Les Carmélites d’Angers acquièrent en février 1628 une maison rue du Tabourin

faisant partie du temporel de la chapelle de Notre Dame de la Pitié, dont Jean Tirouflet est chapelain et Charles de Gencian, seigneur d’Erigné, présentateur.

Je descends de Gilles BOUVET †Freigné 9.2.1696 Fils de Gilles BOUVET et de Jeanne TIROUFLET. x Freigné 27.11.1670 Etiennette GUERIN °Freigné 20.10.1652 †/1715 Fille de François et de Perrine Morice. Aucun Bouvet ni Tirouflet auparavant à Freigné et environs, donc ils viennent d’ailleurs, sans doute de la région d’Erigné, Saint Jean des Mauvrets.
Depuis des années, je tente, de voir où se trouvent ces patronymes. Outre la présence du prénom Gilles chez des Bouvet de Saint Jean des Mauvrets, il existe des Tirouflet du côté d’Erigné (outre ceux de Mayenne, que je salue ici très amicalement !). En particulier, je trouve un chapelain, qui fit une vente qui mérite le détour, car il est historique :

  • L’acte qui suit est extrait des Archives Départementales du Maine-et-Loire
  • Voici la retranscription de l’acte : Le 25 février 1628, Dvt Guillaume Guillot Nre Angers, comme ainsy soit que du domaine et temporel de la chapelle de Notre Dame de Pitié desservie en l’église de la Trinité d’Angers, dépend entre autres choses ung jardin situé rue du Tabourin à la Trinité, joignant d’un côté la rue qui va en la tour du papegault d’autre côté les jardins de l’abbaye de Melleray d’un bout les remparts et murs de la ville et d’autre bout les maisons et jardins dépendants du prieuré de Pruniers,
    et que les révérentes dames Carmélites ayant désir et volonté de construire et bastir ung monastère et couvent pour leur demeure et habitation en cette ville, et pour cest effect acquis et pris à rente plusieurs maisons jardins et appartenances près celles de ladite chapelle Notre Dame de Pitié, cy dessus spécifiée,
    eussent fait prier et réquerir vénérable et discret Me Jehan Tirouflet prêtre à présent chapelain d’icelle chapelle et Charles de Gencian escuyer Sr de Macquaire, d’Erigné, et patron et présentateur de ladite Chapelle
    leur vouloir bailler et transporter soit par contrat d’échange ou vendition lesdites maisons et jardin pour faire leursdits bastiments et monastère, offrant leur en bailler la juste valeur au dire de gens à ce cognaissant, attendu mesme l’intervention et authorité de la Reyne mère du Roy laquelle à désir et vollonté que ledit bastiement soit faict audit lieu suivant la déclaration qu’en a faicte monseigneur l’archevesque de Lyon estant naguères en ceste ville, ce que lesdits de Gencian et Tirouflet chapelain de ladite chapelle, considèrant le desseing desdites dames religieuses et le voulloir et commandement de ladite dame Reyne mère et intérests dudit seigneur révérend archevesque auroient bien voullu et accordé estre rapplacez et récompensez de la juste valleur desdites choses pour leur tenir mesme nature et place que lesdites maison et jardin pour ce est que devant nous Guillaume Guillot notaire du roy à Angers, furent présents en personne soubzmis et établis lesdits Sr de St Macquaire patron et présentateur de ladite chapelle notre dame de Pitié et ledit Me Jan Tirouflet prêtre chapelain d’icelle demeurant en cette ville d’une part, et révérente dame sœur Renée de Jésus Marie, prieure, et sœur Magdelaine de l’Incarnation soubz prieure, et sœur Marie de Saint François dépositaire dudit ordre des Carmelittes au couvent de cette ville, congréguées et assemblées pour cest effect à la grille et parlouer dudit couvent et encore noble et discret messire Charles Treton Sr des Rues prêtre de la maison de l’Oratoire audit Angers, pour et au nom dudit seigneur archevesque de Lyon, et de Mr le comte de Cavanal, représentant du St Siège apostolique d’autre part, lesquels ont sur ce que dessus et chose cy après sont le contrat de vention et eschange qui ensuit, c’est à savoir que ledit Tirouflet audit nom de chapelain avec l’authorité advis et consentement dudit de Gencian Sr de St Macquaire patron et présentateur de ladite chapelle nostre dame de Pitié a baillé quitté ceddé délaissé et transporté et par ces présentes baille quitte cèdde délaisse et transporte des maintenant et à présent à toujours mais perpétuellement pour luy et ses successeurs chapelains de ladite chapelle auxdi-tes dames prieure religieuses du couvent des Carmelites de cette ville, qui ont pris et accepté à titre d’échange pour elles et leurs successeuresses ladite maison jardin et appartenantes cy-dessus spécifiée dépendant du temporel et domaine de ladite chapelle Nostre Dame de Pitié, ainsy que lesdites choses se poursuivent et comportent sans rien ne réserver par ledit chapelain et ledit Sr patron pour eulx ni leurs successeurs, pour par lesdites dames religieuses et leurs successeresses en jouir et disposer à l’advenir en pleine propriété à perpétuité soict pour y construire et bastir leur monastère en les dortouers ou autres logements pour leur habitations ou autrement en disposer ainsi que bon leur en semblera leur en ceddant à cest effet ledit chapelain avec l’authorité dudit Sr patron présentateur tous droictz de fondz propriété … et en contréchange et loyale récompense desdites maison et jardin lesdites dames religieuses et ledit Sr du Ruau audit nom de procureur desdits seigneur archevesque de Lyon et seigneur comte de Caraval ont baillé et baillent audit chapelain ce stipulant et acceptant pour luy et ses successeurs la somme de 1 200 livres tournois qui est la valeur desdites choses suivant l’appréciation et estimation qui en a esté cy davant faicte

    Acte attaché : Le 26 juin 1628, accord entre Me Jan Tirouflet chapelain de la chapelle Notre Dame de Pitié desservie en l’église de la Trinité d’Angers, et Charles de Gentian écuyer Sgr d’Erigné et patron présentateur de ladite chapelle. Lors de la cession aux dames Carmelites de la maison et jardin, rue du Tabourin, qui faisait partie du temporel de la chapelle, les dames religieuses ont payé 1 200 L qui ont été reçues par Charles de Gentian et Gabrielle de Pincé son épouse. Jean Tirouflet réclame donc une compensation pour le temporel de la chapelle, et obtient d’eux une rente au denier seize, soit 75 L par an. (AD49 5E5)

    A ce jour, je n’ai toujours pas trouvé la trace du couple Gilles Bouvet et Jeanne Tirouflet, et merci d’avance à toute personne qui les aurait rencontrés de me faire signe. Demain, je mets en ligne une dispense qui donne un haut le coeur. Personnes sensibles, prière de s’abstenir de lire mon billet demain.

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    NANTES LA BRUME, Ludovic GARNICA DE LA CRUZ, Paris, 1905 CHAPITRE III. LE BATONNIER ET L’ARMATEUR

    Ludovic Garnica de la Cruz. Nantes la brume. 1905. Numérisation Odile Halbert, 2008 – Reproduction interdite.

    Vers deux heures de l’après-midi René alla rendre visite à son oncle paternel. M. de Lorcin, avocat de talent, bâtonnier de l’ordre, président d’une société de Saint-Vincent de Paul, et de beaucoup d’autres cercles catholiques, patriotes, d’études, habitait boulevard Delorme. Sa politique militante et autoritaire, jointe à une très sûre érudition lui donnait une influence considérable dans la ville. Le parti Catholique et réactionnaire le regardait, non comme un chef, mais comme son soutien le plus nécessaire. Son besoin de calme pratique ne lui aurait jamais permis de se mettre en tête d’un groupe par trop agité. Fait d’un seul bloc, il respectait ses croyances comme sa vie, n’avait qu’une ligne de conduite : le devoir. Qu’était son devoir ? Pour lui l’obéissance indiscutable à la foi de ses aïeux. Au premier rang à toutes les fêtes religieuses, il suivait le dais aux processions, et méprisait carrément ceux qui ne pensaient pas comme lui. Sa femme, aussi rigide que son mari sur les principes religieux, passait une partie de sa journée à l’église ou dans des réunions pieuses, l’autre dans la surveillance tyrannique de son personnel. Jamais grâce d’un mot grossier, d’une allusion légère, cerbère inquisiteur de l’accomplissement des rites « chez des catholiques, disait-elle, nul n’a le droit d’être impie. » Quoique mariés tard ans amour, ils s’aimaient par devoir, fidèles par devoir à loi la conjugale. Jarretière égoïste et utilitaire qui les ceint d’une honnêteté bien pensante, éminemment respectable et respectée.
    En arrivant sur le boulevard René fut douloureusement surpris. Au lieu de la lointaine et splendide voûte aux doigts fluets que formaient l’allure hautaine des arbres géants entrelaçant leurs innombrables arceaux, c’était une allée somnolente d’idiotisme avec son asphalte au centre comme un cordeau écrasé, bordée d’embryons arborescents emmaillotés dans des grilles mal équilibrées. Où l’ombre quiète des feuilles d’automne versait ses caresses moites, la crudité quelconque d’une place de marché avec de rachitiques nourrissons à la couvée. A l’entrée, La statue du docteur Guérin qui doit être étonné d’avoir un tel monument à sa gloire bourgeoise ! Et maintenant que les grands arbres sont morts du venin de la meute épicière, il domine sa taille sombre en sa redingote vénérable.
    Quelle raison indispensable avait pu pousser les édiles de Nantes à cette sauvage battue ? René tourmentait encore son cerveau lorsqu’il sonna à l’hôtel de son oncle. Un garçon en livrée vint lui ouvrir et le fit entrer au salon. Une vaste salle encombrée de meubles et de tentures indifférentes dans leur couleur sévère malgré leur richesse. M. de Lorcin arriva presque aussitôt. Grand, fort, la barbe grise, il se montra très affable.

  • Mets-toi à ton aise. Prends ce fauteuil.
  • Il lui demanda des nouvelles de sa santé, où il habitait.

  • Alors, mon neveu, tu n’as pas pu rester chez mon toqué de frère à Brest. Il n’en à pas pour longtemps à vivre, n’est-ce pas ? Les rhumatismes lui joueront un mauvais tour.
  • C’est malheusement vrai, il baisse de jour en jour. Il est bizarre, mais il à été très bon pour moi.
  • Enfin, tu t’ennuyais à Brest et tu reviens dans notre ville. Çâ me fait plaisir. Tu n’as pas la manie de Paris comme tous les jeunes gens de ton âge. Tu seras cent fois mieux ici, car en ta tante et moi, tu trouveras les remplaçants directs et naturels de ton père et de ta mère. Nous avons le droit et le devoir de te considérer comme notre enfant puisque le ciel n’a pas voulu nous en donner.
  • Mon oncle, je vous suis très reconnaissant de …
  • M. de Lorcin poursuivant une idée l’interrompit.

  • Pourquoi n’habiterais-lu pas avec nous ? La vie de famille est beaucoup plus salutaire aux jeunes gens. J’en ai déjà parlé à ta tante, elle est parfaitement de mon avis. D’ailleurs elle ne va pas tarder à entrer. Elle est – ce me semble – à une réunion de dames patronnesses. Elle t’en causera elle-même.
  • Je vous remercie, mon oncle, de votre bonté, mais je tiens à rester libre. Tout en étant familier de votre demeure, vous ne m’en voudrez pas de me conduire seul, ou du moins de l’essayer.
  • Hum ! Hum! C’est très joli la liberté. On en raffole et l’on fait, des bêtises. Fais connue tu voudras, je n’ai aucunement le droit de mettre obstacle à ta volonté. Mon devoir m’autorise cependant à te donner d’excellents avis, que ton père te donnerait s’il était de ce monde. Défie-toi des relations quelconques. Choisis les amis véritables, c’est-à-dire ceux qui ne te conduiront pas au mal. Tu es d’une famille catholique, observe tes devoirs religieux. Marche la tête haute, sans qu’on puisse jeter le moindre reproche sur ta conduite. N’être pas un écervelé, avide de fantaisies malsaines, capables de n’entraîner autre chose que la tristesse et le déshonneur. Le devoir, mon ami, accomplir son devoir. Pour t’aider tu devrais faire partie d’associations sérieuses qui seront, une aide à ton inexpérience et qui te feront connaître l’élite de la meilleure société.
  • Sur ce point-là, mon oncle, permettez-moi de réfléchir ; vous connaissez depuis longtemps mon esprit d’indépendance absolue.
  • Oui, et j’en ai peur. Bref, nous en reparlerons. Tu es arrivé hier soir, tu n’as pas eu le temps de songer à ces questions. Retiens bien ceci, je dois être ton guide et je tiens à ce que tu sois digne de ton oncle… Assez sermonné… as-tu vu l’armateur ?
  • Il désignait toujours ainsi avec une moue de dédain le mari de sa soeur.
    Les deux hommes ne pouvaient se sentir. Cette haine venait de leurs divergences d’idées, et, aussi d’une sourde rivalité de puissance. M. Réchamps, l’armateur, libre-penseur et socialiste influent, était le chef d’un nouveau parti en voie d’augmentation. C’était le terrain qui tremblait sous les pas de la réaction alors maîtresse de la ville. M. de Lorcin aurait bien voulu empêcher son neveu de l’aller voir, mais comment ? René voudrait-il embrasser une haine sans raison pour lui envers un oncle qui l’affectionnait beaucoup.
    Interloqué par cette brusque question René qui savait répondit vexé.

  • Non ! Ma première visite à la famille était pour vous puisque vous êtes l’aîné, mais je compte aller chez lui aujourd’hui même. Ne dois-je pas également le respect à tous mes parents ?
  • C’est vrai… c’est vrai… grommela M. de Lorcin.
  • Il se leva pour écouter à la porte. Un bruit de pas se fit entendre.

  • Voilà ta tante.
  • A l’apparition d’une longue femme roide, vieillie par des bandeaux grisonnant à ses tempes, René se leva et tendit, respectueusement le front au baiser obligatoire.

  • Bonjour, ma tante, vous allez bien.
  • Je suis fatiguée. Cette réunion m’a donné la migraine. Le rapport de la secrétaire sur une de nos chères sociétaires était trop considérable. Enfin qu’importe, c’est pour le bien !
  • Elle s’installa dans un fauteuil et se penchant vers son neveu l’accabla de mille et une questions, lui donna mille et un conseils qu’approuvait du bonnet son époux. Déclarant se substituer à sa mère, elle lui traça minutieusement le genre de vie qu’il devait avoir, les vertus qu’un jeune homme chrétien devait ouvertement pratiquer. La rengaine de l’oncle redite d’un ton plus sec, avec plus de précision dans les mots. Mme de Lorcin ne mâchait pas ses paroles.

  • Faire la noce, mon enfant, c’est être pire qu’un pourceau
  • Pour voir plus vite la fin de cette insipide énumération, René acquiesçait à tous les désirs de sa tante. Celle-ci satisfaite se mit à lui parler du passé, de sa famille, de sa carrière future, de ses aspirations. Sur ce sujet la conversation dura longtemps.
    René fut fort enchanté lorsque son oncle lui donna congé par ces mots :

  • Nous sommes aujourd’hui jeudi.Tu n’auras pas trop de deux jours pour mettre un peu d’ordre dans ton nouveau genre de vie. Viens dîner dimanche soir à sept heures. Nous inviterons des hommes éminents dont tu seras enchanté de faire la connaissance.
  • Au moment de partir René se souvint de la tonte ridicule du boulevard.

  • Dites-moi donc, mon oncle, pourquoi l’on mutilé ainsi le boulevard Delorme ? Lui, si joli autrefois est bien mesquin et laid maintenant.
  • Laid, ma foi, non ! Et puis la beauté après l’utile. Les grands arbres nous amenaient trop d’ombre et d’humidité. Nous nous sommes solidarisés et avons obtenu de la municipalité qu’on nous délivra de nos maux.
  • Tu vois, reprit à son tour la tante, le jour entre librement par les fenêtres, et nos meubles ne moisissent plus.
  • René descendit la rue Franklin. Commençaient déjà à se vomir des rues Scribe et environnantes le monde criard des trottoirs. Ce quartier leur appartenait comme autrefois les Juifs étaient parqués alentour la rue de la Juiverie. Elles préparaient leurs engins de chasse autorisée dans les brasseries et les principales rues. Hardi les vautours clairs A.G.D.G. Les imbéciles s’émerveillent ; les mâles s’incendient !
    René franchit la place Graslin ombrée de son théâtre aux huit colonnes, traversa d’une extrémité à l’autre la rue Jean-Jacques Rousseau, étroite et raide comme un manche de parapluie. Place de la Bourse avec sa couronne d’arbres et ses saltimbanques de passage entourés de badauds en guenilles, Il regarda l’horloge marquer cinq heures. Longeant le monument, il arriva sur la place du Commerce.
    Un tintamarre indiscontinu assourdissait les oreilles. Les lourds camions résonnaient brutalement sur les rails enchevêtrés des tramways. Ceux-ci, guêpes fauves autour de leur kiosque central, bourdonnaient et toussaient à qui mieux mieux. La voix des employés fléchaient : Les voyageurs pour Rennes, en voiture… La Bourse, tout le monde descend… Pirmil… place Mellinet.,.. Doulon, en voiture ! … Les sifflets piaillaient ordonnateurs de la volée éparpillante. Les vendeurs hurlaient les journaux du soir, les jouets d’enfants, l’indicateur des chemins de fer. Sur la ligne qui coupait le quai, les trains passaient brassant du vacarme. C’était certes la place la plus mouvementée avec sa ceinture de hautes maisons : — du Phare de la Loire, un des grands journaux quotidiens de Nantes projetant ses rayons sur toutes les branches du commerce et de l’industrie, le palais de la Bourse figeant l’heure à sa paupière rigide — qui se mourait jusqu’au fleuve d’or brun.
    René rencontra son oncle dans le couloir de son appartement.

  • Quelle surprise ! Ma femme est sortie. Viens avec moi. Je vais place de l’Écluse ; nous causerons en route.
  • M. Réchamps, petit, sec, pétillant, quarante ans, prit le bras de son neveu. Il entama une conversation alerte. René lui raconta sa visite chez M. de Lorcin, les conseils salutaires de l’oncle, le catéchisme de la tante.

  • Hein ! mon petit, tu n’as qu’à t’acheter une ceinture de chasteté dont tu leur donneras la clef. Quand on est jeune, on s’amuse, que diable ! Çà vous bâtit un homme mieux qu’une mère. Les femmes nous montrent la vie réelle avec ses embûches et ses hypocrisies. Il faut aller dans ses sentiers autrement qu’une gourde. Voici trois avis qui te seront plus salutaires que les badauderies des Lorcin. Prends les femmes que tu voudras ou que tu pourras, ne te ruine pas et ne te rends pas malade.
  • En devisant ainsi, ils arrivèrent sur le pont de l’Écluse.

  • Attends-moi un instant, j’en ai pour cinq minutes.
  • Resté seul René s’accouda à la balustrade. L’écluse grouillante et moqueuse grondait, vomissant le long des pilotis et des vannes des jets de salive blanchhâtre. Interminable déroulement d’une pièce de satin bouillonnée de plis et de replis chatoyant d’un blong diapré. Les énormes chalands heurtaient du front les portes qui s’ouvraient en grinçant des dents ; ils descendaient lentement et lentement leur voyage du même pas têtu. L’amas des pourritures de l’Erdre venait entremêler ses charognes crissant des odeurs saturées d’infection. Toujours des spectateurs s’arrêtaient devant ces tourbilIonnances affolées, là, ainsi que des intrigues que nuI passant ne peut dénouer. Lorsque M. Réchamps revint, ils montèrent en ensemble la rue de Feltre et la rue du Calvaire. Des bouffées de musique balayèrent leurs oreilles des portes entrouvertes du café Riche.

  • Entrons, dit l’oncle.
  • Ils s’installèrent sur les coussins d’un angle libre pour être plus à l’aise et mieux observer.
    Le café était comble. Les lumières croulaient vers les visages attentifs et la pâleur des tables de marbre. Les consommations reluisaient des princesses naïves bariolées dans un bal où la toilette verte des absinthes se reflétait dans les manteaux grenats ou jaunes des sirops. Sur un piédestal improvisé, l’orchestre raccrochait des lambeaux d’art au passage. Les femmes en blanc lilial avec des ceintures à gros nœuds ; leurs yeux agrandis sous les fleurs isolées d’un parterre de chevelures. Des hommes, quelconques, plongés dans un hébétement sournois. Les bourgeois écoutaient suffisamment silencieux, les valses de Waldteufel ou les fantaisies de Faust et des Huguenots, satisfaits davantage de l’exhibition des femmes sur un tréteau — proie facile à la curiosité de leurs regards secrètement pornographiques. A la fin de chaque morceau, elles passaient entre les groupes une assiette en main ; ils allaient de leurs gros sous, payant la jouissance de se sentir frôler par les corps des dames. Le fruit défendu qu’ils évoquaient en la fumée des cigares et la mousse des bocks, qu’ils rêveraient à la sortie. Un peu d’animalité pure que le voisin ne trahira pas, qui crève à la surface au contact peureux des qu’en-dira-t-on.

  • Le brun à la moustache cirée, les cheveux teints, n’est-ce pas Malteigne ?
  • Tu connais donc, René, ce vilain monsieur ?
  • Qui ne connaît pas le procureur de filles…
  • Et le vieux là-bas qui roule des yeux cuits sur la blonde violoncelliste ?

  • Le gros qui n’a plus de cheveux… C’est Varlette, l’architecte, père de famille, client de Malteigne. D’ailleurs tu le connaîtras mieux, le vieux salaud, il dîne souvent chez Lorcin… Une cigarette. René.
  • L’orchestre entamait la « Mousmé » de Ganne. Les groupes se levaient ; la salle devenait vide. Le rythme se débilitait au milieu des heurts des tables et des chaises,

  • Partons, dit alors M. Réchamps, Je t’emmène dîner à la fortune du pot. Nous aurons ensuite la visite des Lonneril. Le père est contre-maître dans mes chantiers. Ce sont des gens que j’estime beaucoup. Tu ne refuses pas.
  • Non, non ! J’accepte de grand cœur au contraire. Mon égoïsme me crie que je vais passer une délicieuse soirée.
  • Ils décrochèrent leurs chapeaux.

    Mme Réchamps embrassa franchement son neveu et son mari sur les deux joues Très heureuse elle s’agitait, de la cuisine au salon, gourmandant d’une voix gaie les domestiques. Un couvert fut vite préparé et l’on se mit à tables

  • Tu ne t’attendais pas à cette surprise, Louisette.
  • René n’est pas aimable de ne pas avoir prévenue.
  • Ma tante je suis arrivé sans crier gare comme un cataclysme.
  • Agréable, René… Tu deviens un beau garçon. Toutes les femmes vont courir après toi.
  • René était joli, la figure peut-être un peu efféminée avec ses yeux bleus. Il était le portrait de sa tante, sosie de la mère de René, à tel point qu’on les prenait souvent l’une pour l’autre.

  • Tu sais bien que tu lui ressembles, ma chère amie, tu te flattes, reprit l’oncle en versant la soupe fumante dans les assiettes.
  • Si vous n’aviez pas été ravissante, mon oncle ne vous aurait pas épousée. Dites-le lui. Il en est très fier de votre beauté.
  • Certainement, certainement, encore plus que jamais, dit Réchamps d’excellente humeur.
  • Leur mariage était heureux malgré les tentatives de la famille des Lorcin. Depuis cinq ans d’intimité, ils s’adoraient loin des craintes pusillanimes des prudes et des tyranniques railleries des jaloux. Pour assurer la plus parfaite concorde, Mme Réchamps avait adopté les idées de son mari. Comme lui, elle croyait à l’avenir proche d’une justice morale vraiment, juste, basée sur l’égalité et la fraternité des riches et des pauvres. La science mise à la portée des humbles bannissant la charite humiliante remplacée par le partage légitime du frère à frère.
    Elle encourageait l’armateur aux minutes de déception, calmait des colères inutiles, le soutenait de son sourire aimé dans sa lutte pénible contre la routine aux abois.
    Quoique-loin de partager les théories du socialiste, René se plaisait à l’entendre parler, goûtant de profondes vérités en ses diatribes humanitaires.
    Aussi le dîner fut-il très gai. Salade de plaisanteries compliments, de littérature, politique, faits, et maintes pointes aigus à l’adresse du bâtonnier. L’oncle parla, avec enthousiasme de ses chantiers où vivait une ère nouvelle de solidarité. Son œuvre à lui, ces hommes qui s’aimaient et s’entr’aidaient aux labeurs quotidiens le coeur fier d’être les collaborateurs conscients du mouvement de la machine sociale ! Ses ouvriers étaient ses meilleurs amis. La haine ne couvait pas sous les marteaux contre le patron. Sur ce pivot de granit, il rassemblait ses forces de défi. Au printemps prochain, je lancerai mon trois mâts « l’Hercule ». Tu seras de la fête, René. On ne le baptisera pas. Pas de prêtres, pas de parrains, sept cents pères orgueilleux comme aux premiers pas d’un bébé. Çà fera une histoire dans le ban et l’arrière-ban de la cléricaillerie. Ils hurleront au blasphème.
    Ses yeux brillaient d’une volonté têtue. Donner un formidable coup à l’accomplissement de son rêve !
    Après le dîner on passa au salon attendre les Lon¬neril. Ils ne tardèrent pas. Maigre et petit, M. Lonneril était vêtu simplement, l’oeil sournois, peu loquace. Il semblait un nain auprès de sa corpulente épouse satisfaite de sa vaste personne ! La demoiselle, une gentille blonde mise avec élégance, coquetterie même prétentieuse.
    Les présentations d’usage terminées, René s’offrit de chanter. Il se mit au piano et exécuta une de ses ballades, — musique heurtée, discordante parfois, paroles étranges au rythme curieux.

  • Bravo, criai l’oncle du fond de la salle où il causait avec son contre-maître. Tu seras un véritable artiste. Tous louangeaient.
  • Le thé fuma dans les tasses. La vapeur cerclait leur cou de boas grisâtres. Les friandises se passaient ; les dents mordaient les chairs sucrées.
    René s’empressait alentour Mlle Lonneril. Galant, il la félicitait du charme de sa toilette, de ses yeux tendres, de ses dents blanches. Il accompagna comme une caresse la romance sentimentale qu’elle voulut bien roucouler. Au milieu des minauderies, on fit une partie de cartes. René tricha pour faire gagner sa mignonne voisine, à la virulente indignation de Mme Lonneril, qui ne comprenait ni la perte, ni la triche. René ne lui plaisait pas. Des manières en dessous. Les hommes causèrent politique, les dames jasèrent de modes, abandonnant les jeunes gens. Ils en profitèrent pour augmenter leur connaissance. Ils fouillèrent les replis secrets des délicieuses futilités, feuilletèrent pour se les conter les naïvetés roses qui se disent aux, heures demi-familières. René éblouit la petite de son érudition louangeuse nuancée de mi-rires. Au départ, ils se serrèrent la main lentement.

    René, à l’ombre de la Cathédrale qui semblait médire sous la clarté goguenarde de la lune, rêva d’yeux et de blonde-allure un peu prétentieuse.

    Ludovic Garnica de la Cruz. Nantes la brume. 1905. Numérisation Odile Halbert, 2008 – Reproduction interdite.

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    Contrat de mariage de Charles Goddes et Vincente Lefebvre, 1592

    commentaires du billet du 1er mars

    Avant-hier, ce billet vous donnait un contrat de mariage, et j’attendais que vous détectiez deux points marquants, l’un ayant trait à la forme, l’autre à une clause particulière. Cela vous a semblé difficile, sans doute manque d’entraînement.
    Je suis si entraînée que lorsque je lis un contrat de mariage, je le perçois comme un morceau de musique : il a en effet un rythme propre. Même s’il varie d’une province à l’autre, en fonction du droit coutumier, on retrouve toujours ce ryhtme.

    L’ouverture ou prélude, est réservé aux promesses de mariage, car ce contrat est un engagement au mariage, au même titre que les fiançailles. Or, avant la Révolution, c’est devant Dieu qu’est le mariage, donc le contrat de mariage commence toujours par cette promesse de mariage en face de la sainte église catholique…

      Dans le contrat présent, ce n’est que page 4, ligne 6, qu’après avoir bien évoqué les gros sous, on s’est aperçu qu’on avait un peu oublié Dieu dans tout cela, et qu’on l’a rapidement rajouté ! Ainsi, ce contrat brise le rythme habituel, et reflète à mon avis la précipitation de tous à parler affaires. D’ailleurs, il reflète, poussé à l’extrême, l’état d’esprit qui régnait dans ces contrats : dans le cas présent ils sont allés jusqu’au bout, et je peux attesté que Grudé, le notaire en question n’est pas le premier venu, mais un grand notaire, habitué des mariages mondains affairistes.

    La scène se passe le plus souvent dans la salle de la maison de famille de la jeune fille. Ici, le père étant décédé, on est chez un oncle maternel, Guillaume Bonvoisin, juge de la prévôté.
    On a aligné les chères (chaises en 1592), car tout le clan familial est réuni, pour la demi-journée. Autrefois, on prenait son temps, et un acte notarié prenait plusieurs heures.
    Enfin, quand je dis le clan de famille, comprenez les hommes de la famille, car les femmes ne traitent pas affaires, du moins tant que leur mari vit.
    Ce qui signifie que la future épouse est là au milieu d’un tas de messieurs discutant âprement gros sous pour elle… J’ai des cas extrêmes, dont je vous entretiendrai : une toute jeune fille, transplantée brutalement devant un veuf et une trentaine de messieurs discutant gros sous, le tout sans maman…

    Les signatures de ces contrats sont toujours intéressantes. Elles ont elles aussi un rythme immuable : futur, future, pères, oncles, et ainsi de suite de proche en proche, pouvant aller assez loin dans les degrés de parenté… Ces signatures peuvent parfois servir d’identification d’untel…
    A ce sujet, dans les mariages religieux de nos registres paroissiaux, très rares sont les curés à avoir donné pour témoin une femme, là encore, c’était une affaire d’hommes.

  • Passons à la clause particulière méritant qu’on s’y arrête.
  • Un contrat de mariage comporte des clauses immuables sur lesquelles nous reviendrons. L’une de ces clauses précise toujours quelle part des avancements de droit successif (aussi appelés la dot) entrera dans la communauté. Le reste, soit généralement 90 % du montant de la dot, reste bien propre de la femme. Si son mari vend l’un des biens propres de sa femme, il est tenu par le droit de le remplacer en un autre bien réputé aussi du propre de sa femme.

      Si Madame possède en bien propre la closerie de la Terre-a-Papa-Maman à ZZ, Monsieur est tenu de réinvestir la même somme dans la closerie de la Terre-a-Maman-Papa à YY, qui sera toujours un bien propre de Madame. Ainsi, sans en avoir l’air, Madame est protégée.

    Seulement, tout irait bien si la France était unifiée. Hélas, elle est découpée en provinces, au droit coutumier éminement variable. Pire, le futur est un horsain, un survenu, dont le père est arrivé de Normandie dans la suite des de Cossé-Brissac, pour lesquels ils officient au château de Brissac. D’ailleurs, vous remarquez dans le contrat de mariage que ce futur est rigoureusement seul et sans aucune mention de filiation, dans le contrat de mariage.

      Alors, le clan Lefebvre-Bonvoisin, pris d’une soudaine méfiance envers ce Normand et toute la Normandie, ajoute une clause particulière, peu aimable pour les Normands. En fait, ils expriment leur crainte de voir ce survenu repartir s’installer en Normandie, auquel cas il pourrait fort bien vendre les biens angevins et investir en Normandie. Horreur pour les Angevins !

    Ce n’est par formulé de la sorte, mais c’est ce qu’exprime clairement la phrase que j’ai surgraissée dans le contrat de mariage (voir le billet du 1er mars) : si le futur veut remplacer les biens angevins de Madame pour des biens Normands, il est prévenu qu’il doit respecter le droit angevin, plus favorable.

    Salut, Normands de mon coeur, je vous aime !

    Roberde Bonvoisin, la mère de Vincente, encore vivante, et qui a déjà marié 13 enfants, est présente à ce contrat. La mère de la jeune fille, lorsqu’elle vit encore, a le droit d’assister à cette réunion entre hommes du clan familial. Ouf ! la future était un peu accompagnée… ce n’était pas toujours le cas… j’ai un cas parmi d’autres, où elle a 18 ans, sans sa mère, et seule face à une kyrielle de messieurs..

    Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet seule une citation ou un lien sont autorisés.

    Dispense de consanguinité, Congrier, 1734 : Pierre Bernier et Charlotte Cointet par Fiacre Faguier

    L’acte qui suit est extrait des Archives Départementales du Maine-et-Loire, série G. Voici la retranscription de l’acte : Le 12 juin 1734, en vertu de la comission à nous adressée par Monsieur le vicaire général de monseigneur l’évêque d’Angers en date du 1er juin susdite année, signée J.J. Boucault et plus bas Mezeray pour informer de l’empeschement qui se trouve au mariage qu’ont dessein de contracter Pierre Bernier de la paroisse de St Aignan et Charlotte Cointet de la paroisse de Congrier en ce diocèse, des raisons qu’ils ont de contracter et de demander dispense dudit empeschement, de l’âge desdites parties et du bien précisément qu’elles peuvent avoir dans leurs jouissances actuelles, ont comparu devant nous commissaires soussignés lesdites parties,
    savoir ledit Pierre Bernier soussigné, âgé de 22 ans, et ladite Charlotte Cointet, aussi soussignée, âgée de 20 ans, accompagnés de René Bernier, père du garçon, Md demeurant dans la paroisse de St Aignan, âgé d’environ 70 ans, René Cointet, père de ladite fille, aussi marchand, demeurant paroisse de Congrier, âgé d’environ 54 ans, Fiacre Faguier commun parent des parties, âgé de 83 ans, métayer au Chatelier dite paroisse de St Aignan, Michel Pipar Md demeurant audit St Aignan, âgé de 50 ans, soussigné, de Jacquine Faguier veuve de René Geslin, âgée de 67 ans, demeurante en cette paroisse de la Rouaudière, qui ont dit bien connaître lesdites parties, lesquelles quoiqu’elles se recherchassent en mariage du consentement unanime de leurs proches parents depuis plus de 2 ans, ils n’ont guère conny leur consanguinité au degré prohibé que depuis 5 mois, lorsque leurs parents étoient assemblés pour faire leur contrat de mariage qui fut marqué sur le soupçon que ladite Jacquine Faguier leur donna de leur consanguinité au degré prohibé et qu’ils n’ont connu que par un sérieux examen qu’ils en ont fait, lesquels ont dit bien connaître lesdites parties, et serment pris séparément des uns et des autres de nous déclarer la vérité sur les faits dont ils seront requis, sur le raport qu’ils nous ont fait et les déclarations qu’ils nous ont donné nous avons dressé l’arbre généalogique qui suit :

    Fiacre Faguier, père commu, a eu 2 fils

  • Jacques Faguier – 1er degré – François Faguier
  • Jacques Faguier – 2e degré – Charlotte Faguier femme de Simon Cointet
  • Perrine Faguier femme de René Bernier – 3e degré – René Cointet
  • Pierre Bernier qui recherche en mariage Charlotte Cointet – 4e degré – Charlotte Cointet, que Pierre Bernier veut épouser
  • Ainsi, nous trouvons qu’il y a un empeschement de consanguinité du 4e au 4e degré entre ledit Pierre Bernier et ladite Charlotte Cointet.
    A l’égard des causes qu’ils ont de demander dispense, leur famille commune étant nombreuse comme celle d’Abraham, ils sont presque tous parents à St Aignan et les 5 paroisses voisines Congrier, la Selle, St Michel, Brain et la Rouaudière. Outre les empêchements de consanguinité, il s’en trouve plusieurs d’affinité spirituelle à raison de degrés prohibés.
    Ils se sont recherchés de bonne foi sans savoir être parents aux degrés prohibés
    Le garçon fait la fortune de la fille en ce qu’il est habile commerçant qui travaille avec beaucoup d’application, l’un et l’autre se sont fréquenté d’une manière fort sage, sans que personne y ait trouvé lieu de scandale, ce qui nous a été certifié par des personnes marquées audit mariage, outre le témoignage des parents et témoins ci-dessus, et qui ont signé avec nous savoir ledit René Cointet et Michel Pipar, les autres ont déclaré ne savoir signer,
    fait à notre maison presbitérale. Signé P. Sureau commissaire, Pierre Bernier, Charlotte Cointet, René Cointet, René Cointet, M. Pipard

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    Contrat de mariage de Charles Goddes et Vincente Lefebvre, Angers le 4 janvier 1592,

    Contrats de mariage retranscrits et analysés sur ce blog.

    Vincente Lefebvre est née en 1573, et est le 17e enfant de Roberde Bonvoisin, mariée en 1548, et qui en a déjà marié 13 avant cette date. On est dans la bonne bourgeoisie angevine.
    Roberde a reçu une solide éducation, et, bien que veuve, elle a une certaine pratique des contrats de mariage, cela se voit. Nous dirions que c’est une maîtresse femme, et ce contrat l’atteste.
    Ce contrat comporte 2 points qui le montrent particulièrement, et me permettent de l’affirmer. L’un porte sur la forme du contrat, l’autre sur une clause particulière. Alors, pour vous exercer à analyser un contrat de mariage, je vous laisse chercher ces 2 points, et je vous laisse le temps d’y réfléchir : c’est le WE et je ne veux pas vous bousculer. Vous aurez la réponse lundi, avec mon résumé réflétant mon analyse.

    L’acte notarié qui suit est extrait des Archives départementales du Maine-et-Loire, Mathurin Grudé notaire royal à Angers. Voici la retranscription de l’acte : Le sabmedy quatriesme jour de janvier l’an mil cinq cens quatre vingt douze après mydy en la court du roy notre syre Angers endroict par devant nous Mathurin Grudé notaire de ladite court, personnellement establys noble homme Charles Godes sieur de Neuville demeurant au chasteau de Brissac d’une part, et honorable femme dame Roberde Bonvoysin veufve de deffunct noble homme Me François Lefebvre vivant sieur de Laubrière demeurant en la paroisse de Sainct Maurille et damoiselle Vincente Lefebvre fille dudit deffunct sieur de Laubrière et de ladite Bonvoysin demeurante en la paroisse de sainct Pierre d’aultre part, soubzmettants lesdits partyes respectivement elles leurs hoirs et confessent etc en traictant et accordant le mariage cy-davant promis entre ledit Godes et ladite Vincente Lefebvre avoir faict et font par ces présentes les pactions et conventions cy-après
    c’est à scavoir que ladite Bonvoysin en faveur dudit mariage a promys et promet donner à ladite Vincente Lefebvre sa fille en advancement de droict successif la somme de unze cenz escuz sol et les lieux de la Durandière et des Grassières situés es paroisses de la Roë et de Fontaine Couverte à la charge d’en jouyr comme ung bon père de famille et les entretenir en bonne réparation garder les baulx affermés pour le temps qui en reste et de poyer les cens rentes et debvoirs à l’advenir
    pour le payement de laquelle somme de unze cens escuz ladite Bonvoysin a ceddé et transporté et promet garantir audit Godes la somme de six cens escuz à elle deus par honnorable homme René Angers Sr de Charrotz par jugement donné au siège présidial de ceste ville d’Angers le septiesme jour d’aoust l’an mil cinq cens quattre vingt sept et les intérests de ladite somme de quattre années eschues à la Toussaint dernière à la raison du denier douze et le surplus de ladite somme de onze cents escus montant troys cens escus ladite Bonvoisin la baillera et payera audit Goddes dedans le jour des espousailles, de laquelle la somme de onze cens zscuz en demeurera et demeure la somme de cent escuz de nature de meuble et le surplus montant mil escuz sera ledit Godes tenu et s’est obligé et oblige par ces présentes les convertyr en acquests d’héritages en ce pays d’Anjou pour et au nom de ladite Lefebvre à laquelle il demeurera et dès à présent demeure de son propre patrimoine sans qu’il puisse entrer en la communauté et à faulte de ce faire a ledit Godes assigné et constitué assigne et constitue par ce présentes à ladite Lefebvre la somme de quattre vingt escuz sol de rente annuelle sur ses propres hors part de communauté racheptable pour pareille somme de mil escuz et oultre à ladite Bonvoysin promys donner trousseau honneste à ladite Vincente sa fille comme à ses autres filles
    en faveur duquel mariage et pour l’amitié que ledit Goddes a toujours porté et porte à ladite Vincente Lefebvre luy a donné et donne par ces présentes par donation d’entre vifs pure et irrévocable la somme de mil trois cent trente trois escuz entiers en pleine propriété et à perpétuelle en cas que ledit Goddes prédécède ladite Lefebvre sans enfant de leur mariage
    et oultre luy a constitué et constitue par ces présentes douaire de tous ses héritages suivant la coustume de ce pays d’Anjou en quelque part que ces héritages soient sis et situés et est convenu et accordé entre lesdits futurs conjoints qu’ils demeuront en ce pays d’Anjou et sera tenu ledit Goddes faire tous ses acquestz en cedit pays et y avoir et tenir tous ses meubles et autres choses censées et réputées pour meuble
    et au cas où lesdits acquestz et meubles seraient faitz et trouvés ailleurs que en ceste province ils seront néanmoins réglés et partagés suivant la coustume de ce pays tant ainsy que s’ils y estoient nonobstant toutes les aultres coustumes au contraire auxquelles mesme à celle de Normandie ledit Goddes en tant que besoin est desrogé et renoncé desroge et renoncze par ces présentes en faveur dudit mariage que autrement n’eust esté faict aussi est convenu et accordé que la communauté de biens sera acquise entre lesdits futurs conjoints dès le jour des espousailles sans attendre l’an et jour nonobstant la coustume de ce pays, et aultes coustumes auxquelles lesdits futurs conjoints ont pareillement desrogé et renoncze pour le regard
    et moyennant les accords pactions et conventions cy-dessus, ledit Goddes et ladite Lefebvre se sont comme cy-devant respectivement promis et promettent mariage l’un à l’autre et iceluy solemniser en face de Saincte église catholique apostolicque et romaine le tout de l’advis et consentement de ladite Bonvoysin mère de ladite Lefebvre, nobles hommes Jehan Bonvoisin Sr de la Burelière conseiller du roy et président en sa court et parlement de Bretaigne, Guillaume Bonvoisin juge et garde de la prévosté de ceste ville, oncles de ladite Lefebvre et des ses frères et sœurs soubzsignés et de noble homme Me Jehan Morineau conseiller du roi et juge des Traites d’Anjou, frère dudit Goddes, et a esté tout ce que dessus respectivement stipulé et accepté par ladite Bonvoisin et lesdits Goddes et Lefebvre pour eulx leurs hoirs et auxquels accords pactions et conventions et tout ce que dessus est dit tenir et garantir d’une part et d’autre …
    fait et passé à Angers maison dudit Sr juge de la Prévosté en présence de Me Jan Rigault et René Serezin praticiens demeurant à Angers tesmoings à ce requis

    Cette image est la propriété des Archives Départementales du Maine-et-Loire. Je la mets ici à titre d’outil d’identification des signatures, car autrefois on ne changeait pas de signature.
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