décembre 1683) mourut monsieur Malo maître chirurgien. Il fut enterré le lendemain dans l’église des R.R. pères Minimes. Il avait épousé feüe madame Choisnière.
  • Le 9e (décembre 1683) monsieur l’évesque d’Angers consacra le grand autel de l’église des dames de la fidélité de cette ville.
  • Le 17e (décembre 1683) deux archers de gabelle furent tués à la porte de Toussaints par des valets d’estrangers.
  • Le 29e (décembre 1683) madame Moreau femme de monsieur Moreau cy-devant notaire, mourut âgée de 64 ans ; elle était devenue sourde et aveugle depuis 10 ans ; elle s’appelait Noulau. Elle a laissé pour enfants Mr du Plessis Moreau conseiller au siège présidial qui a épousé mademoiselle de la Cassinerie Foussier, une fille qui a épousé monsieur de la Grüe, et une autre mariée avec monsieur de Loube seigneur de Lambroise. Il y a trois garçons ecclésiastiques ; son père était droguiste.
  • En ce temps, monsieur Musard de la Marsilière, fils de monsieur Musard, secrétaire de monsieur Arnaud évesque d’Angers, et de Mme Masson, leva une compagnie d’infanterie et s’en fut à Belle-Isle en garnison.
  • Dans le mesme temps monsieur de Sazilay de la Tremblaye Robin leva une compagnie de cavalerie. Il a épousé Mlle Grandet.
  • Dans ce mesme temps, monsieur Bouré de Jarzé leva aussi en cette ville une compagnie de cavalerie.
  • Le 19e de ce mois (décembre 1683) madame la dauphine accoucha à Versailles d’un second fils nommé Monseigneur le duc d’Anjou.
  • Cette année (1683) a été fertile en bled et en vin.
  • Numérisation par frappe du manuscrit : Odile Halbert, mars 2008. Reproduction interdite.
    Légende : en gras les remarques, en italique les compléments – Avec les notes de Marc Saché, Trente années de vie provinciale d’après le Journal de Toisonnier, Angers : Ed. de L’Ouest, 1930
    Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet seule une citation ou un lien sont autorisés.

    Perruquier barbier baigneur estuvier à Laval, 1712

    Mes souvenirs scolaires (Lycée Guist’hau de Nantes) sont remplis d’absence totale de bains, hygiène, même à la cour du roi Soleil. Voici pourtant un peu d’hygiène en 1712 :

  • L’acte qui suit est extrait des Archives Départementales de Mayenne, 3E30
  • Voici la retranscription de l’acte : Le 5 avril 1712 avant midy devant nous François Lebreton notaire du comté pairie de Laval, y résident, furent présents en leurs personnes establiz et submis Pierre Fleury marchand perruquier demeurant forsbourg du Pont de Maine paroisse St Vénérand de ceste ville d’une part,
    et René Lemesle perruquier et Jacquine Collibet sa femme de luy authorisée pour la valadité des présentes, demeurants paroisse de la Trinité dudit Laval d’autre part,
    lesquelles parties ont faict entr’elles ce qui suit, à savoir que ledit Sr Fleury a par ces présentes vendu ceddé et transporté auxdits Lemesle et Collibet sa femme acceptants et achetants pour eulx leurs hoirs et ayant cause, une des 4 places de barbiers, perruquiers, baigneurs, estuviers, faisant partye des 6 places créées pour ceste ville de Laval par l’édit du mois d’octobre 1701, desquelles 4 places Pierre Bourdin marchand Sr de Tiennebrune auroit obtenu ces provisions de la Grande Chancelerie le 16 mai 1706, et lesquelles 4 places il auroit vendues et ceddées audit Sr Fleury par acte au rapport de Me Jacques Lemoyne notaire de cette cour du 4 juin audit an 1706, pour par ledit Lemesle jouir faire et disposer de ladite place de perruquier à luy cy dessus vendue et se faire recevoir et installer en l’exercice d’icelle à ses frais et despens, quand et comme bon luy semblera, auquel effect ledit sieur Fleury leur a présentement deslivré et mis entre mains les provisions de laditte place de perruquier expédiées sous le nom dudit Bourdin Tiennebrune cy-dessus dattée scellée du frand sceau de cire jaulne, la quittance de finance du prix d’icelle en date du 30 mars audit an signée Bertin au dos de laquelle est l’enregistrement d’icelle signé Chamillard, la quittance des deux sols pour livre signée Ferrand en date dudit jour 31 mars et 2 moullez qui sont autant de l’édit de création desdites places et de l’arresté du Conseil des mois d’octobre 1701 et de juin 1702, le tout attaché ensemble sous le contrescel de ladite chancelerie, desquelles pièces lesdits Lemesle et femme se sont contantez et en ont deschargé ledit sieur Fleury,
    la présente vendition faicte pour et moyennant la somme de 200 livres que lesdits Lemesle et Collibet sa femme ont promis et se sont obligez sous l’hypotèque de tous leurs biens et solidairement l’un pour l’autre un seul pour le tout bailler et payer audit Sr Fleury savoir moitié montant 100 livres d’huy en un an, l’autre moitié montant pareille somme six mois après, le tout prochain venant, et jusques au payement réel de luy en payer les intéretz au sol la livre à commancer de courir de ce jour et ladite place de perruquier cy dessus vendue y demeurera hypotéquée par privilège spécial sans que ledit hypotèque général et spécial desrogent l’un à l’autre, et deslivreront lesdits Lemesle et femme à leurs fraiz coppie des présentes audit sieur Fleury, et à ce faire à esté présent aussy estably et submis Denis Collibet marchand lainier demeurant dite paroisse de la Trinité dudit Laval, lequel s’est volontairement submis et obligé dous hypotèque de tous ses biens et avecq lesdits Lemesle et Collibet sa femme et tous trois solidairement, les uns pour les autres un d’eulx seul pour le tout sous les renonciations requises au payement de la susdite somme de 200 livres dans les termes susdits et intéretz d’icelle vers ledit sieur Fleyrt à peine de tous dommages intéretz et despens ce que lesdites parties ont ainsy voulu stipullé et accordé et promis …
    fait et passé audit Laval en nostre estude es présences de Nicolas Jacquet commis au greffe ordinaire de ceste ville, et Pierre Gerbault (est-ce un ascendant d’Alain ?) marchand demeurant audit Laval, tesmoins requis qui ont signé avecq lesdits Pierre Fleury, Lemesle, Denis Collibet et nous notaire et a ladite Jacquine Collibet dit ne savoir signer de ce enquise.

    (Planche de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert)
    Le métier de perruquier est donc défini ainsi : barbier, perruquier, baigneur, estuvier. Ce qui se traduit par différentes taches, et lorsqu’on utilise le terme perruquier, c’est à titre de raccourci, car on a toujours les 4 métiers réunis.
    Pour son rôle de barbier, il ne faut pas confondre barbier et chirurgien, même si tous deux font la barbe :

    BARBIER, s. m. artisan qui fait la barbe. Il y a à Paris deux communautés, qui, suivant leurs statuts, ont droit de tenir boutique ouverte pour faire la barbe, & d’y mettre des bassins pour enseigne. La premiere est celle des maîtres Chirurgiens, dont les bassins de l’enseigne doivent être jaunes : la seconde est celle des Perruquiers, dont les bassins sont blancs. Voyez CHIRURGIE. (Encyclopédie de Diderot et d’Alembert)
    Le perruquier a besoin d’une marmite ou chaudiere. Ce vaisseau doit être fait en poire, plus large par le bas que par le haut. Cette forme empêche les cheveux de remonter lorsqu’ils sont sur les moules. Sa grandeur ordinaire est d’un seau & demi, & il peut contenir 2 livres ou 2 livres & demie de cheveux frisés sur des moules qui ne soient ni trop gros ni trop petits.

    Il lui faut aussi une étuve. Il y en a de rondes & de quarrées. Ceux qui ont du terrein peuvent les faire en maçonnerie comme les fourneaux. Celles que l’on commande aux Menuisiers sont quarrées & de bois de chêne. C’est une espece de coffre de 3 piés & 1/2 à 4 piés de haut, sur 2 à 2 piés & 1/2. On place ordinairement en-dedans une croix de fer. Si l’étuve a 4 piés, il faut que la croix soit posée à la hauteur de 3 piés ou environ, & couverte d’une grille de gros fil de fer, dont les trous soient un peu écartés. Sous la grille, l’on met une poële proportionnée à la grandeur de l’étuve, pleine de charbons bien couverts, & disposés de maniere qu’en se consumant ils ne forment point de cavité. (Diderot)

    Mais le Perruquier-barbier-baigneur-estuvier, possédait aussi des bains pour l’hygiène corporelle. Ainsi, il y en avait 6 à Laval en 1712, pour 14 000 habitants.

    Dans les inventaires après décès que j’ai dépouillés à ce jour, la perruque est rare, mais j’ai surtout fait les classes rurales et il est probable qu’elle a été portée en ville.

    PERRUQUE, s. f. (Art. méch.) coëffure de tête, faite avec des cheveux étrangers, qui imitent & remplacent les cheveux naturels. L’usage & l’art de faire des perruques est très moderne ; ils n’ont pas plus de 120 ans (en 1766, ce qui la reporte à 1646). Avant ce tems, l’on se couvroit la tête avec de grandes calottes, comme les portent encore aujourd’hui les comédiens qui jouent les rôles à manteau, ou ceux qui font les paysans. On y cousoit des cheveux doubles, tout droits ; car on ne savoit pas tresser, & l’on frisoit ces cheveux au fer, comme on les frise aujourd’hui sur la tête. (Diderot)

    Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet seule une citation ou un lien sont autorisés.