Soldat de milice, Thorigné, 1689

La télé nous montrait récemment comment on achetait sous le manteau le numéro de permis d’un tiers pour se dédouaner de points en chute libre sur son propre permis. J’ai compris que c’était interdit mais que l’administration ne pouvait pas prouver qui était au volant.

Autrefois, on pouvait acheter un autre à sa place, en particulier pour partir à la milice : c’était tout à fait officiel, et nous avons déjà vu que cela était un marché passé devant notaire, donc par acte tout ce qu’il y a de plus authentique et officiel.
Naturellement, celui qui acceptait de partir à la place d’un autre avait pour seule motivation le besoin d’argent, et prenait le risque… Ici, il a femme et probablement enfants à nourrir… Lisez bien, il part pour que sa femme touche. Moi, j’en ai conclu qu’ils en avaient un besoin extrême, par contre j’ignore tous les détails de cette famille, en particulier le nombre de bouches à nourrir au moment des faits, c’est à dire le 15 mars 1689. Il s’agit de Pierre Planchet et Anne Houssin de Montreuil-sur-Maine.

L’acte qui suit est extrait des Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 5E12 – Voici la retranscription de l’acte, à l’orthographe très médiocre : Le 15 mars 1689 avant midy, par devant nous Pierre Bodere notaire de la baronnie de Montreuil-sur-Maine y demeurant furent présents en leurs personnes establiz deument soubzmis et obligez soubz ladite cour prorogeant juridiction d’icelle, chascuns de noble et discret Me René Rigault prêtre curé de la paroisse de Thorigné sur Maine, honorable homme René Nigleau Sr de Haut Aviré,
h. h. Pierre Jallot marchand et Jacques Nail procureur de la fabrice dudit Thorigné y demeurants, iceux establiz tant en leurs noms privez que pour et au nom et sa faisant forts du général des autres habitants dudit Thorigné, promettant qu’ils ne conviendront à ces présentes ains les approuveront touttefois et quantes à peine etc ces présentes néanmoings etc d’une part,

et Pierre Planchet demeurant au bourg dudit Montreuil d’autre,

entre lesquelles parties a esté fait l’acte convention et obligations suivants, c’est à scavoir qu’iceluy Planchet s’est obligé et s’oblige par ces présentes d’aller au service du roy en callité (on a la qualité qu’on peut !) de soldat pour la milice pour la paroisse de Thorigné pendant le temps et espace de 2 années entières parfaites et consécutives qui commenceront lundy prochain 21 du présent mois et à continuer pendant ledit temps, et sans pouvoir pour quelque raison que ce soit s’apsanter (on s’absente comme on peut ! mais ouvez que phonétiquement on est parfait) dudit service sur les peines portées par les ordonnances de sa Majesté,

pour lequel cervice (service) ainsi faire iceux susdits establiz esdits noms et un chacun d’iceux seul et pour le tout sans divition de personne et de biens ont promis

et se sont obligez habiller ledit Planchet dudit abit (habit) complet avec chapeau bordé, une père de bas (paire), un père de souliers neufve, un fuzil, une épée avec un ceinturon, le tout conformément aux ordres de sa majesté, lequel abit fuzil et épée ils deslivreront audit Planchet dans cette présente semaine,

et oultre de payer audit Planchet la somme de 55 livres tournois en argent et 40 boisseaux de blé mesure du Lion d’Angers, savoir 25 livres dans ledit jour de son départ, et les 30 livres et ledit blé à Anne Houssin femme dudit Planchet, jusque à parfait poimant (paiement), sera de mois en mois à conter (compter) dudit jour de lundy prochain trente sols et 2 boisseaux de blé, et lors dudit poimant ladite Houssin en consentira acquits qui vaudront comme si fait estoit à la personne dudit Planchet,
à leffait (l’effet) de quoy il l’a des à présent authorisée avecq protestations faite par ledit sieur Rigault et establiz tant pour eux que pour le général des autres habitants de rendre responsable en privé nom ceux qui ont esté nommez pour servir à ladite milice, et de leur faire payer ladite somme et blé cy-dessus tant en principal que tous accessoirs pour cestre apsantez (s’être absentés) de ladite paroisse après ladite nomination, ce qui a obligé iceux establiz de conquester ledit Planchet et convenir avecq luy du prix cy-dessus attendu la nécessité pressante dudit soldat, pour ladite paroisse,

car les parties ont le tout respectivement ainsi voulu consenti et stipulé et accepté, à se tenir etc s’obligent solidairement comme dit est chacun en leur égard savoir lesdits establiz esdits nom au poiment desdites choses et ledit Planchet par corps comme pour les affaires de sa Majesté, à l’accomplissement de ce qui dit est le tout à peine etc renonçant etc dont etc
fait et passé audit Montreuil à notre tabler ès présence de vénérable et discret Me Jacques Jallot prêtre sacriste audit lieu, Jacques Bonjour tissier et François Lucas hoste demeurant audit Montreuil tesmoings, ledit Planchet a déclaré ne scavoir signer. Constat, por les 14 sols à quoy ils ont conveneu pour la semaine présente ledit Sr Curé les a présentement payées audit Planchet dont il se contente.

Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet seule une citation ou un lien sont autorisés.

Jean Martin, d’Ancenis, soldat de milice pour Montreuil-sur-Maine, en 1701

« mis au chapeau ». Retenez bien l’expression, car il illustre un faux tirage au sort, que voici :

Le 20 novembre 1688, (c’est alors la guerre de la Ligue d’Augsbourg) les intendants reçoivent l’ordre de lever dans chaque paroisse, en fonction de sa contribution à la taille, des célibataires de 20 à 40 ans. La population rurale va être très affectée par cette mesure.
Le soldat de milice, ou « milicien » est équipé et soldé par sa paroisse.
Le tirage au sort fut institué le 23 décembre 1692. Des garçons se précipitaient dans le mariage tandis que d’autres se mutilaient.
Je lis dans le Dictionnaire de l’Ancien Régime de Lucien Bély (PUF, 1996, p.831) que pour être exempté il fallait mesurer moins de 5 pieds. Le pied de roi ou pied de Paris fait 32,483 cm, ce qui donnerait 162,4 cm. Cela me semble bien grand car du temps où je relevais des rôles d’incorporation début 19e siècle, les garçons de moins de 150 cm n’étaient pas rares du tout ! Je reste donc sur un grand point d’interrogation !
On pouvait aussi être exempté pour raison familiale (fils unique), sociale (domestique de noble ou d’ecclésiastique) et économique (manufactures royales).
Les familles des garçons se cotisaient pour engager un volontaire à leur place. Celui-ci remplaçait un milicien désigné.

A Montreuil-sur-Maine (49), en 1689, lors du tirage au sort tout nouveau (sans doute même le premier, voyez ci-dessus), un incident éclate : celui qui a tiré le billet noir refuse de partir. Cet incident a dû marquer profondément la paroisse, car si je ne dispose pas de la suite de cet incident, tout laisse à penser qu’il y eut des poursuites, puisque le garçon devenait de fait un déserteur. Cet incident explique ce qui va suivre.

En 1701, le volontaire de Montreuil-sur-Maine est listé dans le rôle avec les garçons qui sont appelés à tirer, et on s’est alors arrangé pour que ce soit lui qui tire le billet noir. Il vient d’Ancenis. La paroisse, unanime, s’est organisée pour un simulacre de tirage au sort, qui désignera le volontaire qu’elle a engagé. Bel exemple de détournement de la loi !

A Montreuil, chaque garçon de Montreuil a versé la même somme, sans distinction de fortune, pour payer le volontaire engagé par la paroisse, représenté par les membres de la fabrique. Cette somme est de 3 L par graçon, et elle est élevée pour une famille pauvre.
Ce procédé de substitution (absence de tirage au sort réellement effectué, et paiement d’un volontaire de remplacement) sera interdit le 12 novembre 1733. Il est connu sous le nom de « mettre au chapeau », sans doute par allusion au chapeau dans lequel étaient mis les billets pour tirer au sort ?
A ce propos, je n’ai pas bien compris comment un billet noir parmi des billets blancs pouvait être tiré au sort dans un chapeau. Avez vous une idée ?

Le document notarial du contrat d’engagement de Jean Martin pour la paroisse de Montreuil sur Maine en 1701 conserve plusieurs pièces intéressantes.

Outre le contrat proprement dit signé devant notaire par Jean Martin, la petite liasse donne le rôle des garçons de Montreuil-sur-Maine, qui est en fait un décompte village par village du nombre de garçons devant tirer au sort, et pami ceux-ci on a ajouté le volontaire, Jean Martin. Cette liste n’est pas nominative (ou très peu) mais recense en fait les célibataires tombant sous le coup de la loi et devant tirer au sort. Elle m’apparaît comme un document important sur le plan social, car la plupart de ces garçons sont des serviteurs d’un métayer ou closier. La lecture de ce document semble montrer que ces garçons auraient eu un peu plus de mal à se marier que les autres.

On a aussi la liste des garçons ayant payé, inscrits soit avec leur nom soit avec le lieu. Il faut dire qu’autrefois les personnes étaient souvent désignées par le lieu où elles demeuraient.
On voit que la somme est identique pour chacun d’entre eux, et se monte à 3 livres. Bien entendu cette liste donne les mêmes que la liste précédente, mais rédigée d’une manière nominative totalement différente. Il semble qu’elle ait été faite après la fausse cérémonie du faux tirage au sort, lorsque tous les garçons furent d’accord pour payer à part égale le volontaire.

On dispose aussi dans cette mini-liasse, d’un document fort intéressant qui est le compte du notaire pour ses frais. Il est fort rare de trouver des frais de notaire. Tout comme les frais de notaire actuels, ils se composent en 1701 du papier timbré et des frais propres au notaire. Donc, on apprend que pour avoir fait ce travail de greffier et notaire, il prend 3 livres qui lui reviendront net.
Un tel document, même s’il donne peu de chiffres, est rarissime, et je signale donc sur ma page notaires, déjà fort riche, son existence.

Ce compte nous apprend par ailleurs que 2 archers de la maréchaussée d’Angers sont venus apporter à Montreuil l’ordre de de départ, et ils ont facturé ce déplacement 3 L, que 2 membres de la fabrique ont conduit Jean Martin à Angers et ce déplacement est facturé 6 L 15 s

Je considère personnellement que cette ponction sur les paroisses étaient un impôt, et j’ai donc mis sur ma page impôts, les anecdotes diverses que j’ai déjà sur ces soldats de milice.

Bonne journée. Les apothicaires d’Angers en 1559 arrivent…

Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet Merci d’en discuter sur ce blog et non aller en discuter dans mon dos sur un forum ou autre blog.

Rôles de taille, du sel, de l’ustencile, des soldats de milice, etc… sur mon site

Au cours de mes recherches notariales, j’ai relevé un grand nombre de rôles d’impôts, fort variés, et fort anciens. J’avais dû mal mettre les liens sur mon billet d’hier car Elisabeth ne les a pas vus.
Le but d’un billet est uniquement de mettre au courant des nouveautés sur mon site, et les liens que j’y mets vous permettent de revoir le sujet sur le site (enfin, je l’espère).
Les liens apparaîssent en autre couleur, et s’ils ne fonctionnent pas merci de me signaler. Voici donc à nouveau les liens sur les impôts étudiés sur mon site :

  • Voir ma page sur les impôts, tels que je les ai découverts. Cette page n’est pas exhaustive bien sur, seulement le reflet de mes travaux personnels.
  • Voir ma page sur la taille.
  • Voir ma page sur le sel, car j’ai beaucoup sur cet impôt
  • Je vais tenter ce jour de récapituler tous ces nombreux rôles, qui sur mon site, à chaque paroisse ayant la chance d’être concernée.
    Je conçois qu’il vous faut un vision de mon site plus claire, mais je gis totalement KO pour cause de grève des taxis ayant bloqué le plus long périf de France (48 km), puis nuit également mouvementée faute des mêmes, pour départ aéroport d’une soeur Nordiste (se suis Sudiste du périf) à 4 h et tout le périf a me tapper par brouillard nocturne, y compris le pont de Cheviré. En ais usé toute mon énergie, et un réservoir entier de ma Clio… Mes idées seront plus claires dans 24 h.
    A demain. Autrefois les charettes n’avaient que des chemins plein de boue et d’ornières, mais je ne suis pas certaine parfois que je vis une période de progrès…

    Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet Merci d’en discuter sur ce blog et non aller en discuter dans mon dos sur un forum ou autre blog.