Location d’une chambre par un baudroyeur, mégissier, Angers, 1613

Aujourd’hui, les 2 articles sont liés, car l’un donne l’acte notarié, l’autre une numérisation d’un ancien ouvrage illustrant un peu le travail du baudroyeur.
En 1613, le baudroyeur est un terme en voie de disparition. C’est probablement la raison pour laquelle il est ici qualifié de « bauldroyeur mégissier », en quelque sorte les deux termes étant alors usités, l’un vieilli, l’autre qui perdurera.

BAUDRIER : cuir de grain de forte vache, luisant, poli et lissé, et espais, et par apres teint. De telle couleur qu’on veut, qui sont toutes façons du Bauldroyeur, duquel on fait les ceintures, bandolieres, celles des veneurs à porter leurs trompes, et plusieurs autres choses, comme colliers à levriers d’attache et à dogues. Ce cuir au sortir des mains du tanneur est baudrié par le baudrieur, en ceste sorte apres l’avoir mouillé, est par luy à force de bras travaillé, avec un fer quarré emmanché d’une poignée couchée, appelé Estire, pour le vuider de l’eau dont il est mouillé, et puis estant seiché, et lissé avec un rouleau massif de voirre (verre) plat par dessous, appelé Lisse, qui est une autre façon à force de bras, et apres y avoir passé l’estamine, et peu d’autre menu appareil, teint de telle couleur qu’on la demande (Nicot, Thresor de la langue française, 1606)

BAUDROYER, v. act. vieux terme synonyme à courroyer ou préparer les cuirs, colorés seulement.
BAUDROYEUR, s. m. ouvrier qui courroyoit les cuirs de couleur. La communauté des Baudroyeurs est unie à celle des Courroyeurs, qui se qualifient maîtres Baudroyeurs-Courroyeurs. (Encyclopédie de Diderot et d’Alembert)

MÉGISSIER, s. m. celui qui prépare les peaux de moutons, d’agneaux, de chevres, lorsqu’elles sont délicates & fines. Voyez GANT, PEAU, &c. Ce sont aussi les Mégissiers qui préparent les peaux dont on veut conserver le poil ou la laine, soit pour être employés à faire de grosses fourrures, ou pour d’autres usages. Ils apprêtent aussi quelques cuirs propres aux Bourreliers, & font le négoce des laines. Ce sont encore les Mégissiers qui donnent les premieres préparations au parchemin & au vélin avant qu’ils passent entre les mains du parcheminier. etc… (idem)



Coffre couvert de cuir, fabrication 2008. Les inventaires après décès de la bourgeoisie, que j’ai dépouillés, montrent la présence du cuir sur le coffre. C’était une des applications du travail de notre baudroyeur mégissier, entre autres.

L’acte qui suit est extrait des Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 5E36 – Voici la retranscription de Pierre Grelier : Le 25 février 1613 par devant nous Pierre Richoust notaire royal héréditaire à Angers, personnellement establis honorables personnes Etienne Grandière Me bauldroyeur mégissier d’une part,
et René Lebonnier Me carreleur savetier (c’est notre cordonnier) d’autre part, tous demeurant en cette ville d’Angers paroisse de la Trinité soumettant etc confessent avoir fait et font entre eux le bail à louaige qui s’ensuit,

c’est à scavoir que ledit Grandière à baillé et par ces présentes baille audit Le Bonnier qui a pris et accepte de luy audit titre de louage et non autrement pour le temps et espace de 3 ans qui commenceront au jour et feste de St Jehan Baptiste prochainement venant scavoir est une chambre haulte à cheminée située au hault de la maison dudit Grandière en laquelle il est à présent demeurant, sis sur la rue St Nicolas de cette dite ville et passage par l’allée et vie de ladite maison pour exploiter lesdites choses, et usage aux puits et privés (eh ! c’est le petit coin ! ce qui signifie tout de même au passage qu’il y en a un, car il pourrait très bien ne pas y en avoir. Ceci dit il ne doit pas être bien loin du puits, et doit bien contribuer à la pollution bactériologique de l’eau.) de ladite maison par la cour et chambre basse de ladite maison, laquelle chambre ledit preneur entretiendra en bonne réparation de carreau vitre et terrasse et les y rendra à la fin dudit présent bail que ledit bailleur y fera mettre au commencement d’iceluy et est fait pour en payer et bailler par ledit preneur audit bailleur par chacune desdites années la somme de 8 livres aux termes de Noël et Saint Jehan Baptiste par moitié, le premier terme de payement commençant au jour et feste de Noël prochain et à continuer etc
ne pourra ledit preneur céder ni transporter le présent bail à autres personnes sans le congé dudit bailleur
à ce tenir etc et à payer etc obligent etc ses biens prendre, vendre etc renonçant etc foye jugement condamnation etc
fait et passé audit Angers en notre tabler avant midy en présence de Allain Gaultier et Pierre Fresneau demeurant audit Angers témoins etc
Signé R. Grandière, R. Lebonnier, A. Gaultier, P. Fresneau

Plus de détails sur le travail du cuir, sur l’autre article de ce jour.

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Baguetier au 16e siècle : ancêtre du maroquinier

Avant-hier, nous avons vu Tannegy Le Veneur, qui passait en 1583 un bail à ferme avec Guillaume Jouhanneaux marchand Me baguetier, demeurant à Angers paroisse de la Trinité.

Voici mon avis sur ce métier de baguetier :

Baguette est un terme plus connu pour le petit bâton, de bois ou de pain etc…, mais il a parfois eu d’autres sens.
Ainsi, le Dictionnaire du Monde Rural, de Marcel Lachiver, donne, entre autres sens :

Baguette : Aux 15e et 16e siècles, bourse de cuir pour ranger de menus objets

Le même ouvrage donne ensuite :

Baguettier : Ouvrier fabriquant des baguettes et autres objets de mégisserie : « Les baguettiers ne feront écarcelles, qu’elles ne soient entièrement de marroquin ou mouton sans autres peaux »

En 1260 bagage, probablement venant du scandinave baggi, signifie Métériel d’une armée. (Larousse, Dictionnaire de l’Ancien Français, le Moyen âge, 1994)
En 1421, Bague : bagages, équipements. Bagage : 1-objets empaquetés nécessaires à ceux qui vont à la guerre ou en voyage ; 2. Affaires, objets (Larousse, Dictionnaire du Moyen Français, la Renaissance, 1992)

Au 16e siècle, date à laquelle nous rencontrons à Angers un Me baguetier, il est certain que BAG ou BAGGI des scandinaves, est parti dans plusieurs sens, dont les objets ou paquets, en particulier pour le voyage.
Or, pour voyager autrefois, c’est le plus souvent le cheval ou mieux, à pied. Les voitures sont rares et les chemins le plus souvent détestables.
J’ai toujours été étonnée, à la lecture des registres paroissiaux, de constater que le moindre voyageur à pied, si pauvre soit-il, avait toujours sur lui un extrait de baptême (ancêtre de la carte d’identité) et parfois plus.
A une époque où l’imperméable n’existait pas (d’ailleurs il est actuellement en voie de disparition, on dit impers, et même rien du tout, et il faut chercher déperlant dans les qualificatifs nouveaux, en outre il raccourci chaque année, et bientôt on le fera tomber jusqu’à la taille seulement), on portait certes la veste de drap de laine, épais et serré, laissant peu (?) passer l’eau. Mais il fallait bien mettre ses papiers à l’abri, et j’ai toujours supposé qu’on avait sur soi une sorte de pochette de cuir, plate, pas comme les bourses en forme de sac fermé d’un lien coulissant. Un peu comme ceci :

Bourse ancienne, cuir de vache, épais. Dimensions 17 x 11 cm, soit plus grand quune carte postale
Bourse ancienne, cuir de vache, épais. Dimensions 17 x 11 cm, soit plus grand qu'une carte postale

Songez aussi à tous ceux qui se déplacent avec des procurations etc… donc il a existé des formes de petis sacs divers pour le voyage que j’ai déjà rencontrés dans les inventaires après décès, ainsi : bougette s.f. Petit sac de cuir qu’on porte en voyage.
Je pense donc qu’il a existé des articles de maroquinerie pour le voyage, et que ce Me baguetier à Angers en 1586 est un ancêtre des maroquiniers, mais les objets fabriqués étaient fort différents.

ATTENTION : Gérard Boutet dans La France en héritage, 1850-1960, Perrin, 2007, donne le baguetier fabriquant de bagues de pacotille. OUBLIEZ cette définition, et gardez celle de Lachiver c’est à dire : maroquinier

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Langueyeur : cession d’office, Angers, 1625

le vendeur était vigneron et exerçait la charge de langueyeur depuis 14 ans

  • Ce billet fait suite à celui d’hier, également consacré au langueyeur, et vous expliquant en détails ce métier.
  • La cession d’office ci-dessous est manifestement faite sous la pression d’une saisie, et le vendeur tente de retrouver des liquidités.

    L’acte qui suit est extrait des Archives Départementales du Maine-et-Loire – Voici la retranscription intégrale de l’acte : Le 18 mars 1625, devant nous Pierre Bechu notaire royal Angers, furent présents et personnellement establis chacuns de
    Pierre Gendron vigneron Me langueyeur et visiteur de porcs tant gras que de nourriture qui se vendent en ville, faulxbourgs dudit Angers et marchés en déppendants, et Catherine Lecommandeulx sa femme de luy de luy quant à ce deuement authorisée demeurants en la paroisse de Saint Samson de ceste ville d’une part, (nous apprenons qu’il est d’abord vigneron de son état, et a aussi l’office de langueyeur, ici dénommé avec beaucoup de précision)
    et Urban Lhoustelier marchand demeurant sur les treilles paroisse de la Trinité de ceste ville d’aultre part, (dommage que nous n’ayons pas le métier de Lhoustelier, mais une chose est certaine ni l’un ni l’autre ne savent signer)
    lesquels deuement soubzmis et mesme ledit Gendron et sa femme chascun d’eulx seul et pour le tout sans division de personnes et de biens ont fait et font entre eulx le contract de vendition cession promesse et obligation qui ensuit
    scavoir est que ledit Gendron et sa femme ont vendu quitté ceddé et transporté, vendent cedent et transportent audit Lhoustelier qui a achepté et prins pour luy ses hoirs, l’office et droict dudit Gendron de visiter et langueyer les porcs tant gras que de nourriture qui se vendent en ceste ville faulxbourgs et marchés en déppendant,
    auquel office de visite et langueyeur ledit Gendron a esté receu par Monsieur le Lieutenant Général et juge de la prévosté de ceste ville par acte du 6 décembre 1611 et 20 décembre 1618, en consequence du retrait d’achapt dudit office fait par ledit Gendron, passé par Rogier aussi notaire royal en ceste ville le 28 octobre 1611 avecq maître Anthoine Carron Sr de la Villette demeurant en la ville du Salla ayant les droits ceddez d’Arnault le Gascon exempt des gardes du corps du Roy et Jehan Godefroy controlleur ordinaire des guerres et gens du guet donataire et pourveu de par sa nature dudit office de visite et langueyerie de porcs du pays d’Anjou et le Perche, villes et marchés en deppendant, comme appert par lettre d’expédition auxdits le Gascon et Godefroy du 19 novembre 1606 signé Ramboullet notaire extraordinaire de sa Majesté pour ung office de langueyeur et visite de porcs, des gages proffits et esmouluements en déppendant, (ceci est l’historique de l’office de langueyeur vendu, et on constate qu’il a d’abord été acquis par des gens totalement étrangers à l’Anjou, mais vivant sans doute à Paris, qui l’ont revendu)
    jouir user et exécuter à l’advenir par ledit Lhoustelier avecq Jehan Chauveau, Vallotz ? et Guillaume les Burchais Me langueyeurs et visiteurs de porcs audit Angers faulxbourgs et marchés en déppendant comme eust et pouvoit faire ledit Gendron en conséquence de sondit contrat et provisions esquels il a mins et subrogé et subroge par ces présentes ledit Loustelier sans que ledit Gendron soit tenu de luy garantir sinon en tant et pourtant qu’il en sera garanti de se faire par ledit Loustelier pourvoir et recepvoir audit office et droit par monsieur le lieutenant général et aultre juge qu’il appartiendra à ses despends sans que ledit Gendron y soit aulcunement tenu ne luy bailler et fournir aulcuns tiltres fors néanmoings que ledit Loustelier pourra faire faire à ses despends coppyes extraits vidimus et collations des contrats, provisions, et actes de réceptions ensemble de certaine ordonnance et grosse donnée par monsieur le lieutenant général le 24 décembre audit an 1618 par ledit Gendron représentée demeurée entre ses mains, portant déffence à toutte personne de troubler et empescher ledit Gendron et consorts en l’exécution de leurdit office d’abattre visiter ne langueyer aulcuns porcs tant grans que de norriture en ceste dite ville et faulxbourgs foires et marchés d’icelle suivant leur permission, lesquelles pièces néanmoings appartiennent auxdits vendeurs pour une partie qu’ils ont pareillement ceddées audit Lhoustelier pour s’en servir avec lesdits Chauveau et les Barots, (je n’ai pas compris pourquoi toutes les copies des pièces sont à la charge de l’acheteur et pourquoi les vendeurs ne les cèdent pas, ce qui généralement le cas lors d’une vente, on donne les titres)
    ladite vendition cession et subrogation faite pour et moyennant la somme de 70 livres tournois que ledit Loustelier a promis et promet par ces présentes baillet et employer pour partie du rachat extinction et admortissement de la somme de 6 livres 5 sols de rente hypothécaire annuelle perpétuelle vendue et constituée pour la somme de 100 livres par lesdits Gendron et Lecommendeux sa femme audit Loustelier et Mathurine Maurabin sa femme à Michelle Buscher par devant Goussault aussy notaire royal en ceste ville le 24 ,ovembre 1619 et desquels Gendron et sa femme ledit Loustelier et femme auroient contrelettre d’indemnité et obligation de ladite constitution le prix d’icelle auroit au tout tourné au profit desdits Gendron et femme, auxquels ledit Loustelier est demeuré tenu et obligé par ces présentes les acquiter liberer et indemniser ladite constitution de la somme de 4 livres 7 sols 6 deniers à laquelle revient ladite somme de 70 livres dudit office de langueyeur à commencer de ce jour lequel Loustelier faisant ledit payement demeurera et demeure subrogé au lieu et droits d’hypothèque de ladite somme de 70 livres de ladite Buscher contre ledit Gendron et femme acquis par ledit contrat de constitution, et ou ledit Loustelier seroit ennuyé et troublé en l’exécution dudit office le garantir pour ce qui est de leur fait seulement et non autrement, … pour assurance de l’achapt duquel office de langayeur en cas d’éviction d’iceluy procédant du faict desdits vendeurs ledit Lhoustelier en cas de la vente des biens desdits vendeurs soyt conventionnellement ou autrement pourra nonobstant ces présentes procéder par interruption contre les acquéreurs conventionnels ou s’opposer aux cryées en cas de vente judiciaire et demander par jugement que les créanciers postérieurs audit Lhoustelier baillent caution de rapporter audit cas d’éviction dudit office de langayeur la somme de 70 livres prix dudit office desduite sur ladite somme de 100 livres portée en la contrelettre du principal de ladite constitution de rente de 6 livres 5 sols … (il n’est pas surprenant que le paiement serve à éponger une dette, et ceci est souvent le cas lors d’une vente, mais ici, les dernières lignes attestent entre les lignes mais néanmoins clairement à mes yeux, que le vendeur est sous saisie judiciaire de ces biens, et que l’acheteur de l’office, qui était son caution vient lui acheter l’office pour épurer partie d’une dette, mais doit s’entourer d’un tas de précautions en cas de vente judiciaire qui entraînerait l’empêchement d’exercer l’office de langueyeur. En fait, on devine qu’il est en train d’acheter l’office avant les criées et mises à prix, qui sont le sort de toute vente judiciaire)
    fait et passé audit Angers en nostre tabler en présence de Me Jacques Baudin Pierre Lemaistre et Hardouin Chartier. Signé Baudin, Lemaistre, Bechu (on découvre ici que les 2 protagonistes ne savent pas signer)

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    Office de langueyeur, vente à Angers de Lhostelier meunier à Prudhomme sergent royal, 1626

    Je vous mets ce jour, puis demain à suivre, 2 billets concernant des cessions d’office de langueyeur. Un peu de vocabulaire sera nécessaire, d’autant plus que la maladie a disparu en France, même si je me souviens que petite fille, c’est à dire pendant la seconde guerre mondiale et juste après, j’entendais parler de cette maladie, rare certes, mais qui faisait peur. Aujourd’hui, on sait mieux éliminer cette maladie, sans doute éradiquée, donc cette peur appartient au passé, mais pour se rendre compte à quel point elle terrifiait, lisez votre dictionnaire habituel à l’article TENIA et vous ne serez par décu (e).

    la cysticercose est une infestation parasitaire due à la présence de larves de ténia dans les muscles, appelée aussi ladrerie. La cysticercose du porc, fréquente au Moyen âge, a disparu, mais pas celle des bovins. (Lachiver, Dict. du monde rural)

    jadis donc, un langueyeur était chargé d’examiner la langue des porcs mis en vente
    le langueyeur était un officier établi dans les foires & marchés, pour visiter ou faire visiter les porcs, & pour qu’il ne s’en vende point de ladres (Encyclopédie de Diderot et d’Alembert).

    Il y a cinquante environ, alors que la race porcine était souvent atteinte de ladrerie, un droit de langueyage de 0,10 F par tête d’animal exposé, était perçu sur les marchés de Baugé. Le droit était dû par le vendeur, si l’animal était reconnu ladre : dans le cas contraire, il était acquitté par l’acheteur. – Le langueyeur, comme on l’appelait, introduisait dans la gueule de l’animal un petit bâton, renversait le porc et se rendait compte si des pustules existaient sous la langue. Il était responsable des dommages que pouvait causer l’examen, ainsi que de l’erreur qu’il pouvait commettre. L’article 12 du Règlement de police fait défense au charcutier de vendre du porc ladre « sans exposer une lumière sur l’étal, ainsi qu’il est d’usage » – « Le prévost de Montlehery lui défendit vendre et longoyer pourceaux » (1378, L. C) (Dict. du parler de l’Anjou, 19e siècle)

    Les langueyeurs étaient des officiers jurés qui examinaient la langue des porcs, pour s’assurer s’ils n’étaient pas atteints de ladrerie, et marquaient à l’oreille les animaux malades. Louis XIV supprima ces offices, puis les rétablit, puis les remplaça en 1704 par des offices de vendeurs-visiteurs de porcs qui furent eux-mêmes remplacés en 1708 par des offices d’inspecteurs-contrôleurs. La vente de ces derniers rapporta au Trésor 990 000 livres. On trouve aussi langayeur, langoyeyr, langayeyr, langueieur, essayeur de pourceaux etc…(Dict. Hist. des métiers exercés dans Paris depuis le 13e siècle).

    En d’autres termes (c’est Odile qui parle maintenant), c’était une idée géniale de supprimer l’office pour le rétablir, car le Trésor empochait alors un pactol… Louis XIV me surprendra toujours…, par forcément en bien…

    Maintenant que vous savez, d’après les dictionnaires anciens, à quoi servait le langueyeur, vous allez être surpris (e) de voir que ce n’était pas un métier mais un office qui venait s’ajouter à un autre revenu de base lorsqu’on l’avait acquis, mais par contre, il suffisait de l’acheter pour l’exercer et n’importe qui pouvait donc l’acheter et l’exercer, c’est ce qui va apparaître dans les 2 cessions d’office que je vous propose, l’une ci-dessous, et demain, une 2e cession d’office, dont l’acte sera très détaillé.

    L’acte qui suit est extrait des Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 5E5 – Voici la retranscription de l’acte : Le 19 mars 1630 avant midy, par devant nous Nicolas Leconte notaire royal à Angers personnellement estably
    Urban Lhostelier marchand meusnier demeurant en ceste ville paroisse de la Trinité lequel deument soubmis a volontairement confessé avoir vendu quitté ceddé délaissé et transporté par ces présentes
    à René Prudhomme sergent royal demeurant en la paroisse de St Maurille présent

    la quarte partie de l’estat et office de langayeur de porcs tant gras que de noriture qui entredont et se vendron en ceste ville et faux bourg foyre et marchez d’icelle à l’advenir et à perpétuitté pour en jouir par ledit acquéreur ses hoyrs et ayant cause tout ainsy qu’eust faict peu faire et faire pourroict ledit vendeur en vertu de son contract passé par Becheu notaire de ceste cour le 18 mars 1625, lettres de création et provision dudit office de laquelle provision en date du 19 novembre 1606 signée par collation à l’original Rembouillet notaire secrétaire du roy et plusieurs autres, la grosse d’un transport dudit office faire par devant deffunt Roger Vinant (pas de dépôt aux AD) notaire de ceste cour le 23 octobre 1611 fait par Anthoine Carron Sr de la Villette ayant les droictz ceddez de Arnault Legascon exempt des gardes du corps du Roy et de Jan Godefroy controlleur et clerc du guet, ledit Hostelier a présentement baillées et deslivrées audit Prudhomme qui les a receues jusqu’au nombre de (blanc) pour par luy en jouir comme dict est aux conditions raportées par ladite création et autrement suivant l’édict de sa majesté dès à présent et pour toujours sans aucune garantie de la part dudit Lhostelier sinon ainsy qi’om sera garanty par le Roy et ses auditeurs pour lesquels garantages il a fourny lesdites pièces,

    ceste présente vendition cession et transport faicte pour et moyennant la somme de 400 livres tournois payées audit Lhostelier la somme de 285 livres tournois qu’il a receue en pièces de 16 sols et autre bonne monnoye courante suivant l’édict du roy et le surplus montant 115 livres ledit acquéreur par hypothèque spécial reserve sur ledit office promet et demeure tenu le payer audit vendeur dedans le jour et feste de Pasque prochain (qui est le dimanche 31 mars 1630 et on est le 19 mars, donc il a 12 jours pour payer) et de tout ils sont demeurez d’accord et l’ont ainsy voullu stipullé et accepté tellement que ce que dict est tenir et entrenir …

      (attention, souvenez vous que ces 400 livres sont pour la quarte partie de l’office, car il y a sans doute un office tenu par 4 langueyeurs, qui se relaient les jours de foire ou officient ensemble ? Dans tous les cas, ceci signifie que l’office de langueyeur pour Angers rapportait 1 600 livres à la couronne)

    fait audit Angers à nostre tabler en présence de Pierre Gendron marchand demeurant en la paroisse St Michel du Tertre de ceste ville, Pierre Lecoussier langayeur demeurant la paroisse St Berthélemy, Guillaume Buret aussy langayeur demeurant en la paroisse St Silvin, lesdit Lhostelier Gendron Buret ont dict ne scavoir signer. Signé Prudhomme. (AD49 série 5E5)

    A demain pour un second acte de cession d’office de langueyeur à Angers, toujours aussi vieux. Je vous signale toutefois que j’avais classé cet acte dans ma catégorie METIER mais que je viens de réviser mon jugement et le mettre dans HYGIENE ET SANTE, compte tenu que ce métier illustre une crainte sanitaire du passé que nous avons oubliée en 2008, et en outre que ce n’était pas à proprement parler un métier mais un office rapportant un revenu supplémentaire au détenteur. Le détenteur que nous verrons demain exerce encore un métier différent de ceux d’aujourd’hui, et ne sait pas signer.

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    Marchand poudrier, ou comment les marchands tanneurs obtenaient le tan autrefois.

    Le terme poudre a beaucoup de sens, et le métier de poudrier par conséquent lui aussi. Voici en bref, les sens alors les plus connus (selon Encyclopédie Diderot, qui en donnent des pages et des pages) :

    POUDRES OFFICINALES, (Pharm. thér.) on garde dans les boutiques des Apothicaires, sous forme de poudres, un grand nombre de médicamens tant simples que composés. Il est traité des poudres simples dans les articles particuliers destinés aux diverses matieres qu’on réduit en poudre pour l’usage de la Médecine. Ainsi il s’agit de la poudre d’iris, de la poudre d’hypecacuanha, ou plutôt de l’iris en poudre & de l’hypecacuanha en poudre, etc…
    POUDRE A CANON, composition qui se fait avec du salpêtre, du soufre, & du charbon mêlés ensemble, & mise en grains qui prennent aisément feu, & qui se raréfient ou s’étendent avec beaucoup de violence par le moyen de leur vertu élastique
    POUDRE A CHEVEUX, en terme de Gantier-Parfumeur ; c’est un amidon bien passé & bien pulvérisé pour sécher les cheveux naturels & les perruques. Ce sont les Gantiers-Parfumeurs qui la fabriquent, & en font le commerce.
    POUDRE DE SENTEUR, (Parfumeur) ce sont des poudres que les Gantiers tirent des fleurs ou des drogues aromatiques, comme la poudre de violette, la poudre de Chypres, & autres. Elles servent à donner de l’odeur aux poudres à cheveux.
    POUDRE, (Tannerie) c’est le tan pilé dont se servent les Tanneurs pour tanner leurs cuirs. Les cuirs forts reçoivent jusqu’à cinq poudres, c’est-à-dire, qu’on y remet cinq fois de nouveau tan.

    Autrefois, le Maine et le Haut-Anjou étaient pays de Forges, et qui dit forges, dit forêt. A côté de ces forêts vivaient aussi un nombre incalculable de marchands tanneurs, sur lesquels je reviendrai longuement souvent car je les connais bien… Voici un contrat fort intéressant car il montre le lien entre forges et tanneurs, par la forêt. Il illustre également comment la fabrication de tan aidait singulièrelement les maîtres de Forges, puisqu’ils prenaient la coupe de bois à leurs frais.

  • L’acte notarié qui suit est extrait des Archives Départementales de la Mayenne, série 3E
  • Voici la retranscription intégrale de l’acte : Le 9 février 1685 après midy, par devant nous Pierre Poulain, notaire royal résidant à Laval, furent présents et établis, Julien Delépine et Gervaise (forme utilisée autrefois pour Gervais) Touchard marchands poudriers demeurants au forsbourg de la Rivière à Ste Suzanne, étant de présent en cette ville d’une part, et Jean Briceau aussi marchand poudrier demeurant audit forsbourg de la Rivière à Ste Suzanne, étant aussi de présent en cette ville, d’autre part, entre lesquelles parties après soumission requise a été fait ce qui suit
    c’est à scavoir que lesdits Delepine et Touchard ont vendu et par ces présentes vendent audit Briceau l’écorce du nombre de 10 arpents et demi de bois taillis (l’arpent est une ancienne mesure agraire qui vaut 100 perches carrées, mais la perche a des dimensions essentiellement variables, ce qui met l’arpent de 12 ares à 50 ares, voire plus, le tout selon les régions, et j’ignore celui de Chemiré en Charnie) faisant partie de l’écorce du nombre de 40 arpents de bois taillis que lesdits Delepine et Touchard ont acheté du Sr du Grand Jardin Me des Forges à Chemiray (Chemiré-en-Charnie), suivant l’écrit que lesdits Delépine tant pour lui que pour ledit Touchard a fait avec ledit Du Grand Jardin sous leurs seings de toute la vente de ladite écorce, lequel nombre d’écorce de 10 arpents et demi de bois ledit Briceau prendra dans un lot de bois nommé le Chêne creux situé dans la forêt de Bouillé où lesdits 40 arpents sont à prendre, et sera tenu de déclarer ledit Briceau auxdits Delepine et Touchard dans huitaine par quel côté il voudra prendre l’écorce dudit nombre de 10 arpents et demi de bois, et de continuer jusques à ce que ledit nombre lui soit fourni, laquelle écorce dudit nombre de 10 arpents et demi de bois ledit Briceau fera ôter de dessus ledit bois qu’il sera tenu de faire abattre à ses frais et dépens, en sorte que ledit bois sera abattu et pelé dans le jour de fête de St Jean Baptiste prochain,
    au moyen de ce que ledit Briceau a promis et s’est obligé de payer auxdits Delepine et Touchard pour ladite vendition d’écorce cy-dessus la somme 400 livres, savoir 100 livres dans le 1er jour de mai prochain, pareille somme de 100 livres dans la fête de Notre Dame Angevine, autre pareille somme de 100 livres dans la fête de Toussaint prochaine, et les 100 livres restantes dans la fête de Noël prochaine, à peine etc, ce que les parties ont ainsi voulu etc accordé dont les avons jugé etc
    fait et passé audit Laval ès présence de Jean Bellanger marchand et Jean Belot clerc praticien demeurant audit Laval – Signé Delespine, Briceau, Bellanger, Belot, Poulain

    Les forges des Chemiré (1494) et leur fenderie de Rochereuil (vers 1643) selon carte de l’évêché du Mans… publiée par H. Julliot, 1706, AN, NN 34716 (reproduite in  »La Métallurgie du Maine, de l’âge du der au milieu du 20e siècle, » Cahiers du Patrimoine, Inventaire Genéral, 1996)

    Châtreur, greleur affranchisseur, restaurateur, maréchal, marchand briffon, puis hongreur, et enfin vétérinaire

    On racontait autrefois qu’on appelait le « vétérinaire » dès qu’une bête avait un problème, mais qu’on attendait un peu pour appeler le médecin pour sa femme… Bien entendu, seules les méchantes langues racontaient de pareilles choses… Un proverbe dit cependant :

    « La mort de sa femme n’est pas une ruine mais la mort de sa vache en est une »

    J’ai mis en italique les métiers car leur nom était tout autre par le passé !
    Méchantes langues ou pas ; il faut bien l’avouer, la santé des bêtes a compté pour l’homme de tous temps… surtout lorsqu’assurances et autres indemnités, même partielles, étaient inconnues. Il a fallu des spécialistes dont le métier était de soigner les bêtes, et bien sûr parfois de les chastrer.

    Je mets ce jour sur mon site un 2e contrat d’apprentissage « d’affranchisseur, restorateur et grelleur », qui m’amène à faire le point sur ces études spécialisées. La durée est de 24 mois (en 1727 à Loiré) pour 30 mois (en 1746 à Louvaines). Si on veut bien admettre que la durée est fonction de la difficulté du métier à apprendre, c’est une durée qui atteste une certaine difficulté.
    Le prix diffère du précédent contrat, car manifestement il est négociable au cas par cas.
    Le détail des clauses particulières est toujours un plaisir à découvrir et comparer, c’est pourquoi je tente de récapituler ce que je sais de ces clauses (c’est en cours, mais vos relevés persos seront bienvenus).

    L’apprenti bien sûr n’a pas le droit de s’absenter sans autorisation. Ce contrat précise le cas de maladie : « et si la maladie continue plus de 8 jours, ledit Boulay se retirera où il avisera bon être, et l’excédant au delà dudit 8 jours, sera récompensé par ledit Boulay au delà desdites années ». En d’autres termes, passé 8 jours pour maladie, la femme de son maître le met dehors car elle ne fait pas hôpital. Voilà, c’est cruement dit, mais c’est ainsi ! En outre, non seulement il sera prié d’aller se faire soigner ailleurs, mais il devra payer l’absence.
    Bien entendu, il est aussi passible de la prison s’il n’effectue pas son contrat en entier : « et à tenir mesme par corps faute d’exécution de clauses et conditions cy-dessous ». Le terme « par corps » suffit à signifier qu’il répond de la saisie de son corps donc de la prison. La menace de saisie par corps est fréquente pour les contrats d’apprentissage long, c’est à dire 24 mois et plus.
    Une autre clause est prévue : « il obéira à ce que le maître luy commandera, et en ce que sera honneste et licite, sans pouvoir cependant luy faire bucher (pour bêcher) ni labourer la terre ». Il faut croire que certains maîtres se seraient permis d’utiliser l’apprentis pour lui faire cultiver leurs terres… et qu’il est sage de borner le maître lui-même. C’est une jolie clause n’est-ce-pas ? … que certains stagiaires actuels envieraient sans doute…
    Enfin, l’apprenti doit fournir à ses frais du matériel car « le maître fournira tout ce qui sera nécessaire pour sa dite profession à l’exception du baston, vice, et crochet ». Il est probable que vice soit vis, mais de toutes manières je ne connais pas l’usage de ces instruments, par ailleurs assez primitifs, sans doute pour maintenir l’animal ?
    L’apprenti est orphelin, puisqu’il a un curateur. C’est un point notable, qui conforte mon hypothèse que ces contrats d’apprentissage touchent surtout les orphelins de père et les cadets…

    Revenons au nom du métier lui-même. On voit que ces deux contrats d’apprentissage sont clairs sur le nom du métier de greleur affranchisseur et affranchisseur, restaurateur, greleur. Le greleur dans ce cas ne peut être assimilé au Grêleux : Campagnard qui se charge de nettoyer le grain. (Glossaire angevin, Ch. Ménière, Angers 1880). Définition reprise par d’autres dictionnaires. Il est utile de le rappeler car certains ont confondu parfois ces métiers, alors que ces contrats d’apprentissage confirment clairement le nom du métier. En effet, ces contrats d’apprentissage ne visent qu’un métier, portant plusieurs noms mis bout à bout afin de bien le décrire. C’est aussi la preuve que pour désigner les métiers des soignants les bêtes, il a existé beaucoup de vocabulaire.

    Restaurateur, ou restorateur comme on l’a orthographié à la Renaissance, est un terme parlant : « qui restaure, qui guérit », appliqué aux bêtes en l’occurence.

    Affranchisseur et châtreur sont équivalents, et les termes les plus anciennement nationaux, donnés par tous les grands dictionnaires, contrairement au hongreur, alors inconnu, mais qui sera utilisé plus tard pour dire la même chose.
    Affranchisseur 1. Celui qui affranchit. 2. Homme qui fait le métier de châtrer les animaux. (Émile Littré, Dictionnaire de la langue française 1872)
    Châtreur. s.m. Celui qui fait métier de châtrer des animaux. Châtreur de chiens. Couteau de châtreur. (Dictionnaire de L’Académie française, 4th Edition, 1762)

    Hongrer : Chastrer un cheval. Hongrer un cheval. ce cheval est trop vicieux, il le faut hongrer. (Dictionnaire de L’Académie française, 1st Edition, 1694). Hongreur n’existe pas dans les dictionnaires nationaux. Il est donné par le Dictionnaire du Monde Rural (Lachiver, 1997)

    Je trouve plus tard seulement le terme Vétérinaire : adj. des 2 genres. Il ne se dit qu’en parlant De la médecine des chevaux et des bestiaux. Médecine vétérinaire. Art vétérinaire. École vétérinaire. (Dictionnaire de L’Académie française, 5th Edition, 1798). Voulant comprendre quand on est passé de l’adjectif au substantif, j’ai sorti mon Dictionnaire Encyclopédique Quillet 1938, année de ma naissance, et constaté que le terme vétérinaire n’était alors qu’un adjectif. Ainsi j’ai vécu sans le savoir un grand tournant de l’histoire de ce métier, passé d’adjectif à substantif décrivant la profession.

    Bien sûr, tout ou partie de ce corps de métier d‘affranchisseur, restaurateur, assistait aux foires aux animaux, pour prodiguer des conseils sur l’état des bêtes. J’ignore si les marchands, que l’on appelait joliement marchand briffon dans le Maine, et faisaient commerce des bêtes, avait suivi une formation pour reconnaître le vrai prix de chaque bête, et ne pas faire le maquignon, marchand qui trompe un peu sur la qualité des bêtes.

    Mais, c’est aussi le travail du maréchal : Artisan qui ferre les chevaux, et qui les traite quand ils sont malades. On dit dans le même sens : maréchal ferrant, maréchal vétérinaire. (Émile Littré, Dictionnaire de la langue française, 1872). J’avoue que je n’ai pas encore compris comment se répartissaient les taches entre tous ces métiers.

    Bien sûr, ces ancêtres de nos vétérinaires, ont eu des variantes locales… et ce billet était typique de l’Anjou. En tous cas, j’habite une ville qui possède une école de vétérinaires, qui dispense la formation moderne de ce dont je viens de vous parler…

    Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet seule une citation ou un lien sont autorisés.