Clément Gault de la Grange avait 2 signatures : l’une de bourgeois Angevin, l’autre imitant la noblesse à Paris

Mon précédent billet vous donnait l’existence de 2 René Gault de la Grange que j’identifiais grâce à leur signature, l’une typique d’un bourgeois Angevin l’autre imitant la noblesse.
Or, je tente de reconstituer à travers tout ce que nous avons trouvé, Mr Xavier Christ et moi-même, la vie de Clément Gault de la Grange. Clément Gault de la Grange a quitté l’Anjou parce qu’issu d’une fratrie qui comportait plusieurs garçons. Il  n’y avait alors aucune place pour les puinés. On lui connaît comme frères au moins René Gault sieur de la Grange et Jean Gault sieur de la Coueslonière. Son frère René a fait aussi un départ pour une carrière à Paris, tandis que Jean est resté en Anjou.
Aucun acte, que ce soit les registres paroissiaux ou les minutes notariales ne permet de dater sa naissance, mais on peut la supposer avant 1587.
Il apprend à lire, écrire, compter etc… comme tous les garçons et aussi les filles de la famille Gault, probablement avec un précepteur ou en famille ou à la cure comme à cette époque. Dans ces familles bourgeoises le savoir était surtout orienté à la gestion des biens, et ces connaissances vont lui être utiles dans ses postes près des familles nobles qu’il va servir, ainsi il est sen 1614 intendant de la famille de Beaumanoir.
On sait aussi qu’il sait déjà aussi bien signer que les autres Gault de Pouancé avant de partir puisqu’on retrouve cette signature typique des bourgeois d’Anjou sur l’acte d’obligation qu’il vient passer à Angers en 1613 alors qu’il vit depuis plusieurs années au loin, et qu’il est seulement revenu emprunter de l’argent. D’ailleurs, cette somme de 2 400 livres était vraisemblablement destinée à l’achat d’une charge, laquelle lui a manifestement été utile pour son imitation du monde noble.
En 1612 il a adopté à Paris une tout autre signature qui ressemble étrangement à celle de René Gault de la Grange, lui aussi parti à Paris. Cette signature se différencie de celle des bourgeois Angevins, par l’omission de l’initiale du prénom, et l’omission de la fioriture, et par contre l’ajout du nom de la terre, ce qui ne se faisait pourtant pas chez les nobles Angevins, sauf les très élevés dans la hiérarchie noble. Donc, quand il vient à Angers en 1613 emprunter 2 400 livres, il masque sa signature « Parisienne », et reprend son ancienne signature bourgeoise Angevine.
Vous aviez hier sa signature parisienne que voici pour mémoire :

et pour mémoire aussi voici sa signature de bourgeois Angevin en 1613 :

Les 2 frères sont montés à Paris facilement car Pouancé est au temps de leur enfance possession de la famille de Cossé, et bel et bien habité, même pendant les guerres de religion, il est tenu par 50 hommes d’arme. Nous possédons encore une gravure datant d’un siècle plus tard, qui nous donne l’importance de cette place forte, rempart autrefois devant la Bretagne et la frontière où gabelous et autres trafiquants tentent de passer.

Pouancé était donc en contact avec beaucoup d’hommes et officiers de régions variées.  Le but de ce billet n’est pas de refaire pour vous l’histoire de Pouancé, mais de vous faire voir qu’il y a eu des personnes qui ont eu 2 signatures différentes, et ici manifestement dans un but d’élévation sociale.

 

Pouvoir de Françoise Gault pour recevoir de Maurice Barré 7 000 livres : Valpuiseaux (91), Bunou 1650

L’acte qui suit a été relevé par Xavier Christ le 6 juin 2022 aux ANF cote M° PIERRE II HUART MC/ET/XLIX/328  voici ma retranscription précédée de mon analyse car l’acte et ses circonstances sont compliquées.
Le but de cette recherche est de trouver la filiation de Clément Gault de la Grange, qui a vécu à Valpuiseaux. Françoise de Gault est fille de défunt Clément Gault de la Grange et épouse d’Isaac de Bonneval. Ici elle donne pouvoir à son mari pour recevoir de Maurice Barré époux de Catherine Gault 7 000 livres. Voici ce que nous apprend l’acte :

  • Elle vit à Bunou près Valpuiseaux à l’est d’Etampes, et Maurice Barré à Pouancé, mais l’acte ne précise pas ou les 2 hommes vont se renconter, à Paris ou à Pouancé, ni quand ni comment.
  • Les 2 hommes se sont déjà rencontrés car elle a déjà reçu de Maurice Barré de l’argent : « et ce pour demeurer quitte de pareille somme et intérests que ledit sieur de Bonneval et ladite dame constituante et ledit sieur de St Phal doivent audit Barré et sa femme comme héritière de defunt René de Gault chevalier sieur de la Grange »
  • Ces échanges d’argent sont au titre de la succession de défunt René Gault sieur de la Grange, or je sais depuis longtemps par preuves d’actes notariés divers être frère de Catherine Gault l’épouse de Maurice Barré, et qu’il est décédé en mars 1646 sans hoirs.

Il s’agit donc d’une succession collatérale à des neveux, ce qui mettrait Clément Gault de la Grange frère de René Gault de la Grange. Le défunt avait prêté de l’argent au duc et la duchesse de Mayenne, or à cette période du duché cela ne va pas très fort, la famille de Lorraine ici éteinte a passé le duché à la famille alliée de Gonzagues, et à nouveau un deuil fait que tout y est complique dans la succession du duché, ce qui explique sans doute les difficultés rencontrés par les héritiers de René Gault de Grange à se faire rembourser. Et, pour mémoire, c’est Mazarin qui rachète le duché en 1656, sans doute une affaire car ses propriétaires étaient mal en point ! Quant à Maurice Barré c’est un gestionnaire de métier, et un bourgeois aisé dont je vais vous reparler. Pour poursuivre autrefois les impayés en justice, il fallait payer bien plus qu’un avocat, car les frais de justice étaient avancés par le plaignant et ensuite à la charge du perdant, mais incluaient tous les frais des juges, greffiers etc… ce que nous avons de nos jours gratuitement. Ceci pour que vous réalisiez le travail et les mises faites par Maurice Barré.

« Le samedi 3 septembre 1650[1] Par devant Georges Sourseau notaire royal au bourg et paroisse de Boigneville et dépendance sous le principal tabellion royal d’Estampes, fut présent en sa personne dame Françoise de Gault femme et espouse de messire Isaac de Bonneval chevalier seigneur de Chantambres, la Grange sans terre, Le Valpuiseaux, Bunou en partie, demeurant audit Chantambre paroisse dudit Bunou, à ce présent et acceptant, lequel seigneur a dès à présent autorisé et autorise pour faire et lui passer la procuration qui s’ensuit premièrement ladite dame a donne plein pouvoir audit seigneur son mari de recevoir pour lui et elle de Maurice Barré écuyer sieur de (blanc) et damoiselle Catherine de Gault sa femme, la somme de 7 000 livres tournois que iceluy Barré a cy-devant promis de donner tant audit sieur de Bonneval que à ladite constituante et à monsieur de St Phal leur beau-frère, faisant partie de la somme de 20 849 livres 15 sols procédant de la vente des biens faite par les héritiers de défunt monsieur le duc et de madame la duchesse de Mayenne de ladite somme donnée par ledit Barré, en donner quittance tant au nom de ladite constituante que dudit sieur de Bonneval en s’obligeant solidairement avec lui en faire part audit sieur de St Phal au nom et comme tuteur de ses enfants et de defunte Anthoinette de Gault sa femme, laquelle quittance qui sera donnée par ledit sieur de Bonneval tant en son nom que en vertu des présentes, ladite constituante veut et entend valoir tout ainsi que si en personne elle l’avait donnée, sur laquelle somme de 7 000 livres ladite dame constituante a constenti et consent que ledit Barré retienne par ses mains la somme de 4 000 livres qu’ils lui doivent par contrat en forme de transaction du 12 septembre 1942 et sentence de messieurs des requestes du palais du 12 juillet 1645 d’une part, ensemble les intérests adjugés par ladite sentence échus et qui échoiront jusques au 8 du présent mois montant à la somme de 1 148 livres 6 sols 6 deniers et ce pour demeurer quitte de pareille somme et intérests que ledit sieur de Bonneval et ladite dame constituante et ledit sieur de St Phal doivent audit Barré et sa femme comme héritière de defunt René de Gault chevalier sieur de la Grange, comme aussi ladite dame a donné pouvoir audit sieur de Bonneval son mari accoder et consentir que au cas que ledit sieur Barré et sadite femme leurs enfants ou héritiers fussent poursuivis pour rapporter ladite somme de 20 845 (f°2) livres 15 sols avec les intérests par les héritiers ou créanciers desdits deffunts sieur et dame de Mayenne ou par autres, ladite constituante et ledit sieur son mari seront tenus se joindre avec eux pour l’empescher et pour se faire fournir aux frais et despens qui conviendront pour s’en défendre pour leurs parts et portions sollidairement mesme en cas de condamnation contre lesdits Barré et sa femme enfants ou héritiers rapporter ladite somme de 7 000 livres donnée par ledit Barré et intérests d’icelle, comme pareillement audit cas s’obliger de rembourser audit sieur Barré la moitié de tous et chacuns ses despens par sus faites qu’elle recognait avoir esté entièrement par lui advancés tant ordinaires que extraordinaires qu’il a convenu faire au chastelet et en la cour de parlement à Paris pour parvenir à l’obtention des sentences et arrests de ladite cour mesme pour recevoir des receveurs des consignations la susdite somme de 20 849 livres 15 sols selon l’état qui en sera fourni auquel elle adjoute pleine et entière foi qui sera paraphé de la main dudit sieur de Bonneval et des notaires du chastelet de Paris qui insèreront la quittance qui sera donnée en vertu des présentes et à ce que dessus oblige ladite dame constituante avec sondit mari un seul et pour le tout sans division etc et pour l’exécution des présentes eslire domicile celui que ledit sieur de Bonneval eslira et à l’exécution de ce que dessus donne pouvoir à sondit mari de s’obliger solidairement avec lui un seul et pour le tout sans division ni discussion de biens etc comme promettant obligeant renonçant etc fait et passé au moulin de Mau paroisse dudit Boigneville après midi en présence de maistre Louis Duret maistre tailleur d’habit demeurant à Paris estant présent audit lieu, et maistre Georges Breton demeurant à Bunou tesmoings, lesquelles parties et tesmoings sont signé avec nous notaire le samedi 3 septembre 1650 »

 

[1] ANF-M° PIERRE II HUART MC/ET/XLIX/328  du 6.9.1650