Dispense de consanguinité : méthode de calcul des degrés au 18e siècle

La méthode de calcul est simple. Suivez bien :

Le plus important est de compter à partir de l’ancêtre commun (et non l’inverse comme on tente généralement de le faire) :

    Ses enfants sont le 1er degré : ils sont frère et soeur

    Ses petits enfants sont le 2e degré : ils sont cousins germains

    Ses arrière petits enfants sont le 3e degré : ils sont cousins issus de germain, aliàs remués de germain

On dit de 2 cousins issus aliàs remués de germain, qu’ils sont parents du 3e au 3e degré.
On dit de 2 cousins germains qu’ils sont parents du 2e au 2e degré.

Voici un exemple paru le 19 mai dernier ici

Julien Robineau qui est la souche

    Julien Robineau – 1er degré – Jeanne Robineau
    Julienne Robineau – 2e degré – Julien Renier
    Renée Anger – 3e degré – Julienne Renier
    Jean Avranche – 4e degré

Dans le cas ci-dessus, ils étaient parents du 4e au 3e degré, donc l’un est l’enfant d’un cousin issu de germain de l’autre. Lorsque je vous publie ici des dispenses, je mets toujours le nombre de degrés ainsi, tels que les prêtres les calculaient, et tels qu’ils apparaissent dans les dispenses.

Tout n’a pas toujours été aussi simple depuis le 11e siècle, et voici une brève histoire de ces calculs, telle que je l’ai publiée ici le 19 janvier sous le titre MARIAGE ILLEGITIME :
Le mariage pouvait être décrété illégitime en cas de consanguinité découverte après coup, probablement par dénonciation…, entraînant les enfants issus de ce mariage dans l’illégitimité. Cette règle fut organisée au 4e siècle. Elle a été étudiée par Jack Goody dans son ouvrage l’évolution de la famille et du mariage en Europe, Armand Colin, 1985, préface de Georges Duby. Voici le résumé :
Stimulés par les ethnologues et les démographes, les historiens depuis vingt ans se sont mis à scruter l’histoire des réalités familiales en Europe. Jack Goody refuse les idées reçues. Guidé par son expérience d’anthropologue acquise en Afrique, il entreprend d’interroger sur la longue durée les modèles de parenté, soucieux notamment d’expliquer les différences qui ont clivé le bassin méditerranéen au IV » » siècle. Il souligne ainsi le rôle déterminant joué par l’Église dans l’Occident médiéval.
Secte minoritaire, elle devient alors une organisation dont les intérêts exigent qu’elle constitue et défende un patrimoine elle va ainsi construire un système de règles où sont proscrites des pratiques telles que l’adoption, le divorce, le concubinage, les unions entre proches. Prenant en main les institutions du mariage, des donations et de l’héritage, elle favorise la mobilité de la terre, son aliénation, donc sa dévolution éventuelle à l’Église, et l’accumulation du capital entre ses mains. Le mariage sur consentement mutuel, la liberté de tester, les préceptes de la morale conjugale qu’elle impose assurent son pouvoir spirituel mais aussi temporel, celui du plus grand seigneur foncier.
Traduit d’un ouvrage tout récent, cet essai « remarquable et dérangeant « , selon Georges Duby, fournira aux historiens et aux anthropologues un cadre rigoureux de réflexion et il séduira par l’originalité de ses perspectives le public des non spécialistes désireux de mieux connaître l’évolution de nos structures familiales.
Jack Goody, ancien directeur du département d’anthropologie de l’université de Cambridge et récemment chargé d’enseignement à l’École des hautes études en sciences sociales, est mondialement connu pour ses recherches africanistes et son effort pour concevoir les modèles familiaux dans leur complexité et leur universalité.

Cet arbre de consanguinité, dressé au 11e siècle, est l’une des multiples représentations de la consanguinité à l’époque.
L’actualité veut qu’un Colloque international ait lieu les 24-26 janvier 2008 à l’ENSSIB École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques Écritures : sur les traces de Jack Goody autre aspect de son œuvre.

Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet Merci d’en discuter sur ce blog et non aller en discuter dans mon dos sur un forum ou autre blog.

Dispense de consanguinité et degrés prohibés, au fil du temps, et des diverses nations…

d’abord codifiés par l’église catholique romaine, puis la loi de chaque pays.

Ce blog est lu à l’étranger, et aujourd’hui je réponds à une question venue d’Angleterre : lors d’un mariage en France en 1796, entre cousins germains, pourquoi la dispense n’est-elle pas mentionnée ?

Les empêchements de parenté, tout autant que les châtiments en cas de transgression, ont varié au cours des siècles. Dans la période qui concerne les généalogistes, allant du 16e siècle à la Révolution, la règle est fixée par l’église catholique, puisque c’est à elle qu’a été confié l’état civil en France. La punition en cas de découverte de transgression, est terrible : annulation du mariage, qui signifie en clair que les enfants issus d’un tel mariage invalidé sont de facto des enfants illégitimes qui n’héritent plus de leurs parents. D’ailleurs, l’une des demandes de dispense de ce blog, rappelait cette menace… et précisait bien que la demande de dispense était formulée afin que les enfants à venir soit toujours considérés comme légitimes.

L’église (catholique et romaine) n’avait pas encore fixé de règles avant le 10e siècle. Une lettre du pape Léon VII (931-939) adressée aux Français et aux Allemands, évoque des dispenses au-delà du 2e degré. Le pape Nicolas II convoque un concile en 1059, d’où sortira une encyclique ordonnant que « tout homme ayant pris femme dans les limites du 7e degré serait estreint canoniquement par son évêque à le renvoyer ; le refus entraînait l’excommunication ».
Le 7e degré se compte 3 + 4 voire 2 + 5

La question du calcul des degrés fut longuement débattue : en 1063, la méthode germano-canonique de computation l’emporte. Au-delà de la consanguinité, l’église souhaitait limiter les règles d’héritage par succession collatérale qui étaient à la base du lignage, et du retrait lignager. Le retrait lignager visait à conserver les biens dans une lignée. En cas d’aliénation, un membre de la lignée en question pouvait avoir le droit de faire annuler cette vente, en versant la somme à l’acheteur toutefois. Ces actes de retrait lignager ne sont pas rares dans les actes notariés, et leur ombre devait planer lors de chaque vente d’un bien foncier. Le droit coutumier en Normandie était à mon avis, car j’ai fréquenté aussi cette province, encore plus strict qu’en Anjou sur la notion de conservation des biens dans une lignée.

Durant la période qui occupe les généalogistes, de Villers-Cotterets à la Révolution, l’église avait compliqué les interdits, en y ajoutant les affins (alliés par le mariage) et les parentés spirituelles (alliés par parrainage). Mais, les règles d’héritage, et en particulier celles du retrait lignager, lui échappent et sont codifiées dans le droit coutumier, qui a la particularité de varier d’une province à l’autre.

Arrive la Révolution en France et le mariage civil, qui ne respecte plus les règles de l’église. Il n’est donc plus besoin de dispense de l’église pour un mariage entre cousins germains. D’où l’absence de dispense dans un mariage en France en 1796, qui est un acte civil.

La règle civile est fixée dans le Code civil dit Code Napoléon, 1803

article 161 : en ligne directe, le mariage est prohibé entre tous les ascendants et descendants légitimes ou naturels, et les alliés dans la même ligne.
article 162 : en ligne collatérale, le mariage est prohibé entre le frère et la soeur légitimes ou naturels, et les alliés au même degré.

La règle est constante en France sur ce point depuis 1803.

Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet seule une citation ou un lien sont autorisés.

En savoir plus :
GOODY Jack, L’Evolution de la famille et du mariage en Europe, 1983