Contre-lettre, a posteriori, pour décharger sa conscience ! Grugé 1512

un jour j’ai lu que les sentiments ne pouvaient jamais être reflétés par les actes anciens, entre autres les minutes notariales. Pourtant, ici, le terme « pour décharger sa conscience » est bien écrit par le notaire. Cela n’est pas la première fois que je rencontre ainsi des mentions qui touchent à la conscience, et aux sentiments, et je m’en réjouis, avec vous !

En fait, il y a eu par le passé création d’une rente de blé, et il avait fallu une caution. Mais il n’avait pas été fait alors de contre-lettre, et la contre-lettre était probablement en cas de poursuites, un moyen qu’avait le caution pour se retourner par la suite contre le véritable emprunteur. Mais je suppose qu’entre-temps le caution a pris peur, et a demandé à l’emprunteur de le mettre hors de cause, d’où ce voyage à Angers chez un notaire d’Angers pour établir cette contre-lettre.

Le prêteur, qui n’apparaît ici qu’indirectement, n’est autre que l’un des mes ascendants, Nicolas Allaneau, ou plutôt Alasneau comme on écrivait alors. Je ne suis pas surprise de le voir prêter de l’argent, car en tant que chatelain de Pouancé, il était ce que j’appellerais volontiers un GROS FERMIER, c’est à dire gestionnaire d’une terre importante, et il gagnait plutôt très bien sa vie. Hélas, si cet acte mentionne bien le prénom de son épouse « Perrine », que je connaissais comme étant « Perrine Moriclet », il ne permet pas de dire s’ils sont encore vivants en 1512, car à ce jour j’ai écrit pour Nicolas Alasneau qu’il était décédé vers 1510.

Voir mon immense travail ALLANEAU, déjà ancien, mais toujours vallable même si désossé par les pilleurs

Mais, si vous lisez attentivement ce qui suit, outre la mention de la notion de « conscience », vous allez découvrir un joyeux mélange entre les termes « blé » et « seigle », car la mention de la rente est répétée à loisir au fil de cet acte, mais parfois elle est dite « rente de seigle » et parfois « rente de blé ».
Vous avez par ailleurs souvent rencontré sur mon blog le terme de « boisseaux de blé seigle », alors j’en profite pour me replonger dans ces notions qui nous paraissent complexes à nous autres citoyens du 21ème siècle.
Le Dictionnaire du Monde Rural (M. Lachiver, 1997) est prolixe à l’article « blé », sur 3 colonnes. A la fin de cette longue explication, qui atteste la diversité des céréales et des termes utilisés, je trouve :

blé-seigle : variété d’hiver et de printemps, à paille blanche, molle et haute, à épi long et mince, à grain rouge, allongé, qui résiste bien au froid, mais talle peu et est sujet à la verse

Je suppose donc que cette variété était la variété que je rencontre dans tous les actes, et qu’en fait il faut comprendre que c’est une variété ancienne de blé.

J’ai trouvé cet acte aux Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 5E5 – Voici sa retranscription (voir ci-contre propriété intellectuelle) :

Le 16 septembre 1512 (Cousturier notaire) comme depuis certain temps Jacquet Lyennard et Jacquet Heammet tous paroissiens de Grugé eulx et chacun d’eulx sans division de personnes ne de biens eussent et aient vendu par ypothèque universel sur tous et chacuns leurs biens le nombre de 8 boisseaux de seigle de rente à la mesure de Pouencé à Nycolas Alasneau chastellain de Pouencé et Perrine sa femme rendable et payable par chacun an par lesdits vendeurs et chacun d’eulx en la maison dudit Alasneau audit lieu de Pouencé où il est demourant, laquelle vendition fut faite pour certaine somme de deniers contenue et déclarée audit contrat de vendition, combien que lesdits Hyeammet et Lyennard eussent ensemblement et chacun d’eulx fait la vendition dudit nombre de blé et iceluy blé se fussent obligés eulx et chacun d’eulx rendre et paye audit Alasneau en sadite maison audit lieu de Pouencé par chacun an comme dit est, ce néanmoins ledit Lyennard a du jourd’huy dit et déclaré cogneu et confessé en notre présence et en la présence dudit Hyeammet à ce présent que iceluy Heammet n’avoit fait ladite vendition avecques ledit Lyennard desdits 8 boisseaux de seignle de rente à ladite mesure ensemblement que pour luy faire plaisir et service et à la prière et requeste d’iceluy Liennard ledit Hyeammet avoit fait ladite vendition et que autrement il n’eust peu avoir ne recourcer ladite somme dudit Alasneau et que au regard de la somme pour laquelle fut faite ladite vendition desdits 8 boisseaux de seigle de rente elle n’estoit ne partie d’icelle tournée au proffit dudit Hyeammet ains a congneu et confessé dit et déclaré ledit Lyennard qu’il avoit eu et receu toute la somme pour laquelle auroit esté faite ladite vendition et que icelle somme auroit tournée totalement à son prouffict et icelle auroit convertie et employée en ses affaires et nécéssités
que moyen de quoy et doubtant ledit Lyennard pour l’advenir l’inconvénient qui en pouroit arriver audit Hyeammet à l’occasion dudit contract s’en est voullu et veult descharger sa conscience et pareillement ledit Hyeammet et que au temps avenir iceluy Hyeammet n’en soit plus tenu audit nombre de blé de rente ne es charges qui en sont escheuz et pourroient escheoir au temps avenir soit audit Alasneau et sa dite femme leurs hoirs ou ayant leur cause,
pour ce est-il que en la cour du roy notre sire (Cousturier notaire) à Angers estably ledit Jacquet Lyennard soubzmectant etc confesse les choses dessus dites estre vrayes et a ladit Lyennard promis et promect du jourd’huy rendre quicte et indempne et acquiter et descharger ledit Heammet vers ledit Alasneau sa dite femme leurs hoirs ou ayant leur droit et action desdits 8 boisseaux de blé de rente au temps avenir et tant du principal que des arréraiges de ladite rente et le mectre hors de ladite obligation dedans ung an prochainement et en bailler dedans les mains dudit Hyeammet lettres d’amortissement et descharge vallable dudit Alasneau dedans ledit terme tant dudit principal arrérages que les loyaulx cousts et mises faits et à faire au moyen dudit contrat de vendition dudit nombre de blé de rente
auxquelles choses dessus tenir et accomplir par ledit Liennard ses hoirs etc dommages etc oblige iceluy Liennard soy ses hoirs etc renonçant etc foy jugement etc
présents à ce Me Estienne Heard praticien en cour d’église messire Pierre Lepeltier Jehan Lepeltier et autres tesmoings

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