Vente de terres, Le Lion-d’Angers, 1645, par les Boivin

Je poursuis l’étude de Mathurin Bellanger apothicaire ordinaire du roi. Il venait régulièrement en Anjou, et comme il avait de l’argent, rachetait des biens, ici, il acquiert de tous les héritiers Boivin, quelques pièces de terre au Lion d’Angers.

  • Ils sont si nombreux qu’ils ont mandaté l’un d’eux, mais ensuite ils doivent encore retourner chez le notaire du coin pour ratiffier la vente, et cette ratiffication est en pièce jointe. Elle est passé chez François Rigault, notaire de la Roche d’Iré, demeurant au bourg de la Jaillette.
  • L’acte est extrait des Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 5E5
  • Voici la retranscription exacte de l’acte : Le 22 décembre 1645 avant midy, par devant nous Nicolas Leconte notaire royal et gardenotte à Angers, furent présents Mathurin Blouin marchand demeurant au lieu de la Bouechethière paroisse d’Aviré tant en son privé nom que au nom et comme procureur de Charlotte Boyvin sa femme, et encore de Michel Thibault tant en son privé nom que comme père et tuteur naturel des enfants de luy et de deffunte Jeanne Boyvin sa femme, et François Bellanger et Catherine Blouin sa femme demeurant en la paroisse de Montreuil sur Maine, de Sébastien Boyvin, de Maurice Mesnard et de Perrine Boyvin sa femme, et François Boyvin et de Perrine Robert sa femme, de Jean Roberd et Jacquine Boyvin sa femme et d’André Bonneau et de Perrine Boyvin sa femme demeurant en la paroisse de Louvaines, à tous lesquels il promet et demeure tenu faire avoir ces présentes agréables et à l’accomplissement d’icelles solidairement obliger et en fournir ratiffication vallable dans un mois prochain à peine …
    lequel estably et deument soubzmis esdits noms, l’un et chacun d’aux solidairement sans division a volontairement confessé avoir vendu vend quitte cedde délaisse transporte promis et promet garantir de tous troubles hypotheques et empeschement quelconque et en faire cesser les causes,
    à noble homme Mathurin Bellanger sieur des Giraudières apothicaire ordinaire du Roy, demeurant ordinairement à Paris, estant de présent en cette ville logé paroisse Saint Denis, lequel a achepté pour luy ses hoirs, un clotteau de terre labourable nommé le Petit Bois contenant un journeau ou environ joignant d’un costé la terre despendante de la closerie du Petit Bois d’autre costé au chemin tendant de Brain sur Longuenée au Lion d’Angers, d’un bout à un petit bois de haute futaie dépendant dudit lieu du Petit Bois d’autre bout à une petite pièce de terre appartenant à Mathurin Rousseau : Item 4 planches de vigne en gast situées au cloux de Bousson contenant 24 cordes ou environ joignant et aboutant d’un costé et des 2 bouts aux terres dudit lieu du Petit Bois d’autre costé à une portion de terre aussi en gast contenant à l’estimation de 8 cordes ou environ qui furent à Sébastien Patrin qui les bailla en échange à deffunt Me François Boyvin prêtre vivant chanoine en l’église saint Jean Baptiste de cette ville par contrat passé par Chesneau notaire soubz cette court le 23 février 1632 lesquelles 8 cordes ou environ sont comprise au présent contrat pour par l’acquéreur en disposer comme il verra bon estre sans qu’en ce regard le vendeur esdits noms fort tenu au garantage … ; Item vend comme dessus une planche de jardin située au jardin de Haultebise joignant d’un costé et des 2 bouts à la terre dudit acquéreur et d’autre costé la terre de Me François Bellier aussi prêtre chanoine audit saint Jean Baptiste tout ainsi que lesdites choses se poursuivent et comportent qu’elles sont eschues et advenues auxdits Boivins des successions dudit deffunt Me François Boyvin et de Pierre Boivin son frère sans aucune réservation en faire tenues du fief et seigneurie dont elles relèvent aux cens rentes et debvoirs seigneuriaux et féodaux anciens et accoustumés … transportant cette présente vendition cession délaye et transport fait pour et moyennant la somme de 70 livres tournois … fait audit Angers, maison de nous notaire présents René Verdon et Urbain Briand praticiens demeurant audit Angers tesmoings

    Cette image est la propriété des Archives Départementales du Maine-et-Loire. Je la mets ici à titre d’outil d’identification des signatures, car autrefois on ne changeait pas de signature.
    et voici la pièce jointe qui est la ratiffication : Le 12 janvier 1646, par devant nous François Rigault notaire soubz la cour et chatelenie de Roche d’Iré résidant à La Jaillette furent présents personnellement establis deuement soubzmis et obligez soulz le pouvoir de ladite cour, Charlotte Boivin femme de Mathurin Blouin, demeurant paroisse d’Aviré, Michel Thibault mestayer tant en son privé nom que comme père et tuteur naturel des enfants de lui et de deffunte Jeanne Boivin sa femme promettant leur faire avoir ces présentes agréables …, François Bellanger et Catherine Boivin sa femme demeurant en la paroisse de Montreuil-sur-Maine, Sébastien Boivin, Morice Menard et Perrine Boivin sa femme, François Boivin et Perrine Robert sa femme, André Baumond et Perrine Boivin sa femme tant en leur privé nom que comme ayant les droits de Me Mathieu Boivin leur frère, Jean Robert et Jacquine Boivin sa femme, demeurant en la paroisse de Louvaines, lesdites femmes de leurs maris deuement et suffisamment authorisés par devant nous quant à ce, tous lesquels nous ont dit et déclaré avoir bonne et parfaite coignaissance du contrat passé devant Me Nicolas Lecompte notaire royal à Angers le 22 décembre dernier par lequel ledit Blouin etc… par lequel ils ont tous ratiffié et approuvé ledit contrat, veulent et entendent qu’il soit son plein et entier etc…

    Les sommations respectueuses : pour avoir de ses parents l’autorisation de se marier, même après la majorité (25 ans)

    Pour se marier, il faut l’accord parental, même après la majorité, laquelle est pourtant à 25 ans, ce qui est beaucoup, d’autant que la vie est courte jusqu’en 1880. Pour mémoire, en 1880, l’’espérance de vie à la naissance, autrement dit l’âge moyen au décès, était de 40,8 ans pour les hommes, 46,4 pour les femmes.
    S’il faut leur accord, c’est que leur présence et don en avancement d’hoir est obligatoire au contrat de mariage.
    On essuie parfois un refus. Eh oui, cela arrivait ! Vous avez l’un de ces refus dans la famille des Lemanceau de Champteussé sur Baconne. La mère (Françoise Loyseau veuve de Pierre Manceau) ne fit donc aucun contrat de mariage et aucun avancement d’hoir à sa fille, Catherine Lemanceau, 27 ans, qui veut épouser Jacques Lemesle ! Mais, après les 3 sommations respectueuses obligatoires et ses 3 refus devant notaire, elle fait un autre acte devant notaire, autorisant le curé à marier sa fille, mais précisant bien qu’elle n’entend faire aucun avancement de droit successif.

    En cas de refus (3 fois, ce nombre est obligatoire, c’est pour cela qu’on a toujours le pluriel à Sommations respectueuses) cela n’est pas rien, même majeur. Il faut aller voir tous les proches, pour tenter de les mettre de son côté, et de faire pression si possible sur le parent peu coopératif. Si le refus est toujours là, il faut demander au notaire d’assister physiquement à la demande d’autorisation, en la demeure du parent refusant, en compagnie de tous les parents favorables qui tentent encore de convaincre le refusant. Puis le notaire devait enregistrer le refus dans un acte, signé de deux témoins.

    Voici le mécanisme, expliqué par l’Encyclopédie de Diderot :

    SOMMATION RESPECTUEUSE : acte fait par deux notaires, ou par un notaire en présence de deux témoins, par lequel, au nom d’un enfant, ils requierent ses père & mère, ou l’un d’eux, de consentir au mariage de cet enfant. On appelle ces sortes de sommations, respectueuses, parce qu’elles doivent être faites avec décence, & sans appareil de justice ; c’est pourquoi l’on y emploie le ministere des notaires, & non celui des huissiers.
    Ces sommations ne peuvent être faites qu’en vertu d’une permission du juge, laquelle s’accorde sur requête, l’objet de ces sommations de la part de l’enfant, est de se mettre à couvert de l’exhérédation que ses pere & mere pourroient prononcer contre lui, s’il se marioit sans leur consentement.
    Mais pour que ces sommations produisent cet effet, il faut que l’enfant soit en âge de les faire, & qu’il ait trente ans, si c’est un garçon, ou vingt-cinq ans, si c’est une fille.
    L’enfant qui consent de courir les risques de l’exhérédation, peut se marier à 25 ans, sans requérir le consentement de ses pere & mere. Voyez l’arrêt de réglement, du 27 Juillet 1692, au journal des audiences.

    Ce dernier paragraphe, conjugué à tout ce que j’ai mis sur l’exhérédation sur mon site, explique tout. En effet, autrefois la dot, ou avancement de droit successif, était obligatoirement versée par les parents (lorsque l’un ou les deux vivent) lors du contrat de mariage. Dès lors, on comprend mieux que certains parents aient hésité à donner leur bien à quelqu’un qui ne leur revenait pas ! enfin, c’est ainsi que je vois les choses… Pas vous ?

    Et soyons réaliste jusqu’au bout. Si on trouve si peu de sommations respectueuses, c’est que la plupart du temps les jeunes gens en âge de se marier avaient déjà perdu leurs parents et hérité, et étaient libérés de curatelle après 25 ans, donc libres de se marier sans toutes ces formalités.

    Voici le dernier refus que j’ai relevé, qui ne me concerne en rien, mais illustre le mode de vie d’antant. Elle a 27 ans, et mis un oncle dans sa poche, mais rien n’y fait :

    Le 20 juin 1654 après midy, en présence de nous Jean Chedran, notaire royal à Angers et des témoins cy-après nommez honorable fille Agathe Boivin demeurant en cette ville paroisse St Pierre s’est transportée vers la personne d’honnorable homme René Boivin Me orphèvre en cette ville, son père, trouvé en sa maison située rue St Laud de cette ville dite paroisse St Pierre, auquel parlant ladite Agathe Boivin sa fille a dit estre âgée de 27 ans ou plus, avoir tousjours témoigné le respect et honneur qu’elle doibt à sondit père, lequel a eu agréable la recherche que Me Arnault marchand faict de sa personne et tous ses parents, a humblement supplié et requis ledit Sr Boivin son père de consentir au mariage dudit Marchand avecq elle et en passer contract, déclarant que son refus sans en rien le départir du respect et honneur qu’elle luy doibt, elle jouit des droits et privilèges de l’ordonnance au sujet dudit mariage, et à ce que dessus a aussy esté à ce présent honnorable homme François Cochon marchand demeurant en cette ville oncle de ladite Agathe Boivin, qui a prié et supplié ledit sieur Boivin son beau-frère de consentir audit mariage et que tous les autres proches parans de ladite Agathe Boivin en sont d’advis, ledit Boivin a dit ne vouloir… (AD49)

    Vous avez noté le terme respect à plusieurs reprises. Par contre, dans ce refus, je n’ai pas compris pourquoi le père refusant est dit avoir toujours eu pour agréable la recherche … ce qui signifierait (si j’ai bien compris) que le père n’est pas défavorable au mariage de sa fille, mais bien qu’il n’a pas envie de payer de dot.

    Et demain, je vous donne des dispenses de consanguinité en Haut-Anjou. Mais rassurez-vous, il y a des provinces où tout était plus rapide, car dans ma branche Bretonne (Merdrignac et Ménéac) j’ai une quantité très impressionnante de filles mariées à 15 voire 13 ans, et tout le monde était d’accord.
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