Hercule de Saint-Aignan, sieur du Marais, rompu vif sur une croix sur la roue à Rochefort-sur-Loire en juillet 1562

  • Hercule, aliàs Jacques de Saint-Aignan, aliàs capitaine Desmarais
  • Saint-Aignan tient sa terre du Marais en Faveraie de son ascendance d’Aubigné.
    Selon C. Port, Dict. du Maine-et-Loire, 1876, article le Marais, Jean d’Aubigné, mari de Jeanne Prévosté, est seigneur des Marais en Faveraie en 1393. Puis, le fief et seigneurie du Marais passe à Olivier de Saint-Aignan par alliance avec Jeanne d’Aubigné, vers 1547. En 1526, il est à Guillaume de Saint-Aignan, père du fameux Jacques de Saint-Aignan.

  • Saint-Aignan, in C. Port, Dict. du Maine-et-Loire, t. 3, p. 329
  • Il se signala dès les premiers troubles civils, comme un des chefs les plus entreprenants des protestants d’Anjon. Il était du coup de main, qui leur livra pour quelques jours Angers, le 22 avril 1562. Dans la nuit du mardi au mercredi 30 du même mois, il surprit le château des Ponts-de-Cé et désarma les habitants de la ville, mais il n’en fut pas moins expulsé de vive force et se rejeta sur Rochefort-sur-Loire, où il s’établit dans le château, malgré l’occupation d’Angers par les catholiques. De là il tenait les champs, courait sus aux moins et poussait jusqu’aux portes de la ville.
    Le 15 mai le duc de Montpensier sortit avec 200 hommes et du canon pour l’en débusquer. Une tentative d’escalade ayant été rudement repoussée, il fallut entreprendre le siège en règle. Le 21 mai une capitulation fut acceptée, qui garantissait à Saint-Aignan et à huit des siens vie sauve et libre sortie « avec épée et poignard, arquebuse sur l’épaule et morion en tête », à charge de rendre sous quatre jours la place. Son fils, âgé de 4 ans, fut livré en otage, et decendu dansun panier par une corde, avec défenses terribles à l’enfant de jamais n’entendre la messe.
    Saint-Aignan, averti sans doute de quelque piège, au jour venu de partir, refusa net et se fortifia.
    Une heureuse sortie déconcerte un instant les assiégants. il en profite pour courir à Saumur chercher quelques renforts pour sa bande épuisée et revient, malgré les instances de ses amis, reprendre son poste de guerre. En chemin ses recrues, prises de peur, se dispersent ; lui-même, il a peine à rentrer dans la place, investie de plus près par Montpensier en personne, assisté de Puygaillard.
    Le 31 juin le canon, amené de Nantes et d’Angers, est monté sur le roc de Dieusie et attaque les murs, mais sans effet, de trop loin. La batterie est alors reportée sur le roc de Saint-Symphorien et le 21 juillet la brèche s’ouvre à l’assaut qui par deux fois est repoussé. Le feu reprend pendant 8 jours, sans que les assiégés acceptent de se rendre à discrétion. Tandis que le vaillant capitaine faisait tête aux assaillants sur la brèche, la trahison de 2 soldats, Pouvert et Laguette, – il furent pendus pour leur salaire. – livre une poterne. Réfugié dans une tour, Desmarais tient seul encore avec un dernier compagnon, qui tombe mort bientôt à ses côtés, et il ne se rend épuisé que sur la foi de Puygaillard qui lui garantit la vie (10 juillet).
    Mais à Angers, Montpensier, qui était aux vêpres de sa paroisse, refusa même de le voir et le renvoya au bourreau avec 2 de ses lieutenants.
    Saint-Aignan fut rompu sur une croix et exposé vif sur le roue. Il y vécut 6 heures, demandant en vain qu’on l’achevât. Son corps, attaché à l’instrument de supplice et traîné jusque sur la roche de Saint-Symphorien, y resta exposé en face du château de Rochefort, « ou les corbins, » dit une relation contemporaine inédite, « ont chanté pour lui et l’ont mangé ». – Son fils avait étédès le 25 juin conduit à Saint-Maurice et tenu sur les fonts par l’aumônier et un domestique du duc de Montepensier.

  • Sources utilisées par C. Port :
  • Journal de Louvet, p. 260-270, dans la Revue d’Anjou, 1854, tome 1 – Roger, Histoire de l’Anjou, p. 426. – Théodore de Bèze, Histoire des églises réformées, tome 1, p. 344 – De Thou,I, XXX, p. 102 – Grandet, Histoire ecclésiastique d’Anjou, Mss. 618, tX, p. 34 – Crespin, Histoire des Martyrs, I, VIII, fol. 583 v° – La Popelinière, Histoire des Troubles, tome 1, p. 309 – Arch. mun. d’Angers, BB29 – Mourin, La Réforme et la Ligue en Anjou, p. 49-53 – Archives de Maine-et-Loire, E 3894 – Arch. mun. GG99

  • selon Théodore de Bèze, Histoire des églises réformées, tome 1, p. 344
  • Quant à du Marets, voyant cela, il monta en une tour du milieu, accompagné d’un soldat seulement, et là tous deux se défendirent jusques à ce que la poudre leur étant faillie et son soldat tué, il se rendit entre les mains de Puygaillard, qui lui promettait, sur sa foi, de lui sauver la vie ; mais au lieu de lui tenir promesse, étant soudain pris et mené à Angers par Beauchamp, autrement le Loup, exerçant l’état de lieutenant de prévôt et conduit en triomphe avec mille opprobres par la ville, il fut aussitôt sans aucune forme de justice, et par le seul commandement dudit sieur de Montpensier, trop mal considérant en cet endroit ce qu’un prince doit à la vertu et à la noblesse, rompu très cruellement sur une croix à la façon des voleurs, et laissé tout vif sur la roue, où il languit jusques au lendemain quatre heures du matin, sans qu’on eût aucune pitié pour lui hâter sa mort : même tout au contraire il fut infiniment travaillé par deux Cordeliers s’efforçant de le détourner de la voie de son salut, nonobstant lesquels tourmens, il ne cessa d’invoquer le nom de Dieu jusques au dernier soupir ; mais parmi une telle et si énorme cruauté , il y eut cela de bon que les deux traîtres, Pouvert et la Guette, pour leur juste salaire, furent, au même instant, pendus et étranglés.

  • Mes commentaires
  • Nous avons vu sur ce blog Claude Simonin, sieur de la Fosse, écuyer, aliàs « capitaine La Fosse », rompu vif sur la roue à Angers le 19 septembre 1609. Et un autre ligueur insoumis :

      Un gentilhomme pouvait être rompu vif : le cas de La Fontenelle.

    Le cas du capitaine Desmarais, aliàs Saint-Aignan est plus ancien, puisqu’il remonte à 1562, et surtout il concerne un protestant. Il n’y a pas eu de procès mais une exécution.
    Par ailleurs, Célestin Port à son article sur la terre du Marais en Faveraie, donne ensuite comme seigneur « Nicolas Lebigot, mari de Louise de Saint-Aignan, vers 1590 ». Il semble donc que les biens de Saint-Aignan sont restés dans la famille de Saint-Aignan, alors que je pensais que les biens des protestants étaient confisqués, tout comme ceux des Ligueurs qui ont été rompu vif sur la roue.

    Enfin, je cherche un mot clef pour ces suppliciés : roué vif, rompu vif sur la roue
    ou mieux si vous trouvez, car pour le moment j’ai mis « roue », qui ne me semble pas très parlant

    Un gentilhomme pouvait être rompu vif : le cas de La Fontenelle.

    Dans le cadre de l’étude de l’exécution à Angers le 19 septembre 1609 de Claude Simon aliàs Simonin, rompu vif à la barre de fer et mis sur la roue, certains se sont posés à juste titre l’apparente contradiction entre son rang social, gentilhomme cadet de famille noble, et le mode d’exécution, pensant que seule la têtre tranchée était appliquée à un gentilhomme, et, a contrario, s’il a été rompu vif sur la roue, ne serait-il pas simple roturier.

  • Du délit à la peine
  • La gravité des délits a évolué au fil du temps. Il faut oublier notre époque pour comprendre que la peine de mort était alors courante pour des délits qui nous paraîtraient aujourd’hui moins graves tels les vols.

    Le vocabulaire est rempli de pièges. Le terme crime signifie seulement faute, délit, forfait, et nullement la notion de meurtre, si ce n’est lorsqu’il est précisé crime de sang. Donc, voler est un crime, c’est à dire un délit. Et on est pendu pour ce crime, qui n’est pas un meurtre mais un vol, car autrefois on pendait pour vol.
    Ce qui fait qu’en préparant ce billet, je me suis rendue compte que les Archives des tibunaux de l’époque, civil ou criminel, ne traitent pas forcément les crimes de sang au criminel et vice et versa.

  • Le mode d’excution ordinaire : la corde
  • Elle est souvent le lot de voleurs, mais s’y ajoute l’absence d’inhumation, probablement autrefois le plus infâmant, puisque les corps restent exposés, y compris aux oiseaux de proie, à une époque où on tient tant à l’inhumation en terre bénie, voire à l’inhumation tout court.
    Cette importance de l’inhumation en terre bénie autrefois, vous avez pu la remarquer dans les registres paroissiaux : certains sont inhumés dans l’église, pour être au plus près de Dieu, tandis que les autres sont autour de l’église, et il faudra un combat hygiénique important pour créer des cimetières plus loin.

    Un assassinat célèbre cache une telle infâmie : le 23 décembre 1588 non seulement on assassine les Guise, mais on les prive de sépulture en dépeçant leurs corps pour les priver d’inhumation afin d’éviter tout culte posthume.

    Et, de nos jours, même si nous partons en fumée pour plus de 60 % d’entre nous Nantais désormais, les familles tiennent encore à faire leur deuil !

  • Un privilège démocratisé à la Révolution : la décapitation
  • C’est la corde du noble.

    DECAPITER, v. act. (Jurispr.) en France c’est la peine des nobles que l’on condamne à mort, lorsque le crime n’est pas assez atroce pour les dégrader de noblesse. Ce supplice ne déroge point ; mais il ne fait pas une preuve suffisante de noblesse pour attribuer la noblesse aux descendans de celui qui a été décapité. (Diderot, Encyclopédie)

  • L’exécution barbare : cuit, brûlé ou rompu sur la roue.
  • Mais au delà de la corde pour le roturier ou décapitation pour le noble, il existe des moyens plus barbares pour des crimes plus importants au regard de la morale du temps.
    Il sont au nombre de 3 : cuit, brûlé, rompu sur la roue (je laisse de côté Ravaillac)
    cuit vif dans l’huile bouillante : « Les faussaires ne sont plus bouillis vifs dans l’huile à partir du milieu du XVIe siècle au parlement de Paris. Celui de Bordeaux prononce encore de tels arrêts en 1532 et 1545. » (R. MUCHEMBLED, voir bibliographie)

    brûlé vif sur un bûcher

    rompu vif à la barre de fer et mis sur la roue

    Arrêtons nous d’abord sur le terme VIF, car contrairement à une idée reçue, tous n’ont pas été exécutés vifs, entre autres, Cartouche eut droit au retentum, qui consistait en un étranglement discret avant le supplice, étranglement bien sûr à l’insue du public et tout à fait légal si autorisé discrètement dans le jugement.
    Si on a la certidude que Cartouche a profité du retentum, il est difficile de savoir pour Claude Simon et bien d’autres… faute de posséder les jugements de l’époque.

  • La roue
  • « La décision de rouer vif quelqu’un est en réalité réservée aux pires brigands et à leurs chefs, tel Cartouche et Mandrin. Peu fréquente et atroce, son applicaiton contribue à forger la légende de ces jeunes bandits auréolés d’une infinie puissance de transgression…. L’adoucissement des peines date du milieu du XVIIe siècle. » (R. MUCHEMBLED, voir bibliographie)

    ROUE, (Jurisprud.) est un supplice pour les criminels, dont l’usage est venu d’Allemagne. La peine de la roue s’exécute sur un échafaud dressé en place publique, ou après avoir attaché le condamné à deux morceaux de bois disposés en sautoir en forme de croix de Saint-André, l’éxecuteur de la haute-justice lui décharge plusieurs coups de barre de fer sur les bras, les cuisses, les jambes & la poitrine ; après quoi il le met sur une petite roue de carrosse, soutenue en l’air sur un poteau. Le criminel a les mains & les jambes derriere le dos, & la face tournée vers le ciel pour y expirer dans cet état.
    Anciennement, & encore dans quelques pays, le criminel étoit attaché tout-d’un-coup sur une grande roue de charrette, où on lui cassoit les membres.
    Quelquefois, pour adoucir la peine, les cours par un retentum qu’ils mettent au-bas de l’arrêt, ordonnent que le condamné sera étranglé dans le tems de l’éxecution.
    Cette peine n’a lieu que pour des crimes atroces : tels que l’assassinat, le meurtre d’un maître par son domestique, le vol de grand chemin, le parricide, le viol.
    Les femmes ne sont point condamnées à cette peine, par des raisons de décence & d’honnêteté publique, voyez le gloss. de M. de Lauriere, & les institutes au droit criminel de M. de Vouglans. (Diderot, Encyclopédie)

  • La Fontenelle, seigneur de la Ligue 1572-1602
  • Voici un autre gentilhomme, contemporain de Claude Simon, qui a fini sur la roue en place de Gresve à Paris en septembre 1602. Je reviendrai sur lui, au parcours assez parallèle surement.

    Guy Eder appartenait à l’illustre famille des Beaumanoir, membre d’une branche cadette, fils de René Eder et de Péronnelle de Rosmar. Au nombre de ses parents fortunés, voire haut placés, citons le maréchal de Lavardin, René Marec de Montbarot, gouverneur de Rennes, les de Sesmaisons du pays nantais. Après un court passage au collège Boncourt à Paris, où il semble mener une vie turbulente, il devient très jeune chef de bande pour la ligue, dirigeant attaques et pillages, au service de la Ligue. Il dut même prendre part dans les rangs de celle-ci au siège de Craon, qui fut une des plus belles victoires de la Ligue, le 23 mai 1592, puis poursuit la lutte en Bretagne. Puis, passant à côté ou outre les mesures de réconciliation d’Henri IV, il la poursuite, jusqu’au jugement rendu à Maris le 27 septembre 1602 qui stipule entre autres :

    Le Conseil a déclaré et déclare lesdits Eder, Bonnemetz et André attainctz et convaincus du Crime de Lèze-Majesté et d’avoir consipiré contre le Roy, son Estat, bien et repos public. Pour réparation desquels Crimes a condempné et condempne lesdits Eder, Bonnemetz et André à estre deslivrés ès mains de l’exécuteur de haulte justice et ledit Eder trainé sur une claye, lesdits Bonnemetz et André menez dans ung tombereau en la place de Gresve de ceste ville de Paris et là estre lesdits Eder et Bonnemetz rompus et leurs os brisés sur ung eschafault que pour ce faire sera dressé audit lieu, et ce faict leur corps mis sur une roue pour y demeurer jusqu’à ce que mort s’ensuive, et la teste dudit Eder portée à Rennes ; et ledit Andréa pendu et estranglé à une potence.

  • Bibliographie
  • MUCHEMBLED Robert, Une Histoire de la violence, de la fin du Moyen Âge à nos jours, éditions du Seuil, 2008. Je vous recommande cet ouvrage, qui m’a permis de me remettre les idées en place sur bien des points. J’ai le sentiment, après cette lecture, d’appréhender nos ancêtres beaucoup mieux, et je situerai cet ouvrage dans ma culture du passé et des modes de vie du passé tout aussi indispensable et édifiant que l’ouvrage de Michel Nassiet, Noblesse et pauvreté.

    LORÉDAN Jean, La Fontenelle, seigneur de la Ligue, 1582-1602, collection Brigands d’Autrefois, Librairie académique Perrin 1926

    DIDEROT, Encyclopédie

    1 000

    Ce billet est le millième de ce blog. Merci à tous ceux qui m’on fait et me feront encore confiance. Merci à ceux qui ont oeuvré et oeuvreront encore dans les commentaires.

    Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet Merci d’en discuter sur ce blog et non aller en discuter dans mon dos sur un forum ou autre blog. Tout commentaire ou copie partielle de cet article sur autre blog ou forum ou site va à l’encontre du projet européen d’éthique des blogueurs, disponible sur le site du Parlement européen.