Lettres de provision d’office de Me priseur vendeur et sergent royal, pour Jean Letort, Pouancé 1576

Nous avons vu que les inventaires après décès étaient rarement passés chez un notaire d’où le nombre restreint de ces documents dans les archives notariales. Dans la pratique, ils étaient le plus souvent faits par un sergent royal. Or, un sergent royal ne conservait pas ses minutes.

Voici l’office de sergent royal de Jean Letort, qui précise les édits de création des différents offices sous le nom de priseur vendeur, puis la fusion de ces priseurs vendeurs avec les sergent royaux.

    Voir mon étude des familles LETORT

L’acte qui suit est extrait des insinuations AD49-1B154 – Voici la retranscription : Le 22 décembre 1576 Henry par la grâce de Dieu roy de France et de Pologne à tous ceulx qui ces présentes verront, comme feu notre très honoré seigneur et père le roy Henry que Dieu absolve et par son édict du moys de febvrier 1556 eust créé et érigé en tiltre d’office des Mes priseurs vendeurs de biens meubles et toutes et chacune les villes bourgs et bourgades en notre royaulme soubz les ressorts de nos courtz sièges et juridictions et autres que besoing sera lequel édict et autres déclarations règlementz des 20 may 1557 et 27 apvril en suivant 1558 ayant eté vériffiez publiez et évoquez en nos courts de parlement et partout ailleurs où besoing estoit aussi notre édict du moys de mars dernier en application dudit édict de création et pouvoir par lesdits Mes priseurs vendeurs de faire indifferemment tous exploictz appartenant aux offices de noz sergents royaulx ordinaires et tout ainsi comme nos sergents font et peuvent faire en chacuns de nos sièges et juridictions et lesquelz deux estatz nous avons par notre édict incorporés ensemble pour estre conjointement tenuz et excercez par les impétrants de ces offices à ces causes scavoir faisons que pour le bon et louable rapport à nous fait de la personne de notre cher et bien aimé Jehan Letort et de ses services et expérieuce et bonne diligence à iceluy pour ces causes et bonnes considérations nous avons donné et octroyé donnons et octroyons par ces présentes l’office de priseur vendeur de biens meubles et sergent ordinaire au pays d’Anjou en la ville de Pouancé pour dudit office de Me priseur vendeur de biens meubles et sergent ordinaire uniz et conjointz ensemble jouyr et user par ledit Jehan Letort suivant nosdits édictz de création comme en jouissent ceulx de mesme et pareille création en notre chastelet et aulx honneurs salaires et vacations contenuz et portez par notre édict proéminences franchises et libertez appartenant audit office tant qu’il nous plaira donnons en mandement à notre sénéchal d’Anjou ou à ses lieutenants et chacun à qui il appartiendra que ledit Jehan Letort soit receu et faire mettre en possession desdits estats et offices et d’iceulx jouir et user pleinement et paisiblement et sans préjudice à notre cognoissance desquelles nous avons réservé et réservons notre conseil prins car tel est notre bon plaisir, donné à Paris le 18 septembre l’an de grâce 1576

Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet Merci d’en discuter sur ce blog et non aller en discuter dans mon dos sur un forum ou autre blog. Tout commentaire ou copie partielle de cet article sur autre blog ou forum ou site va à l’encontre du projet européen

Testament de l’arrière arrière grand’mère de Volney, Renée Chaupitre, 1706

Renée Chaupitre, veuve Chassebeuf, a 75 ans lorsqu’elle fait son testament. Elle n’est pas mourante mais se sent âgée : elle décèdera 8 ans plus tard.
Elle est l’arrière-arrière grand’mère de Constantin Chassebeuf, plus connu son le nom de Volney.

    Cliquez l’image, vous êtes à Craon, berceau des Chassebeuf.
    Voir ma page sur Constantin Chassebeuf, aliàs Volney
    Voir ma page sur Craon
    Voir ma page de vocabulaire des inventaires après-décès (vous allez en avoir besoin pour la mante, le lodier, le ras etc…)

Le testament de Renée Chaupitre a plusieurs particularités :

    Il est écrit d’une manière assez décousue, non pas parce que Renée Chaupitre n’a plus son entendement, mais, comme le notaire l’explique à la fin, il lui a lu et relu, et manifestement, elle apportait à chaque lecture une modification, de sorte que les renvois en fin de texte et en marge sont nombreux.

    Un paragraphe reste douteux, celui du fils religieux, mais Pierre Grelier et moi-même y avons travaillé d’arrache-pied, en vain…

    Il est écrit à la 3ème personne et non à la première.

    Enfin, Renée Chaupitre énumère ce qui lui reste après tout ce qu’elle a laissé en avancements d’hoirs et démission de ses biens, ce qui explique qu’elle parle de son lit, ses vêtements… et pas de biens fonciers ou autres, plus conséquents. Je précise que ces biens s’entendent après tous les avancements d’hoirs et manifestement démission de ses biens, fait auparavant, ceci afin que vous compreniez pourquoi il lui reste peu. Autrefois, de nombreuses veuves ou veufs procédaient ainsi, contre une rente annuelle, ou rente viagère. De nos jours on met bien les personnes âgées dans 9 m2 !

L’acte qui suit est extrait des Archives Départementales de la Mayenne, série 3E14 Planchenault notaire à Craon – Voici la retranscription (avec beaucoup d’explications entre parenthèses compte tenu de la difficulté), et les ajouts de la testatrice sont entre tirets, et j’ai tenté d’établir des § pour rendre la lecture aisée :

In nomine Domini Amen (formule rituelle au début d’un testament)

Le 2 novembre 1706 après midy par devant nous André Planchenault notaire de Craon y demeurant fut présent establye et soumis h. femme Renée Chaupitre veuve de Claude Chassebeuf, vivant sergent royal, demeurant en cette ville, laquelle estant en grand âge n’espérant désormais vivre longtemps, quoy qu’en bonne santé d’esprit et de corps ainsy qu’il nous a apparu aux témoins cy-après, (un testament précise toujours sain d’esprit, et vous voyez qu’on appelle même des témoins pour constater ce point. Il serait facielement invalidé sinon par n’importe quel héritier mécontant…)

sachant qu’il faut mourir sans en pouvoir savoir l’heure et le moment, crainte d’être surprise et de mourir intestat a fait et dit le présent son testament et ordonnances de dernière volonté en la forme et manière qui suit

premier elle a recommandé son âme à Dieu tout puissant créateur du ciel et de la terre très humblement supplié par les mérites de notre Sauveur Jésus Christ, par les mérites et intercession de la glorieuse Vierge Marie, du bienheureux saint René son bon patron, et toute la cour céleste que incontinent qu’elle sera séparée d’avec son corps et la veuille colloquer au rang des bienheureux

veult et ordonne la testatrice que son décès étant arrivé sondit corps soit inhumé et ensépulturé au petit cimetière de la paroisse de St Clément dudit Craon proche le tombeau de son défunt mary sur la gauche entrant audit cimetière

qu’à la conduite d’iceluy au tombeau assistent processionnellement messieurs les curé prêtre dudit St Clément et les révérends père Jacobins dudit Craon,

que pour luminaire il soit porté quatre cierges de cire jaune de chacun un quartron par des pauvres auxquels sera donné chacun deux sols
que le jour de sa sépulture il soit dit et célébré en l’église dudit St Clément si faire se peult, sinon le lendemain, une chanterie de trois grandes messes, et quatre jours après pareille chanterie chez les révérends pères Jacobins, et au bout de l’an pareille chanterie en ladite église de St Clément

comme aussi a ladite testatrice donné et légué, donne et lègue par ces présentes, à perpétuité, à mesdits sieurs les curé et prêtre dudit St Clément la somme de 6 livres 7 sols de rente de la nature qu’elle est due chacun an, à la testatrice, par Jean Hunault, demeurant au moulin du Bas Puis paroisse de la Selle Craonnaise à cause et pour raison d’un moulin à vent situé dans les landes de la Crüe dite paroisse de la Selle suivant l’acte en forme de titre nouveau que ledit Hunault en a donné audit défunt Chassebeuf et à ladite testatrice devant Me Jacques Gatineau vivant notaire royal le 11e jour de décembre 1684, à la charge par mesdits sieurs curé et prêtre de célébrer chacun an aussy à perpétuité dans leur église 12 messes à basse voix, savoir 6 dans la semaine de la feste St René, et les autres 6 en pareille semaine du décès de la testatrice, de faire la recommandation de son âme les dimanches qui précèdent lesdites semaines, et à chaque messe entre l’offertoire et la préface, et de dire un libera sur son tombeau les jours de Toussaints ou des Trépassés de chacune année le tout pour le repos de son âme et celle de son défunt mary, parents et amis trépassés, et en cas d’amortissement de ladite rente de 6 livres 7 sols par les débiteurs d’icelle, lesdits sieurs curé et prêtre seront tenus colloquer le sort principal qu’ils auront reçu en main sure en présence des héritiers ou ayant cause de la testatrice afin que les rentes qui en proviendront chacun an tiennent fond desdites messes

comme à semblable veult et ordonne qu’il soit fait tous les ans un reposoir pour le St Sacrement devant sa maison ledit jour du Sacre et dimanche de l’octave et pour cet effet elle a laissé entre les mains de son fils aîné le dais la carrée devant d’autel avec les dantelles (dentelles), deux coussins couverts de même le dais, le tapis à point d’Angleterre, le drap de toile claire, les cadres et l’image de la Ste Vierge, les vazes de feance (vases de faïence : la faïence fit une pénétration lente, dans les milieux plus favorisés, mais le terme resta longtemps assez barbare dans les inventaires que j’ai déjà lu) avec les bouquets pour faire honneur au très St Sacrement,

Item donne à son petit-fils François Chassebeuf son filleul son lit avec charlit (le chaslit est le bois de lit, et en 1706 on avait commencé à abandonner le terme charlit pour désigner le lit entier, pour le terme lit) garny de ses rideaux tant verds (verts, autrefois avec un D qui nous a laissé verdure) que de toile imprimée, paillasse, couette, matelas, orillers, traversier, mante, lodier, sa table en auvalle (ovale), 6 draps de brin en réparon, ses landiers à pomme de cuivre, 2 grandes nappes de toile blanche mi uzées, une petite de toille blanche marquée à marc relevé, où il y a un CC, 4 plats 2 grands et 2 moyens, 6 grandes assiettes (allez voir ma page de lexique des inventaires après décès pour comprendre les termes, au cas où vous ne les connaissiez pas encore)

comme aussy donne tout son menu linge à ses deux petites filles Marie et Barbe Chassebeuf des Estre, son cotillon d’étamine barrée doublé d’une toile violette, son habit de ras noir avec la jupe de ras à sadite petite fille Marie Chassebeuf des Estre pour porter le deuil de la testatrice, le tout pour les secours et assistance qu’elle a reçu et resoit (reçoit) journellement en la maison de son fils François Chassebeuf leur père

donne pareillement à la veuve Landry sa cousine une jupe de drap brun avec sa robe de toille fourrée doublée de drap noir, et 2 chemizes

et donne à sa fille son habit d’étamine brune doublée de crépon noir, 2 de ses meilleures chemises, 2 coiffes demi-fil, et son manchon noir, avec sa vieille coiffe d’étamine et au cas que ladite Landry mourait avant ladite testatrice, elle donne le tout à sadite fille,

et donne tous ses « mouchoirs de soie » (en fait illisible, on peut lire n’importe quoi !) à son fils le religieux pour aucunement le récompenser des bons services qu’elle luy rend journellement (ce § nous a donné beaucoup de fil à retordre, et nous ne pouvons le comprendre, nous sommes sincèrement désolés !, en particulier les mouc… et aucunement nous sont totalement hermétiques. En outre, ce fils religieux n’était pas encore identifié comme tel, et nous ne comprenons pas pourquoi elle dit que c’est elle qui lui rend service. Inutile de commenter ce point car on peut lui faire n’importe quoi, qui ne serait que pure imagination, et ce blog fait dans le réel SVP, merci de respecter ce point.)

veut et ordonne à ses enfants de rendre la somme de 10 livres à la damoiselle de l’Arche femme du Sr de l’Arche médecin à Sablé ou au cas qu’elle fut décédée à ses enfants, laquelle somme elle avoit prestée à la testatrice,

laquelle pour l’exécution du présent testament à choysi et nommé chacuns de Mes Louis Hunault et Estienne Bernier prêtres demeurant audit Craon qu’elle prie et requiert humblement de vouloir charitablement prendre le fait et charge et faire exécuter en tous ses articles à l’effet de quoy elle a par ces présentes vestu et nanti de tous ses biens jusqu’à l’entière et parfaite exécution du présent testament duquel par nous dit notaire a esté donné lecture à la testatrice, lu et relu, elle a dit bien l’entendre et tout ce qui y est contenu, déclare n’y vouloir adjouter ni diminuer, elle y a fait arrest dont à sa requeste et de son consentement nous l’avons jugée
fait et passé à notre tablier présents Luc Clément et Thomas Morin cordonniers et Thomas Rousseau tixier demeurant au faubourg St Pierre dudit Craon témoins à ce requis et appelés.

Renée Chaupitre à Craon, dont voici les Halles au début du 20ème siècle :

Les halles de Craon, Mayenne
Les halles de Craon, Mayenne

Cliquez sur l’image pour l’agrandir :Collections privées – Reproduction interdite, y compris sur autre lieu d’Internet comme blog ou site

Renée Chaupitre est la mère de François Chacebeuf qui épousera Marie Lefrère, fille de Toussaint Lefrère et Jacquine Robineau, demeurant à la maison des Estres, maison dans laquelle il y avait une salle de prison, ce que nous a appris la succession de Toussaint Lefrère du 23 mai 1692.
Toussaint Lefrère, marchand messager de Craon à Angers, hôte et concierge des prisons royaux des Estres aliàs Aistres dudit Craon, et contemporain de Renée Chaupitre, avait épousé à Craon le 25 mai 1665 Jacquine Robineau, dont Marie née le 27 mars 1674 qui épousera en 1695 François Chassebeuf, fils de René Chaupitre.
Toussaint Lefrère est un arrière-arrière grand’père de Volney.

    Voir toute l’ascendance de Volney
    Voir ma page sur Volney

Les Estres : maison seigneuriale, fief et domaine dans la ville de Craon. – Au seigneur du Hommet, 1403 ; à Vincent du Chastelier, écuyer, de Ruffec et du Fresnay, chambellan du roi, mari d’Anne du Chastelier, dame des Estres et de Saint-Brice, 1523 ; à Philippe de Volvire, baron de Ruffec, et à Gabrielle de Rochechouart, veuve de François de Volvire, 1561 ; à François de Saint-Aulaire, chevalier de l’ordre, pannetier du roi, marié, 1542, à Françoise de Volvire, veuve en 1581 : à Joachim de la Chesnaie, 1590 (Dict. Hist. Mayenne, Abbé Angot)


Cliquez l’image pour voir le point d’Angleterre. J’ai eu jusqu’à l’an dernier un magnifique napperon, qui hélas a rendu l’âme. Le point était donc populaire en France. Si vous avez un spécimen encore dans vos vieilleries, je mettrai la photo volontiers.

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Sergent royal à Denazé : saisie de vaches à Bouillé-Ménard, 1601

Officier de justice dont la fonction est de donner des exploits, des assignations, de faire des exécutions, des contraintes, des saisies, d’arrêter ceux contre lesquels il y a contrainte par corps.

Ce billet répond à Elisabeth, qui s’étonne d’avoir un ancêtre aubergiste et sergent. Après avoir vu la semaine dernière l’aubergiste, voici le sergent, et si j’ai bien saisie la question, vous l’assimilez à un gendarme. Le Dictionnaire de l’Ancien Régime, de Lucien Bély, PUF, 1996, traite le sergent à la rubrique HUISSIERS, SERGENTS, à la lettre H. Puis, traite ailleurs le sergent dangereux, le sergent d’armes, le sergent-major, les sergents à la douzaine, le sergent de bataille, le sergent des bois du Roi. C’est dire que le terme sergent est utilisé dans un très grand nombre de métiers, que vous pouvez voir dans l’Encyclopédie Diderot.
Pour ma part, bien que cela existe théoriquement, je n’ai rencontré qu’une fois, au 16e siècle, sous le nom de verdier, un sergent de seigneurie. Seul le sergent royal est généralement rencontré sous l’ancien régime, pour signifier les exploits etc… En effet, pour se payer des officiers seigneuriaux, qui n’ont le droit d’officier que sur le territoire de la seigneurie, il faut avoir une bien grande seigneurie, et les moyens… Je ne suis pas certaine que même la puissante baronnie de Châteaubriant en ait possédé un. Pour couvrir le territoire, le sergent royal fut donc le seul à avoir acheté l’office du roi, et pouvoir exercer sur un territoire plus vaste : la France.
Rejoignant le dictionnaire de Lucien Bély (cité ci-dessus), Diderot précise :

Présentement presque tous les sergens se sont attribué le titre d’huissier-sergent ou d’huissier simplement quoique le titre d’huissier ne convienne véritablement qu’à ceux d’entre les sergens qui sont préposés à la garde de l’huis ou porte de l’auditoire.(Encyclopédie Diderot)
Le terme d’huissier ne convient que partiellement pour désigner le sergent royal, qui tient à la fois (pour ceux qui veulent absoluement comparer à nos métiers actuels) de l’huissier et du gendarme.

Le procès-verbal qui suit illustre les deux fonctions. Il est un document exceptionnel, car les PV des sergents royaux sont rarement conservés et celui-ci est une archive privée, que la famille détentrice m’autorise à vous faire lire. Il s’agit d’un impayé, et autrefois rappelons qu’un impayé passait TOUJOURS pas la case PRISON. Donc, pour un impayé on passe par le sergent (fonction huissier) qui saisit ici des vaches pour les vendre et récupérer l’argent dû, mais aussi arrête les débiteurs et les met en prison (fonction gendarme). Le tout sur un territoire relativement étendu : il demeure à Denazé, traite à Bouillé-Ménard (22 km) et vend à Craon la saisie (15 km). Admirez au passage le sergent qui a fait 15 km avec les bêtes, sans camion…

Procès-verbal fait par Guillaume Gyuon sergent royal à Denazé (53), le samedi 2 juin 1601 suite à un commandement à payer sur Revers et Bouvet à Bouillé (Bouillé-Ménard, 49), avec saisie de bestiaux et prise de corps de Bouvet, mis en prison à Craon à la garde de Julien Mellier geolier (Archives privées) retranscription O. Halbert et Pierre Grelier, décembre 2007

Raporté par moy Guillaume Guyon sergent royal et général résidant à Denazé
que ce sabmedy deuxiesme jour du mois de juin l’an mil
six cent ung, à la requeste de Michel Cochery demeurant
en la ville de Craon et en vertu de l’ordonnance
de monsieur des Matiaz lieutenant assesseur de
monsieur le sénéchal d’Anjou Angers estant au pied de
sa requête à luy présentée en datte du vingt cinquiesme
du mois de mai dernier signée Bautru, j’ay ladite
requête et ordonnance à laquelle cet exploict est
ataché signifié notifié et faict entendre
à Me Pierre Revers prêtre et à Pierre
Bouvet y desnomméz et d’icelle baillé copie avec
aultant de cet exploict audit Revers tant
pour lui que ledit Bouvet et en sa présence qu’il
receu et ay faict commandement par
le roy notre sire auxdits Revers et Bouvet tant
en vertu de ladite ordonnance que de l’obligation
dudit Cochery (deneu) en forme passée soubz
la cour de Craon par Cheruau notaire de payer
présentement audit requérant ou a moy pour luy
la somme de quinze escuz sol mentionnée
en ladite obligation et pour les causes y contenues
la response desquelle j’ay prise par
refus au moyen de quoi j’ay reellement
et de fait pris en la possession dudit Revers
en la paroisse de Bouillé trois mères vaches

f°2
dont y a deulx rouges et une noire avecques deulx
petites génisses lesquelz bestiaulx ayant voulu
exposer et mettre en vente publique au
plus ofrant
et dernier enchérisseur et de fait
les ayant mises et exposées estre à vendre avec
huitaine de recousse, lesdits Revers et Bouvet et
voir faire inthiméz estant sur l’heure de sept à
huit heures de la matinée de ce jour et estant
lesdits bestiaulx au hault des halles dudit bourg de
Bouillé le marché ordinaire dudit lieu y tenant personne
ne les à enchériz ny mis à prix que ung homme
estant audit marché à moy incongneu qui a
le total desdits bestiaulx mis à prix à la
somme de deulx escuz ung tiers quoy voyant
que ladite offre estre impertinente j’ay audit Revers
déclaré que je vays présentement transportés lesdits
bestiaulx dudit bourg de Bouillé à Craon pour estre
lundy procédé à la vente avec huictaine de recousse
au hault des halles de Craon et marché ordinaire
dudit lieu y tenir comme estant le proche marché
de cette exécution après celuy de Bouillé pour
voir procéder à la vente desquelz ay lesdits
Revers et Bouvet inthimez à comparoir
audit jour et lieu sur les sept à huit heures
du matin pour des deniers qui en
proviendront estre convertiz au payement de ladite
sentence tant qu’ilz y pouront sufire et
d’aultant que lesdits bestiaux ne seront suffisants
pour le payement de ladite somme j’ay auxdits Revers et

f°3
Bouvet déclaré qu’il sensuit et le reste mettre en
mains du roy notre sire et de justice tous et
chacuns leurs biens immeubles et fruictz d’iceux en
quelques lieulx qu’ilz soient et qu’il y sera étably
commissaires affin qu’ilz n’en ignore et outre
jusqu’à l’entier payement de ladite somme j’ay pris
et apréhendé au corps ledit Bouvet et iceluy
mené et constitué prisonnier es prisons ordinaires de
Craon et baillé de faire en garde
Me Jullien Mellier geolier et garde desdites prisons

aulx charges de l’ordonnance lesquels bestiaux
j’ay aussi transporté audit Craon et baillé de fait
en garde à Gilles Hersant à la charge de me
les représenter lundy prochain sur les
sept à huit heures du matin et qu’il m’a promis
faire dont il s’est chargé et faute de ce faire
s’en est rendu et constitué de cour de justice
aux charges de l’ordonance royale et déclaré
ne savoir signer. Fait le présent exploit
audit bourg de Bouillé par moy sergent royal
susdit soussigné présent Me Thugal Gauvin
Jean Cheruau et autres. Signé Cheruau, Gauvin, Guyon

Alors notre aubergiste et sergent dans tout cela ? Effectivement, on peut s’étonner du cumul de ces 2 emplois, car Lucien Bély (cité ci-dessus) précise qu’ils ne pouvaient être ni geôliers, cabaretiers ou agents d’affaires, et comme le dit Elisabeth, ils auraient pu entendre leurs clients discuter de problèmes par exemple concernant les droits seigneuriaux etc… et donc perdre tout crédit. Entendre les clients discuter à l’auberge est en partie vrai, mais pas en ce qui concerne les droits seigneuriaux, dans lesquels le sergent n’avait aucun pouvoir de remonter un litige, et ces différends étaient directement traités au Présidial à Angers (ou autre Présidial comme Château-Gontier). Le seigneur était bien assez grand pour aller traiter directement à ce niveau lorsque ses sujets ne voulaient rien entendre… En matière criminelle, peu de seigneuries avaient en Haut-Anjou ce droit, et j’ignore si à Bouvron (44, dont parle Elisabeth) le seigneur possédait ce droit, et je suggère à Elisabeth de vérifier ce niveau des droits seigneuriaux locaux, afin de préciser si son sergent aurait pu se trouver face au problème.
Il faut croire qu’au fil du temps, faute de volontaires pour exercer un métier potentiellement dangereux, pour arrêter, faire les saisies, les procès-verbaux de perquisition, et faute aussi de personnes sachant écrire (c’est utile pour rédiger les PV), on avait fini par se contenter des volontaires et fermer les yeux sur le cumul en question. Longtemps, dans les petites paroisses, seuls le curé et parfois un notaire, étaient capables de rédiger un acte, et vous avez vu le PV ci-dessus, il est fort bien rédigé et précis.
Une chose reste sure, votre ancêtre vivait plus dangereusement que d’autres, car les rixes étaient souvent à l’auberge (le vin aidant, sans doute…), et le sergent était aussi un métier potentiellement dangereux. Donc, il avait de la trempe…
De nos jours encore, dans les petites communes, voyez une secrétaire de mairie (entr’autres), qui doit savoir tout faire… et tout connaître, et c’est vaste juridiquement. Cela me laisse toujours admirative… Sans doute que dans les campagnes, il a toujours fallu savoir tout faire… et les métiers hyper-spécialisés sont le propre des grandes villes.

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