Dispense de consanguinité et degrés prohibés, au fil du temps, et des diverses nations…

d’abord codifiés par l’église catholique romaine, puis la loi de chaque pays.

Ce blog est lu à l’étranger, et aujourd’hui je réponds à une question venue d’Angleterre : lors d’un mariage en France en 1796, entre cousins germains, pourquoi la dispense n’est-elle pas mentionnée ?

Les empêchements de parenté, tout autant que les châtiments en cas de transgression, ont varié au cours des siècles. Dans la période qui concerne les généalogistes, allant du 16e siècle à la Révolution, la règle est fixée par l’église catholique, puisque c’est à elle qu’a été confié l’état civil en France. La punition en cas de découverte de transgression, est terrible : annulation du mariage, qui signifie en clair que les enfants issus d’un tel mariage invalidé sont de facto des enfants illégitimes qui n’héritent plus de leurs parents. D’ailleurs, l’une des demandes de dispense de ce blog, rappelait cette menace… et précisait bien que la demande de dispense était formulée afin que les enfants à venir soit toujours considérés comme légitimes.

L’église (catholique et romaine) n’avait pas encore fixé de règles avant le 10e siècle. Une lettre du pape Léon VII (931-939) adressée aux Français et aux Allemands, évoque des dispenses au-delà du 2e degré. Le pape Nicolas II convoque un concile en 1059, d’où sortira une encyclique ordonnant que « tout homme ayant pris femme dans les limites du 7e degré serait estreint canoniquement par son évêque à le renvoyer ; le refus entraînait l’excommunication ».
Le 7e degré se compte 3 + 4 voire 2 + 5

La question du calcul des degrés fut longuement débattue : en 1063, la méthode germano-canonique de computation l’emporte. Au-delà de la consanguinité, l’église souhaitait limiter les règles d’héritage par succession collatérale qui étaient à la base du lignage, et du retrait lignager. Le retrait lignager visait à conserver les biens dans une lignée. En cas d’aliénation, un membre de la lignée en question pouvait avoir le droit de faire annuler cette vente, en versant la somme à l’acheteur toutefois. Ces actes de retrait lignager ne sont pas rares dans les actes notariés, et leur ombre devait planer lors de chaque vente d’un bien foncier. Le droit coutumier en Normandie était à mon avis, car j’ai fréquenté aussi cette province, encore plus strict qu’en Anjou sur la notion de conservation des biens dans une lignée.

Durant la période qui occupe les généalogistes, de Villers-Cotterets à la Révolution, l’église avait compliqué les interdits, en y ajoutant les affins (alliés par le mariage) et les parentés spirituelles (alliés par parrainage). Mais, les règles d’héritage, et en particulier celles du retrait lignager, lui échappent et sont codifiées dans le droit coutumier, qui a la particularité de varier d’une province à l’autre.

Arrive la Révolution en France et le mariage civil, qui ne respecte plus les règles de l’église. Il n’est donc plus besoin de dispense de l’église pour un mariage entre cousins germains. D’où l’absence de dispense dans un mariage en France en 1796, qui est un acte civil.

La règle civile est fixée dans le Code civil dit Code Napoléon, 1803

article 161 : en ligne directe, le mariage est prohibé entre tous les ascendants et descendants légitimes ou naturels, et les alliés dans la même ligne.
article 162 : en ligne collatérale, le mariage est prohibé entre le frère et la soeur légitimes ou naturels, et les alliés au même degré.

La règle est constante en France sur ce point depuis 1803.

Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet seule une citation ou un lien sont autorisés.

En savoir plus :
GOODY Jack, L’Evolution de la famille et du mariage en Europe, 1983