Marchand poudrier, ou comment les marchands tanneurs obtenaient le tan autrefois.

Le terme poudre a beaucoup de sens, et le métier de poudrier par conséquent lui aussi. Voici en bref, les sens alors les plus connus (selon Encyclopédie Diderot, qui en donnent des pages et des pages) :

POUDRES OFFICINALES, (Pharm. thér.) on garde dans les boutiques des Apothicaires, sous forme de poudres, un grand nombre de médicamens tant simples que composés. Il est traité des poudres simples dans les articles particuliers destinés aux diverses matieres qu’on réduit en poudre pour l’usage de la Médecine. Ainsi il s’agit de la poudre d’iris, de la poudre d’hypecacuanha, ou plutôt de l’iris en poudre & de l’hypecacuanha en poudre, etc…
POUDRE A CANON, composition qui se fait avec du salpêtre, du soufre, & du charbon mêlés ensemble, & mise en grains qui prennent aisément feu, & qui se raréfient ou s’étendent avec beaucoup de violence par le moyen de leur vertu élastique
POUDRE A CHEVEUX, en terme de Gantier-Parfumeur ; c’est un amidon bien passé & bien pulvérisé pour sécher les cheveux naturels & les perruques. Ce sont les Gantiers-Parfumeurs qui la fabriquent, & en font le commerce.
POUDRE DE SENTEUR, (Parfumeur) ce sont des poudres que les Gantiers tirent des fleurs ou des drogues aromatiques, comme la poudre de violette, la poudre de Chypres, & autres. Elles servent à donner de l’odeur aux poudres à cheveux.
POUDRE, (Tannerie) c’est le tan pilé dont se servent les Tanneurs pour tanner leurs cuirs. Les cuirs forts reçoivent jusqu’à cinq poudres, c’est-à-dire, qu’on y remet cinq fois de nouveau tan.

Autrefois, le Maine et le Haut-Anjou étaient pays de Forges, et qui dit forges, dit forêt. A côté de ces forêts vivaient aussi un nombre incalculable de marchands tanneurs, sur lesquels je reviendrai longuement souvent car je les connais bien… Voici un contrat fort intéressant car il montre le lien entre forges et tanneurs, par la forêt. Il illustre également comment la fabrication de tan aidait singulièrelement les maîtres de Forges, puisqu’ils prenaient la coupe de bois à leurs frais.

  • L’acte notarié qui suit est extrait des Archives Départementales de la Mayenne, série 3E
  • Voici la retranscription intégrale de l’acte : Le 9 février 1685 après midy, par devant nous Pierre Poulain, notaire royal résidant à Laval, furent présents et établis, Julien Delépine et Gervaise (forme utilisée autrefois pour Gervais) Touchard marchands poudriers demeurants au forsbourg de la Rivière à Ste Suzanne, étant de présent en cette ville d’une part, et Jean Briceau aussi marchand poudrier demeurant audit forsbourg de la Rivière à Ste Suzanne, étant aussi de présent en cette ville, d’autre part, entre lesquelles parties après soumission requise a été fait ce qui suit
    c’est à scavoir que lesdits Delepine et Touchard ont vendu et par ces présentes vendent audit Briceau l’écorce du nombre de 10 arpents et demi de bois taillis (l’arpent est une ancienne mesure agraire qui vaut 100 perches carrées, mais la perche a des dimensions essentiellement variables, ce qui met l’arpent de 12 ares à 50 ares, voire plus, le tout selon les régions, et j’ignore celui de Chemiré en Charnie) faisant partie de l’écorce du nombre de 40 arpents de bois taillis que lesdits Delepine et Touchard ont acheté du Sr du Grand Jardin Me des Forges à Chemiray (Chemiré-en-Charnie), suivant l’écrit que lesdits Delépine tant pour lui que pour ledit Touchard a fait avec ledit Du Grand Jardin sous leurs seings de toute la vente de ladite écorce, lequel nombre d’écorce de 10 arpents et demi de bois ledit Briceau prendra dans un lot de bois nommé le Chêne creux situé dans la forêt de Bouillé où lesdits 40 arpents sont à prendre, et sera tenu de déclarer ledit Briceau auxdits Delepine et Touchard dans huitaine par quel côté il voudra prendre l’écorce dudit nombre de 10 arpents et demi de bois, et de continuer jusques à ce que ledit nombre lui soit fourni, laquelle écorce dudit nombre de 10 arpents et demi de bois ledit Briceau fera ôter de dessus ledit bois qu’il sera tenu de faire abattre à ses frais et dépens, en sorte que ledit bois sera abattu et pelé dans le jour de fête de St Jean Baptiste prochain,
    au moyen de ce que ledit Briceau a promis et s’est obligé de payer auxdits Delepine et Touchard pour ladite vendition d’écorce cy-dessus la somme 400 livres, savoir 100 livres dans le 1er jour de mai prochain, pareille somme de 100 livres dans la fête de Notre Dame Angevine, autre pareille somme de 100 livres dans la fête de Toussaint prochaine, et les 100 livres restantes dans la fête de Noël prochaine, à peine etc, ce que les parties ont ainsi voulu etc accordé dont les avons jugé etc
    fait et passé audit Laval ès présence de Jean Bellanger marchand et Jean Belot clerc praticien demeurant audit Laval – Signé Delespine, Briceau, Bellanger, Belot, Poulain

    Les forges des Chemiré (1494) et leur fenderie de Rochereuil (vers 1643) selon carte de l’évêché du Mans… publiée par H. Julliot, 1706, AN, NN 34716 (reproduite in  »La Métallurgie du Maine, de l’âge du der au milieu du 20e siècle, » Cahiers du Patrimoine, Inventaire Genéral, 1996)