Exhérédation (action de déshériter) de Simon Cointet par son père Simon Cointet, en 1727 à St Saturnin du Limet

Cet article est paru sur mon blog en février 2008, mais il trouve une certaine actualité, et je vous le remets.

L’exhérédation est l’action par laquelle on exclut, on prive quelqu’un de l’hérédité, de l’héritage auquel il a droit, selon la loi ou la coutume. Il n’est guère usité qu’en parlant de l’hérédité paternelle ou maternelle, sous l’Ancien Régime. L’exhérédation n’est point admise depuis le code civil Napoléon. (Dict. de L’Académie française, 1832)

Enfin, il faut un peut nuancer, car on a le droit de déshériter dans de rares cas (violences familiales …) mais en aucun cas le défunt n’a le droit de prendre cette mesure par voie testamentaire, et elle ne peut être prise que par voie de justice.

De nos jours, une grande partie de la population mondiale possède plusieurs nationalités, et dans la majorité des cas, c’est pour avoir des droits dans plusieurs pays. Ce qui fait au passage que l’autre partie de la population a moins de droits, puisqu’elle n’a des droits que dans un pays. Cet état de chose me choque, et doit choquer beaucoup de personnes, car il est tout a fait contraire au principe d’égalité que certains aient plus de droits que d’autres…

Bref, revenons à mes propres travaux sur les exhérédations que j’ai rencontré dans mes recherches, c’est à dire avant la Révolution.

Mon site donne un cas célèbre : celui des Allaneau : un frère et une soeur coupables de relations intimes, exhérédés par leur père. Ce garçon et cette fille étaient réputés sans hoirs par les généalogistes précédants. J’avais retrouvé leur trace par la suite : elle au couvent, lui marié, donnant une branche moins aisée, allant jusqu’au travail d’artisan, issus d’une lignée de châtelains de Pouancé.

J’ai trouvé beaucoup d’autres cas, variés. En voici un à titre d’exemple : le père qui déshérite son fils, mais pour mieux préserver aux enfants de son fils leur héritage futur (j’en ai plusieurs de ce type, et je les trouve assez sympas à y regarder de près).

Le 4 juillet 1727, devant Antoine Menard Nre royal à Pouancé, h. h. Simon Cointet laboureur demeurant à La Trotrie à St Saturnin du Limet, pour conserver son bien à sa famille et postérité, attendu la mauvaise conduite et dissipation continuelle et notoire que fait Simon Cointet son fils aîné, de ce qu’il peut avoir en sa possession soit du sien soit de celui de ses enfants qu’il détériore pour subvenir à plusieurs démarches qu’il fait, veut et ordonne que les biens qui resteront après son décès en ce qui en appartiendra pour sa portion héréditaire en sa succession ne puissent être aliénés, engagés ni vendus, doit mobiliers ou immobiliers par ledit Simon Cointet, lui en interdisant dès à présent, comme dès lors, la propriété, fors les à fond qu’il aura sa vie durant, et comme il se trouvera quelques meubles, ou argent, ils seront vendus et les deniers colloqués ainsi que l’argent, dont il recevra l’intérêt par forme d’usufruit, comme dit est, sans en pouvoir disposer autrement, à l’effet de quoi il l’exhérède par ces présentes quand à ladite propriété, et lui substitue tous ses enfants, qui en cas de mort sans enfants, se succéderont en la propriété les uns aux autres par accroissement sans qu’il y puisse prétendre, et s’ils décédaient auparavant leurs enfants succèderont pour leur quote part, et à défaut ses frères, et soeurs, ou leur représentation,
et ledit sieur Cointet consent que ces présentes soient lues, publiées, enregistrées, et insinuées partout ou besoin sera, de ce partout averti, suivant l’ordonnance à leffet de quoi, il donne pouvoir spécial au porteur des présentes …
passé audit lieu de la Torterie présents Pierre Feuvrie tixier à la Guinonnière et Mathurin Feuvrie demeurant au bourg de St Saturnin du Limet, témoins, et ledit Cointet a déclaré ne savoir signer. (AD49, Archives notariales)

En fait, le père préserve l’avenir des petits-enfants… qui eux, hériteront plus tard de la part immobilière dont leur père aurait dû hériter, celui-ci n’ayant pas le droit de l’aliéner.

Le cas le plus extraordinaire que j’ai rencontré, en 1610, est celui d’un père, avancé en âge (pour l’époque), et manifestement atteint d’infirmités, qui exhérède sa fille unique au profit d’un neveu, parce qu’elle a fuit ses devoirs filiaux, à savoir prendre soin de son père sur ses vieux jours. Il y a quelques années, discutant de ceci dans mon entourage, quelle ne fut pas pas surprise de recueillir un témoignage contemporain : ils étaient trois enfants, un fils marié, une fille au couvent, et lorsque la troisième fille se maria, il y eut des proches pour lui signifier que sa place était de rester auprès de ses parents pour leurs vieux jours, et non de se marier. Eh oui ! vous avez bien lu, je n’invente pas. Il y a eu pendant des siècles, des sacrifiés (iées devrais-je sans doute écrire) au devoir des vieux parents. Il est probable d’ailleurs que dans ces lignes, certains (aines) se reconnaîtront.

Mais au fait, savez vous où était partie cette fille ingrate, je vous le donne en mille ! Elle était entrée au couvent (cloître fermé), sans la permission de son père, et comme les religieuses accueillaient à l’époque les filles issues de milieux très aisés, avec un pécule en conséquence, elle était partie avec les bijoux… Naturellement, au décès du père, il y eu procès, pour faire annuler le testament (on pouvait exhéréder par simple acte notarié, par testament…), qui fut annulé. J’ose ajouter : Ouf ! Un tribunal qui avait considérer qu’une fille pouvait choisir entre Dieu et se sacrifier à son père.

Naturellement, il y a sur l’exhérédation une grande quantité de règles juririques, variables d’un droit coutûmier à l’autre. Je vous les ai mises sur une autre page pour ne pas alourdir ce billet, car il y a beaucoup sur ce point de droit d’antan. Sachez seulement que : « La disposition qui frappe quelqu’un d’exhérédation est réputée si terrible, qu’on la compare à un coup de foudre : c’est en ce sens que l’on dit, lancer le foudre de l’exhérédation ; ce qui convient principalement lorsque le coup part d’un pere justement irrité contre son enfant, & qui le deshérite pour le punir. » (Diderot, Encyclopédie)

De nos jours, le terme exhérédation est utilisé pour tout autre chose, qui n’a absolument rien à voir avec cette mesure de l’Ancien Régime. Mais, en série U (justice au 19e siècle) on trouve d’autres méthodes, telle l’interdiction, par un conseil de famille… Et, l’histoire nous a aussi transmis que de tous temps, en particulier à certaines époques, pour peupler des pays lointains, des familles n’hésitaient pas à y faire envoyer leur vilain petit canard, par lettre de cachet par exemple.

Avant d’aborder le contrat de mariage, que doit-on encore voir ? Ce ne sont ni les bans, ni les dispenses d’affinité et de consanguinité… mais … Réfléchissez bien… je suis sure que vous allez y parvenir…

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