Mathurin Goullier emprunte 380 livres à André Hunault, La Selle Craonnaise 1636

nous avons déjà vu qu’on pouvait parfois trouver de l’argent sur place, sans aller jusqu’à Angers emprunter. Ici, il a suffit de se rendre à Craon tout de même car il n’y a pas de notaire à La Selle Craonnaise, du moins en cette année là.
Il se trouve que le notaire ne précise aucun lien de famille entre Mathurin Goullier et André Hunault, cependant j’ai suffisamment étudiées ces 2 familles à La Selle Craonnaise pour préciser que Mathurin Goullier a épousé quelques années plus tôt la fille d’André Hunault.
André Hunault ne sait pas signer, mais Mathurin Goullier signe bien.

Si vous êtes un habitué de ce blog, vous avez souvent constaté que je trouve assez souvent des commentaires à faire à tous ces actes que je retranscrit, car sous couvert la pluspart du temps de se ressembler, ils cachent bien souvent des particularités.
Certes, après plus de 4 000 retranscriptions sur ce blog, les particularités pourraient sembler rares, et bien il n’en est rien car le minuscule acte qui suit m’a révélé une monnaie encore inconnue de moi dans tous les comptes que j’ai retranscrits.
En effet la rente est de

    21 livres 2 sols 2 deniers deux tiers de denier tz

Vous avez bien lu !
car je vous prie de croire que moi aussi j’ai été très étonnée de retranscrire ceci, pourtant c’est bien ce qui est écrit. Et comme une haure auparavant j’avais payé ches LIDL 19,21 euros, je revoyais en trappant ma petite pièce de 1 centime d’euro qu’il aurait fallu couper en trois, enfin c’est ainsi que je me représentait la chose, mais certainement qu’il a existé une autre explication car je pensais bien que le denier était la plus petite pièce monétaire, à moins que les pièces n’aient pas été selon les unités ? Enfin, j’en suis encore à me demander comment cette somme était possible !

J’ai trouvé cet acte aux Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 3E1 – Voici sa retranscription (voir ci-contre propriété intellectuelle) :

Le 9 juin 1636 avant midy, devant nous Pierre Hunault notaire royal en Anjou résidant à Craon fut présent en personne estably et deument soubzmis et obligé honneste homme Mathurin Goullier marchand demeurant au lieu de la Pitelière paroisse de la Selle Craonnaise, lequel a ce jourd’huy vendu créé et constitué et promet garantir et faire valoir tant en principal que cours d’arrérages
à honneste homme André Hunault marchand demeurant au lieu de la Fleurière en ladite paroisse de La Selle Craonnaise à ce présent stipulant et acceptant qui a achapté pour luy ses hoirs et ayans cause
la somme de 21 livres 2 sols 2 deniers deux tiers de denier tz de rente foncière annuelle et perpétuelle que ledit vendeur promet et s’oblige payer audit acquéreur franchement et quitement en sa maison le premier payement commenczant d’huy en ung an et à continuer jusques à l’amortissement de ladite rente
o puissance d’en faire assiette touttefois et quantes qu’il plaira à l’acquéreur sans que le spécial desroge au générale ne le général au spécial,
et est faite la présente vendition création et constitution de rente pour le prix et somme de 380 livres tz solvée et payée contant par ledit Hunault audit Goullier en présence et au vue de nous et des tesmoings cy après lui l’a receue en pièces de 20 sols, pistoles d’Espagne, écus sol, et autre monnaie de poids et prix de l’ordonnance royale jusques à concurrence dont ils s’est tenu à contant et bien payé et en a quicté et quicte ledit Hunault
auquel contrat de constitution et création de rente et tout ce que dessus est dit tenir oblige ledit Goullier ses biens et choses à prendre etc renonçant etc dont etc
fait et passé audit Craon à notre tabler en présence de Me René Cevillé sieur dudit lieu demeurant en cette dite ville et de Me Pierre Cevillé clerc demeurant audit Craon tesmoings
et a ledit Hunault dit ne scavoir signer

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Pierre Crosson est sorti des prisons d’Angers, La Chapelle-Glain 1659

et le concierge réclame l’argent du geôlage.
Mais surtout, il se réserve le droit de poursuivre Mathurin Goullier, sergent royal, de Noëllet, qui n’a pas représenté Crosson. Ce Mathurin Goullier ne semble pas lié aux miens.

Cet acte aux Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 5E6 – Voici ma retranscription (voir ci-contre propriété intellectuelle) :

Le 8 juillet 1659 après midy par devant nous Pierre Coueffé notaire Angers fut présent estably et duement soubzmis Pierre Crosson marchand demeurant au vilage de Ruigné paroisse de La Chapelle de Glen pays de Bretagne evesché de Nantes lequel a confessé debvoir à Me René Guibeles concierve et garde des prisons royaux de cette ville présent et acceptant la somme de 23 livres 6 sols tz à quy ils ont présentement compté pour la despense tant ordinaire que extraordinaire gisets et geolages dudit Crosson du temps qu’il auroit esté détenu prisonnier esdites prisons desquelles il auroit esté le 5 du mois dernier sorty et mis hors, laquelle somme de 23 livres 6 sols il promet luy payer et bailler dans 15 jours prochainement venant à peine de toutes pertes despens dommages et intérests et à ce faire oblige luy ses hoirs etc biens et choses à prendre etc et son corps à tenir prison comme pour deniers royaux renonçant etc dont etc
et ce fait sans desroger ne préjudicier par ledit Guibeles aux frais et voyages qu’il auroit fait avecq huissier et sergent contre Mathurin Goullier sergent royal demeurant en la paroisse de Noislet caution dudit Crosson faulte de l’avoir représenté esdites prisons par acte passé par nous notaire le 8 janvier dernier pour raison desquels frais et voyages il proteste se pourvoir ainsy qu’il verra estre à faire
fait et passé audit Angers à nostre tablier présents Me Jean Lemaçon et Sébastien Moreau praticiens demeurant audit Angers

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Délai de paiement pour Jacques Goullier, Senonnes, 1588

Je vous montre à travers tous ces actes notariés, le rôle financier d’Angers, et comment on devait le plus souvent s’y rendre pour emprunter. Voici le cas de Jacques Goullier, venu de Senonnes pour tenter de prolonger un prêt, prolongation qu’il obtient, moyennant le paiement des intérêts déjà dus.

    Voir mon étude des familles Goullier
    Voir ma page sur Senonnes
Senonnes, collection particulière, reproduction interdite
Senonnes, collection particulière, reproduction interdite

L’acte qui suit est extrait des Archives départementales du Maine-et-Loire, série 5E1 – Voici la retranscription de l’acte : Le 17 septembre 1588 après midy en la court du roy notre sire à Angers par davant nous François Revers notaire de ladite court personnellement establys honnestes personnes Mathurine Fleury veufve de deffnct Guillaume Guyonnière demeurante Angers tant en son nom que comme mère et tutrice naturelle de Michelle Guyonnière sa fille dudit deffunct et d’elle d’une part
et Jacques Goullier marchand demeurant à la Brocelaye paroisse de Senonnes d’autre part
soubzmettant lesdites parties respectivement etc confessent sans contrainte savoir est ladite Fleury esdit nom avoir ce jourd’huy prorogé allongé et continué et par ces présentes proroge allonge et continue audit Goullier le terme de luy payer la somme de 150 escuz sol en laquelle ledit Goullier est obligé ver ledit deffunt par contrat de vendition faict et passé par devant Me Mathurin Pelletier notaire royal audit Angers du 4 septembre présent mois et an jusques à ung an lors prochain venant payant et refondant par ledit Goullier à ladite Fleury esdit nom ladite somme de 150 escuz
et a ladite Fleury confessé avoir eu et receu ce jour d’huy et au veue de nous dudit Goullier la somme de 12 escuz et demy pour intéresté de ladite somme du temps écheu au 4 septembre dernier de laquelle somme de 12 escuz et demi ensemble de tous intérestz du passé ladite Fleury s’est tenu à content et bien payée et en a quicté et quicte ledit Goullier et ses hoirs etc sans préjudice audit contrat des intérestz de ladite somme pour l’advenir …

    ceci est le paiement des intérêts déjà dus, et ceci explique sans doute qu’elle accorde un délai de paiement, puisque les intérêts courrent encore pendant ce délai.

tout ce que dessus a esté stipulé et accepté par lesdites parties respectivement à ce tenir obligent lesdites parties respectivement à prendre etc foy jugement condemnation
fait et passé audit Angers maison de ladite Fleury en présence de Pierre Revers demeurant à la Babinière paroisse de Loyré et honneste homme Judes Hubonnier tailleur d’habis demeurant Angers témoins et ladite Fleury dict ne savoir signer

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Contrat d’apprentissage de chirurgien à Angers (49), 1653

pour André Goullier chez René Gendry (Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 5E)
Voici un nouveau contrat d’apprentissage, voir tous les autres
Merci aux courageuses personnes qui se sont exprimées sur la durée d’apprentissage du chirurgien autrefois. Ce billet va les décevoir.
Lors de nos recherches dans les registres campagnards, nous rencontrons très, très rarement le médecin, le plus souvent d’ailleurs nommé « docteur en médecine » et un peu plus souvent le chirurgien, encore que la majorité des paroisses n’a ni l’un ni l’autre.
Avant de lire le contrat d’apprentissage qui va étonner plus d’un, j’ai jugé utile, ne serait-ce que pour moi-même, de faire le point sur ce métier d’antan. J’ai donc été à la Médiathèque lire

Pierre Duhamel Histoire des médecins français, Plon, 1993
Jean-Charles Sournia Histoire de la médecine et des médecins, Larousse, 1994. Ce dernier pèse plusieurs kilos, car c’est l’un de ces ouvrages d’art aux magnifiques iconographies.

Et j’ai refait aussi refait le point à travers les dictionnaires d’antan :

Chirurgien, s.m. Celui qui fait profession de la Chirurgie, qui exerce la Chirurgie
Chirurgie, s. f. Art qui enseigne à faire diverses opérations de la main sur le corps humain pour la guérison des blessures, playes, fractures
Médecin, s. m. Qui fait profession d’entretenir la santé & de guerir les maladies. (Dictionnaire de L’Académie française, 1st Edition, 1694)

Voici d’abord la retranscription du contrat d’apprentissage du chirurgien : Le 17 mai 1653, devant Pierre Desmazières notaire royal à Angers, contrat d’apprentissage pour un an d’André Goullier (c’est une famille aisée en campagne, sachant lire et écrire, et que Toysonnier aurait appellée fermier de campagne) jouissant de ses droits comme il a dit, assisté de Me Jacques Goullier prêtre son frère Dt à Angers StPierre, chez René Gendry Me chirurgien à Angers St Pierre, qui promet l’avoir en sa maison, le nourrir, coucher, lui montrer et enseigner à sa possibilité l’art et métier de chirurgien en ce qui en dépend.
Ledit Goullier a ci devant convenu apprendre ledit art et promet obéir et servir ledit Gendry en toutes choses licites et honnêtes fidèlement sans se jamais demettre de ladite maison pendant le temps d’un an, à commencer lundi prochain,
moyennant la somme de 100 L, que ledit Goullier promet payer audit Gendry à la Toussaint prochaine sans que ledit payement puisse être retardé, ni que ledit Goullier puisse espérer aucune restitution si ledit Goullier s’absente de ladit maison sans cause légitime… et promet payer à sa femme 12 L pour les dépenses. (ce point, qui n’apparaît pas dans les contrats d’apprentissage précédents, est probablement le signe d’une garde-robe plus riche et surtout mieux entretenue, ce qui a contrario, laisse à penser sur le peu d’entretien général des autres)

  • Commentaires, basés sur mes lectures :
  • Au 17e siècle, seul le médecin a fréquenté l’université pour apprendre. Là, il a dû passer 4 années, car il a assimilé le latin (effectivement cela prend du temps), ne serait-ce que pour retenir le nom des médicaments, encore le plus souvent exprimé en latin en 1653. Les études sont sanctionnées par un diplôme de docteur, mais la formation est très inégale selon la faculté fréquentée. Les plus côtées sont Montpellier, Paris, Göttingen, Halle, Padoue, Bologne, Leyde et Edimbourg. C’est pourquoi on observe en Haut-Anjou des étudiants partis apprendre à Montpellier, et là je laisse à Marie-Laure, qui en est native, le soin de nous faire un commentaire.

    De leur côté, les apothicaires forment alors une profession assez bien règlementée, et, ils pratiquent aussi la visite des malades et la prescription de médicaments. A tel point, qu’ils ont le droit officiel de signer un certifical médical, au même titre qu’un médecin et un chirurgien, en 1639, date à laquelle le roi a convoqué le ban et l’arrière-ban, que je suis en train de retranscrire pour l’Anjou, et les perclus de gouttes, gravelle et autres incommodités sont priés de fournir un certificat de médécin, chirurgien et apothicaire. C’est dire la confusion qui règne en 1639 ! Bien entendu les querelles entre ces professions sont nombreuses… puisqu’elles empiètent l’une sur l’autre.

    Enfin, comparés aux médecins, les chirurgiens, plus nombreux, sont moins instruits, moins riches, moins honorés de la société. Après une lutte séculaire contre les médecins, et des démélés dérisoires jusque devant la justice, le 18e siècle leur apporte en France une réhabilitation. Ils s’affranchissent définitivement de toute accointance professionnelle avec les barbiers, obtiennent la création d’une Académie Royale de chirurgie, malgré la fureur de la faculté de Paris, et peuvent désormais comme les médecins, soutenir des thèses et devenir docteurs. Finalement médecins et chirurgiens se retrouvent côte à côte au sein d’une Société royale de médecine que la Faculté cesse bientôt de bouder. (Sournia, Opus cité)

    Arrive la Révolution, qui fait table rase du passé, et l’art de guérir devient libre et accessible à tous. Antoine de Fourcroy, chimiste et médecin, obtient quelques mois après la chute de Robespierre, le rétablissement de 3 écoles de santé à Paris. Puis le médecin Cabanis et le chimiste Chaptal, influencent la rénovation de l’enseignement médical, et les réformes, considérables, qui suivront, constituent la base du système actuel.

    En résumé, le chirurgien, d’abord proche du barbier, est apte aux techniques manuelles, mais surtout non diplomé et peu riche. Il s’oppose au médécin, rare, issu de la faculté, diplomé, mais moins enclin aux pratiques manuelles. Enfin, l’apothicaire, qui connaît parfaitement les médicaments, tente lui aussi de soigner… J’ai cru comprendre qu’au cours du 18e siècle, les chirurgiens choisissent progressivement d’entrer ou non dans le nouveau système d’études, et ceux qui refusent ces études devient au fil du temps des guérisseurs c’est à dire des non diplômés… Ceci ne s’est pas fait en un jour, et le 18e siècle a connu toutes les juxtapositions…
    Ceci était l’histoire simplifiée des études du personnel soignant du 16e au 18e siècle, et non pas l’histoire des découvertes médicales, qui seraient trop longue ici. Merci de vous tenir à l’enseignement si vous avez des commentaires…

    Mais de vous à moi, le chirurgien en 1653 devait avoir tout de même un certain prestige même s’il n’était pas aussi prestigieux que le médecin, car André Goullier, qui entre en apprentissage avec l’appui de son frère, prêtre, est issu d’une famille de fermiers de campagne (comme les appelle si joliement Toysonnier), et ils ont les moyens d’entrer à la faculté, à moins qu’il n’ait pas été enthousiasmé à l’idée d’apprendre le latin, ou pire, peu doué pour l’apprendre.

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