Les civelles : article publié en 1920 dans la Pince sans rire.

Le texte qui suit peut être avantageusement lu au son de la chanson « Ah qu’est ce qu’on est serré au fonds de cette boîte, chantent les sardines … »

  • Les Civelles
  • Dans cet admirable bassin de la Loire il y a des richesses ignorées.
    Pendant la guerre on a nourri les sardines bretonnes de tourteaux infects, et cet aimable poisson, qui payait souvent de sa vie le maigre menu que nos pêcheurs bretons et vendéens lui offraient, veut, lui aussi, déserter nos rivages : et faire la grève des nageoires croisées.
    Il s’en va vers le Portugal, le Maroc, n’importe où depuis que la cuisine française est par trop rance.
    Pour le retenir, il nous faudrait de la bonne rogue de Norvège, qui vaut maintenant son poids de papier.
    Le change, là aussi, nous handicape, et nos pêcheurs se lamentent.
    Qu’est-ce que la rogue : c’est le caviar norvégien, le frai de hareng ; or l’anguille aussi, obéissant à la douce loi de nature se reproduit allègrement et son frai, c’est la civelle.
    C’est par tonnes, par dizaines de tonnes qu’on le récolte dans la Loire, en ce moment et d’avisés Espagnols à bas prix, raffllent toutes les civelles pour en régaler les sardines portugaises qui en raffolent.
    Pendant ce temps notre beau poisson des Sables, de Lorient, Audierne et Concarneau refuse obstinément d’entrer en boîte, faute d’appât.
    Qu’il serait simple, pour éviter les frais de transport, surtout en ces temps troublés, de mettre l’embargo sur ces exportations scandaleuses et de réserver à nos pêcheurs un appât efficace et bon marché dont ils ont un urgent besoin.
    Mais il faut exporter, pour améliorer notre change, déclarent nos économistes presque tous hébreux.
    Erreur, il faut produire d’abord ; exporter la civelle en Espagne pour lui permettre d’inonder le marché mondial de sardines portugaises, c’est expédier nos oeufs à couver à l’étranger à vil prix, pour nous mettre ensuite dans l’obligation d’acheter au dehors les poulets que nous pourrions élever chez nous.
    Pour faire de l’économie politique, il n’est pas nécessaire de sortir de Polytechnique : il faut avoir simplement du bon sens et mépriser les boniments des doctrinaires.
    UN PÊCHEUR.

    Cet article est paru page 10 du numéro de mars 1920 de la publication suivante :

    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5653759s/f14.image
    Titre : La Pince sans rire : Chronique hebdomadaire de la vie nantaise
    Éditeur : [s.n.] (Nantes)
    Date d’édition : 1920
    Type : texte,publication en série imprimée
    Langue : Français
    Identifiant : ark:/12148/cb32839920x/date
    Identifiant : ISSN 21349827
    Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-61070
    Relation : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32839920x
    Provenance : bnf.fr

    Il exite à la BNF 119 numéros numérisés de cette publication dont l’humour m’échappe parfois antiblochévique certes, mais aussi antisémite. Cependant cette publication regorge de nouvelles de certains Nantais, plutôt caricaturés d’ailleurs.
    Vous trouvez ces 119 numéros en ligne sur http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5653759s/f14.image
    Titre : La Pince sans rire : Chronique hebdomadaire de la vie nantaise

    Ce même numéro de mars 1920 propose également !

    « « Donnez à l’Etat – Oui, donnez à l’Etat. Souscrivez l’emprun. C’est un devoir, et un devoir impérieux… Si vous avez eu l’heureuse fortune de travailler à l’arrière loin des dévastations et des massacres, et que vous ayez profié et de la guerre et des immenses sacrifices de nos combattants, vous seriez traîtres à la cause nationale si vous n’apportiez pas à l’Etat tout ce qui n’est pas absolument nécessaier à la judicieuse conduite de vos affaires…. » (page 2)
    La grève des cheminots – Ce n’est pas une grève mais un attentat concerté. Des individus, utilisant le droit coorporarif de coalition pour des fins révolutionnaires, se sont dressés contre le pays, estimant leur force suffisante pour arrêter toute la vie nationale… » page 4
    « Bénéfices forcés – Il est certain que les prix de certains produits, matières ou denrées font une ascension formidable par des bonds scandaleux. Au moins de novembre dernier le sucre … » page 9

    Mais revenons à la civelle nantaise. Je me souviens en avoir mangé une fois, cuite et froide à la sauce vinaigrette. Mais rien depuis, et pour cause elle est devenue rare et même contingentée, et elle est vendue 250 voire 1 000 euros le kg par le pêcheur !!!
    Autrefois, elle était si abondante que la tradition orale à Saint Sébastien sur Loire raconte qu’on pouvait la récolter sur les bords de l’eau sans peine en grande quantité pour l’étendre sur les cultures maraîchères comme engrais !
    Par contre, je n’ai pas compris l’histoire des sardines évoquées en 1920 ! Si vous comprenez, merci de me l’expliquer.

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