François Du Bellay, comte de Tonnerre, engage des seigneuries, Saint Sylvain et Andard 1549

Il est comte de Tonnere par sa femme Louise de Clermont.

Maison de Clermont-Tonnerre
Anne de Husson (1475 † 1540), fille de Charles de Husson, marié à Bernardin de Clermont, vicomte de Tallart
dont
Louise de Clermont (1496 † 1592), mariée à François du Bellay († 1553), puis à Antoine de Crussol, duc d’Uzès († 1573)

Cet acte est curieux car le paiement est fait de beaucoup d’espèces différentes, qui attestent le nombre important de monnaies ayant cours alors, dont les espagnoles… Mais le plus curieux est que le notaire n’a pas écrit l’équivalent en livres tournois, ce qui est toujours explicité dans tous les actes.
Enfin, la grâce est de 3 ans, mais pour le réméré, le comte de Tonnerre devra apporter les mêmes espèces, et comtpe-tenu de la diversité lors du paiement, je m’étonne qu’il puisse ensuite retrouver facilement une pareille diversité de pièces.

J’ai trouvé cet acte aux Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 5E121 – Voici sa retranscription (voir ci-contre propriété intellectuelle) :

Le 28 août 1549 (Huot notaire Angers) en la cour du roy notre sire à Angers personnellement estably noble et puissant messire François Du Bellay chevalier comte de Tonnerre baron de la Forest et du Plessis Macé, soubzmectant etc confesse avoir aujourd’huy vendu quicté cédé délaissé et transporté et encores vend etc perpétuellement par héritage
à honorable femme Mathurine Menard veufve de feu maistre Guy de Clermond demourant en la paroisse de la Trinité d’Angers à ce présente stipulante et acceptante qui a achacté pour elle ses hoirs etc la chastellenye terre et seigneurie de la Haye Joullain avecques le lieu fief seigneurie clouserye et appartenances de la Roche de Monceaux situés et assis scavoir ladite chastellenye de la Haye Joullain en la paroisse de St Silvin et ledit lieu fief et seigneurie de la Roche en la paroisse d’Andart, tout ainsi que lesdites choses se poursuivent et comportent fant en fiefs seigneuries justices justiciers cens rentes et debvoirs hommes hommaiges et subjects maisons terres prés bois vignes que autres choses quelconques comme elles ont accoustumé d’estre tenues possédées et exploictées par ledit seigneur ses gens fermiers et que Pierre de la Pelonye les tiend et exploite à présent à tiltre de ferme sans aucune chose y réserver
tenues à foy et hommaige du roy notre sire à cause du duché d’Anjou
transporté etc et est faite ceste présente vendition delays quictance cession et transport pour les espèces d’or et monnaie cy après déclarées c’est à savoir pour 443 escuz soleil, 20 escuz d’Espaigne, 83 double ducats à deux testes, 27 ducats, 4 ducats pofancez (potancez, voir commentaire ci-dessous de Jean Claude Adam), 5 angelots et demy, 11 escuz couronne, 18 nobles roze, 6 karolle de Flandre, 80 testons, le tout de poids et 45 livres tournois en monnaie de douzains

    le notaire a un peu raturé, et même beaucoup, donc je vous mets le passage et j’appelle à l’aide, sachant que sur la seconde vue, ci-dessous, vous avez la gloze au dessus des signatures, c’est à dire, les mots repris par le notaire de son passage surchargé. Il faut donc regarder les 2 vues.

le tout poyé baillé compté et nombré content en notre présence et au veu de nous par ladite achacteresse audit seigneur vendeur qui les a euz prins et receuz tellement qu’il s’en est tenu et tiend par ces présentes à bien poyé et content et en a quicté et quite ladite achacteresse
et laquelle vendition faisant a ledit seigneur comte retenu et réservé retiend et réserve par ces présentes grâce et faculté laquelle luy a esté concédée et octroyée par ladite achacteresse de pouvoir par ledit seigneur comte ses hoirs rescourcer et rémérer lesdites choses vendues et transportées comme dit est jusques à d’huy en 3 ans prochainement venant en payant et reffondant par ledit seigneur comte ses hoirs etc à ladite achacteresse ses hoirs etc pareilles espèces d’or et monnaie que les espèces dessus dites par ung seul et entier poyement avecques tous autres loyaulx coustemens, dedans la fin de laquelle grâce a promis et promet doibt et demeure ledit seigneur tenu bailler à ladite achacteresse les adveuz déclarations papiers censifs et autres lettre tiltres et enseignemens touchant et concernans lesdites choses vendues à la peine de tous intérestz ces présentes néantmoins etc
à laquelle vendition etc et à garantir etc et aux dommages etc oblige ledit seigneur comte soy ses hoirs etc renonçant etc foy jugement et condemnation etc
fait et passé audit Angers en la maison dudit de la Pelonnye les jour et an susdits

Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet Merci d’en discuter sur ce blog.

10 réponses sur “François Du Bellay, comte de Tonnerre, engage des seigneuries, Saint Sylvain et Andard 1549

  1. Il veut dire 443 écus d’or au soleilm (monnaie française introduite par Louis XI), 20 écus d’Espagne (monnaie espagnole donc), 83 double-ducas aux deux têtes (ce sont les double ducats représentant Ferdinand et Isabelle de Castille), 27 ducats (probablement espagnols aussi ?), 4 ducas « profancez » (là je ne sais pas de quoi parle le notaire), 5 angelots et demi (monnaie anglaise), 11 écus à la couronne (en principe monnaies françaises jusqu’à Louis XI, mais son emplacement laisseraiot plutôt penser à une monnaie anglaise, encore que je ne sache pas laquelle), 18 nobles à la rose (monnaie anglaise), 6 Karolus de Flandre (monnaie des Flandres), 80 testons (monnaie d’argent française, avec la tête du roi) et 45 livres en douzains (monnaie de billon française).
    Il y a donc beaucoup de variété, mais c’est la normale pour l’époque !

      Note d’Odile :

    Merci pour vos explications, car je m’y perdais beaucoup.
    Et, de vous à moi, quand je songe que la majorité de nos ancêtres ne savaient pas écrire, mais voyaient autant de monnaies circuler !!! alors que nous, lorsque nous sommes passés du franc à l’euro, on nous a fait tout un foin pour nous expliquer que nous n’en serions pas capables, enfin, surtout les personnes âgées !!!
    Je reste donc très admirative devant ce nombre de monnaies et les compétences de nos ancêtres.
    Odile

  2. Je pense toutefois que la diversité des monnaies, comme on peut le constater tout au long des documents que vous avez publiés sur votre blog, concerne surtout celles d’or. Et vu la somme qu’une moindre petite monnaie d’or représentait, je pense que c’étaient surtout des personnes aisées qui les manipulaient, donc davantage susceptible de savoir lire et écrire (les monnaies d’or ayant été frappées à l’origine pour les grandes transactions, avec le développement du commerce au XIIIe siècle). Le menu peuple voyait surtout circuler de celle de billon et d’argent.

      Note d’Odile :

    Oui, merci
    Donc notaires et riches connaissaient les monnaies d’or, et elles étaient nombreuses.
    Les autres n’avaient pas à s’en soucier et ne les voyaient pas.
    C’est bien noté.
    Odile

  3. C’est bien cela , les angelots = angels = 6 shillings 8 pence , issus pendant le règne de Edward IV en 1465 , basé sur la pièce Française : ange ou angelot depuis 1340.L ‘ Archange St Michel figure sur cette pièce …
    Noble à la rose = rose noble ou ryal ou crown of the rose = 10 shillings pièce introduite en 1526 .Vu que l ‘acte retranscrit se passe en 1549 cette pièce voyage en peu de temps… Crown = couronne .
    Les ducats étaient une monnaie internationale de commerce , originaire de Sicile et de Venise bien vite adoptés par de nombreux pays .Quant aux ducas  » pofancez  » c ‘ est un mystère ( complètement illogiquement je pense à Provence sans doute à cause du Roi René d ‘Anjou qui avait joué un role dans la guerre des 2 Roses en Angleterre…).

  4. Vous avez « déniché » deux actes de gestion pour la période Clermont de votre région, l’un par Louise et l’autre par son époux d’alors. Les traces laissées par la dite dame, même sur des actes de gestion sont rares. Est-elle apparue ailleurs dans vos recherches ?

    Pour les ducats « pofancez », c’est je pense, que le notaire à voulu écrire « potencé », il s’agirait alors du double ducat d’or, de cinq deniers six grains (6,69 g.) qui portait au revers une croix potencée dans un quadrilobe.
    Mais déjà, quand il n’y a que cela d’indéchiffrable dans un acte notarié du 16°…

    Pour votre remarque sur la capacité de nos ancêtres à naviguer dans les différentes monnaies (Pures, rognées, etc.), je pense qu’il ne faut pas généraliser, la plupart d’entre eux n’eurent jamais l’occasion de voir même une pièce d’or ou d’argent, se contentant du billon quand ils ne vivaient pas en autarcie et avaient quelque chose à vendre plutôt que troquer.
    Merci pour votre travail.
    Cordialement

      Note d’Odile :

    Merci pour les ducats potencés.

    Pour Louise de Clermont, je crois que je mets sur mon blog tout ce que j’ai, et que c’est surtout François Du Bellay que je rencontre. Je vais donc regarder si je trouve encore quelque chose sur la famille Du Bellay.

    Enfin, merci pour votre remarque sur les monnaies diverses. Je ne pensais pas à généraliser, seulement au niveau de ceux qui traitaient les actes de vente, comme les notaires, et cela est déjà impressionnant. Ainsi, il y a quelques semaines, j’ai mis sur mon blog un acte passé au Lion d’Angers, c’est à dire une ville de seconde importance, et les monnaies espagnoles et portugaises y circulaient en paiement, et je suis impressionnée de constater qu’un notaire local puisse alors avoir une telle connaissance des monnaies.

  5. Il y avait des ouvrages contenant toutes les informations et gravures sur les principales monnaies qui circulaient en Europe. En outre, ils avaient aussi à disposition des balances avec des poids correspondant à ces principales monnaies. Ils étaient donc loin d’être démunis face à l’abondance des différentes devises.

  6. Merci, madame.
    Désolé de vous entraîner sur une recherche qui n’est pas la vôtre, mais vous êtres bien placée pour savoir qu’un fil dépassant d’un écheveau nous amène vers d’autres questions… Pour nous, en recherches sur le Tonnerrois (Chère Louise !), François du Bellay est la grande inconnue, bien que « chef » de famille, c’est celui qui a laissé le moins de traces, et son mariage avec Louise, toute récente comtesse de Tonnerre, mais trentenaire, alors que lui est peu ou prou du même âge, ressemble à une « augmentation de capital », l’une a un titre, l’autre de l’argent, cela devrait permettre une évolution sociale. Hélas, la mort de François puis celle de leur fils l’année suivante, n’a pas permis à ce plan de réussir. Ce ne sera que partie remise pour Louise.
    Pour les monnaies, les informations circulaient effectivement entre les tabelions et les teneurs de comptes, et ce depuis les croisades et l’extension du commerce international qui avaient imposé le ducat et ses différentes variantes. Il n’était pas rarissime alors de trouver des monnaies arabes dans les comptes. En revanche, leur estimation était plus complexe encore, des actes du début du 14° siècle, font référence à « la bonne monnaie du temps du roi Louis (IX) » par défiance à la veleur réelle de celles du temps.

      Note d’Odile :

    Mon blog n’a pas pour but mes recherches personnelles, mais son but est de dénicher tout ce qui concerne le Haut-Anjou et de le restituer lisiblement. Ainsi, je pense que seulement moins de 5 % des actes que je mets me concernent.
    Mais je pense que mon blog illustre les modes de vie en Haut-Anjou au 16ème et au début du 17ème siècle, et contrairement au nombre peu élevé de courageux lecteurs qui ont soin de participer au blog par leur commentaire et/ou question, ce blog est très lu et compte plus de 3 500 lecteurs quotidiens, dont il faut retirer environ 50 % de spams, donc j’ai à coup sur plus de 1 500 lecteurs par jour.
    D’ailleurs, j’invite vivement ceux qui lisent seulement sans participer aux commentaires qui font vivre le blog, à venir participer aux commentaires.
    Odile

  7. Bonsoir,
    J’ai commis il y a quelques années la bio de Louise de Clermont sur le site de la SIEFAR et depuis, nous sommes une petite poignée à tenter d’aller plus loin. C’est la première fois, sur votre site que j’ai pu voir la signature de François du Bellay. Malgré quelques incursions à Angers et Tours pour la période angevine du couple, j’avais fait buisson creux jusqu’à maintenant.
    La famille du Bellay nous est plus connue par les procédures intentées et est pour le reste mise dans l’ombre par le cardinal, Jean, son frère Martin et le cousin Joachim…
    Pour ce qui est des recherches personnelles, qui nous apportent d’autres questionnements, les deux textes du Bellay que vous nous apportez, montrent, une location, puis la vente du même bien moins d’un an après. Ce quime questionne, d’autant que le même bien est toujours dans la famille du Bellay des années plus tard. C’est un détail… passionnant.

      Note d’Odile :

    à cette époque, de très nombreuses familles nobles pratiquaient l’engagement de biens immobiliers, parfois assez importants, pour disposer de liquidités immédiates.
    Je vous invite à aller lire ma catégorie ENGAGEMENTS (à droite de mon blog, apparaît un menu déroulant dans la fenêtre CATEGORIE) et l’engagement est dans les débuts de ce menu, avec les ventes, car c’est une « vente » bien particulière…
    lorsque le bien était engagé, il était le plus souvent baillé à ferme par l’acquéreur au vendeur.
    Lorsqu’on ne parvenait pas à faire le réméré dans le temps convenu (un nombre d’années fixées par le contrat d’engagement), on pouvait parfois obtenir une prorogation.
    Dans ma catégorie ENGAGEMENTS vous verrez même que les liquidités étaient pour un motif futil (fêtes et toilettes)

  8. Je m’en excuse et me permets de relever le motif ‘ futile’ ,pour nous sûrement , mais pour eux, n’était ce pas une obligation pour tenir leur rang ?

  9. Madame, je vous remercie de mettre à la disposition des intéressés les résultats de vos recherches. J’ai visité le château de Maulnes mardi dernier et suis encore sous le choc. J’ai donc commencé à essayé de connaître un peu les commanditaires de ce lieu absolument bouleversant qui, me semble-t-il, ont dû avoir un rôle majeur dans ce projet. Merci à vous de me faire approcher François Du Bellay et son époque par un angle de vue inhabituel pour moi, d’autant plus intéressant.
    Bien cordialement ji

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *