Bail à ferme de l’étang de Piard, Le Louroux-Béconnais, 1620

J’ai déja trouvé plusieurs baux d’étangs du Haut-Anjou :

    Voir la page de mon site sur les poissonniers et les baux d’étang

J’avais celui de Piard (Le Louroux-Béconnais) en 1595, et le voici en 1620. L’étang est assez étendu et le bail est diffère donc de celui des étangs plus modestes, qui étaient purement et simplement vidés. Ici, bien que cela ne soit pas indiqué, il doit s’agir de pêche au filet, restreinte sur une période de 15 jours et seulement 2 fois en l’espace des 7 années du bail, et ce, au carême bien entendu.
Le seigneur se réserve la pêche à la ligne ainsi que les anguilles, quand il est sur ses terres, et lorsqu’il y les pêches au filet ci-dessus, il a droit à un nombre de prises.
Voici l’étang de Piard selon le cadastre, dit Napoléonien, en date de 1832 (Archives Départementales du Maine-et-Loire) :

    Voir ma page sur Le Louroux-Béconnais

L’acte qui suit est extrait des Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 5E36 – Voici la retranscription de l’acte : Le 19 mai 1620 avant midy, devant nous Jehan Baudriller notaire royal Angers ont esté présents en leurs personnes Lancelot de Lancreau escuyer sieur de Piard, demeurant en ceste ville paroisse de la Trinité d’une part,
et Jacques Miette et Michel Dutay marchands poissonniers demeurant en Reculée paroisse de la Trinité d’autre part
lesquels demeurent soubzmis et establis mesmes lesdits Miette et Dutay chacun d’eux seul et pour le tout confessent avoir faict entre eux le bail à ferme tel que s’ensuit c’est à scavoir que ledit de Lancreau a baillé et baille par ces présentes audit tiltre de ferme et non autrement auxdits Miette et Dutay qui ont deluy pris audit tiltre pour le temps et espace de 7 années entières et parfaictes et consécutives qui ont commencé dès le jour et feste de Pasques 1619 et à finir à pareil jour lesdites 7 années finies savoir est l’estang de Piard audit bailleur appartenant dépendant de sa terre et seigneurie de Piard comme ledit estang se poursuit et comporte sans aucune réservation en faire par ledit bailleur lequel estang lesdits preneurs ont dict bien cognoistre pour en jouir à présent à pareil tiltre de ferme,
à la charge desdits preneurs de tenir et entrenir la bonde dudit estang et de la rendre bien et duement estanche à la fin du présent bail, attendu qu’ils y sont tenys par leur précédent bail et laquelle ils ont dict leur avoir esté baillée estanche au commencement d’iceluy et lesquels lesdits preneurs à la fin du présent bail rendre audict estang jusques à la quantité d’eau à la bonde dudit estang,

demeurent en outre tenus lesdits preneurs peupler ledit estang à la fin du présent bail du nombre de 3 milliers et demy de carpes de longueur de 5 à 7 pouces le tiers de 5 le tiers de 6 et l’autre tiers de 7 en tout et pour le voir mettre audit estang et iceluy compter lesdits preneurs demeurent tenus advertir ledit bailleur

carte de Cassini, Le Louroux-Béconnais
carte de Cassini, Le Louroux-Béconnais

et s’est iceluy bailleur réservé et retenu l’eau des rouissages par chacun an

    le rouissage consiste à faire tremper dans l’eau le chanvre et le lin, pendant un certain temps.

et les anguilles qui seront audit estang desquelles lesdits preneurs ne prendront rien et lequel bailleur pourra faire pescher audit estang lorsqu’il sera sur ledit lieu de Piard à la ligne du petit poisson qui ne sera dommage audit estang,

et lequel bailleur aura pareillement 20 carpes par chacune pêche de longueur entre œil et bail

    bat (ici écrit « bail ») est un terme de pêche, qui n’est d’usage que pour mesurer la grandeur d’un poisson. on dit qu’il y a tant de pouces entre oeil et bat, c’est-à-dire entre la tête et la queue. (M.Lachiver, Dict. du Monde rural, 1997)

scavoir 6 de 14 pouces, et le surplus de 12 pouces entre œil et bail, par moitié, et 12 brochets deux des plus beaulx et de valeur de 12 sols, 12 brêmes et 12 perches convenables viendront et 12 tanches, le tout sans diminution du prix du présent bail et est fait le présent bail à ferme pour en payer et bailler par chacune desdites années par lesdits preneurs audit bailleur la somme de 100 livres tz au terme de Pasques dont le premier terme et payement du présent bail a commencé le jour et feste de Pasques dernier passé, et à continuer etc

et ne pourront lesdits preneurs demander aucun rabais ne diminution de ladite présente ferme pour quelque cas fortuiz qui puissent arriver comme ayant esté par eux bien prévenus et considérez, et auquel rabais ils ont renoncé et renoncent

    cette clause est parfois trouvée dans les baux, ici négativement, car pendant les troubles des guerres de la Ligue et autres, il y a eu des demandes diverses à certains bailleurs pour cause de destructions de récoltes etc…

et renderont ledit estang pesché à la fin desdites 7 années à la mi-caresme ou des caresme dont la dernière année finira au jour et feste de Pasques lors ensuivant, et ne pourront estre que 15 jours à faire la pesche dudit estang et ne le pourront pescher que 2 fois pendant le présent bail qui sera au caresme ** (pas trouvé le renvoi) duquel lesdits preneurs se sont contentés pour estre tenus avecq deffunct François Decharnière rendre peuplé dudit nombre de trois milliers et demy de peuple cy-dessus mentionné par leur précédent bail qu’ils avoient dudit estang et que ledit sieur de Piard leur a ceddé ses droits et actions pour y faire contribuer la veuve et héritiers dudit deffunct Charnières sans aucuns garantaige,

    si j’ai bien compris ils étaient 3 poissonniers au précédent bail, l’un d’eux est décédé, mais la veuve doit faire face au bail que son époux avait en cours.

ce que dessus stipullé et accepté par lesdites parties auquel présent bail à ferme et tout ce que dessus est dict tenir etc obligent respectivement et mesmes lesdits preneurs chacun d’eux seul et pour le tout sans division etc renonçant et par especial au bénéfice de division d’ordre discution etc foy jugement condamnation etc
faict et passé audit Angers en notre tablier en présence de Mathurin Metairye et Mathurin (pli) praticiens demeurant audit Angers ledit Miette a dict ne scavoir signer.

    l’un des 2 poissonniers sait signer, l’autre pas

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Le carême de nos ancêtres : autorisation exceptionnelle des oeufs pour cause de famine,

Premier dimanche de Carême. Voici ce que vous auriez entendu autrefois (extrait du Rituel du Diocèse de Nantes, 1776) :

Nous sommes entrés, mes frères, dans le temps de la pénitence. Nous vous avons expliqué dimanche dernier l’étendue de la loi du jeûne et nous nous persuadons que l’église trouvera en vous des enfants dociles à ses commandements ; mais faîtes attention que le jeûne du corps ne suffiroit pas sans celui de l’esprit ; et ce jeûne sprirituel consiste à éviter le péché, à mortifier les passions, et à se priver des plaisirs permis, ou du moins à en user plus sobrement. C’est pourquoi ne le séparez point de l’autre ; et même pratiquez-le avec plus d’exactitude ; puisque le fruit et le mérite du premier en dépend ; et que sans cela Dieu ne le sauroit agréer.
Mercredi, Vendredi et Samedi prochain, sont les Quatre Temps ; le jeûne qu’on y doit observer, et qui concours, avec celui du Carême, a été institué par l’église. Ceux qui ont atteint l’âgé de 21 ans, sont obligés de l’observer, sous peine de péché mortel, à moins qu’ils n’ayent quelque légitime empêchement : les malades, les convalescents, les femmes enceintes, les nourrices, les personnes que l’âge rend faibles et caduques, ou qui sont employées à des ouvrages fort pénibles, et généralement tous ceuq ui ne peuvent faire une longue abstinence sans un péril pour leur santé. Mais, il faut prendre garde de se flatter sois-même, Dieu est le juge des consciences. Ceux qui demandent permission pour manger de la viande sans nécessité, n’en pêchent pas mois, parce qu’ils violent le précepte de l’église. (Rituale nannetense, 1776)

    Voir sur ce site le travail des poissonniers en temps de Carême

Je fais prochainement un article sur les bouchers. Mais je découvre que les oeufs étaient assimilés à la viande, et là, je tombe des nues, car je ne pensais pas qu’ils étaient interdits avec la viande. Voici ce que relate le registre paroissial d’Ingrandes-sur-Loire en 1670 :

« Le froid aiant fait mourir générallement toutes les herbes propres à la noriture des hommes, et aiant empesché le transport du poisson de mer, par mandement exprès de monseigneur l’évesque d’Angers, en date du 27 febvrier au dit an, il fut permis à tous les chrestiens du diocèze de manger des oeufs de poulles et aultres pendant le caresme de la dicte année, jusqu’au jour des Rameaux inclusivement. Le caresme avait commencé dès le 19 du dict mois de Febvrier. La dicte concession avait esté pareillement accordée pour le diocèze de Paris et pour plusieurs aultres du royaulme. » Registres paroissiaux d’Ingrandes-sur-Loire.

    Histoire du jeûne et du carême

Pour ma part, le texte de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, me semble plus complet, car il traite des autres religions sur le plan historique :

JEÛNE, s. m. (Littérat.) abstinence religieuse, accompagnée de deuil & de macération.
L’usage du jeûne est de la plus grande antiquité ; quelques théologiens en trouvent l’origine dans le paradis terrestre, où Dieu défendit à Adam de manger du fruit de l’arbre de vie ; mais c’est-là confondre le jeûne avec la privation d’une seule chose. Sans faire remonter si haut l’établissement de cette pratique, & sans parler de sa solemnité parmi les Juifs, dont nous ferons un article à part, nous remarquerons que d’autres peuples, comme les Egyptiens, les Phéniciens, les Assyriens, avoient aussi leurs jeûnes sacrés en Egypte, par exemple, on jeûnoit solemnellement en l’honneur d’Isis, au rapport d’Hérodote.
Les Grecs adopterent les mêmes coûtumes : chez les Athéniens il y avoit plusieurs fêtes, entr’autres celle d’Eleusine, & des Thesmophories, dont l’observation étoit accompagnée de jeûnes, particulierement pour les femmes, qui passoient un jour entier dans un équipage lugubre, sans prendre aucune nourriture. Plutarque appelle cette journée, la plus triste des Thesmophories : ceux qui vouloient se faire initier dans les mysteres de Cybèle, étoient obligés de se disposer à l’initiation par un jeûne de dix jours ; s’il en faut croire Apulée, Jupiter, Cérès, & les autres divinités du paganisme, exigeoient le même devoir des prêtres ou prêtresses, qui rendoient leurs oracles ; comme aussi de ceux qui se présentoient pour les consulter ; & lorsqu’il s’agissoit de se purifier de quelque maniere que ce fût, c’étoit un préliminaire indispensable.
Les Romains, plus superstitieux que les Grecs, pousserent encore plus loin l’usage des jeûnes ; Numa Pompilius lui-même observoit des jeûnes périodiques, avant les sacrifices qu’il offroit chaque année, pour les biens de la terre. Nous lisons dans Tite-Live, que les Décemvirs, ayant consulté par ordre du sénat, les livres de la sybille, à l’occasion de plusieurs prodiges arrivés coup-sur-coup, ils déclarerent que pour en arrêter les suites, il falloit fixer un jeûne public en l’honneur de Cérès, & l’observer de cinq en cinq ans : il paroît aussi qu’il y avoit à Rome des jeûnes réglés en l’honneur de Jupiter.
Si nous passons aux nations asiatiques, nous trouverons dans les Mémoires du P. le Comte, que les Chinois ont de tems immémorial, des jeûnes établis dans leur pays, pour les préserver des années de stérilités, des inondations, des tremblemens de terre, & autres desastres. Tout le monde sait que les Mahométans suivent religieusement le même usage ; qu’ils ont leur ramadan, & des dervis qui poussent au plus haut point d’extravagance leurs jeûnes & leurs mortifications.
Quand on réfléchit sur une pratique si généralement répandue, on vient à comprendre qu’elle s’est établie d’elle-même, & que les peuples s’y sont d’abord abandonné naturellement. Dans les afflictions particulieres, un pere, une mere, un enfant chéri, venant à mourir dans une famille, toute la maison étoit en deuil, tout le monde s’empressoit à lui rendre les derniers devoirs ; on le pleuroit ; on lavoit son corps ; on l’embaumoit ; on lui faisoit des obseques conformes à son rang : dans ces occasions, on ne pensoit guere à manger, on jeûnoit sans s’en appercevoir.
De même dans les desolations publiques, quand un état étoit affligé d’une sécheresse extraordinaire, de plaies excessives, de guerres cruelles, de maladies contagieuses, en un mot de ces fléaux où la force & l’industrie ne peuvent rien ; on s’abandonne aux larmes ; on met les desolations qu’on éprouve sur la colere des dieux qu’on a forgés ; on s’humilie devant eux ; on leur offre les mortifications de l’abstinence ; les malheurs cessent ; ils ne durent pas toûjours ; on se persuade alors qu’il en faut attribuer la cause aux larmes & au jeûne, & on continue d’y recourir dans des conjonctures semblables.
Ainsi les hommes affligés de calamités particulieres ou publiques, se sont livrés à la tristesse, & ont négligé de prendre de la nourriture ; ensuite ils ont envisagé cette abstinence volontaire comme un acte de religion. Ils ont cru qu’en macérant leur corps, quand leur ame étoit désolée, ils pouvoient émouvoir la miséricorde de leurs dieux ou de leurs idoles : cette idée saisissant tous les peuples, leur a inspiré le deuil, les voeux, les prieres, les sacrifices, les mortifications, & l’abstinence. Enfin, Jesus-Christ étant venu sur la terre, a sanctifié le jeûne, & toutes les sectes chrétiennes l’ont adopté ; mais avec un discernement bien différent ; les unes en regardant superstitieusement cette observation comme une oeuvre de salut ; les autres, en ne portant leurs vûes que sur la solide piété, qui se doit toute entiere à de plus grands objets. (D. J.)

Après ma découverte des oeufs, j’ai cherché dans plusieurs sources dignes de foi, et quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que les personnes que l’âge rend faibles et caduques, des prédications d’autrefois étaient remplacées par : jeûne obligatoire de 19 à 59 ans !
Ainsi je viens de découvrir que j’étais caduque !
Bigre ! Le terme est saisissant !

Suivre le carême sur Internet sur le blog des Dominicains de Lille (sublime ! à ne pas manquer !)

Sécheresse l’été 1690, plus d’eau dans les étangs

Autrefois le poisson d’eau douce comptait beaucoup dans l’alimentation, notamment pour le carême, période durant laquelle la viande était interdite.
Ici, nous avons le procès verbal d’une sécheresse en 1676, ayant entraînée l’asséchement de l’étang de la Touche et la mort des poissons.

L’acte qui suit est extrait des Archives Départementales de la Mayenne, série 3E1/484 – Voici la retranscription de l’acte : Le 29 août 1676 après midy, par devant nous Etienne Le Barbier notaire immatriculé à Craon y demeurant ont comparu en leurs personnes chacun d’honorable homme François Hervé marchand hôté, Daniel Malheur marchand demeurant audit Craon et Claude Mauxion marchand fermier demeurant au petit fauxbourg Château-Gontier dudit Craon, le tout en la paroisse de Saint-Clément,
lesquels en conséquence du renvoi fait devant nous pour faire leur rapport de l’estat de l’estang de la Touche dépendant de cette baronnie sur la requeste présentée à monsieur le juge des eaux audit Craon le 28 de ce mois par Louis Gaignard sous fermier dudit estang aux fins de faire faire procès verbal de montrée d’iceluy,
lesquels séparément enquis de dire vérité et de faire leur rapport de l’état dudit estang ce qu’elles ont promis faire
ont concordément dit et rapporté après avoir vu et visité ledit estang qu’il est tout à sec, gasté et ouvert environ d’un pied en fond et qu’il n’y a pas dans le ruisseau dudit estang proche la bonde plus de trois à quatre pipes d’eau qui est verte et tournée, et leur avoir apparu que tout le peuple de carpe qui y avait esté mis est mort sur l’eau et n’avait vu autres poissons que quelque peu d’anguille dont partie est morte et l’autre sur la vase et avons vu dans le ruisseau un peu au-dessus de ladite bonde queque peu de peuple de carpe qui restait pas encore mort mais qui n’en vault pas mieux et ce qu’il ne pourra pas estre un jour vivant et que le tout est arrivé à cause de la grande sécheresse arrivée en l’année présente et leur avait apparu qu’il n’ay a aucune fuite d’eau pour remplir ledit estang depuis trois mois ou environ
et pour la perte et dommage du peuple qui a esté mis dans ledit estang, chenille et brochet, six gardons et tanches que pour peuple qu’il conviendra pour remplir ledit estang lorsqu’il y aura de l’eau, il appartient la somme de 400 livres et ne le vouloir faire à moins, (c’est une perte considérable !)
lecture à eux faite de leur rapport cy-dessus ont dit contenir vérité, n’y vouloir augmenter ni diminuer y ont persisté ledit Hervé signé, lesdits Mauxion et Malher déclarent ne scavoir signer de ce enquis et sommé de ce faire suivant l’ordonnance
fait et passé audit Craon en notre estude en présence de vénérable et discret Me Mathurin Houdemon prêtre demeurant au lieu de Rimechard et honneste homme René Allard marchand demeurant au village de St Eutrope le tout en ladite paroisse Saint Clément témoins à ce requis et appelés
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Carême : Allez chez le poissonnier !

Voici, extrait du Rituel (de Nantes, 1776), les deux sermons d’antan

en commençant par celui de la Quinquagésime (qui était il y a 8 jours) :

… Le Jeûne du Carême commence le jour des Cendres, et il a été institué pour nous porter à suivre l’expemple de Jesus-Christ, qui jeûna quarante jours ; et pour nous disposer à la grande Fête de Pâques. Faisons-nous un devoir d’observer une pratique si religieuse, et établie pour des motifs si graves.
Tous ceux qui ont vingt et un ans accomplis, sont obligés de jeûner, excepté les malades et les convalescents, les femmes enceintes, les nourrices, les personnes que l’âge rend faibles et caduques, ou qui sont employées à des ouvrages fort pénibles, et généralement tous ceux qui ne peuvent faire une longue abstinence sans un péril évident de leur santé. Mais il prendre garde de se flatter sois-même, Dieu est le juge des consciences. Ceux qui demandent permission, pour manger de la viande sans nécessité, n’en pêchent pas moins, parce qu’ils violent le précepte de l’Eglise…

le premier Dimanche de Carême (qui était hier) :

Nous sommes entrés, mes Frères, dans le temps de la pénitence. Nous vous avons expliqué Dimanche dernier l’étendue de la loi du jeûne, et nous nous persuadons que l’Eglise trouvera en vous des enfants dociles à ses Commandements ; mais faîtes attention que le jeûne du corps ne suffirait pas sans celui de l’esprit ; et ce jeûne spiritual consiste à éviter le pêché, à mortifier ses passions, et à se priver des plaisirs permis, ou du moins à en user plus sobrement. C’est pourquoi, ne le séparez point de l’autre ; et même pratiquez le avec plus d’exactitude ; puisque le fruit et le mérite du premier en dépend ; et que sans cela Dieu ne le saurait agréer.
Marcredi, Vendredi et Samedi prochain, sont les Quatre Temps ; le jeûne qu’on y doit observer, et qui concourt, avec celui du Carême, a été institué par l’Eglise…
Nous sommes envore obligés de vous avertir aujourd’hui, que tous les Fidèles doivent se confesser au moins une fois l’an, à leur Curé, ou a un autre prêtre commis et approuvé à cet effet et communier en leur paroisse à Pâques, pour obéir aux ordres de l’Eglise. Le temps de la Communion Paschale commencera le Dimanche des Rameaux, et finira le Dimanche de Quasimodo inclusivement.
Nous vous exhortons, mes chers Frères, à ne pas attendre la quinzaine de Pâques, pour vous acquitter du précepte de la Confession annuelle ; puisque dans un intervalle si court, et partagé par de longs Offices, nous ne pourrions que très difficilement donner à chacun de vous le temps nécessaire pour une oeuvre si importante. Quelques-uns se présenteront peut-être à nous dans des était d’habitude mortelles, ou manquant d’ailleurs de dispositions nécessaires, et pour lors nous serions obligés de différer leur absolution et leur communion au delà du temps Paschal. Le moyen le plus sûr pour éviter ce délai, qui les empêcherait de sanctifier la grande Fête de Pâques par la participation du corps et du sang de Jesus-Christ, c’est de se confesser au plutôt, afin que nous ne soyons pas obligés de les renvoyer après la quinzaine. Cette carrière de pénitence, est très propre à la discussion des consciences. Pour nous, mes chers Frères, nous serons toujours disposés à vous donner tous les secours qui dépendront de notre ministère.

Autrefois, on ne mangeait pas de viande pendant le carême, sauf un exception sur laquelle je reviendrai. J’ai rencontré, dans les actes notariés, plusieurs marchés de poissonniers avec le propriétaire d’un étang, pour vider l’étang pendant le carême. Je suis désolée, ils sont tous poissonniers à Angers, et j’ignore comment on procédait dans les plus petites villes. Mais, allez en voir, ils illustrent le type de poisson pêché, les dimensions et les prix payés au propriétaire de l’étang, généralement un seigneur ou son « fermier ».
Dans tous les contrats c’est le poissonnier (un ou plusieurs) qui vide l’étang, et récupère le poisson sous l’oeil attentif du représentant du propriétaire, lors du décompte, par taille et type de poisson. Naturellement, celui-ci choisit quelques poissons, qui lui reviennent de droit.
Et dans les ports, fleurissaient des métiers tout à fait spécialisés, ainsi, à Nantes le Compteur de morues.

Certes, la viande était rare, voire très rare, chez beaucoup autrefois, en particulier le boeuf. En outre, la ration énergétique quotidienne était bien plus basse que de nos jours, alors que le travail physique était plus important souvent (c’est pourquoi nous sommes devenus plus gras… enfin, généralement). Je suis donc toujours en admiration devant de telles privations… qui de nos jours feraient du bien à beaucoup… à commencer par moi… et plairaient à tous les nutrionnistes de 2008 !

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