Réponse à la question « mon ancêtre était aubergiste et sergent »
Si votre ancêtre exerce 2 métiers, c’est que ni l’un ni l’autre n’assurent de revenus suffisants, ou une occupation à plein temps… Le cumul des emplois était très fréquent autrefois, car nombre d’entre eux, surtout dans le milieu rural, ne permettait pas toujours de survivre. Le cumul n’est pas rare de nos jours, et si on ajoute le travail au noir actuel, il est même assez important. En 2008, et ceci n’est qu’un exemple parmi d’autres, on peut avoir un emploi déclaré et tenir gîte déclaré, ce qui est comparable au cas que vous citez. D’ailleurs, j’ose dire qu’il vaut mieux avoir un autre emploi dans ce cas… car le gîte est le plus souvent un complément de ressources, etc…
Revenons à l’Ancien Régime : même un métayer du Haut-Anjou, aisé et bien occupé par la surface à cultiver, occupe la saison d’hiver par divers travaux (j’y reviendrai). Mon boucher à Segré, relativement aisé, est aussi fermier de campage, comme les appelle si joliement Toisonnier, c’est à dire gestionnaire de biens pour un propriétaire vivant au loin.
La question posée « mon ancêtre était aubergiste et sergent » semblait en forme d’étonnement qu’un sergent soit obligé de tenir auberge pour vivre, et vice-versa. Il semble que beaucoup d’entre vous aient donc des images toutes faites sur le niveau de vie de chacun, et j’impute ceci à la manière dont on nous apprend l’histoire. Pour moi, dans les années 50, ce fut une catastrophe, car lorsque j’ai commencé les notaires, j’ai dû oublier un grand nombre d’idées qu’on m’avait inculquées…
C’est grâce à l’ouvrage de Michel Nassiet, Noblesse et pauvreté, la petite noblesse en Bretagne XVe- XVIIIe siècle, SHAB 1993 que je suis parvenue à me débarasser de toute cette scorie que j’avais dans les neurones.
Cet historien actuel brosse un portrait saisissant de la petite noblesse en Bretagne et montre comment et pourquoi elle s’appauvrissait. Ainsi, selon Michel Nassiet, même les closiers peuvent descendre de nobles. Or, j’ai déjà rencontré ces cas en Haut-Anjou, qu’il cite en Bretagne.
On m’avait appris l’existence de nobles donc riches, mais on avait omis de me préciser qu’il s’agissait de l’aristocratie, couche très aisée de la noblesse, qui représentait un faible pourcentage de tous ceux auxquels on a joyeusement coupé la tête sous prétexte. Et je ne parle pas de la riche bourgeoisie, se comportant souvent beaucoup plus durement que les nobles pour engranger les cens, rentes et autres devoirs féodaux.
Regardez bien cette maison, elle est dite gentilhommière, sur cette carte postale des années 1905 environ. Or, un gentilhomme est un noble. Ces petits gentilshommes n’étaient pas si rares, et, parlant de noblesse qui s’appauvrissait aux 15 et 16e siècles, nous arrivons tout droit à l’auberge et la taverne, car ce sont des activités non dérogeantes. Une activité non dérogeante permet au noble de conserver la noblesse, tout en exerceant cette activité.
Vous savez maintenant que beaucoup de gentilshommes s’appauvrissaient et certains, qui possédaient chambre haute (souvenez vous de la chambre haute) ouvrirent leur maison à titre payant.
Cliquez sur l’image pour l’agrandir :Collections privées – Reproduction interdite, y compris sur autre lieu d’Internet comme blog ou site.
Cette auberge illustre la gentilhommière tenue au 16e siècle environ par un gentilhomme fauché qui ouvrit sa porte au gîte et couverts payants au lieu de l’hospitalité gratuite. Par la suite, les auberges et hôtelleries furent acquises par des roturiers.
Auberge ou hôtellerie offrent le gîte et le couvert, taverne ou cabaret offrent seulement la boisson au détail.
AUBERGE. s. f. Maison où l’on donne à manger à tant par repas, & où on loge en chambre garnie.
HÔTELLERIE. s.f. Maison où les voyageurs & les passans sont logés & nourris pour leur argent.
TAVERNE. s. f. Cabaret. Lieu où l’on vend du vin en détail (Dictionnaire de L’Académie française, 1st Edition,1694)
Auberge et hôtellerie sont à mon sens équivalents, même si beaucoup d’auteurs prétendent le contraire, et il s’agit plutôt de variantes de vocabulaire local, car elles ont tous deux la même fonction. De même pour taverne et cabaret, mais cette fois seulement débit de boissons (cidre, vin, eau-de-vie)
Et le sergent dans tout cela ? Il viendra la semaine prochaine … à bientôt, et souvenez-vous, je parle de ce que je connais, le Haut-Anjou, or, la France d’alors est si diversifiée que rien n’est transposable ailleurs sans de grandes vérifications au préalable.
Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet Merci d’en discuter sur ce blog et non aller en discuter dans mon dos sur un forum ou autre blog.