Lavoirs en Maine-et-Loire, cartes postales

Avant la machine à laver il y avait la lessiveuse, la panne, et le lavoir. Seul le lavoir nous est parvenu à travers les cartes postales, mais je vous reparlerai longuement des deux premières.
Dans mon enfance, un chanson en vogue, si mes souvenirs sont bons, chantée par Luis Mariano, nous contait :

et tappe, et tappe, et tappe sur son battoir.

Voici quelques lavoirs en Maine-et-Loire à travers les cartes postales de ce site.
COLLECTIONS PRIVEES – REPRODUCTION INTERDITE, Y COMPRIS SUR AUTRE LIEU d’INTERNET comme BLOG ou SITE

Lavoir à Angers, avant 1914
Lavoir à Armaillé, avant 1914

Lavoir à Angers, avant 1914
Lavoir à Chambellay, avant 1914

Lavoir à Angers, avant 1914
Lavoir à Doué-la-Fontaine, avant 1914

Lavoir à Angers, avant 1914
Lavoir à Doué-la-Fontaine, avant 1914

Lavoir à Angers, avant 1914
Lavoir au Lion-d'Angers, avant 1914

Lavoir à Angers, avant 1914
Lavoir au Lion-d'Angers, avant 1914

Lavoir à Angers, avant 1914
Lavoir à Segré, avant 1914

Lavoir à Angers, avant 1914
Lavoir à Segré, avant 1914

Lavoir à Angers, avant 1914
Lavoir à Segré, avant 1914

Lavoir à Angers, avant 1914
Villevêque, avant 1914

Lavoir à Angers, avant 1914
Lavoir à Angers, avant 1914

Lavoir à Angers, avant 1914
Lavoirs à Angers, avant 1914

Lavoir à Angers, avant 1914
Lavoirs à Angers, avant 1914

COLLECTIONS PRIVEES – REPRODUCTION INTERDITE, Y COMPRIS SUR AUTRE LIEU d’INTERNET comme BLOG ou SITE

Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet (blog, forum ou site, car alors vous supprimez des clics sur mon travail en faisant cliquer sur l’autre support, et pour être référencé sur Internet il faut des clics sur ma création) seul le lien ci-dessous est autorisé car il ne courcircuite pas mes clics.

Tireur d’étaim, et non pas tireur d’étain : proche du serger, travaillant la laine, faisant matelas

Si vous avez la curiosité de tapper sur un moteur de recherche du Web « tireur d’étain », avec les crochets, comme je viens de le faire, vous aurez la surprise de voir que le métier est bel et bien présent. Mais que signifie-t-il au juste ?

Pour le comprendre, il faut oublier l’étain, en se souvenant que la langue française est parfois délicate phonétiquement, et qu’autrefois on faisait ce qu’on pouvait en orthographe souvent phonétique. De nos jours, armés et bardés de dictionnaires plus ou moins numériques, tous n’y parviennent pas ! Mais autrefois, ils ne possédaient pas tous ces dictionnaires et ils faisaient ce qu’ils pouvaient, donc l’essentiel est de lire un texte phonétiquement, en étant chaque fois sur ses gardes, en train de flairer l’autre sens.

Voici les meilleures définitions que j’ai trouvées, l’une dans un dictionnaire ancien, l’autre dans le magnifique ouvrage sur les étoffes, extrêmement documenté, et mieux, rempli d’illustrations qui font rêver :

ÉTAIM, ÉTAIN, s. m. Ces deux mots se prononcent de même: dans l’Orthographe, c’est l’m ou l’n finale, qui en fait la diférence. — Le 1er se dit de la partie la plus fine de la laine cordée. « Filer de l’étaim. Le 2d est le nom d’un métal blanc très-léger. Étain commun; etain fin ou sonant. Etain de Cornouaille, Province d’Angleterre. (Jean-François Féraud, Dict. critique de la langue française, Marseille, Mossy 1787-1788)
estaim : longue laine peignée en grande carde, c’est-à-dire avec un peigne aux dents longues, fortes, droites et pointues. Dans le Nord, « estaim » est souvent synonyme de chaîne. Plus précisément l’estaim forme la chaîne des tapisseries. L’expression « serge à deux estaims » signifie que chaîne et trame sont en fils d’estaim (in Les Étoffes. Dictionnaire historique, Textes de : Élisabeth Hardouin-Fugier, Bernard Berthod, Martine Chavent-Fusaro, ISBN : 2-85917-418-4)

Pour vous affirmer qu’il était bien tireur d’étaim je dispose de plusieurs actes notariés, l’un ci-dessous à Angers est un banal accord, mais le notaire souvent mentionne les métiers avec plus de précision que l’eut fait un curé, les autres sont des mentions de contrats d’apprentissage à Nantes. Tous ces actes attestent le milieu du travail de la laine.

  • L’acte qui suit est extrait des Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 5E4.
  • Voici la retranscription intégrale de l’acte : Le 22 mai 1625 après midy, devant nous Pierre Bechu notaire royal Angers, furent présents et personnellement establis et soubzmis
    Léonard Trioche Me drappier drappant audit Angers et y demeurant paroisse de St Maurille d’une part,
    et François Belue tireur destaing (j’ai laissé le terme qui est barré dans l’acte, mais souvent les passages barrés en disent long, c’est le cas ici) compagnon tireur destaing fils de Jehan Belue tireur destain et Renée Niagère paroisse de St Denys, estant de présent en cette ville d’autre part,
    lesquels ont faict et font entre eulx ce qui ensuit c’est à scavoir que sur la prière et requeste présentement faicte par ledit Belier audit Trioche son cousin germain à cause de sa femme de luy voulloir donner temps et délay de trois ans de luy payer la somme de 21 livres ou aultre somme contenue par une obligation que ledit Trioche dit avoir à l’encontre dudit Belue et laquelle somme ils n’ont peu déclarer attendu qu’ils n’ont à présent ladite obligation entre mains, et de ce que ledit Belue n’a à présent moyen de payer le contenu en ladite obligation, ledit Trioche a donné et donne audit Belue tems et delay de luy payer le contenu en ladite obligation dans du jour d’huy en trois ans prochains …
    fait et passé audit Angers en nostre tablyer en présence de Me Guillaume Phellipeau praticien et François Dureau marchand demeurant à Angers. Signé de tous.

    D’autres actes notariés donnent :

      André Malgogne, tireur d’étain et faiseur de matelas, à Nantes (1655, AD44 série 4E2)
      Elye Rouaud, serger et tireur d’étain, Nantes (1659, AD44 série 4E2)
      Guillaume Barbereau, Nantes Ste-Rad. vivant tireur d’estain et faiseur de matelas. (1679, AD44 série 4E2)

    Le notaire a d’abord écrit tireur destaing puis a écrit à la place compagnon tireur destaing fils de Jehan Belue tireur destain. Cette rectification est tout à fait parlante, et le notaire lui-même était perdu dans le tissage… Il n’avait sans doute jamais vu tirer de l’étaim avec les grands peignes… moin non plus !

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    Lanfaissier, métier qui apparaît, entre autres, à Cossé-le-Vivien (53), 1633

    terme qui vient de lanfais : paquet de filasse

    En réponse à une question qui m’est posée :

    Le lanfais ou lanfet est un terme utilisé localement, surtout en Normandie, pour désigner le paquet de filasse. Le lanfaissier est donc l’équivalent du filassier.

    La filasse étant elle-même les filaments tirés de l’écorce du chanvre ou du lin, mis sur la quenouille pour donner le fil à l’aide du fuseau.

    En Anjou, le filassier aliàs lanfaissier, s’appelle le poupelier, car après avoir roui les tiges en filaments, il les met en poupée de filasse. Et, dans les inventaires après décès, on compte, généralement au grenier, combien il y de poupées de lin ou poupées de chanvre, et on les estime à la poupée, c’est à dire au paquet de filasse, qui était l’unité marchande.

    Pas étonnant de retrouver le terme lanfaissier jusqu’à Cossé-le-Vivien, qui était encore le Maine, mais sur la route de Normandie en Anjou, sur la route du clou. Plus bas, on arrive au terme de poupelier ou filassier.

    Je me souviens de la première fois que j’ai rencontré le terme de poupelier et de mes doutes devant les poupées… Mes doutes sont aujourd’hui clairement dissipés… heureusement !

    Cette carte postale est issue de collections privées qui sont publiées sur mon site. Cliquez sur l’image pour l’agrandir :Collections privées – Reproduction interdite, y compris sur autre lieu d’Internet comme blog ou site
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    Drapier, serger, tissier : métiers différents, car tissus différents : drap, serge, toile

    J’ai oublié dans le billet d’avant-hier, de préciser ce qu’était le drap.
    Le billet dit « d’avant hier » se trouve reporté en date du 11 août 2009

    Voici 2 proverbes qui illustrent à merveille les qualités du drap : chaud et solide,

      La soye d’esté, le drap d’hyver (il est chaud)

      Quiconque se vest de drap meschant, deux fois pour le moins se vest l’an (il est solide)

    Le drap est

    « une étoffe de laine qui participe des qualités de la toile par son tissu, et de celles du feutre, par l’opération du foulage qu’on lui fait subir. »

    C’est la meilleure définition du terme drap que je connaisse. Elle se trouve dans l’ouvrage d’Auguste Vinçart, l’Art du teinturier-coloriste sur laine, soie, fil et coton, Paris, 1820.

    Voici la liste des planches de l’Encyclopédie Diderot, qui situe parfaitement le métier dans la laine et le foulon

    Voici une autre définition du drap :

    « Espece d’estoffe de laine. Bon drap. drap fin. gros drap. drap de Hollande, de Berry, d’Espagne. une aulne de drap. acheter, vendre du drap. faire du drap. habit de drap. tailler en plein drap. On dit aussi, Drap d’or. drap de soye, mais quand le mot de drap est mis seul, on entend tousjours qu’il est de laine. » (Dictionnaire de L’Académie française, 1st Edition, 1694).

    Mais je préfère sincèrement la première définition, car elle inclut les 2 principales caractéristiques du drap : solidité et chaleur.


    Métier du drapier avec ses détails. Navette anglaise et ses détails. (Encyclopédie Diderot)

    Il n’existe plus, enfin je ne trouve plus depuis longtemps de vêtements de qualité fait avec un tel tissu. Nous avons été, au fil de mon existence (70 ans) envahis par la petite qualité vestimentaire et les synthétiques, etc… voir même la guenille jettable. Quand je dis jettable, je fais allusion à une émission de télé sur les vêtements récupérés : les centres de tri croulaient sur des tonnes de vêtements à jetter car non réutilisables du fait de leur manque total de qualité, et leur problème étaient de faire face à ces déchets…
    Nos ancêtres, qui vivaient le plus souvent sans vitre aux fenêtres, avec tout au plus une cheminée dans la pièce, avaient tout de même la chance de connaître le drap, fait pour vêtements d’hiver inusables à tel point qu’au début de ce blog, nous chantions sa solidité dans une contine. Cette contine m’a beaucoup aidée pour comprendre l’importance du foulon et du drap : je suis heureuse d’avoir eu la chance de l’entendre dans mon enfance, allez l’entendre sur mon site, sur l’un des liens ci-dessus.


    épinçage des draps fins après le dégrais, et outils. (Encyclopédie Diderot)

    Mieux, le drapier faisait aussi de la ratine (le plus cher et le plus côté des draps de laine) : le mot viendrait du terme hollandais « gaufre », gaufrer, ou bien de « raster », racler. AU 13e siècle, « rastin » est une étoffe à poil tiré et frisé. Etoffe de laine, réputée très chaude, ancienne et répandue au point que le verbe « ratiner » désigne le procédé utilisé : frotter les draps pour lier le poil en petites mèches terminées par un bourrelet, en général à l’endroit du tissu.(Hardouin-Fugier E. & Coll. Les étoffes : dictionnaire historique, 1994)
    Ce même dictionnaire, donne, entre autres, car il y en a beaucoup :

    Drap : Du bas latin « drappus », terme lui-même qui proviendrait du celtique. Mot générique désignant tout un ensemble de tissus divers, un peu comme le mot « étoffe ». Sa fabrication est liée au très ancien élevate du mouton. On ne peut donc ici qu’indiquer les procédés les plus courants de sa fabrication.- La qualité de la laine est déterminante pour le produit fini. La chaîne est composée de fils à forte torsion, la trame de floches. Sa torsion est contraire à celle des fils des chaînes, condition qui détermine le bon déroulement du foulage. Le drap est tissé en écru, puis teint en pièce. – L’achèvement consiste à fouler, laver, lainer, teindre, sécher, ramer, raser et apprêter à chaud. Inutile de souligner les multiples usages du drap depuis des temps immémoriaux et les faits économiques liés au drap, depuis l’élevage des ovins jusqu’à la vente, foire, transport, concurrence, groupements sociaux, en passant évidemment, par sa fabrication et sa mécanisation. Des régions entières ont eu, pendant des millénaires, leur civilisation marquée par la fabrication des draps, en particulier le nord de la France. – Le succès du drap dans la mode est éternel ; Mallarmé l’évoque pour l’année 1874 : « Un paletot-blouse en drap blanc avec col marin en pareil »
    Drap d’Alep : chaîne en soie, trame en laine.
    Drap l’Alma : sergé à côtes en laine ou laine et soie.
    Drap d’argent, drap d’or : terme générique désignant des étoffes somptueuses
    Drap de Baye : lourde tenue de deuil
    Drap de Beaucamp : sergé lourd, grossier, à chapîne en lin et à trame en laines colorées.
    Drap de chasse : uni, à chaîne en soie fine et trame en coton lourd à côtes horizontales
    Drap de Damas : fabriqué à Damas au 14e et 15e siècles, qui se distingue du Damas. Il est précieux, brodé d’or et d’argent.
    Drap de dame : très léger et doux, comparable à la flanelle, légèrement foulé, tiré à poil.
    Drap de France : fabriqué en Angleterre dans la dernière moitié du 19e siècle
    Drap de gros bureau : drap français grossier, blanc ou teint en noir ou gris.
    Drap de Lyon : riche soierie
    Drap de Paris : fin sergé à effet granité, fabriqué à la fin du 19e siècle.
    Drap de pauvre : serge grossière, non teinte, brune mais jamais noire, utilisée au début du 19e par les ouvriers
    Drap de soie : étoffe de soie très fournie en chaîne, tissée à tension rétrograde.
    Drap de velours : étoffe épaisse avec un poil doux, fabriquée en Angleterre dans la dernière partie du 19e siècle pour confection féminine.
    Drap militaire : les règlements du 18e siècle interdisent de le tirer ou aramer en large ou en longueur ; on doit au contraire le laisser sécher sans aucune extension. Teint en laine en bleu céleste, beu de roi, vert, marron ou bien teint en pièce et foulé avant la teinture, c’est le cas pour l’écarlate, le cramoisi, le rose, l’aurore, le jonquille, le noir et le drap garance, qui a été le plus employé dans les régiments d’infanterie et de cavalerie pendant la Première guerre mondiale.
    Drap mortuaire : étoffe de velours noir étendue sur la bière d’un mort pendant les obsèques (Hardouin-Fugier E. & Coll. Les étoffes : dictionnaire historique, 1994)

    Et la serge dans tout cela ? Le serger fabriquait une étoffe de laine, la serge, qui était plus ordinaire que le drap, moins cher, moins chaude, moins solide, mais très répandue. Avec le drap on fait les vestes, les manteaux, les culottes d’homme, le tout d’hiver, et avec la serge les jupes de femme, les vestes légères…, là encore tout de même pour l’hiver, le reste du temps tout est en lin et chanvre et relève du tissier.

    En conclusion, laissez-moi vous compter que lorsque j’ai débuté en généalogie, il y a fort longtemps, j’ai bien entendu rencontré les marchands de draps de soie. J’imaginais alors que certains dormaient dans des draps de soie. Il n’en était rien, et ce n’est que bien plus tard que j’ai compris qu’il s’agissait de marchands de tissus de soie, dont les dames nobles et notables raffolaient, lorsqu’elles avaient les moyens de se le permettre, pour quelques vêtements plus beaux que ceux du quotidien.

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    Apprentissage de drapier-drapant, Morannes (49), 1619

    Voici encore un contrat d’apprentissage qui vient enrichir ma base de données.

    (Archives Départementales du Maine-et-Loire, série E) : Le 21 mars 1619, en la cour royale de St Laurent des Mortiers, par devant nous Jacques Jucqueau notaire d’icelle demeurant à Morannes,
    Jacques Roguet marchand demeurant paroisse de Daumere étant de présent audit Morannes
    confesse avoir baillé et mis comme aprantif dudit jour en deux ans en suivant Jehan Roguet son fils à honneste homme Jehan Letourneux drappier drappant, demeurant audit Morannes, à ce présent, prenant, retenant ledit Roguet fils dudit estably à son apprantif (apprentif), auquel ledit Tourneux sera tenu et promet monstrer et ensaigner (enseigner) au mieux qu’il pourra son dit mestier de drappier en quelque façon qu’il doibve estre monstré par son dit mestre (maître) à cause dudit estat et durant ledit temps luy quérir et livrer son vivre de boyre manger feu lit logis lumière bien et convenablement comme il appartient ensemble le traictter (traiter) doucement (j’aime tout particulièrement cette phrase, et je suppose qu’elle est là parce qu’il a existé des maîtres plus durs que d’autres)

    et ledit Roguet père fournira à son fils de vestement et habits honnestes en quelque façon que ce soit selon estat, pour rayson duquel apprantissayge ledit Roguet estably sera tenu promet et gayge payer audit Le Torneux mestre dudit apprantif la somme de 23 livres en ceste manière que cy-après c’est à savoir la moytié à la Saint Jehan Baptiste prochainement venant et le surplus de ladite somme au jour et terme de Quasimodo en un an, (je n’ai pas vu la durée de l’apprentissage qui a été oubliée dans cet acte, mais le fait que le second terme soit dans un an laisse à penser que la durée est de 2 ans, car les termes étaient toujours payables d’avance)
    présent à ce ledit Jehan Roguet apprantif aagé de sese (seize) à dix sept ans (si on n’a pas la durée de l’apprentissage, on a par contre l’âge de l’apprenti, ce qui est rarement indiqué dans un contrat, ici 16 à 17 ans, et au passage on remarque le manque de précision alors que le père sait signer et devrait savoir compter l’âge de son fils) qui ce présent bail et tout ce que dit est a eu pour bon et agréable et promet servir ledit Tourneux sondit mestre bien et loyalement à son mestier et en toutes choses licites et honnestes, fayre son profit et fuir son dommaige et l’avertir du contrayre s’il vient à sa cognoissance, sans cesser de servir durant ledit temps et en cas de fuitte ledit Roguet père le promet quérir en quelque lieu et place qu’il fut et le ramener audit Tourneux son mestre pour et affin que ledit Roguet son fils parachève son dit contrat d’apprantissage, et oultre ledit Roguet estably à toute loyauté et prodhommie, mesme ledit apprantif son corps à tenir prison (encore ce point de droit, très contraignant à nos yeux, mais autrefois on ne badinait pas avec l’abscence de l’apprenti).
    Fait audit Morannes en la maison d’Estienne Poyson hoste dudit Morannes (le nom ne semble pas terrible au premier abord pour un hôtelier, mais rassurez vous, il ne s’agit que de l’orthographe fautive du patronyme Poisson, plus rassurant), ès présence de honneste homme René Cesnault sieur de Primault, Jehan Jouault cordonnier témoins, lequel Letourneux a dit ne savoir signer . Signé : J. Roguet, Jouault, Cesnault, Jucqueau

    Le drapier drappant fabrique et vend, et le marchand drapier vend seulement, et ce dernier est généralement installé dans une grande ville comme Angers, Nantes. Voici la définition exacte des deux métiers :

    DRAPIER, s. m. (Comm.) marchand qui fabrique le drap, ou qui le vend. On appelle le premier Drapier-drapant, & le second marchand Drapier – DRAPANS, s. m. (Commerce.) nom par lequel on distingue les ouvriers fabriquans les draps des marchands qui les vendent ; on appelle les premiers drapiers-drapans, & les seconds marchans-drapiers. (Encyclopédie Diderot)

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    Baudreur, baudreur de balline : un métier dans le matelas de filasse, mais n’est pas brodeur

    (baudre, filasse de racines de plantes) et la balle d’avoine, en Anjou. L’Anjou, comme les autres provinces de France, avait souvent un vocabulaire local. En particulier,

    la baudre désignait la filasse grossière fournie par la racine des plantes. Je tiens ce terme du Glossaire étymologique et historique des patois et des parlers de l’Anjou, de Verrier et Onillon, 1908, qui a été repris par Lachiver dans son Dictionnaire du monde rural, Fayard, 1997.

    Je note au passage qu’on utilisait la racine des plantes pour faire de la filasse, mais j’ignore quelles plantes. Je suis venue à ce terme parce que j’ai aperçu un métier curieux, que j’ai tenté de comprendre. Voici donc d’abord deux actes dans lesquels figure ce métier :

    Voici le 1er acte : Le 17 janvier 1628 Dvt Jacques Jucqueau Nre royal de la court de St Laurents des Mortiers (Archives Départementales du Maine et Loire, série 5E) Dt à Miré, François Amiar marchand baudreur de balliene d’une part et Renée Moreau preneure d’autre part demeurant au bourg dudit Miré,
    lesquels ont fait ensemble le bail à titre de soubzferme convansions et obligasions qui en suive, savoir est que ledit Amiard a baillé audit tiltre pour le tens de toys ans continuels qui ont commansé au jour et feste de Toussaint dernière et à finir à parrail jour à ladite Moreau prenante et acceptante pour elle scavoir est
    ung apentis de maison dans lequel y a cheminée estant adjasent la maison que ledit Amiard tient à tiltre de ferme de Me Jean Davy, lequel apantis en dépans
    à la charge de ladite Moreau d’an poyer par chacun an audit Amiard la somme de 30 sols le premier poyement commansant à la Toussaint prochene et à continuer et a donné ledit Amiard à ladite Moreau coure di prandre pandant ledit tans des herbes dans ces jardins pour l’usaige de ladite Moreau seulement, et ou ledit bail seroit rompu ce présent n’aura lieu entres lesdites seules parties sans aulcun dommayges ne interestz. Signé Amiard. ( »Nous avons vu la balline le mois dernier »).

    Voici le 2e acte : Le 17 janvier 1628 Dvt Jacques Jucqueau Nre royal de la court de St Laurents des Mortiers (Archives Départementales du Maine et Loire, série 5E) Dt à Miré, Renée Moreau assistée de François Amiar marchand baudereur son procquereur et amy à ce présant demeurant audit Miré, laquelle a recogneu avoir esté logé cy-davant par l’espace de trois ans en la maison des enfans de Jean Titau au bourc dudit miré et qu’elle a esté traitée chauffée logée saine et mallade et assistée par ledit Jean Tiraut lors qu’elle estoit mallade, pour lequel traitement et logement et antretien ladite Moreau a desduit et rabattu audit Jean Tiraut et sesdits enfants la somme de 64 livres qui luy restent à payer sur une obligation en forme de transaction receu devant Me Jean Davy notaire montant 100 livres

    François Amiard signe fort bien, et je le mettrai par habitude de ce type de signature au niveau de certains marchands de fil. Le premier acte est très intéressant car il est précisé « baudreur de balliene ». Or, la balline n’est autre que le matelas rempli de balle, enfin, là encore, le terme est purement angevin. Donc manifestement notre marchand est bien dans la filasse et ses produits dérivés, il n’y a aucun doute à avoir. Bien entendu le métier de « baudreur » ne figure nulle part, mais manifestement dans ce petit coin d’Anjou, on a été jusqu’à coller à la baudre son métier. Or, ce coin d’Anjou, c’est à dire l’E.N.E., est celui où j’avais trouvé un brodeur mettant son fils en apprentissage chez un tailleur d’habits. J’ai donc relu ce contrat d’apprentissage, que voici :

    et cette fois, je suis prise d’un doute, et j’ai l’impression qu’il pourrait s’agir ici d’une forme orthographique du baudreur ? Ainsi, je m’expliquerai mieux ce père baudreur mettant son fils en apprentissage chez un tailleur d’habits, car un tailleur d’habits rural ne fait rien à la mode. La mode se fait à Paris, puis descend dans les grandes villes de province, et je peux vous affirmer que les dames fortunés susceptibles de s’habiller de robes brodées, visaient très précisément la mode de Paris, au pire d’Angers ou Nantes. D’Anjou elles allaient à Angers passer leur commandes pour s’habiller, pas à la campagne, et même j’ai trouvé un acte par lequel une angevine demandait qu’on lui ramène une robe de Paris. Donc le brodeur de campagne est impossible…
    D’ailleurs, il n’y a pas si longtemps que cela la mode était encore Paris, elle arrivait quelques mois plus tard à Nantes, mais dans la campagne ce n’était pas terrible dans les boutiques, et cela a beaucoup évolué depuis peu… Ma génération aura vu cette révolution dans la mode…

    Et au passage, le second acte est fort intéressant, car cette femme a été hébergée pour 64 livres pendant un an, mais ne peut sans doute continuer de tels frais, alors elle a trouvé à louer un appentis à François Amyard qui lui coutera moins cher…

    Autre remarque, amusante. Si vous tappez « balle d’avoine » en mettant bien ainsi les crochets, dans n’importe quel moteur de recherche sur le Web, vous allez voir apparaître des sites qui préconisent pour la santé le matelas de balle d’avoine. Ils sont surtout Canadiens, preuve qu’eux au moins n’ont pas oublié les bonnes pratiques de nos ancêtres, car il paraît qu’on y dort mieux… Donc me voici rassurée, nos ancêtres ne dormaient pas dans l’inconfort…

    Voyez aussi le contrat d’apprentissage d’un fils de baudreur comme tailleur d’habits

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