Etrangers venus autrefois en France.

Hier c’était la journée mondiale des Migrants : le 20e siècle restera dans l’histoire comme celui des populations déplacées, réfugiées.

Autrefois des étrangers venaient s’installer en France mais le terme migrant n’existait pas. On eut d’abord, fin 18e siècle :

ÉMIGRANT, ANTE, adj. et subst. ÉMIGRATION, s. f. ÉMIGRER, v. n. Ces trois mots sont nouveaux; mais les deux premiers sont déjà reçus par l’usage. Il parait que le troisième ne tardera pas à l’être. Ils se disent de ceux qui quittent leur pays pour s’établir ailleurs. (Jean-François Féraud: Dictionaire critique de la langue française, Marseille, Mossy 1787-1788)

On a maintenant :

MIGRANT , -ANTE adj. XXe siècle. Participe présent de migrer. Se dit d’un groupe humain ou d’une personne qui effectue une migration, des migrations. Population migrante. Un travailleur migrant et, subst., un migrant.
MIGRER v. intr. XIXe siècle. Emprunté du latin migrare, « changer de séjour ». Effectuer une migration, des migrations (surtout en parlant des animaux). Les hirondelles migrent vers les tropiques pour hiverner. En parlant des personnes, on dit, plus précisément, Émigrer et Immigrer. Par anal. S’emploie aussi dans différents domaines scientifiques. Au cours de l’électrolyse, les ions migrent vers les électrodes. (Dictionnaire de l’Académie, neuvième édition, 1992).

Voici comment la chimiste que je fus trouve un terme de chimie passé aux êtres humains, via les oiseaux migrateurs !

J’habite un port, Nantes, fondé par des étrangers, puis accueillant à bras ouverts Hollandais, Portugais, Espagnols, etc… aux 16e et 17e siècles, n’hésitant pas à franciser aussitôt leur nom et à les élire au corps de ville.
Je salue ici le magnifique livre : Nantais venus d’ailleurs
Histoire des étrangers à Nantes des origines à nos jours (Dir. Alain Croix, Presses Universitaires de Rennes, 2007):

Le premier Nantais était, par définition, un étranger : ce livre propose donc notre histoire, celle des fils et filles d’étrangers que nous sommes tous. Des étrangers qui ne sont pas définis par une pièce d’identité: c’est le regard des autres qui fait l’étranger. Ces étrangers ont été, à un moment de notre histoire, des protestants et des juifs. Ils ont été des ruraux, des immigrants venus d’autres régions de France, encore plus étrangers s’ils ne parlaient pas le français et s’ils étaient pauvres, à l’exemple des bas-bretons. Ce livre collectif se veut tourné vers le présent, et le fruit d’une histoire résolument citoyenne.

Dans mon dernier vagabondage dans les registres paroissiaux de la région de Château-Gontier (Mayenne), que je relis toujours avec plaisir, j’ai rencontré à Azé en 1679 la sépulture suivante :

exposée en cette paroisse par des égyptiens. Les enfants exposés sont en ceux que les parents ont abandonné. Ainsi, un couple d’Egyptiens était en marche vers je ne sais quelle destination, et a laissé son bébé à Azé.

Cette voie de passage, à pied, (on disait alors chemin) était celle des cloutiers, quincaillers… Normands, chers à mon coeurs et à bon nombre d’entre vous n’est-ce-pas ?.
J’ai toujours du mal à me représenter ces chemins, parcourus à pied par tant de pélerins, marchands, et populations qui se déplaçaient vers une autre vie, souvent par ce que papa maman avaient eu trop de fils et qu’un seul suffisait pour prendre leur suite, alors les cadets devaient prendre leur balluchon et partir… J’ai une grande tendresse pour mes ancêtres cadets déplacés (qu’on dirait aujourd’hui migrants), mon Breton Mounier, mon quincailler Guillouard, etc… mais surtout mes Moride, surement venus d’Espagne… selon mon hypothèse de la francisation des Morido.
Et cela n’est rien, comparé aux siècles précédents, que nos recherches ne pourront pas atteindre, et qui ont vu tant de populations venus d’ailleurs… J’ai tappé hier l’histoire féodale de Lonlay-le-Tesson (Orne) et réalisé à quel point la Normandie (entre autres) fut anglaise, bien plus que je ne soupçonnais… Je réalise un peu chaque jour, à travers mes recherches, mes ascendances étrangères… comme l’ouvrage Nantais venus d’ailleurs., riche en iconographies splendides, nous le fait découvrir en profondeur.

Ce billet traite un sujet délicat, et j’ai seulement tenté de le comprendre, même si je n’y suis pas parvenue à vos yeux, tant sa dimension humaine est délicate. Veuillez m’en excuser, j’ai voulu exprimer ce que je ressentais grâce précisément à mes recherches, car jamais je n’aurai compris Alain Croix sans tout ce travail généalogique derrière moi.

Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet seule une citation ou un lien sont autorisés.