Si le prieuré
est aujourd’hui conservé, nul doute que certaines dates ont marqué leur
empreinte depuis plus de 8 siècles, de la fondation en 1194 à la sauvegarde
en cours. En voici le fil.
De
retour de croisade, un certain Geoffroy Lostoir, en latin « Ostorius » fonde
en 1194 près de son château, sur la rive gauche de l’Oudon, une chapelle
nommée « Jailleta » sur une importante voie de passage : le Grand Chemin
d’Angers à Craon, que la voie moderne ignore aujourd'hui.
Nul
ne sait à ce jour qui était ce seigneur.
On
sait qu’il n’a pas de postérité, car il n’est entouré que de neveux et d’amis.
Ces
derniers, généreux, dotèrent bientôt largement le prieuré naissant. Très
largement… tant et si bien que ces largesses firent par la suite l’objet
de convoitises.
Le
prieuré fut aussitôt confié à l’abbaye du Mélinais, fondée près de La Flèche
par Regnault, disciple de Robert d’Arbrissel. Ces moines Augustins, s’engagent
à y entretenir 6 religieux.
Cloître
et église s’élevèrent bientôt, tels que l’on peut encore les voir,
tandis qu’un bourg s’y développait et prospérait.
Survint
la guerre de 100 ans et son lot de désastres. Partout à la ronde les prieurés,
nombreux, furent désertés… et les abbayes ne furent pas épargnées.
L’abbaye
du Mélinais, dont dépendait le prieuré de la Jaillette, se remettait mal
de ces calaminités guerrières. En 1428, son temporel se trouve si réduit,
que l’abbé du Mélinais convoite le temporel de la Jaillette pour redresser
sa situation financière. Convoitise toute excusée par le plus faible recrutement
monastique, qui nécessite un regroupement des religieux !
L’abbé
du Mélinais obtient du pape par bulle, la fusion du prieuré à l’abbaye :
« 1428 : Bulle du pape Martin V, adressée au chantre de l'église d'Angers
et lui donnant pouvoir de prononcer l'union du prieuré de La Jaillette,
avec ses fruits et revenus, à l'abbaye de Mélinais, dépouillée d'une partie
de ses ressources par les guerres, troubles et calamités de toutes sortes
qui ont été et sont encore en ce pays, ainsi que l'a exposé, dans sa demande
au Saint-Siège, Guillaume, abbé dudit Mélinais. Datée, à Rome, des nones
de mars, 11e année du Pontificat » (AD72-H483 - Original. Bulle perdue).
Ainsi,
l’abbé du Mélinais devient « prieur de la Jaillette » en titre. Il afferme
le temporel à un prêtre, qui maintiendra le service divin. Au fil
du temps le bail est parfois mixte, un fermier laïque pour gérer le temporel,
et un desservant pour le service divin.
Henri
IV autorise en 1603 le retour en France des Jésuites expulsés en 1594 par
le Parlement. Leur départ avait contraint la noblesse et la bourgeoisie
à envoyer parfois leurs à l’étranger, faute de collèges.
L’enseignement
secondaire au plus mal, et les Jésuites seuls capables de le prendre en
charge, leur retour s’impose. Prudent, le roi leur fixe quelques bornes
et les villes où ils vont créer de nouveaux collèges, leur interdit d’acquérir
aucun immeuble, recueillir aucune succession ni donation. Mais ils ne les
laissent pas les mains vides, et dote les collèges autorisés d’un patrimoine
consistant.
A
La Flèche, il donne le Château Neuf de sa grand mère, Françoise d’Alençon,
qui constituera le noyau historique des batiments d’enseignement du nouveau
collège. Et, il ajoute quelques fleurons du bénéfice ecclésiastique local.
Le
15.1.1618, l’abbé du Mélinais doit partager avec les Jésuites. C’est ainsi
que le prieuré de la Jaillette est annexé au Collège royal de La Flèche,
avec quelques autres prieurés.
Le
patrimoine constitué au Collège le met à l’abri des soucis financiers, puisqu’il
dégage dès le début 20 000 F par an. Cette somme est bien supérieure aux
besoins, aussi les Jésuites ne tardent pas à faire d’importantes acquisitions
foncières…malgré l’interdiction.
En
1683, Jehan d’Andigné Sgr de Sainte Gemmes, qui possède la Métairie de la
Jaillette décède sans héritiers, et les Jésuites acquièrent son fief contre
une rente de 650 L/an. Ils obtiennent même en 1684 de M. d’Andigné de Ribou
qu’il renonce au retrait lignager.
Les
deux fiefs de la Jaillette, celui du prieuré Notre Dame de la Jaillette,
et celui de la Métairie de la Jaillette, séparés en 1194 par Geoffroy Lostoir,
étaient enfin réunis.
Mais
en 1762, les Jésuites sont à nouveau expulsés, et le Collège Militaire institué
en 1764, ad-ministré par un Bureau de notables. Il dure trop peu de temps
pour mener à bien sa gestion, car en 1776 le Collège est confié aux Frères
de la Doctrine Chrétienne.
Pourtant,
ce fut ce bref bureau d’administration (1764-1776) qui sut prendre les meilleures
décisions en matière de sauvegarde du patrimoine qui lui était confié. Les
biens immobililiers, dont ils avaient hérité, avaient des besoins urgents
de réparations.
Le
22.8.1767, les réparations de la maison du prieuré de la Jaillette, du desservant
l’église de la Jaillette, des métairies de la Rosselle à Montreuil, de la
Chasselouère, du Grand Pineau, de la Mortière et la closerie de la Vauvelle
en St Martin du Bois, sont adjugées à René Chevrolier charpentier à Segré
La Magdeleine à 6 900 L, qui a mis au prix le plus bas et qui a une vingtaine
d’ouvriers de différents métiers et paroisses.
Le
prieuré de la Jaillette devenu Bien National, l’église et le cimetière sont
adjugés aux paroissiens de Louvaines. Le logis du prieur et les métairies
sont mis aux enchères. Le logis du prieur passe à la famille Faultrier qui
en assura la gestion une grande partie du 18e siècle. Il n’était plus résidence
du marchand fermier depuis les années 1780, et était devenue simple exploitation
agricole.
Tandis
que sa riche voisine, l’abbaye de Nyoiseau est dépecée pierre par pierre,
le prieuré de la Jaillette est religieusement conservé par les habitants
de Louvaines et de la Jaillette, tandis que le service divin y est maintenu
jusqu’au milieu du 20e siècle.
Ce
service qui justifia la conservation de l’église depuis sa construction.
Aujourd’hui,
8 siècles après le chevalier fondateur, un chevalier d’industrie restaure
le prieuré, tandis que les Monuments Historiques veillent au grain…