Promesses verbales à Julien Cointet, natif de Neau, parti à Bourges

Neau selon le Dictionnaire de la Mayenne, de l’abbé Angot :

Neau : canton d’Évron, arrondissement de Laval (27 km E.N.E.) s’est appellée en 1125 Sancti Vigoris de Nael. Le tissage des toiles; qui se vendent ordinairement à Laval, est le plus grand commerce de la Paroisse. Carrière de minerai de fer , abandonnée – Tuilerie à la Tellerie, depuis longtemps disparue – Four à chaux construit en 1830 – L’église est dédiée à saint Vigor. – Il existait une école en 1564 et les écoliers sont compris au testament de René Aubry, sieur de la Touche, et de Perrine de Chastres, en 1588.

C’est le pays natal de Julien Cointet, parti tailleur d’habits à Bourges avant 1618.
Bourges est l’ancienne capitale du Berry, d’ailleurs ses habitants sont les Berryers, et le notaire d’Angers la dénomme Bourges-en-Berry, en 1618. C’est la patrie de Jacques Coeur, et un carrefour d’affaires.

Cliquez sur l’image pour visiter ses 440 maisons à pans de bois.
Il y a 275 km de Bourges à Angers de nos jours, mais autrefois on prenait la Loire, et c’est surement ce qu’a emprunté Julien Cointet. Il vient à Angers car c’est là qu’il a un plus proche parent, un cousin, qu’il va nommer son procureur dans une petite affaire, et en qui manifestement il a assez confiance pour avoir déjà traité avec lui par promesses verbales et sans la contrelettre devant notaire dégageant les responsabilités de chacun. A éviter cependant, car relativement dangereux…
Donc, les 275 km sont une partie de son éloignement puisqu’il est né à Neau, et il faut compter 105 km d’Angers à Neau en passant par Château-Goontier et Laval. Julien Cointet est donc parti vivre à 380 km de son lieu de naissance.

Les deux actes qui suivent sont extraits des Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 5E7 – Voici la retranscription : Le samedy 15 décembre 1618 après midy, devant nous Pierre Roger notaire royal Angers fut présent en sa personne et duement soubmis honorable homme Julien Cointet tailleur d’habits fils de Noël Cointet et Jehanne Rocher ses père et mère comme ils vivaient demeurant en la paroisse de Neau pays du Maine près la ville d’Esvron (Neau à qql km à l’ouest d’Évron, Mayenne) héritier simple de sadite mère et soubz bénéfice d’inventaire de sondit père,
ledit Jullien Cointet faisant ordinairement comme il a dit sa demeurance en la ville de Bourge en Bary (Bourges en Berry) estant de présent en ceste ville d’Angers pour ses affaires,
auquel estably Me Jacques Lemestayer Sr du Pont praticien demeurant audit Angers à ce présent, cousin dudit Cointet, a représenté et mis en mains copie de certain contrat passé soubz la court de la baronnye de Esvron par devant Cristofle Adron notaire le 10 septembre 1610 contenant que ledit Cointet estably aurait vendu les choses héritaux y mentionnés à Joachim du Tremblay escuyer auquel contrat ledit Lemestayer se seroit constitué vendeur avec ledit Cointet et Gerard Bautil et obligé solidairement au garantage en vertu de coppie passée sous cette court par ledit Lemestayer le 4 de ce mois, auquel Cointet après fait lecture qui luy a esté faite par nous soussigné de ladite coppie dudit contrat, iceluy Cointet a déclaré et déclare que lors d’iceluy ledit Lemestayer serait intervenu audit contrat avec promesse verballe qu’il lui avait faite de s’abstenir de tout le contenu dudit contrat qui fut fait pour le prix et somme de 100 livres à la charge que l’acquéreur payerait ledit prux audit Bautil en l’absence dudit Cointet c’est pourquoi en suite desdites promesses verballes ledit Cointet demeure tenu et obligé de dédommager etc…

Le samedy 15 décembre 1618 devant nous Pierre Roger notaire royal Angers furent présents establis soubzmis Julien Cointet tailleur d’habits demeurant à présent en la ville de Bourges en Bery natif de la paroisse de Neau aliàs Saint Vigor près la ville de Esvron diocèse du Maine, lequel a constituer et constitue son procureur spécial Me Jacques Lemestayer demeurant audit Angers o puissance de substituer en sa place … son nepveu et par especial … contre Michel Gaultier demeurant en la paroisse d’Andigné comme père et tuteur de Pierre Gaultier son fils aussi tailleur d’habits, au payement de la somme de 17 livres due par ledit Pierre Gaultier

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Contrat d’apprentissage de tailleur d’habits, à Corzé (49), 1635 pour Julien Billy de Soucelles chez Symphorien Robert

ATTENTION : DEPUIS LA PARUTION DE CET ARTICLE, j’AI DECOUVERT LE METIER DE BAUDREUR. Allez voir mon article sur le baudreur.

Nous poursuivons les contrats d’apprentissage.

Voici le contrat d’apprentissage de tailleur d’habits en 1635 à Corzé. Attention, nous passons en retranscription d’un acte c’est à dire en orthographe telle que dans l’acte.

L’acte qui suit est extrait des Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 5E
Voici la retranscription de l’acte : Le 22 septembre 1635, devant Christofle Davy notaire royal à Baugé, résident à Corzé, furent présents établis et deuement soubmis chacuns de Simphorien Robert tailleur d’habits demeurant au bourg de Corzé d’une part, et René Billy brodeur et Julien Billy son fils demeurant en la paroisse de Soucelles, d’autre part, (le brodeur est un métier d’art, infiniement plus compliqué que celui de tailleur d’habits, et le papa brodeur est vivant. Le brodeur fait par exeple les magnifiques chasubles des prêtres, telles qu’on pouvait autrefois les voir… On pourrait dès lors supposer que ce fils est soit un cadet et le papa ne peut laisser la broderie à plusieurs fils, soit tout bonnement un incompétent en broderie, que le papa tente de caser dans une autre filière.)
lesquels ont fait et font par ces présentes le marché d’apprentissage qui ensuit c’est à savoir que ledit René Billy a baillé et baille sondit fils audit Robert pour aprentif dudit estat de tailleur d’habits pour le temps de deux années entières qui ont commencé de ce jour et finir à pareil jour
à la charge dudit Robert de montrer et d’enseigner sondit estat audit Jullien Billy à mieulx qu’il luy sera possible, iceluy loger, norir (nourrir), coucher et laver et luy faire blanchir son linge et le traiter et gouverner comme aprentifs (apprentis) ont de coustume d’estre
comme aussy à la charge dudit Billy de demeurer pendant ledit temps en la maison dudit Robert, travailler audit estat et faire toutes autres choses lisittes (licites) et honnestes (honnêtes) qui luy seront par luy commandées estre faites,
le présent marché pour et moyennant la somme de 40 livres tournois de laquelle somme ledit René Billy en a présentement et au veu (vue) de nous payé contant audit Robert la somme de 15 livres tournois qu’il à prinse (prise) et receue en monnoye (monnaie) ayant à présent court dont il se contente et le surplus montant 25 payable par ledit René Billy audit Robert savoir la moitié du jour d’huy en ung (un) an prochain et l’autre moitié à la fin desdites deux années,
ce qui a été stipulé et consenti etc… tenu et obligé … même par corps dudit Jullien Billy à faulte de demeurer pendant ledit temps en la maison dudit Robert…
fait et passé en notre maison en présence de Me Estienne Lallier écolier estudiant à la Flèche (saluons au passage, un élève du collège du Prytanée, belle institution que nous a laissé Henri IV), et Jacques Mesnard peintier demeurant audit Corzé, témoins. Signé : René Billy, Julien Billy, Lallier, Davy – Ledit Robert a dit ne savoir signer. (on voit que les Billy père et fils sont plus cultivés que le tailleur d’habits)

Si vous avez des éléments sur la famille Billy en question, merci de nous éclairer dans les commentaires ci-dessous, afin que nous comprenions pourquoi le papa brodeur (métier très noble) met son fils en apprentissage de tailleur d’habits.
La durée d’apprentissage du tailleur d’habits varie : j’ai déjà 20, 24 et 30 mois.

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Il est lieutenant de gabelle à Noëllet, elle hôtesse à Armaillé

cela ne tente pas la progéniture qui préfère devenir tailleur d’habits !

Il y a quelques jours à peine, je lisais que les femmes des gabelous vivaient au bourg de Montreuil, tandis que les époux étaient aux postes de garde.

Le hasard fait qu’en dépouillant un Nième contrat d’apprentissage, je remarque encore l’épouse du lieutenant de gabelle vivant sous un autre toît et non au poste de gabelle. Lui, Louis Fortin, est lieutenant de gabelle à la Pihalaie à Noëllet, elle, Geneviève Leboucher, est hôtesse ou pend pour enseigne l’image de Notre Dame à Armaillé.
Ainsi donc, les postes de gabelle n’étaient pas des logements de famille ! Malgré tout le soin que j’ai déjà apporté à l’histoire des greniers à sel du Haut-Anjou, je reconnais que ce détail échappait totalement à l’histoire des familles.

Mais le contrat d’apprentissage de ce futur tailleur d’habits révèle d’autres merveilles :
Il est rare de trouver l’âge de l’apprenti : il est dit qu’il a 13 ans. L’âge ne me surprend pas, car c’est aussi l’âge où les enfants étaient placés comme domestiques, probablement même encore plus jeunes. On sait qu’il est orphelin de père, mais je ne pense pas que cela ait eu une influence. Sa mère s’est remariée 6 mois plus tôt : Le 5.1.1737, contrat de mariage de Louis Fortin lieutenant de gabelle au poste établi à la Pihallais à Noëllet, fils du Sr Mathieu Fortin aussi lieutenant et †Madeleine Tillier avec Geneviève Boucher Ve de Hippolite Lemonnier, fille de †Louis Leboucher et Marie Paizor, ils mettent chacun 1 000 L dans la communauté (AD49 Menard Nre royal Pouancé).
Le père du garçon, décédé, était lieutenant de gabelle, tout comme son beau-père. Manifestement l’enfant n’a pas envie de le devenir, puisqu’il est précisé que c’est à sa prière qu’il est mis en apprentissage de tailleur d’habits. C’est la première fois que je rencontre un telle mention. Or, normalement, il devait garde de gabelle plus tard. L’enfant a-t-il exprimé son peu d’enthousiasme pour ce métier ? et même pour celui de sa mère qui tient auberge ?
La mère et le beau-père du garçon signent fort bien. En particulier, le fait que la mère signe si bien atteste un milieu aisé et éduqué. Normalement le garçon aurait dû aller au collège à cette date, il y en avait même à Grez-Neuville, etc… A-t-il manifestement peu d’inclination pour les études et le besoin manuel ?

Une chose est certaine, l’apprentissage est payant, ce qui montre bien que chaque contrat est négocié et qu’ils sont tous différents, en particulier sur le montant. C’est pourquoi je continue, dans la mesure de mes moyens, la mini-base de données sur les contrats d’apprentissage mis sur mon site, et très variés. J’en ai encore à mettre.

La Commission pour la libération de la croissance française, présidée par Jacques Attali (Editions de la Documentation française, 2008), chapitre 1 Au commencement, le savoir, rappelle :

La créativité, la mobilité et l’agilité de la jeunesse sont avant tout déterminées par la maîtrise des comportements et des savoirs fondamentaux acquis dès le plus jeune âge. Elles dépendent donc de la capacité de la famille, de l’environnement social et des enseignants à valoriser les aptitudes intellectuelles, académiques, sportives ou artistiques de chacun, à élartir les critères d’appréciation, des potentialités des jeunes, à les sensibiliser à l’importance de la volonté, de la résistance à l’échec, du questionnement et du travail en équipe.

Et pour remplir l’objectif Favoriser dans le secondaire l’éclosion de toutes les intelligences, elle recommande (entre autres) :

Refonder l’information sur l’orientation sur les carrières et prendre davantage en compte les aptitudes non académiques.
Développer les stages en entreprise : Pour amélioter l’orientation, les élèves comme les enseignants doivent apprendre à mieux connaître le monde de la création, de l’entreprise, de la recherche. Chaque collégien effectuera à partir de la 4e une semaine de stage par trimestre… etc…

Autrefois, la formation de la plupart des métiers n’était pas académique, mais sur le tas, et le jeune savait à l’issue de sa formation ce qui l’attendait. Dans les contrats d’apprentissage que je recense, certains vous paraîtront même surprenants, ainsi le notaire…
Eh oui ! Autrefois le notaire apprenait sur le terrain seulement !
Et mon site vous donne non seulement le contrat d’apprentissage en 1588 d’un futur grand notaire (Serezin), mais aussi le livre de raison de Jean Cévillé, famille de notaires, qui raconte en 1630, par le menu, la formation de chacun… Et, pour avoir durant des années fréquenté les actes notariés anciens, je peux vous assurer qu’ils étaient bien formés.

Ce billet est le 76e de ce blog (la machine me moucharde, car nous sommes mouchardés de partout). Mais c’est le premier que j’ai préparé la veille. Auparavant je ne savais pas comment modifier la date automatique, alors je le faisais au jour le jour… D’ailleurs comme cela vous ne saurez plus à quelle heure je me suis levée !

Mais au fait, ce billet contient une info merveilleuse qui fera l’objet du billet de demain. L’avez-vous vue ?

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Travail de nuit d’un apprentis en 1719 prévue dans le contrat d’apprentissage de tailleur d’habits

en cas de nécéssité. Ceci se passe à Brain-sur-Longuenée (49), et le tailleur est René Fourmond.

En poursuivant la lecture des contrats d’apprentissage que j’ai relevés, j’ai lu cette clause dérangeante. Puis, j’ai tenté de la comprendre, et merci de me faire part de vos suggestions.

Qu’est ce qu’un tailleur d’habits peut bien avoir à réaliser de si urgent, qu’il faille travailler de nuit en cas de nécéssité ?

Je vois la tenue de deuil, car dans ce cas, le tailleur n’avait que quelques heures, puisqu’à cette époque les inhumations ont lieu dans les 24 h qui suivent le décès.

Lorsque j’étais jeune, dans les années 1950, on portait toujours des vêtements de deuil, de couleur noire, et rien d’autre, souvent durant toute une année voire plus. Avez vous des souvenirs de ce type, car il semble bien que cette coutume soit en voie de disparition ?
Je crois qu’autrefois on portait des tenues de deuil, car j’ai trouvé à Angers un acte notarié par lequel une veuve payait son tailleur d’habits d’une telle toilette. Le montant était élevé, mais la dame cherchait en fait à se remarier… et la toilette de deuil devait être à la fois noire et coquette, bien que le contrat ne précise pas la couleur….

Il s’agissait aussi sans doute de noces, de ces noces villageoises, vite arrangées et expédiées, mais auxquelles tout le monde venait. Le tailleur local (on n’avait pas encore la planète entière pour acheter) devait effectivement être parfois totalement débordé…, car il était seul à pouvoir satisfaire les demandes locales…
D’autant qu’on assemblait à la main, et que nous avons vu qu’autrefois les tissus étaient solides et épais, pour durer. J’ai eu la curiosité d’aller voir l’Encyclopédie Diderot, et suis tombée en arrêt devant les points utilisés.

Cette planche ressemble à mes cahiers d’écolière. J’avais un cahier de couture, dans lequel on intercalait sous forme de fenêtre, nos exploits de couturière en herbe. J’avais une planche de points, mais pas aussi variée que celle-ci, qui illustre à merveille le besoin de coutures solides de tissus épais. Mais qui illustre aussi qu’il fallait beaucoup de temps pour assembler les étoffes, d’autant que les femmes n’étaient pas arrivées à la mini-jupe (moi non plus au reste).

C’est le seul contrat dans lequel j’ai lu le travail de nuit, mais par contre j’ai lu à plusieurs reprises une clause plus sympathique : le maître est aussi (après les clauses habituelles) tenu de traiter son apprentis humainement.
Poursuivant ma lecture détaillée, j’ai même un contrat dans lequel cette clause est rédigée ainsi :
le traiter doucement et humainement.

Cette phrase, hallucinante dans un contrat, signifierait-elle que certains maîtres auraient été plus que durs, et certains parents auraient-ils voulu éviter cela à leur progéniture ? Je pense qu’il faut la lire ainsi, enfin, c’est mon hypothèse.

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