La fête du Sacre à Angers, avant la Révolution

Dans les années qui suivirent la seconde guerre mondiale, existait encore à Nantes, des processions de la Fête-Dieu, que j’ai bien connues. Elles ressemblaient à celle-ci, le Suisse en tête.

la Fête-Dieu à Guérande, collections personnelles, reproduction interdite
la Fête-Dieu à Guérande, collections personnelles, reproduction interdite

A Angers, avant la Révolution, cette fête revêtait un caractère unique en France par son faste. Ecoutons C. Port, Dict. du Maine-et-Loire, 1876, nous la décrire :

Le Sacre d’Angers, festum consecrationis, était presque une fête nationale, tant sa réputation était grande en France, même en Europe, pour sa pompe et sa solemnité. C’est la procession instituée dans toute la chrétienté par le pape Urbain IV en 1261, au jour de la Fête-Dieu, mais que des circonstances inconnues, peut-être le souvenir de l’hérésie inexpiable de Béranger, firent transformer à Angers en cérémonie d’éclat.
Les étrangers y accouraient du plus loin en foule et, pour une ou deux fois qu’il s’agit d’en modérer l’étalage excessif, la ville se pensa ruinée.
Le principal spectable se composait des douze fameuses torches en forme de tentes carrées, ornées de colonnes, de festons, de corniches, portant une impériale chargée de vases de fleurs et une infinité de cierges allumés en forme de girandoles, le tout peint, argenté ou doré.
A l’intérieur étaient représentés des histoires ou scènes historiques, tirées de l’ancien et du nouveau Testament, avec groupes de personnages en cire, de grandeur naturelle, où les artistes choisis, obligés chaque année à varier leur sujet, luttaient pour consacrer et quelque fois acquérir d’une seul coup, dans une exposition si solennelle, une véritable réputation. La rivalité des amours-propres et le zèle pieux des divers métiers s’ingéniaient à multiplier les figures, les ornements.
On voit seulement six torches figurer au Sacre de 1639, portées chacune par un ou deux hommes. Le dernière fêtes exigeaient douze torches et pour chacune douze et même seize porteurs. (Voir des dessins dans Berthe, Mss 896 f°35 et dans Ballain Mss 867 p. 591)
Elles appartenaient aux boulangers, aux bateliers, aux cordiers, aux corroyeurs, aus selliers, aux tanneurs, aux cordonniers, aux poissonniers, aux bouchers, mais étaient entretenues par des taxes sur toutes les communautés d’arts et métiers, qui de leur côté, défilaient à la fête, précédées de leur guidon ou de quelque symbole de belle figure.

le guidon est une enseigne, ou drapeau – aussi celui qui le porte

Le cabinet de M. Mordret possède encore les guidons des cardeurs et des tourneurs (XVIIe siècle) et le Saint-Pierre porté en 1635 par les serruriers.
« Nos spirituels », – « la petite église », comme dit Thorode, avaient vainement demandé la suppression de ces étalages, et la ville, en 1747, eut à soutenir une véritable lutte contre l’évêque pour maintenir les traditions antiques.

Dès cinq heures et demie du matin sonnait à Saint-Maurice le départ des grosses torches, espacées les unes des autres d’une demi quart d’heure de marche. Suivaient, à distance, dans un ordre invariable réglé par la Prévôté, tous les corps de métiers, tous les fonctionnaires ou personnes en charge, deux à deux, le chapeau à la main avec un cierge formé d’un bâton de bois blanc, long de neuf pieds, cannelé à mi-hauteur et recouvert de cire blanche.
En tête, le crieur de patenôtres avec une torche jaune, munie d’une clochette.
voici notre ami le crieur de patenôtre à l’oeuvre. Je l’ai mis en mot-clef (tag) et en cliquant sur le tag vous avez mes autres articles sur ce personnage.
En dernier lieu le clergé régulier et séculier, dirigé par la chante de Saint-Maurice ; puis sur un brancard orné de riches tapis en broderie, le Saint-Sacrement porté par le doyen et l’évêque ; puis le gouverneur et ses gardes, le prévôt et ses archers, et la foule.
Jusqu’au milieu du XVIIe siècle la procession traversait le choeur de l’église ru Ronceray, les grosses torches seules restant alignées en rang devant la porte de l’abbaye. Sur le tertre Saint-Laurent le Saint-Sacrement était exposé dans la chapelle aux regards des fidèles, en face de la chaire du cimetière d’où un prédicateur parlait au peuple, pendant que le clergé et les officiers des différents corps se dispersaient chez des amis ou collationnaient chez quelque hôte.
On se réunissait, non sans quelque désordre, pour traverser de nouveau toute la ville et regagner la cathédrale où l’évêque officiait pontificalement.
Pendant huit jours se succédaient les processions particulières des divers paroisses ou communautés religieuses, et dans les maisons de la ville les joyeuses assemblées.
« Durant les octaves du Sacre, dit Bruno de Tartifume, Mss. 870, p. 345, il n’y a à Angers que réjouissances, bonnes chères, promenades, accueils et démonstrations de bonne volonté, faîte à ceux qu’on appelle Cousins du Sacre. »
Le dernier Sacre dans la forma antique fut célébré en 1591. Renouvelée sous la Restauration, la fête, absolument déchue de sa grandeur naïve, n’est plus qu’une cérémonie religieuse, dont l’éclat profite ou souffre des courants incertains de la ferveur publique.
Demain, je vous livre le nom d’un porteur de torche en 1591, qui est chargé par sa corporation de cette mission, par acte notarié. J’espère que vous en descendez tous car c’est un acte rarissime que voir son ancêtre portant la torche… surtout que le notaire en question qui est Lepelletier est totalement hermétique tant il écrit mal…

Ci-dessous les photos de l’enfance de Marie (voir ci-dessous son commentaire) :