Les légendes des photos a été écrite seulement à la fin de la guerre lors de la mise dans des albums, et Leglaive se souvenait de l’été 1915.
Clément Noiret demeure à Bailleulval, est blessé le 6 mars, et c’est sans doute une viste au blessé qu’Edouard Guillouard fait le 13 mars. Voici la famille de Clément Noiret : épouse et enfants.
La petite fille a alors 9 ans et se prénomme Marthe Fleurite Ambroisine, selon ce que le site des décès INSEE indique :
NOIRET
Marthe Fleurite Ambroisine
Naissance
14/06/1906
Bailleulval, Pas-de-Calais, Hauts-de-France, France
Décès
08/09/1989
Mairieux, Nord, Hauts-de-France, France
NOIRET
Gislaine Marthe Marie
Naissance
28/09/1923
Bailleulval, Pas-de-Calais, Hauts-de-France, France
Décès
27/08/2020
Dainville, Pas-de-Calais, Haut
Edouard Guillouard (carnet de guerre) Fernand Leglaive (appareil photo)
Lorsque j’avais autrefois mis le carnet de guerre d’Edouard Guillouard sur mon site, j’avais peu de légendes permettant d’identifier les hommes qui sont photographiés, et j’avais une magnifique photo que j’avais dénommée « est-ce Perrin ? », et aujourd’hui grâce à une échange fructueux, je suis en mesure d’affirmer que cette photo est bien celle de François Perrin,
François Perrin était resté ami avec Edouard Guillouard, puisqu’il était présent à son inhumation et y prononça le discours qui suit. Et je découvre une seconde photo de lui, accompagné d’un dénommé Bardot, et manifestement les 2 photos ont été prises le même jour ou environ.
Discours prononcé aux obsèques de son vieux camarade et ami,
par François Perrin
Mesdames, Messieurs,
Mes chers camarades anciens combattants, A la demande même du colonel Gastinel, ancien commandant du 84e Régiment d’Infanterie Territoriale, dont je fus le capitaine-adjoint pendant les deux dernières années de la Guerre 1914-1918 et que le grand âge seul empêche d’accompagner à sa dernière demeure la dépouille de notre excellent camarade et ami Edouard Guillouard, qu’il appréciait tout particulièrement, j’ai la douleur et le pénible devoir, de souligner en quelques mots sortis du cœur, les brillantes qualités militaires du défunt.
Mobilisé dès le premier jour de la Grande Guerre au 81e comme sergent-major, Guillouard fut, dès son arrivée sur le front, promu sous-lieutenant et nommé, fin août 1914, au 84e.
Affecté à la 3e compagnie, capitaine Leglaive, qu’il ne quitta jamais pendant toute la guerre, Guillouard se signala de suite à ses hommes et ses chefs par ses qualités maîtresses : bonne humeur, calme, sang-froid, bravoure sans crânerie, homme de devoir.
Notre Régiment, qui fut un Régiment de combat pendant toute la durée des hostilités, prenait alors une grande part à la bataille d’Arras, qui fut l’un des brillants épisodes de la bataille de la Marne.
Ménager le sang de ses soldats, toujours le premier sur la brèche, même dans les missions les plus difficiles et les plus périlleuses qui lui étaient confiées, missions qu’il acceptait toujours sans broncher et qu’il remplissait sans jamais se départir de son calme et de son sang-froid, Guillouard pouvait faire de sa section tout ce qu’il voulait. Il était adoré de ses hommes. Sa brillante conduite en Artois, à Arras, Bailleulval, Bailleulmont, Thiéval, la cote 105 devant la ferme Gastineau, lui valut vite sa promotion au grade de lieutenant.
Il n’était pas alors question de Croix de Guerre, du moins dans notre régiment.
Mais c’est en Lorraine, à Limey, à Flireu et dans la vallée de la Seille, puis en Alsace, à Thann, Vieux-Thann, la vallée de la Thur et celle de la Bruche, les pentes du Vieil-Armand (Hartmanwillerskopf), Steinbach, Leimbach, qu’il se signala tout particulièrement.
Notre régiment y subit de lourdes pertes. Guillouard y fut blessé au ventre d’un éclat d’obus.
Cité à l’orde du régiment, Guillouard obtint la Croix de Guerre et fut proposé pour le grade de Capitaine.
Il fut enfin de ceux qui furent désignés pour faire l’entrée triomphale des troupes françaises dans Strasbourg libérée.
La signature de l’Armistice l’empêche d’patre promu.
Ce n’est qu’après la démobilisation qu’il obtint les galons de Capitaine, et fut nommé Chevalier de la Légion d’Honneur au titre militaire.
Tel but l’homme au combat,
Tel fut l’homme pendant toute la guerre,
Tel il fut toujours pendant toute sa vie,
Toujours aimable, souriant, simple, modeste, bon camarade, ami fidèle, courageux et brave.
Guillouard fut aussi un époux modèle, un excellent père de famille, un grand-papa qui sut cultiver l’art d’être grand-père.
Car Guillouard adorait ses enfants et ses chers petits-enfants, qui perdent en lui le plus sur des conseillers, le meilleur de leurs amis.
Ses camarades, ses amis, sa famille, le commerce nantais, la Société, perdent en lui un homme, car Guillouard était un homme, dans toute la force du terme.
Guillouard est mort comme il a toujours vécu,
Le vie est une.
Il a lutté jusqu’au bout, calmement, courageusement, vaillamment, contre un mal implacable, qui a fini par le terrasser.
Chère Madame Guillouard, vous avez admirablement soigné votre cher mari. Voua avez tout fait, vainement, hélas ! pour l’arracher de l’étreinte qui l’étouffait.
Je m’incline respectueusement devant votre grande douleur.
La perte de votre mari est irréparable. Sa mort va creuser dans votre foyer un vide que rien ne saurait combler.
Puisse la nombreuse assistance qui vous accompagne, vous et les chers vôtres, en ce jour douloureux, puisse l’émotion qui nous étreint tous à cette minute suprême, apporter un baume apaisant à votre douleur.
Capitaine Edouard Guillouard, dormez en paix votre dernier sommeil, vous l’avez bien mérité ! Votre vie aura été un exemple pour tous ceux qui vous ont connu.
Mon cher et vieux Guillouard,
Au nom du colonel Gastinel, au nom de tous tes camarades de combat, au nom du 84e tout entier, au nom de tous ceux qui t’ont apprécié, et en particulier de tes deux fidèles amis, le capitaine Vetter et le commandant Leglaive, qui sont ici à côté de moi, je te dis adieu du plus profond de mon cœur.
Je suis née en juillet 1938 et j’avais 8 ans lorsque j’ai perdu ce grand-père admirable, et hélas, je n’ai aucun souvenir de lui, alors que j’ai des tas de souvenirs de la guerre, que j’ai écris, mais lui n’était pas réfugié au même endroit que nous, qui sommes rentrés tard après la libération, puisque nous étions dans la poche de Saint-Nazaire. Ensuite je suppose que l’année 1945 et début 1946 furent sa maladie, ce qui expliquerait mes trous de mémoire.
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Les claies retenaient la terre pour éviter les éboulements, et elles pouvaient aussi servir de petit abri. Un site va tout vous expliquer techniquement avec beaucoup de dessins.
En voici quelques unes photographiées par Leglaive au 84° RI à Bailleulval en 1915 et Morville en 1917 :
Les claies ci-contre attendent de partir renforcer les tranchées.
On voit sur la photo qu’elles sont nombreuses.
Effectivement, Edouard Guillouard parle de la boue, et je ne m’étais pas imaginée avant de voir toutes ces claies qu’il fallait étayer les tranchées. Pourtant je sais bien qu’il faut étayer puisqu’en 2018 à Clisson lorsqu’ils ont fait un nouveau conduit d’eau de la Sèvre vers la nouvelle usine de lavage de linge, les tranchées profondes de hauteur d’homme étaient étayées.
On voit effectivement les claies sur presque toutes les nombreuses photos de tranchées de Gastineau, en voici une pour exemple. Je remarque seulemet que cette tranchée n’est pas à hauteur d’homme car leur tête dépasse et j’en suis surprise.
1er janvier 1915 vendredi – Nous recevons les sous-officiers chez Ferron, Bichon, Faucheron, Liclou, Moreau, Goron, Bridonneau, Pierre, Pavageau, Deslandes, Charron, Guitard, Faucheron, cap. Tourrien, Pineau coiffeur, Marchais cycliste. [ces noms sont ceux de la photo datée décembre 1914, voir ma page précédente]
Réception chez le Ct, le colonel envoi un mot qui donne satisfaction [le PC doit être ce qui est camouflé par les branchages au bas de la photo]
2.1 samedi – Les cavaliers 3e Dragon, de [Mesobesbion] de Landemont
5.1 mardi – Relève dans la soirée
6.1 mercredi – Chemin de fer
10.1 dimanche – Dainville, nouveau cantonnement d’affron
11.1 lundi – exercice
12.1 mardi – Le Ct de Hermini évacué et remplacé par le capitaine Letailleur. Relève à Agny
14.1 jeudi – Chemin creux d’Agny, grand ouvrage [photo ci-dessous, qui est sans légende dans le fonds Guillouard, alors je suppose que c’est le « chemin creux »]
15.1 vendredi – Les cavaliers 3e Dragon
16.1 samedi – Tranchées d’Agny
18.1 lundi – Chemin de fer
22.1 vendredi – Dainville, cantonné près le clocher
23.1 samedi – Mr Pommier
24.1 dimanche – Une pièce éclate, artilleurs tués, travaux de nuit dans le champ de course d’Arras
26.1 mardi – Grand ouvrage
27.1 mercredi – Chaussé va chercher avec Papi les cartouches
28.1 jeudi – On remplace la vieille tranchée
30.1 samedi Chemin de fer, la neige, bataille
31.1 dimanche – Vetter, Goffri
1.2.1915 lundi – Félicitations à Chaussé, visite du colonel, présentations du Ct Derancourt, départ du capitaine Letailleur
3.2 mercredi – Dainville, travaux, popote avec la 4e chez Solon [photo ci-contre « février 1915, Agny, PC du grand ouvrage », à gauche Guillouard. Le terme « popote » revient plusieurs fois dans le carnet d’Edouard Guillouard, de même les photos très parlantes, avec parfois beaucoup de bouteilles. Voici la définition : (POPOTE. n. f. Cuisine commune, table commune. Faire popote, Prendre ses repas en commun. Le capitaine et les lieutenants faisaient popote ensemble. Il est populaire. (Dictionnaire de l’Académie française. Huitième Édition. T.2, 1932) ] 4.2 jeudi – Conférence du nouveau Ct, revue des vivres de réserve, le caporal Marot cassé
6.2 samedi – Créhalet rentré tard, langouste avariée
7.2 dimanche – Départ pour Agny, mauvais temps par le village, par nuit noire, Créhalet va commander le 4e
9.2 mardi – Les photos de Mr Leglaive
11.2 jeudi – Chemin de fer, Créhalet avec le Ct
14.2 dimanche (gras) – Départ pour Dainville
15.2 lundi – Bruits de départ, Mr Leglaive va reconnaître
(ci-contre : « février 1915, voie ferrée de Dainville », la partie de cartes, à gauche Edouard Guillouard) [sur la photo datée mars 1915 à Bailleulval vous avez la séance chez le coiffeur Pineau, surtout pour tailler la barbe, et on voit aussi le linge étendu, preuve qu’on lavait un peu]
16.2 mardi (gras) – 5 h nous partons pour Basseux, arrivé en ligne à 1 h le mardi gras, dans la boue, on remplace le 92e et nous sommes en liaison avec le 41e qui est remplacé par des Hussards, Provost de Launay 20.2 samedi – Campagne, centre gauche Gastineau. Nous restons dans la boue sans abri pendant 5 jours et 6 nuits, les hommes malades, pas de boyaux, les balles sifflent, relève pénible, nuit très noire, arrière à Bailleulval
[Le chemin creux était situé à Agny et le voici en février 1915.]
ils jouent aux cartes
ils sculptent leurs têtes dans la tranchée
[il y avait des moments d’inactivité, qu’ils occupaient parfois à se détendre, comme le jeu de cartes, et ici, modeler dans la terre la tête des camarades – sur la seconde photo, ce sont Leglaive et Guillouard, aussi je vous les ai agrandis tant j’étais heureuse de les voir encore ensemble avec leur sourire]
la ferme « Gastineau » (texte et dessin d’Edouard)
Située sur la route de Berles à Rivière, la ferme de Gastineau était habitée par un vieux ménage, qui travaillait un peu les terres environnantes et faisait le commerce d’engrais.
Cette maison, qui avait certaines dépendances, avait servi de débit et possédait de grandes caves dont l’une superposée sur l’autre. Derrière la maison existe également un ancien four de briqueterie.
Vers les premiers jours d’octobre 1914, les propriétaires de la maison n’avaient pas quitté leur demeure à l’arrivée des Allemands. On ne sait au juste ce qui s’y est passé.
Mais suivant les racontards on avait dit que Monsieur et Madame Gastineau avaient été tués et jettés dans leur puits derrière la ferme.
Pendant longtemps cette légende avait tenu et le puits rigoureusement consigné avec défense de se servir de l’eau.
Après des combats et attaques successifs entre Berles et Ransart, nos troupes ont gagné du terrain vers le 15 octobre la ferme Gastineau était à nous.
Progressivement nous la dépassions et nous venions occuper des tranchées jusqu’à 600 m au-delà dans la direction de Ransart où malgré beaucoup d’attaques très audacieuses nous n’avons pu les déloger.
Le 15 février, quand nous sommes arrivés à ce secteur par une nuit noire et froide, la pluie qui était tombée en abondance les jours précédents avait rendu les boyaux impraticables.
La tranchée pleine de boue et bien mal installée n’avait aucun abris sérieux. C’est sous de simple toile de tente et sans paille que nos bons hommes ont passé les premières nuits.
Nos débuts dans ce secteur étaient pénibles mais avec de bons travailleurs nous n’avons pas tardé à rendre la tranchée propre et les boyaux praticables. Il y en avait besoin pour plusieurs raisons.
Il n’était pas agréable d’y patrouiller jusqu’à demi jambe et ne pas y passer c’était s’exposer aux balles qui à ce moment sifflaient continuellement de jour et de nuit.
Le boyau principal (que je marque N°8) nous menait au poste de commandement du secteur nommé Gastineau, nom des propriétaires.
Un chef de bataillon ayant quatre compagnies en ligne et deux en soutien, s’y tenait en permanence, logeant dans les caves de cette maison, qui servait en même temps de poste d’observation à l’artillerie.
L’infirmerie avec un major et un aide major était installée dans l’ancienne briqueterie dans des espèces de caves pouvant résister au bombadement car ce coin est très souvent visé par le canon allemand et les allées et venues dé-sigent bien ce point comme poste de commandement. Quatre jours en première ligne, quatre jours à Bailleulval. Le temps s’est écoulé petit à petit.
Nos hommes ont bien travaillé.
Nous avons en sommes refait complètement toutes les tranchées, creusé quantité de boyaux profonds, qui nous préservent. On vient maintenant jusqu’à Basseux par les boyaux, ce qui nous fait au moins deux kilomètres.
Nous avons changé plusieurs fois d’emplacement. Nous sommes maintenant à Th le poste de commandement de Mr Leglaive est marqué n°3 et nos abris à droite n°4. J’ai un poste d’écoute assurée sur la route et assez dangereux marqué n°5.
Nous avons occupé pendant longtemps n°6 comme poste de commandement et popote et ma section a été à n°7.
Ransart est entouré d’arbres comme tous les villages de la région, mais les maisons sont complètement démolies. Il n’y a plus de civils.
Notre artillerie y tire souvent, car les Boches y cantonnent soit disant plusieurs compagnies. Sur la route où je note n°9 c’est là que j’ai fait tiré sur des Boches et nous en avons vu deux tomber.
Nous tirions près du n°4. [Sur cette photo on voit Leglaive lui-même, et un périscope, mais le carnet d’Edouard Guillouard signale l’arrivée des périscopes plus tard. Je suppose que Leglaive a écrit ses légendes de photos après la guerre tandis que Guillouard avait un carnet de notes qu’il tenait journellement pendant la guerre, donc ses dates sont probablement plus fiables]
Près de Gastineau, à 100 m derrière, se trouve les soutiens de deuxième ligne SI SII successivement nous allons de temps à autre. C’est quelquefois bombardé, mais comme j’ai eu l’occasion de vous l’écrire, nous y sommes tranquilles. Nos bons hommes sont employés aux travaux de corvées, c’est de là que j’ai plusieurs photos.
Nos cuisines dans le ravin, près du ruisseau. Elles sont bien dissimulées et à l’abri ; Des photos vous en donnent une idée. Les cuisinières [je ne vois pas de femmes sur les photos, que des hommes] ont une rude corvée comme de venir trois fois par jour chercher assistance, car il faut passer par les boyaux et par les jours de pluie vous voyez avec la boue qui est inévitable dans le fossé que présente les boyaux.
Je crois que cet aperçu de notre secteur vous donnera une idée de ma vie de tranchée. Cette simple maison isolée sur la grand route est pour nous un point inoubliable pour la vie. Avec la carte d’état-major, vous pouvez reconstituer ce petit coin et savoir ou je me trouve.
Il y a encore une quantité de tranchées, de points fortifiés, d’emplacements d’artillerie et de munition qu’il est de mon devoir de ne pas mentionner.
Note
Les caporaux doivent s’assurer avant de prendre le service que tous les hommes ont bien sur eux
1-les 120 cartouches
2-la cagoule et le paquet de pansements
2-pendant le service de jour, le caporal de garde dans la tranchée de tir doit veiller à la propreté des cartouches et de l’eau qui se trouve dans les récipients
3-de jour comme de nuit, prévenir immédiatement le chef de section des moindres incidents et du passage des officiers supérieurs
4-remettre au poste du chef de section les étuis de cartouches brulées
5-les chefs d’escouades feront faire chaque matin une corvée de nettoyage des boyaux près de abris. Les pionniers en plus du fil de fer feront l’entretien de la tranchée.
6-organiser chaque jour une corvée d’eau pour la section : le tonnelet et récipients de tranchée.
J 201 (6 mois 18 jours) en plein hiver, dans la boue sans abri pendant 5 jours et 6 nuits Le même jour, 21.2.1915, tandis que la neige tombe, un déluge de feu s’abat sur Verdun
Télécharger l’original du carnet de guerre d’Edouard Guillouard
Je ne vous mets pas les vues directement car ce serait trop lourd pour visionner ma page, donc je mets seulement les liens, et cliquez pour télécharger: janvier 1915 – début février 1915 – fin février 1915
1er octobre 1914 jeudi – Travaux sur les mêmes positions, cantonné à Beaucourt, Hamel, ravitaillement difficile
2.10 vendredi – le doit grand garde dans le ravin au nord de Beaucourt, mangé du poulet aux pois, tombés près de la route
3.10 samedi – même occupation de jour, le soir cantonné à Beaumont, reçu lettres
4.10 dimanche – Tranchées au nord de Beaucourt, mouvement de repli vers 15 h sur la gauche, retraite générale sur Beaumont-Hamel, Mailly-Maillet, retour sur Auchonvillers. Bivouac d’alerte, bombardement
5.10 lundi – Occupé coté 142 au sud d’Auchonvillers, ordre de tenir jusqu’à midi, pas d’attaque, départ le soir, cantonné à Bertrancourt, fortement occupé par diverses troupes et beaucoup de blessés
6.10 mardi – Occupé 2es positions près Colincamps, cantonné à Louvencourt, appris que Joseph (son frère) est blessé
7.10 mercredi – 2es positions près Beaussart, cantonné à Bus-lès-Artois. Lettre du père
8.10 jeudi – Retour en 2e position, grand halte, départ pour l’arrière après félicitations, mais nous marchons par Coigneux, Souastre, StAmand, Humbercamps, La Cauchie, La Herlière
9.10 vendredi – Départ de La Herlière (route d’Arras), bois de Beaumetz-lès-Loges. L’après-midi reconnaissance des emplacements, rivière, Brétencourt. A 20 h occupation des tranchées du 270e RIR, alerte, fusées éclairantes
10.10 samedi – Ravitaillement difficile, poulets
11.10 dimanche – de la Brouerie, à 22 h relève par le 82e RIT
12.10 lundi – Arrivée à Monchiet. Mauvais cantonnement. Vu Durouzier
13.10 mardi – Monchiet, soutien d’artillerie
14.10 mercredi – Départ pour le moulin de Berles aux bois, cantonné à Bailleulval à la mairie
15.10 jeudi – Bailleulval jusqu’au 21 au soir
16.10 vendredi – Travaux, grand garde dans les tranchées
17.10 samedi – Revue du général Damade
18.10 dimanche – Messe dans la petite église de Bailleulval
19.10 lundi – Arrivée de Perrin, le Ct de Heninie remplace Giguet
21.10 mercredi – le 81e vient nous remplacer, vu Cassin, Poudat, le soir cantonné à Monchiet
22.10 jeudi – Exercice autour de Monchiet, ravitaillement difficile, popote avec le Ct
23.10 vendredi – Départ à 13 h pour Arras, cantonnement d’alerte à Dainville
24.10 samedi – Dainville chez le boulanger, sur des paillasses
25.10 dimanche – Dévotions, travaux faute route d’Arras, ordre de départ pour les tranchées par Achicourt, Agny, Le moulin, le chemin creux. Nuit pénible, pluie
26.10 lundi – Le Ct Rambois du 2e terrible pour le cuisinier
27.10 mardi – Popote dans l’écurie, pas de vin, du thé
28.10 mercredi – Attaque par le feu, tous les soirs
30.10 vendredi – Retour chaque jour des sections en ligne
31.10 samedi – Thomas Lamotte [cho..] les chevaux
1er novembre 1914 dimanche – Messe au château, tombes
2.11 lundi – Achat à bon marché à Agny (Douillard)
3.11 mardi – Les rives du Crinchon, les déjeuners sont meilleurs, bonne camaraderie. Perrin, Hervé, Berthelot
5.11 jeudi – Touché indemnité et solde, envoyé 1er mandat, inquiétude pour Joseph
7.11 samedi – Ravitaillement d’Arras, l’ordinaire, les usines [Edouard est issu d’une longue lignée de quincaillers venus de Normandie (La Sauvagère). Ses frères ont une usine à Nantes et lui même aime les visiter, car ce sont ses fournisseurs]
8.11 dimanche – Attaqué par le feu, mené à Agny, arrivée trop tard
12.11 jeudi – Arrivée de Bichon, les hutes du Crinchon
13.11 vendredi – Le Ct de Guemenie vient s’installer au moulin
14.11 samedi – Les cuisinières du village d’Agny
15.11 dimanche – Pasquier légèrement blessé
16.11 lundi – Un soldat de la 4e tué. Apprend la mort de Joseph [jeune frère d’Edouard, photo ci-contre.
17.11 mardi – Le 270 remplace le 2e Dainville
18.11 mercredi – Vu Croisy [voisin demeurant aussi rue St Jacques à Nantes ] dans le chemin creux
19.11 jeudi – Reçu postaux, la Varenne, ravitaillement
20.11 vendredi – à Arras, vermouth, liqueurs, champagne, gateaux
21.11 samedi – Relève dans la soirée par le 82e R.I.T.
22.11 dimanche – Départ par le froid du Crinchon, arrivée à 8 h à Simencourt, départ à 11 h du soir pour la cote 105. Reçu sac de couchage
24.11 mardi – Cote 105, repas au choix près Wailly avec la 4e Cie cap. Hervé, Berthelot
25.11 mercredi – J’apprends la naissance de Thérèse (son 3e enfant, qui ne connaîtra son père que 4 ans plus tard – Elle est ma maman)
26.11 jeudi – Constructions d’abri
27.11 vendredi – Cote 105 dans la petite tranchée couverte comme abri
28.11 samedi – Visite d’officiers d’E.M.
29.11 dimanche – Messe à Dainville avec Pasquier, travaux au ch. F.
30.11 lundi – Départ pour les tranchées du Crinchon
ligne en haut (de gauche à droite) : MORIZOT – FAUCHERON – PIERRE – BRIDONNEAU – GORON -PAVAGEAU – RAMPILLON – MOREAU – LOUPY – PASQUIER
ligne du milieu : inconnu – BICHON – GUILLOUARD – LEGLAIVE – FAUCHERON – inconnu
ligne en bas : MARCHAIS – CHOYAUX – PINEAU
7.12 lundi – Exercice le dimanche et le lundi sur la route de Warlus
8.12 mardi – Ordre de départ pour travaux à l’arrière, départ à 8 h par Wagnonlieu, Duisans en vue des Boches, bombardement à la Hate près Louez, pas de course vers Etrun, arrivé à Acq, envoyé à Ecoivres 9.12 mercredi – Départ de Ecoivre pour Maroeuil, déjeuné à Maroeuil, travaux à partir de 11 h jusqu’à 22 h, cantonné à Maroeuil
10.12 jeudi – Reprise des travaux, départ de Maroeuil à 6 h, toute la journée dans les boyaux près la [Torgette]
11.12 vendredi – Départ de Maroueil à 5 h, travail jusqu’à 19 h, les travaux ne pouvant pas continuer la nuit
12.12 samedi – Reprise du travail à 3 h jusqu’à 8 h, repos à Maroeuil mais bombardement dans le village du Mont-St Eloy
13.12 dimanche – Travail de 4 h à 17 h, une heure seulement pour le repas
14.12 lundi – Repos le jour, départ le soir à 17 h pour Berthouval, travail RI058.jpgtoute la nuit dans un boyau avec 0,50 d’eau, rentré à 8 h
15.12 mardi – A Maroeuil, le soir à 17 h travail à la cote 84 devant la Maison Blanche
16.12 mercredi – Rentré à 6 h, départ pour Dainville à 11 h, les hommes fatigués, arrivé au cantonnement à 17 h, logé chez Ferron la Dlle pomme d’api trois dans la même chambre, popote chez Malvoisin
18.12 vendredi – Dainville, on entend le canon de Maroeuil et on croit à l’offensive (conf. samedi)
20.12 dimanche – Départ à 2 h pour tranchées, Crinchon, chemin creux, grand ouvrage avec les cavaliers du 3e Dragon, le grand ouvrage occupé par un peloton, le chemin creux par le 270
23.12 mercredi – Dans la soirée relève par nuit noire par 3e Bon 24.12 jeudi – Au chemin de fer, veille de Noël, réveillon à la maison du garde-barrière, messe sur la voie à minuit, chants de Noël, le Ct LeFer de la Motte
27.12.1914 dimanche – Dans la soirée, relève et départ pour Dainville
28.12 lundi – Dainville, même cantonnement Ferron et popote Malvoisin
29.12 mardi – Photos chez le Ct de Herminy
30.12 mercredi – Déjeuné avec le Ct du Gardier chef de popote
31.12 jeudi – Le départ pour les tranchées est remis au 1er au soir, aussi à 8 h grand repas chez le Ct qui fait popote chez le maire, chants, discours, les Nudreins, Stéphan, Goheau, on attend la nouvelle année qui doit nous donner la victoire et la paix, le retour au foyer fiers d’avoir bien fait son devoir, mais tous avec la conviction qu’en avril ou mai tout serait terminé (voir les noms des officiers (pas mois de 17 pages du carnet de guerre d’Edouard Guillouard sont consacrées à la liste des noms)
Noël 1914 : lettre d’Edouard Guillouard à son frère Louis
[Noël 1914 : Edouard Guillouard écrit à Adrien, l’un de ses 3 frères, qui possède avec Louis, autre frère, une usine à Nantes, et fabrique pour l’armée. La lettre témoigne d’une telle grandeur d’âme ! et pas une plainte ! L’usine est connue sous le nom ALG qui désigne Adrien et Louis Guillouard, et a été fondée par les 2 frères quelques années plus tôt]
Mon cher Adrien ma chère Gabrielle
Merci de votre postal que je reçois juste à temps pour joindre à ceux de mes camarades. Nous sommes gâtés, je n’avais jamais contenté autant de friandises.
Hier soir nous avons fait un vrai réveillon, et je n’ose pas vous en envoyer le menu. Si à la guerre il y a de fort mauvais moments, il faut bien se distraire un peu, malgré que nous ayons bien souvent lieu de nous faire du chagrin. Hier il ne manquait rien pour se distraire car après le réveillon, nous avons assisté à une messe de minuit peu banale. Dans un ravin de chemin de fer à 12 m des boches, un abris de paille recouvre un autel, quelques branches de houx et 6 bougies dans de simples chandeliers. Un lieutenant d’artillerie, prêtre, dit la messe servie par deux soldats d’artillerie. Cette cérémonie est magnifique dans sa simplicité et son pittoresque. A un moment une forte voix chante un minuit chrétien dans cette obscurité, c’est émouvant et je conserverai longtemps le souvenir de cette nuit de Noël.
Que devenez-vous ? Louis m’écrit que vous êtes très peiné.
J’espère que Adrien obtiendra un nouveau sursis, et ne viendra pas voir les tranchées qui n’ont rien d’intéressant tant que les boches seront en France, mais qui m’ont encore appris la guerre. Je crois qu’Adrien, inventerait quelque chose de nouveau s’il y venait, mais, je me contente de faire des abris et installer des poëles, que nous n’allumons que la nuit pour ne pas être repérés. J’en ai assez de cette vie de guerrier et nous ne voyons pas la fin venir, nous n’avons pas grande occupation, mais nous ne pouvons nous absenter de notre poste et malgré que nous n’ayons pas eu d’attaques heureusement, mais nous devons toujours être prêts à prendre les armes, et le plus dangereux et le moins agréable, c’est que jour et nuit nous avons toujours l’artillerie allemande qui, répondant à la notre, envoit des srapmells au petit bonheur. Gare à ceux qui les reçoivent et malgré qu’il y ai plus de trois mois qui nous en voyons éclater près de nous, on ne s’y habitue pas. C’est comme les balles, c’est toujours désagréable de les entendre siffler aux oreilles, surtout quant je suis aux tranchées de première ligne, dans ma compagnie. Nous n’avons pas eu trop de mal surtout depuis le 4 octobre, pas de mort pas de blessés sur les 250 hommes, espérons que la compagne se termine ainsi. Je vous ai écrit voilà un mois une longue lettre, et je n’ai pas eu de réponse. Veuillez m’écrire longuement, vous me ferez plaisir. Et, si votre générosité vous le permet, vous pouvez m’adresser un autre postal. Je vais même vous en fixer le contenu (pour vous guider simplement). : un gâteau Lefèvre-Utile, quelques friandises, cigares et jambon ou un beau pâté de foie gras (pas autre chose).
Car je crois nos mauvais jours passés, et les camarades avec qui je me trouve aiment bien les bonnes choses. La plupart sont des messieurs de situation au dessus de la mienne, mais ce qui n’empêche pas que nous sommes tous très liés et de véritables amis, avec qui j’ai tout de même eu des jours de misère, que nous compensons quand nous le pouvons.
En attendant le jour heureux où il me sera possible de retourner vers Nantes, ce jour ne sera pas aussi agréable que nous l’aurions souhaité au départ, car notre pauvre Joseph manquera parmi nous. Sa disparition me fait beaucoup de peine. C’était un bien bon garçon, et un excellent frère, il n’a pas eu de veine, espérons qu’il ne m’en arrive pas autant, car il ne faut qu’un coup et comme je vous l’écris nous sommes souvent arrosés par la mitraille.
Je termine ma lettre en vous offrant mes bons vœux de bonne année, je vous encourage sérieusement à faire votre devoir de bons français en travaillant au repeuplement et je souhaite de bonnes affaires à Adrien, mais avec des sursis.
A vous lire, votre frère et beau-frère qui vous embrasse affectueusement, Edouard
J 144 (4 mois 22 jours) : 1er Noël dans les tranchées
La lettre ci-dessus est un témoignage de la grandeur d’âme, surtout quand on songe qu’Edouard écrit à ses frères non mobilisés,
Edouard Guillouard (carnet de guerre) Fernand Leglaive (appareil photo)
MOBILISATION, EN ROUTE POUR LA SOMME
1er août 1914samedi – La mobilisation est proclamée dans les rues de Nantes 2.8 dimanche – Préparatifs. Déjeuné chez les parents avec Joseph (son plus jeune frère) 3.8 lundi – Départ à 5 h 30 pour la caserne du 65e Installation chez Mrs Leglas-Maurice
4.8 mardi – Organisation. Bureau de Mr Jamin, les secrétaires Buty, Du Gardier, Paviot, Fiteau, Rousseau, Bailly, Rivet. Demande pour sous lieutenant 9.8 dimanche – Dévotion. Déjeuner chez les parents. [déjeuner tous les dimanches chez les parents des 5 fils et leurs épouses. C’était la coutume dans la famille Guillouard, et la mère d’Edouard, née Grelet, était une maîtresse femme, qui commandait son mari et ses 5 fils, y compris à table – la photo ci-contre est la dernière avant le départ d’Edouard et Joseph au front, il vient de se marier et va mourir dès le début de la guerre. Appareil photo d’Adrien Guillouard, le créatif-inventeur qui a déjà créé avec son frère Louis l’usine de fer blanc ALG – Double cliquez toutes les photos pour les agrandir car elles sont très précises et grandioses] Visite du cantonnement 11.8 mardi – Arrivée des prisonniers 12.8 mercredi – Les Couëts Couché chez Lemesle. Visite de Charles (l’un de ses frères) 14.8 vendredi – Départ des Couëts à 5 h, marche fatigante jusqu’à Ste Luce 15.8 Samedi – Fête à Ste Luce. Visite de la famille 16.8 dimanche – Visite à Ste Luce de ma femme les enfants et les parents 17.8 lundi – Revue au champ de manœuvre, préparatifs de départ pour Paris. Visite des parents et Berry [en fait, réunion de travail pour que les parents gèrent pendant son absence le commerce de gros, les employés, et l’employé de commerce Berry pour les ventes. Voyez ci-dessous le travail de Berry, décrit par lui-même pendant la guerre avec beaucoup de précision] 18.8 mardi – Départ à minuit de Ste Luce et à 4 h de Nantes gare des marchandises. Voyage toute le journée. Arrivée à minuit au Chevaleret près les fortifications 19.8 mercredi – Arrivée à 5h à Choisy-le-Roi. Installations. Le colonel Urbain 20.8 jeudi – Promenade à Choisy 21.8 vendredi – Exercice. Mouvement de sections (la carapace) Consigne 22.8 samedi – Alerte le matin. Préparatifs de départ. Embarquement 23.8.1914 dimanche – Départ de Choisy à minuit. Départ du Chevaleret à 5 h. Voyage par Amiens. Arrivée à 17 h à Templeuve. Patrouilles. Arrivée à 9 h à Bourghelles [ci-contre sur la carte du magasin, vous voyez le téléphone, d’abord à 4 chiffres, puis à 5. Edouard n’aura pas l’occasion depuis le front d’appeler son magasin, mais il pouvait écrire et recevoir des lettres, et manageait à distance son magasin – Le téléphone est certes peu répandu mais déjà utilisé et je n’ai pas trouvé de statistiques pour cette époque pour comparer] 24.8 lundi – Bourghelles. Obus à 10 h 30 retraite par Bouvines. Cantonné à Péronne-en-Mélantois [Aimée Audineau, femme d’Edouard, était la fille du boulanger mitoyen de Pervez le photographe professionnel, qui faisait des portraits et chaque année la famille Audineau se faisait tirer le portrait chez lui, aussi Edouard emmenait sur lui le portrait de sa femme et ses enfants, ici en 1912] 25.8 mardi – Peronne départ à 4 h. Fretin, Carvin, Courrières, Lens, Liévin 55 km Bonne réception, mais fatigue 26.8 mercredi – Liévin, affolement général. Pas ordres. Arrivée du 85e 27.8 jeudi – Liévin. Ordre d’embarquer à Lens à 15 h. Pas de train. Route par Loos-en-Gohelle, Vermelles et Béthune 28.8 vendredi – de Béthune à St Pol-sur-Ternoise par Bruay, Ourton, Bryas. Ravitaillement difficile. Pas de train. Les ponts sautent à 21 h 29.8 samedi – Sibiville près Frévent avec le 85e et la D.I.88. Achat d’un veau pour remplacer la viande 30.8 dimanche – St Georges par Auxi-le-Château et Bernaville 31.8 lundi – Sorel feuille de prêt 1er septembre 1914mardi – Sorel repas replis du génie 2.9 mercredi – Hallencourt, Oisemont cantonné à Sénarpont 3.9 jeudi – Neufchatel. Ferme près Formerie (Seine-Inférieure) 5.9 samedi – St Martin, revue d‘effectif. Nomination de sous-lieutenant au 84e avec Du Hardier 6.9 dimanche – Départ de St Martin. Quinquenpoix (Seine-Inférieure). Grand-messe. Arrivée du colonel du 84e RIT au château de Mondetour. Cantonné avec le détachement de 500 à Guichy avec Glorion et l’adjudant Motte 7.9 lundi – Arrivée à la 5e Cte du 84e Capitaine Giguet, Mr Leglaive, Mr Chausse, déjeuner avec les officiers du capitaine Tardieux, lieutenant Gauffre-Hervé les nouveaux sous-lieutenants Vetter, Sala, Berthelot, Denis, Chausse, Bigard, Du Jardier, Le medecin Delaire. Cantonné à Houlmesnil 8.9 mardi – Grand garde devant le château Mondetour 9.9 mercredi – Houlménil Mr Sala va à Rouen faire achats 10.9 jeudi – Houlmenil Revue, exercice 11.9 vendredi – Départ cantonné à la Mare Engrand près la Hallotière (Seine-Inférieure) Direction 12.9 samedi – Cantonné Humermont13.9 dimanche – Thieulay, StAntoine (Oise) chez le député, les autos mitrailleuses des dragons 14.9 lundi – Brany ferme StHubert 15.9 mardi – Vu Mr Feneux et avec Du Jardier vu 81e 16.9 mercredi – cantonné à Taisnil. Fait le cantonnement avec Glorion, Lechateau, Grand garde 17.9 jeudi – Passé à Amiens, recommandations pour la population, Cantonné à Villers-Bocage18.9 vendredi – Béhencourt Séjour jusqu’au 21. Pluie, achat de silex 19.9 samedi – Travaux, exercice, théorie 20.9 dimanche – Garde des issues. Journaux 21.9 lundi – Départ à 5 h pour Racheval (Somme) 22.9 mardi – Racheval. Grand garde 23.9 mercredi – exercice 24.9 jeudi – Famechon près Poix-de-Picardie. Patrouilles signalées 25.9 vendredi – Longue route par Berles, Tourmier, Ransart. Cantonné St Léger château grand garde [Edouard envoie une carte postale du château de St Léger, et écrit qu’il y a passé la nuit. Ce château semble avoir disparu] 26.9 samedi – Départ de St Léger par Mory, Sapignies, monument près Fareuil, passage de la ville de Bapaume. Grand halte à 4 km. Ordre de formation direction Riencourt (alerté par la cavalerie). Chemin creux près Frémicourt. Charge sur Beugny. Prise du village à 18 h Cantonnement, garde des issues. Alerte à 20 h repli sur Frémicourt [la photo d’Edouard, assis, est un portrait après la guerre, chez le photographe Pervez, le professionnel. Cette photo était au mur en portrait dans la famille. La photo ci-dessus, avec le casque est prise au front] 27.9 dimanche – Frémicourt, Bapaume à 5 h Warlencourt, Le Sars, Courcelette, Thiepval. Grand halte, alerte, passage de l’Ancre Hamel. Cantonné à Beaumont 28.9 lundi – Plateau d’Auchonvillers toute la journée. Sala blessé. Jumelles. Cantonné Beaumont 29.9 mardi (St Michel) – Emplacement d’Auchonvillers, alerte, passage de ce village sous les obus, retour à la Cie attaque de Beaucourt 85e RIT attaque de Miraumont, moulin ruiné, cantonné à Beaucourt 150 hommes de la Cie, Manque Mr Leglaive. Alerte toute la nuit 30.9 mercredi – Reprise des positions au nord de Beaucourt, bombardement dans la matinée. Retour de Mr Leglaive
Télécharger l’original du carnet de guerre d’Edouard Guillouard
Léon Simon Berry né à Reims le 18 avril 1865 est âgé de 49 ans en 1914 et non mobilisé. Il est fils unique d’une veuve Victorine Elisabeth Ledeveze, et après un passage à Bordeaux il s’est installé à Nantes comme employé de commerce chez Guillouard rue St Jacques. La lettre qui suit témoigne d’un grand nombre d’échanges épistolaires entre Edouard le patron mobilisé, et son employé de commerce qui fait tourner le magasin et surtout tente de faire renter l’argent dû par les clients, souvent eux-mêmes mobilisé. Ses déplacements sont en voiture à cheval bien sûr. « Dimanche 10 mai 1915 Monsieur Edouard J’ai bien reçu votre lettre du 23 avril, aujourd’hui j’ai tout le temps de vous écrire. Ma femme n’est pas très bien et nous ne pouvons pas sortir. Cette semaine je suis resté à la maison, j’avais tellement d’écritures à faire que je j’aurais jamais pu m’en tirer autrement et encore je pars en voyage la semaine prochaine sans avoir certainement tout mis à jour. Voilà ce qui arrive toutes les semaines quand j’arrive de voyage, copier mon courrier, faire ma feuille d’avoir, puis préparer ma tournée pour la semaine suivante, faire les comptes, les circulaires, enfin m’occuper plus ou moins de mes commissions, c’est rien le temps qu’il me reste pour faire des écritures, j’ai donc préféré rester toute la semaine ici. Pour ce qui concerne la rentrée des fonds dont vous m’entretenez, il faut considérer que très prochainement j’aurais complètement visité les pays de la Loire Inférieure, la Vendée et une partie du Morbihan, ce qui représente pas mal d’argent de rentré. Il reste le Morbihan et le Finistère, dans ces 2 départements les clients réglant beaucoup par traites. J’ai commencé à aviser les autres ceux qui payaient au passage, en précédant par ordre alphabétique de pays, car dans chaque pays il y a souvent plusieurs clients qui savent ce qui sera une économie pour les encaissements par la poste, j’ai donc envoyé une soixantaine d’avis payable au 15 ou au 31 mai pour les clients des pays commençant par la lettre A jusqu’à G, j’ai noté ces mandats sur des feuilles spéciales, en laissant de la place pour noter des observations pour les clients qui ne règleront pas, j’ai déjà reçu plusieurs lettres de femmes de clients disant que leur mari est mobilisé et qu’elles ne peuvent payer. A la fin du mois de mi je vous donnerai le résultat de cette opération, d’ailleurs d’ici là j’aviserai une autre série de clients, et ainsi de suite … (f2) En voyage, je fais tout mon possible pour faire payer les clients, même chez ceux qui sont mobilisés, je tâche de m’arranger avec eux pour des règlements par acompte. Plusieurs clients avec qui j’avais pris des arrangements quand j’ai commencé à voyager ont fini par s’aquiter maintenant. Ceux avec qui je ne peux pas réussir à prendre d’arrangement, je crois qu’il est inutile de leur faire présenter des traites qui restraient impayées. Je me suis arrangé avec Launay de Merimont, il a accepté un règlement par acompte de 50 F par mois, il a promis que les mandats seront payés régulièrement. Morand Jonin ne paie pas, la Société Générale nous a avisés qu’il a refusé une traite de 302,50 au 31 juillet (prorogée au 31 août), cet effet règle son relevé 2ème semestre 1913 ; Nous avons été plusieurs fois chez lui en lui donnant connaissance de son compte augmenté des traites jusqu’à ce jour, il a paru ennuyé, il a répondu qu’il viendrait s’arranger à la maison. Une autre fois, c’est sa femme qui a répondu qu’il était malade. En somme on ne peut pas le forcer à payer, mais c’est un salaud. C’est son compte qui devrait être payé depuis plus d’un en. Dans ma dernière lettre je crois vous avoir dit que j’avais été à Ste Luce et les Couets Bouguenais, La Montagne, St Jean de Boiseau, j’ai continué à faire le pays de Retz et j’ai mis la valeur de 6 jour 1/2 à faire tous les pays ci-après : St Mars de Coutais, Port St Père, St Léger, Bouaye, Brains, Le Pellerin (1 jour), Arthon, Chauvé, La Feuillardais, La Sicaudais, Frossay, Vue, Rouans, Cheix, St Viaud, Paimboeuf, Corsept, St Brevin, St Michel Chef Chef, la Plaine, Préfailles, Ste Marie, Pornic, Le Clion, La Bernerie, Les Moutiers, Bourgneuf, St Cyr, Frenay, Machecoul. Je touche dans ces pays 1 500 F il n’était pas dit énormément d’argent beaucoup de ces clients étaient venus payer à la maison ; comme dans les autres tournées, il y en a quelques uns qui n’ont pas payé, il n’y a pas grand-chose à faire qu’à attendre. J’ai fait 2 000 F d’affaires, d’articles pouvant être livrés, car comme je vous l’ai déjà dit nous manquons de beaucoup de chose, surtout dans l’article de ménage, le comptoir ne livre pas, nous avons fait réclamation sur réclamation, on ne répond même pas, il faut s’attendre que la marchandise va devenir de plus (f3) en plus rare ; il paraît que les usines ne peuvent plus fabriquer d’émaillé faute de matières premières entrant dans la composition de l’émail, si seulement nous pouvions avoir des casseroles anglaises et embouties. Les articles galvanisés sont tellement cher que ce n’est plus vendable les seaux augmentent toujours ; le fils de fer coûte 60 s le n° 20, il y a un nouveau tarif de grillage, le prix coutant de cet article correspond à peu près à 50 % de majoration sur l’ancien tarif. Pour les pointes le prix de collèges est de 55 F le n°20 octroi en plus. Je vends toujours quelques demi-caisses de verre, j’en ai placé 4 à 5 dans la tournée que je viens de faire à 50, 52, 53 F la demie caisse suivant les pays et le transport. Je pars demain matin faire les pays suivants : Issé, Tréffieux, Jans, Lusanger, Mouais, Derval, Pierric, Grand Fougeray, Ste Anne sur Vilaine, Langon, Besle, Brain, Chapelle sur Melaine, Masserac, Avessac, St Marc, St Nicolas de Redon ; Je m’occuperai dans ces pays jusqu’à mercredi soir. Il n’est pas dû beaucoup d’argent car une bonne partie de cette tournée a été faite par Pineau la dernière semaine de juillet et les marchandises n’ont pas été livrées. A propos de Pineau, il a écrit à Mr Charles ces jours-ci, il dit qu’il est bien. Votre petit cousin Conan était à Nantes depuis une quinzaine, il avait été envoyé malade au dépôt, en ce moment il est à conduire des prisonniers à Belle Isle. Voici l’adresse de Cormerais : Sergent infirmier hôpital n°30 Quimper Henri Halbert est toujours du côté de Bourges, sa femme est bien ennuyée, elle ne trouve pas d’ouvrier boulanger, la semaine dernière elle a manqué complètement de pain pendant un jour. Le jardinier de l’hospice est mobilisé depuis quelque temps et Mazurie peintre aussi ; Clisson débitant n’a jamais bougé de Nantes il rentre coucher chez lui tous les samedi soir. Ce matin à la messe de 9 h j’ai été tout surpris de voir Edouard Halbert en soldat, jusqu’à présent il était toujours en civil. (f°4) Les clients avec qui je fais des affaires paient très régulièrement à 30 jours, aucun mandat n’est revenu impayé. Pour le client de Langle Bertrand Lubert, vous m’aviez dit dans une de vos dernières lettres qu’il ne fallait pas s’emballer, et encore je ne vous avais pas dit le montant exact de la facture qui n’était pas arrêté, elle était de 280 F, c’était une bonne commande, ce client avait besoin de tout. J’en avais dispos en 2 échéances 150 F à 30 jours le reste un mois plus tard, il a déjà payé le premier mandat, je pense qu’il n’y a rien à craindre c’est responsable, au passage il m’avait payé ce qu’il devait de vieux. Nous sommes avisés par la Société Générale des effets qui reviennent impayés après une seconde présentation, presque toujours c’est que les clients sont mobilisés. Je ne sais pas si un moment ou à l’autre vous ferez revenir ces effets plutôt que de les voir s’augmenter à intérêts jusqu’à la fin du moratorum. Mon frère ne travaille plus à la Société Générale, il a trouvé une place beaucoup plus avantageuse dans une autre banque à Nantes, le Crédit Foncier. En attendant Monsieur Edouard vous êtes toujours dans vos tranchées et en danger et la guerre semble vouloir se prolonger, il faut espérer que la fin arrivera plus vite qu’on ne le pense et que vous reviendrez en bonne santé dans votre famille, car votre dame doit trouver le temps long. Je suis heureux de recevoir de vos nouvelles et vos lettres me font toujours beaucoup plaisir, pour ce qui concerne les affaires de votre maison, je ferai tout mon possible pour vous donner satisfaction. En attendant de vous écrire de nouveau, je vous souhaite bonne chance avec mes sentiments les plus sincères, votre tout dévoué Berry.