Contrat d’appentissage d’orfèvre d’un Lavallois à Angers 1659

Nous avons déjà rencontré ici à plusieurs reprises les orfèvres d’Angers et leur contrat d’appentissage. Ici, c’est un jeune Lavalois qui vient se perfectionner à Angers afin de pouvoir passer sa maîtrise à Angers. Ce contrat illustre les échanges de savoir-faire entre Laval et Angers, puisque l’apprenti a déjà appris à Laval avant de venir à Angers.
L’apprentissage d’orfèvre, métier d’art, est long et coûteux, et ici, cette dernière année coûte pas mois de 100 livres.
Voir le contrat d’apprentissage d’un orfèvre, Angers, 1573, chez François Hayeneufve, pour 5 ans
Si vous voulez approfondir les orfèvres d’antant, voyez :
Revue 303, (Pays de Loire), n°55, par Monique Jacob, Les orfèvres d’Anjou et du Bas-Maine du Moyen-âge au XIXe siècle.
et du même auteur, plus développé : Les Orfèvres d’Anjou et du Bas-Maine, dictionnaire des poinçons de l’orfèvrerie française / Monique Jacob ; réd. Philippe Bardelot, Christian Davy, Dominique Eraud … – Paris : Ed. du patrimoine, 1998. – 522 p. – (Cahiers, ISSN 0762-1671 ; n°050).

Ces ouvrages sont consultables dans les bibliothèques des DRAC, ou Municipales des grandes villes concernées.

J’ai trouvé l’acte qui suit aux Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 5E6 Claude Garnier notaire royal à Angers – Voici ma retranscription des 2 actes, la procuration passée à Laval, puis l’acte passé à Angers : Le 19 juin 1659 par devant nous Olivier Couagnier notaire au compté de Laval demeurant audit Laval fut personnellement estably et deubment submins honorable homme Daniel Tauvry sieur des Landes marchand apothicaire demeurant audit Laval paroisse de la Ste Trinité, curateur universel de René Tauvry mineur son frère apprantif du mestier d’orphebvre estant à présent en la ville d’Angers en la maison de monsieur Poisson Me orphebvre audit lieu, lequel a volontairement par ces présentes créé, nommé et constitué son procureur général et irrévocable Me (blanc) Piedbon sieur de la Tremblais advocat au siège présidial d’Angers

    Vour vous souvenez que j’ai dépouillé par ordre alphabétique l’ouvrage de Gontard Delaunay sur les avocat d’Angers, et bien, voici encore une lacune, car l’ouvrage ne donne qu’Ambrois Piébon 1682, et ne donne par Jullien auparavant.
    Voir la liste des avocats selon l’ouvrage de Gontard Delaunay

auquel il a donné pouvoir de sa personne représenter en jugement et hors iceluy par especial pour et au nom dudit constituant passer acte devant notaire avec le dit sieur Poisson par lequel il obligera ledit René Tauvry à le servir en qualité d’apprantif dudit estat d’orphebvre par le temps d’un an à compter du jour et feste de St Marc dernier auquel jour il auroit entré en la maison dudit sieur Poisson, lequel s’obligera pareillement d’apprendre et montrer ledit mestier audit René Tauvry

    j’ai eu beaucoup de mal à déchiffer le nom de Tauvry, que j’ai lu Tanvry, Tannery etc…, et je dois au commentaire ci-dessous l’aide précieuse qui certifie Tauvry. En paléographie, les noms propres sont parfois difficiles à déchiffrer.

à son pouvoir pendant ledit temps et ce moyennant la somme de 100 livres tournois laquelle ledit sieur procureur s’obligera payer audit sieur Poisson scavoir 50 livres en 6 mois dudit jour St Marc dernier et les 50 livres restant à la fin de ladite année, et sans que ledit acte d’alloumant

Alloué – Homme loué, travaillant à la journée. – Hist. – « Allocatus, quid ad id locatus vel allocatus est ut vicarii vicem agat » (Concil. Andeg., 1269) Ménière (A.-J. Verrier et R. Onillon, Glossaire des patois et de parlers de l’Anjou, Angers 1908)

puisse estre tiré à conséquence par ledit René Janvry pour aspirer à la maîtrise dudit mestier d’orphebvre en ladite ville d’Angers et généralement faire et gérer pour ledit constituant tout ce que besoin et requis sera, promettant l’avoir agréable jaçoit que le cas requis mandement plus spécial, dont l’avons de son consentement jugé, fait et passé audit Laval maison de nous notaire en présence de René Bodin Sr de la Toinele et René Lecompte le Jeune marchand drapier demeurant audit Laval tesmoings à ce requis –
Le 17 juin 1659 après midy par devant nous Claude Garnier notaire royal Angers furent présents honnorable homme Jullien Piebon sieur de la Tremblais demeurant à Angers advocat au siège présidial d’Angers demeurant audit Angers paroisse de la Trinité au nom et comme procureur de honnorable homme Daniel Tauvry sieur des Landes Me apothicaire demeurant en la ville de Laval par procuration demeurée cy attachée auquel ledit sieur de la Tremblais promet faire ratiffier les présentes audit sieur des Landes toutefois et quantes à peine etc ces présentes néanlmoings etc d’une part, et honnorable homme Jacques Poisson Me orfevvre demeurant audit Angers paroisse de Saint Maurice d’autre, lesquels ont confessé avoir accordé ce qui s’ensuit qui est que ledit sieur de la Tremblais audit nom a mis et met ledit René Tanvry à ce présent avecq ledit Poisson qu’il a prins pour son apprentif à ladite vaccation d’orfebvre pour se perfectionner davantage à ladite vacation attendu que ledit René Tanvry a déjà fait un apprentissage à Laval et ce pour le temps d’un an qui a commencé du jour de saint Marc dernier le 25 avril que ledit René Tanvry entra en la maison dudit Poisson pour y commencer ladite année d’apprentissage pendant laquelle année ledit Poisson promet luy montrer ladite vaccation d’orfèvre à son pouvoir comme il a déjà commencé et le nourrir en sa maison comme apprentif à ladite vaccation luy fournir de lit et draps pour se coucher

    il y a des draps pour le prix !

et au moyen que ledit René Tauvry promet faire son debvoir d’apprendre et servir ledit Poisson à ladite vaccation à son pouvoir et est fait ledit marché d’apprentissage au moyen de ce que ledit sieur de la Tremblais audit nom et en privé nom jusqu’à ce qu’il ait fait ratiffier ces présentes promet payer audit Poisson la somme de 100 livres scavoir 50 livres dedans le 25 octobre prochain et les autres 50 livres dedans le jour et feste de Saint Marc prochain auquel marché tenir et garder faire ledit apprentissage et payer obligent les parties leurs hoirs leurs biens et mesme ledit René Tannery son corps à tenir prinson à défaut de faire ledit apprentissage, reonczant etc
fait et passé audit Angers en notre tablier présent Me Urbain Bigot et Arnoul Gasnier clerc demeurant audit Angers tesmoings

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Rupture de contrat d’apprentissage d’orfèvre pour cause de décès, Angers, 1569

Nous avons déjà étudié ici un contrat d’apprentissage d’orfèvre en 1573

Si vous voulez approfondir les orfèvres d’antant, voyez :
Revue 303, (Pays de Loire), n°55, par Monique Jacob, Les orfèvres d’Anjou et du Bas-Maine du Moyen-âge au XIXe siècle.
et du même auteur, plus développé : Les Orfèvres d’Anjou et du Bas-Maine, dictionnaire des poinçons de l’orfèvrerie française / Monique Jacob ; réd. Philippe Bardelot, Christian Davy, Dominique Eraud … – Paris : Ed. du patrimoine, 1998. – 522 p. – (Cahiers, ISSN 0762-1671 ; n°050).

Ces ouvrages sont consultables dans les bibliothèques des DRAC, ou Municipales des grandes villes concernées.

    Voir le contrat d’apprentissage Hayeneufve orfèvre en 1573

Le métier d’orfèvre exige un long apprentissage. Celui de Hayeneufve était de 5 ans en 1573, et ici la durée est identique. Or, la vie est courte à cette époque, et le maître meurt avant que l’apprentissage soit terminé ! L’apprenti n’a fait que 2 ans, et doit continuer son apprentissage, mais pour qu’il puisse le faire auprès d’un autre maître il s’avère qu’il doit d’abord être dégagé du contrat vers les héritiers du précédent ! Quel magnifique illustration de la fidélité à son maître autrefois !

Le père de l’apprenti est maçon, métier qui pouvait autrefois définir aussi bien l’ouvrier qu’un véritable maître d’oeuvres, quasiement architecte. Le dictionnaire Littré, 1872, distingue en effet ceux qui oeuvraient comme ouvrier, et :

Maître maçon, artisan qui dirige les maçons, surveille leurs travaux et répond de leur ouvrage

Le père de l’apprenti appartient donc à cette catégorie de maîtres d’oeuvre, et vous allez voir que sa signature, ainsi que celle de son fils, n’ont rien à envier à celles des notaires et avocats ! On comprend ainsi mieux que le fils du maçon soit apprenti orfèvre, car il s’agit dans les 2 cas de véritables métiers demandant des compétences élevées.
Le second article de ce blog de ce jour vous fait entrevoir qu’il a a maçon et maçon.

L’acte qui suit est extrait des Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 5E2 – Voici la retranscription intégrale de l’acte : Le 25 janvier 1569 comme Jehan Guillot Me maczon en ceste ville d’Angers et y demeurant paroisse de st Pierre eust baillé en apprentissage au mestier d’orfevrerie pour le temps de cinq ans Jacques Guillot son filz à Mathurin Moreau Me orfebvre en ceste ville dudit Angers pour luy en payer et bailler la somme de 80 livres tz pour tout ledit temps à la charge que ledit Moreau eust promis monstrer ledit mestier audit Jacques Guillot et le nourrir et fournir de boire manger de loger et couscher comme il dict plus amplement par contrat fait et passé par Me Jehan Huot notaire royal Angers,

avecques lequel Moreau ledit Jacques eust demeuré par le temps de deux ans neuf mois seulement et jusques à ce que ledit Moreau seroit décédé depuis ledit jour et feste de Nouel dernier delaissez en vie Jeucien Bertran Geneviefve et Nicolle enffans de luy et de deffuncte Jehanne Landry auquel deffunt ledit Jehan Guillot eust baillé la somme de 26 livres 13 sols 4 deniers sur et en déduction de ladite somme de 80 livres et offroit par payer le reste de ladite somme auxdits enfants en gardant ledit marché et parachever de nourrir sondit filz et luy monstrer sondit mestier auxquels avoit fait entendre ladite offre auxdits Jeucien Bertran et Geneviefve et les a sommez et requis de faire et continuer ledit marché pour le reste du temps à escheoir, lesquelz disoient qu’ils ne pouvoient point ains ont confessé ledit marché et promesse faicte par leur dict defunct père audit Jehan Guillot telle que suivant icelle eust peust leur dit père de son vivant à son pouvoir mis soin de l’accomplir nourrir ledit Jacques Guillot et luy monster ledit mestier comme ilz disent avoir faict depuis son décès mais que de la continuer ilz ne le peuvent faire par ce qu’ilz ne sont pour estre et demeurer tousjours ensembles et de fait vouloir n’en prendre la charge par ce que ledit Jacques s’est mis à mal… aussi que ladite Nicolle leur sœur est absente, laquelle seroit besoing en communiquer
offrant toutefois que les quictans par ledit Jehan Guillot et sondit fils du reste dudit marché, ilz n’emprescheroient que son dit fils ne face son prouffit en aultre lieu et que ledit Jehan Guillot n’accepte qu’ils demeurent quictes vers eulx du reste de ladite somme de 80 livres

pour ce est-il que enn la cour du roy notre sire à Angers et de monseigneur duc d’Anjou fils et frère de roy endroit par davant nous Marc Toublanc notaire de ladite Cour personnellement establyz lesdit Jeucien Bertran et Geneviefve les Moreaux tant en leurs noms que se faisant fors de ladite Nicole leur sœur absente à laquelle ils promettent faire ratiffier ces présentes toutes et quanteffois que mestier sera, demeurant en ceste ville dudit Angers paroisse de St Pierre d’une part, et lesdits Jehan Guillot et Jacques Guillot son filz demourant en ladite paroisse de St Pierre d’aultre part soubzmetans respectivement eulx leurs hoirs biens et choses mesmes lesdits les Moreaux esdits noms et qualitez que dessus et en chacun d’iceulx seul et pour le tout sans division etc confessent avoir fait et accordé ce qui s’ensuit,
c’est à savoir que lesdits les Moreaux esdits noms avoir quicté et estre quictes et par ces présentes quictent dudit marché d’apprentissage pour le reste du temps à escheoir et ont renoncé et renoncent au prouffilt les ungs des aultres comme assemblable ils ont quictez et quictent scavoir est lesdits les Moreaux esdits noms avoir quicté et quitent lesdits les Guillot dudit reste de ladite somme de 80 livres et pareillement ont quicté et quictent lesdits les Moreaux esdits noms du reste dudit apprentissage dudit Jacques et de sa nourriture et pension et au surplus lesdits les Moreaux ont donné congé et licence audit Jacques de se pourvoir d’aultre maistre et faire son prouffilt comme verra à faire sans que lesdits establiz l’un d’eulx seul puissent à l’advenir l’en inquieter pour raison dudit marché …

    Voici donc l’apprenti libre de poursuivre son apprentissage auprès d’un autre maître. L’histoire ne dit pas s’il trouva réellement un autre maître pour finir son apprentissage. Sans doute qu’on peut voir dans les ouvrages publiés sur les Orfèvres d’Anjou s’il fut lui-même orfèvre ? Si vous le savez, merci de compléter cette histoire.

    Admirez les splendides signatures du père et du fils Guillot, qui attestent le rang social de ce maçon, manifestement maître d’oeuvre.

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Contrat d’apprentissage d’un orfèvre, Angers, 1573, chez François Hayeneufve, pour 5 ans

Hier, nous avons vu l’apothicaire, formé sur 3 ans. Mais un métier d’art, c’est bien autre chose, et c’est bien plus long. D’ailleurs, j’ai cru comprendre que désormais la France a du mal a conserver certains de ces métiers, faute d’enseignement et repreneurs.
A l’époque, il s’agit surtout de faire des reliquaires, ostensoirs, croix, calices, faits d’or ou d’argent, avec pierres précieuses, et de quelques objets domestiques tels écuelles, réchauds, ciselés.
Je ne peux hélas vous illustrer cette page, car il s’agit d’un domaine sensible, où le pillage de la France sévit actuellement. J’ai moi-même donné (gentil terme pour exprimer qu’on est passé par là), pour une timbale et une fourchette de 1720, et des bijoux. Et merveille, quelques heures plus tard l’assureur m’a traitée de voleuse : un grand merci au passage aux voleurs d’assureur, pour les gentils souvenirs qu’ils m’ont ainsi laissés. Je reste traumatisée 11 ans plus tard, car bien sûr je n’ai pas vu d’indemnisation totale du tout, malgré photos d’objets anciens.

Si vous voulez approfondir les orfèvres d’antant, voyez :
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Ces ouvrages sont consultables dans les bibliothèques des DRAC, ou Municipales des grandes villes concernées.

Revenons au contrat d’apprentissage, signé à Angers, devant notaire, le 9 juin 1573, par François Hayeneuve, orfèvre à Angers, qui prend comme apprenti pour 5 ans Christophe Marteau fils de †Alexandre et de Guyonne Jourdan, demeurant à Laval, présenté par sa mère.
Tient, tient : au passage un joli clein d’oeil à l’orfèvrerie du Maine liée à celle d’Angers !

Vous savez maintenant qu’il est logé, blanchi, et nourri chez le maître.
S’agissant d’un domaine sensible (métaux et pierres précieuses), l’apprentis promet de ne rien faire de répréhensible.
Au fait, ce n’est pas un apprentis mais un apprentif, forme ancienne du terme. Cela fait donc plusieurs fois que nous rencontrons cette forme, car je navigue dans l’ancien…
Le montant à payer par la mère du jeune homme s’élève à 210 L, enfin, on voit encore la clause de présence obligatoire du garçon, sous peine de prison.
Ouille ! à l’heure où l’autorité parentale tend à disparaître, du moins c’est ce que j’ai cru comprendre d’une récente enquête publié dans un grand quotidien, on a du mal à se représenter le degré d’autorité autrefois, et surtout le degré de la peine encourue. Nous reviendrons sur la prison autrefois…
Mais il y aura aussi d’autres contrats d’orfèvre, apothicaire, et d’autres métiers, et je tente d’en dresser un tableau comparatif… qui me prend beaucoup de temps…

Demain, un autre contrat d’apprentissage. Attention, encore plus long : 6 ans.

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