Le code de déontologie médicale autrefois, face à la mort. Ordonnance de Louis XIV en date du 8 mai 1712

Les droits des malades ont toujours évolué. De nos jours, depuis les lois de 2002, l’accent est mis sur la prise en compte de la douleur, la dignité du patient. Les relations entre patients et médecins sont plus clairement définies, mais le sujet n’’est pas épuisé, le débat continue…
Ainsi en est-il de l’information du malade sur son état et le Code de déontologie médicale actuel précise :

« Le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseille, une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension » (art. 35)

En effet, en cas de départ prochain, bon nombre d’entre nous souhaite mettre de l’ordre dans ses affaires temporelles et spirituelles. Mais pour cela, encore faut-il être prévenu, et il semble que nous allions dans le bon sens… Mais qu’en était-il autrefois ?

Si vous avez eu le temps de parcourir des testaments d’antan, vous aurez vite compris le poids des affaires spirituelles. C’est qu’en effet, l’église catholique avait une arme absolue, l’enfer, pour tous ceux qui partiraient en état de péché mortel… et même le refus d’inhumer en terre bénie, c’est à dire le cimetière (ou l’église), et à cette époque, ne pas être inhumé en terre bénie était infamant, alors qu’aujourd »hui, en ville comme celle de Nantes, nous avons dépassé 60 % de taux de crémation, et le taux de cendres dispersées est élevé. Donc, il nous sera bientôt très difficile de comprendre cet attachement de nos ancêtres à une bonne mort et à un enterrement en terre bénie.

Sous l’ancien régime, les derniers sacrements représentent pour l’ensemble de la population le temps fort de la vie religieuse, et mourir sans le secours d’un prêtre est la pire chose qui puisse arriver. Avec le prêtre en effet, on peut se confesser et recevoir l’extrême-onction. En se confessant on peut se soulager de ses péchés, et se réconcilier avec Dieu.

Donc, pour une bonne mort, il faut absoluement voir le prêtre pendant qu’il est encore temps. Ce qui signifie qu’il faut des prêtres partout, et toujours disponibles, de jour comme de nuit, et surtout savoir quand l’heure est proche.

Et nous voici revenus au début de ce billet. Comment savoir si l’heure est proche ?
En 1712, Louis XIV a 74 ans. Il s’est rapproché de Dieu, à ce que l’on dit. Il songe sans doute que ses jours sont désormais comptés. Il y songe même tellement, que voici la plus singulière de ses ordonnances :

L’ordonnance de Louis XIV, datée du 8 mai 1712, prescrit aux médecins d’avertir dès leur seconde visite les malades en danger de mort de se confesser, et en cas de refus de la part de ceux-ci ou de la part des parents, d’avertir le curé de la paroisse ou d’en retirer un certificat portant qu’il a été averti. La même ordonnance défend aux médecins de visiter leurs malades le troisième jour, s’ils n’y sont autorisés par le confesseur satisfait. Les contrevenants seront condamnés pour la première fois à 300 livres d’amende ; interdits de toutes fonctions pendant trois mois, au moins, à la seconde fois, et pour la troisième, déclarés déchus de leurs degrés, et rayés du tableau des docteurs.

Vous avez bien lu : si on n’a pas fait venir le prêtre, le médecin a l’obligation légale d’avertir le curé.
Mais dans tout cela, où sont nos chirurgiens ? Nous savons maintenant que ce n’est qu’en 1730, donc après Louis XIV, que l’on va se soucier de remonter leur niveau et peu à peu exiger d’eux un brevet etc… (voir les précédents billets en écrivant chirurgien dans la fenêtre de recherche à droite de ce billet). Pourtant, nous savons maintenant qu’en campagne, il n’y a que des chirurgiens, fort rarement des médecins, et même lorsqu’il y a un chirurgien, ce qui est loin d’être le cas de toutes les paroisses !
Alors ne me demandez pas comment on pouvait appliquer l’ordonnance car moi-même je n’ai pas compris si elle s’appliquait aux chirurgiens, et si Louis XIV, depuis Versailles, savait comment on soignait dans les campagnes françaises ?

De vous à moi cependant, je pense sincèrement qu’il a oublié toutes les campagnes et tous les chirurgiens, car il ajoute à la fin de l’ordonnance qu’ils seront déchus de leurs degrés, mais pour cela faut-il encore avoir des degrés, et nous savons que les chirurgiens n’en avaient pas à l’époque, et que la date qui marquera le début d’un changement progressif est 1730.

Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet Merci d’en discuter sur ce blog et non aller en discuter dans mon dos sur un forum ou autre blog.

Le petit et le grand cimetière, à travers nos registres paroissiaux de l’ancien régime

« Les jeunes médecins font les cimetières bossus, se dit pour signifier que les jeunes médecins, avant d’avoir acquis de l’expérience, sont la cause de la mort de beaucoup de personnes. » Proverbe, in Littré, Dictionnaire de la langue française, 1877

Voilà une belle liaison avec le billet d’hier.
L’objet du présent billet est de comprendre la différence entre le petit et le grand cimetière.
Le lieu normal de sépulture est le cimetière. Je précise « normal », car l’objet de ce billet n’est pas l’église elle-même qui fera l’objet d’un autre billet tant j’ai dépouillé de sépultures d’antan et d’inhumations dans l’église.
A l’origine, le cimetière est toujours attenant à l’église, afin que ceux qui n’ont pas le privilège d’être inhumés dans l’église soient au plus près (au plus près du lieu saint). Certains paroissiens demandent même à ce que leur tombe soit adossée au mur de l’église, faute de pouvoir être dedans…
Or, dans certaines paroisses, les actes de sépulture font une distinction entre le « grand » et le « petit » cimetière.

Théoriquement, le grand est celui des grandes personnes, et le petit celui des enfants n’ayant pas encore fait leur communion.
Il s’agit le plus souvent d’un unique cimetière, dans lequel un endroit est défini pour les grands, l’autre pour les petits, d’ailleurs, les habitués des cimetières actuels, ont remarqué des carrés réservés aux enfants, avec ces petites tombes blanches, et ces petits angelots dessus…
Mais dans la pratique, cette distinction entre grandes personnes et enfants n’est pas toujours respectée, et si vous lisez beaucoup d’actes de sépultures, vous en aurez vite la certitude.
François Lebrun constate la même chose dans son ouvrage « Les hommes et la mort en Anjou aux 17e et 18e siècles », et il ajoute que cette distinction ne présente pas un grand interêt.
Plus important à ses yeux, était le manque de respect de ces lieux sacrés.

Ils sont le plus souvent sans clôtures au 17e siècle, alors que nos cimetières actuels sont clos. Même les bestiaux y ont accès (d’ailleurs les bestiaux ont accès partout), et causent bien entendu parfois des dégâts. Les évêques ont bien du mal à sensibiliser les fidèles au respect de ces lieux, et prescrire des clôtures.
Et François Lebrun ajoute que ceci se passe même dans les villes, ainsi à Saumur en 1654, où il existe trois cimetières. Et,bien entendu, il s’y passe tout autre chose, peu respectueuses des lieux : bals, danses, jeux de boules (ceci à Montreuil-Bellay en 1659).
L’édit d’avril 1695 fait obligation aux fabriques de clôturer les cimetières, et ce n’est donc qu’au début du 18e siècle que les cimetières deviennent clos.

Dans les faits, le curé subissait des pressions de la part de certains paroissiens plus fortunés que d’autres, et les règles n’étaient donc pas toujours rigoureusement respectées. Le passe-droit est sans doute vieux comme le monde. Ainsi, à Marans, en pleine épidémie, durant laquelle certains sont même inhumés dans leur jardin tant personne ne peut les mener au lieu saint (ce qui est la dernière des infamies, et en écrivant ces mots je songe à toutes les victimes actuelles des catastrophes bien actuelles, avec respect !), on doit dans l’urgence créer un nouveau cimetière, un peu plus loin, dont le terrain est offert par un paroissien. Donc, on commence à y inhumer, mais parallèlement, probablement sous la pression, on trouve encore quelques exceptions à cette nouvelle règle, et pour que cela ne paraisse pas trop, l’acte de sépulture omet de préciser le terme infamant « mort de contagion », et j’ai même constaté que le passe-droit avait même permis des inhumations dans l’église.

Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet seule une citation ou un lien sont autorisés.