En Anjou on payait le huitième en Normandie le quatrième : impôt sur le vin vendu au détail, Maigny (61) 1593

Vous avez sur mon blog plusieurs actes concernant le huitième, entre autres des baux à sous-ferme de ce droit, qui était prélevé en France sous la forme d’une ferme, suivi de sous-fermes pour descendre jusqu’au niveau de la paroisse, voire d’un débit de boisson.
Ici, nous sommes aujourd’hui en Normandie, et comme ce pays ne payait pas le gros (autre impôt d’autrefois) il payait le quatrième pour les débits de vin.

Donc, dans l’acte qui suit, Pierre Dieuleveult tient le bail à ferme de cet impôt du quatrième pour une région qui couvre manifestement plusieurs paroisses dont Magny et Beauvain, et il donne quittance du paiement de l’impôt.

Et rassurez-vous tous : on paie toujours un impôt sur le vin ! Enfin, ceux qui en boivent !

  • L’acte notarié qui suit est extrait des Archives Départementales de l’Orne, série 4E172
  • Du 6ème jour d’apvril audit an 1593 au village de la … fut présent honnête homme Pierre Dieuleveult, sieur de la Croix, bourgeois de Falaise, demeurant à présent en la paroisse de Couterne lequel cognailt et confesse avoir quité et clamé quitte Robert Daliphard et Jean Lebreton de la paroisse de Maigny sur ce qui estoit deub de reste … du prix en quoi lesdits Daliphard et Lebreton étaient redevables audit Dieuleveult pour le quatriesme de la paroisse de Magny dont ledit Dieuleveult leur avait fait bail selon leur obligation des pertes ? qui demeurent quittes et deschargés moyennant ce payement pour ce fait audit Dieuleveult en or monnaye ayant cours dont il s’en est d’eulx tenu à comptant et bien payé par devant ledit tabellion, et à ce tenir … présents … Marin Dieuleveult ; accordé entre les parties que Honoré Leboucher ayant distribué en Beauvain qui estoit de ce pouvoir de l’accord des parties avec Baré et Collas Vaullet demeurent au profit dudit Dieuleveult pour en faire recherche de ce qu’ils ont vendu et distribué durant le temps de ladite adjudication comme adjudicataires de Beauvain …

    Jean Germain a emmené sa jeune épouse Jacquine Dieuleveult en Bretagne : Couterne 1593

    Contrats de mariage retranscrits et analysés sur ce blog.

    Chaque province avait son type de contrat de mariage, et même il existait des variantes à l’intérieur d’une province. J’aime bien mes ancêtres Normands, pour leur jolis contrats de mariage.

    • Ils ont une très grande particularité : la dot n’est pas payée comptant, et il est prévu un étalement généralement sur 6 ans ou environ. Mais cette promesse était le plus souvent mal tenue. Le gendre devait relancer souvent, y compris devant le notaire, parfois le beau-père était décédé entre-temps, donc il devait faire passer les frères et soeurs de son épouse devant le notaire pour les obliger à payer la dette.
    • Ce qui signifie que le contrat de mariage figure le plus souvent classé avec cet acte devant notaire, à l’instance du gendre impayé, donc des années plus tard. Ici il n’y a que 8 ans, mais tout de même tout n’est pas encore payé !
    • Il existe même des records de longévité, si l’on peut dire ainsi, car il y avait belle lurette que tout le mondé était décédé, à commencer par le gendre et la fille, sans voir leur argent. Mon record constaté est traité dans mon ascendance LEPELTIER à La Coulonche. Ce sont les petits enfants qui sont poursuivis pour impayé, 46 ans après le contrat de mariage de leur grand-mère ! Remarquez bien qu’avec cet acte d’impayé, j’avais fait mon beurre, c’est à dire moisson de filiations ! Mais avouez que cela pourrait figurer dans un livre de records !

    Mais ces contrats normands ont une autre particularité. La dot n’est pas qu’en argent et trousseau, elle est aussi en meubles morts ou vifs.

    • La première fois que j’ai rencontré le terme meubles morts ou vifs, mes neurones n’avaient pas fait tilt immédiatement ! Je veux bien avouer quelques minutes, le temps de comprendre que les mères vaches étaient des meubles vifs etc…

    L’acte qui suit n’est pas à proprement parlé un contrat de mariage, mais il parle et même il parle beaucoup. Il s’agit d’une procuration car le jeune époux a émigré (eh oui ! autrefois les Normands émigraient !) certes pas au bout du monde, mais tout de même à plusieurs journées de cheval (40 km/jour) pour s’installer en Bretagne, mais il n’a manifestement pas touché la dot de son épouse, et il charge donc son frère de ses intérêts, et vous allez voir que même le trousseau promis n’a pas encore été touché, c’est totalement fou !!! Je dis « totalement fou » car en Anjou, autre province que j’aime et j’étudie depuis longtemps, la dot était touchée le jour des épousailles. Donc l’habitude de traîner, et même traîner longtemps, avant de paier me surprendra toujours.
    L’acte parle car vous avez des liens filiatifs, que ne donnaient aucun autre acte.

    • L’acte notarié qui suit est extrait des Archives Départementales de l’Orne, série 4E172

    Le 16 avril 1593 au bourg de la Ferté Macé en l’estude, fut présent Jehan Germain fils de Jacques de la paroisse de Couterne lequel a constitué et ordonné ses procureurs généraulx et certains messagers especiaux … Me Robert Germain prêtre son frère présent et acceptant auquel ledit constituant a donné et donne plain pouvoyr puissance et aucthorité de recepvoir pour luy … le payement de 40 escuz sol que ledit constituant dit luy estre deubz par Jacques Dieuleveult pour terme escheu du nombre de la promesse depiecza par luy faite audit Jehan Germain faisant le mariage dudit Germain d’une part et de Jacquille (sic) Dieuleveult sa femme soeur dudit Dieuleveult, ensemble faire sortir à payement pour ledit constituant tout le meuble et trousseau … 16 escuz deux tiers pour les bestes le tout promis faisant ledit mariage selon l’obligation qui en est portée et pour ce requérir … exécutions … et assignations que appréciations qu’il appardiendra aussy du receu en bailler bons et vallables acquits … et généralement etc promectant l’avoir agréable … présents Mathurin Hubert (s) et Macé Palluel (s)

     

    Comme quoi même les actes mineurs peuvent beaucoup parler !

    Devenu majeur, Jacques Dieuleveut amortit une rente due à son oncle, Falaise 1595

    eh oui ! Nous sommes aujourd’hui en Normandie, car j’y retranscris des actes, et je souhaite vous montrer ici que les minutes des notaires ne se ressemblaient pas exactement d’une province à l’autre, parce que le vocabulaire et les tournures de phrase du vieux français différaient considérablement.

    Le plus stupéfiant pour une Angevin est le gardian de soubz aliàs gardien de sous en version plus moderne des termes. Rassurez vous il ne s’agit pas de monnaie, mais d’une forme raccourcie de soubz l’âge, qui est le terme utiliser pour mineur, et comme vous l’avez compris, le gardien est le tuteur.

    Pour le réméré, retrait, amortissement etc… on rencontre rendue.
    Ici, il s’agit donc d’une rendue.
    Mais vous allez voir que celui qui fait l’amortissement c’est le rendeur
    et mieux, celui qui reçoit l’armotissement est le retireur.

    J’ai trouvé cet acte aux Archives Départementales de l’Orne, 4E172/3 – Voici sa retranscription (voir ci-contre propriété intellectuelle) :

    « Audit jour, audit lieu, [18 mai 1595, au lieu de la Ferté-Macé], devant les tabellions], fut présent honnête homme Jacques Dieuleveult, bourgeois de Falaise, lequel tant pour luy etc rendit et amortit affin dhéritage et rentes ès mains de honnête homme Marin Dieuleveut, son oncle dudit Falaise, à présent demeurant en la paroisse de Couterne, présent et acceptant, 2 escuz sol ung tiers vallant 7 livres tz de rente hypothèque que ledit Jacques Dieuleveut disoyt luy appartenir et avoir droit de prendre par chacun an sur ledit Dieulveult son oncle selon le contrat passé en devant les tabellions de Falaise Thury y recours, que ledit rendeur promest rendre audit retireur toutefois et quantes comme amortie et pour toute garantie sauf du fait et empeschement dudit rendeur seulement, et fut ladite rendue ainsi faite au moyen que ledit Jacques Dieuleveult coignoist et confesse avoir esté bien et deument remboursé par ledit retireur en or et monnaye ayant cours de toult le prix principal porté par ladite création et aultres cousts raisonnables en toutes choses, dont il s’en est tenu à content et bien remboursé par devant lesdits tabellions et a ledit Jacques Dieuleveult quité ledit retireur de tous les arrérages escheus de ladite rendue laquelle avait esté constituée par les gardiens dudit Jacques lors de sa minorité … présents de Marin Petit (m) et de Denis Roussel (m) »

    Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet Merci d’en discuter sur ce blog.