Comptes de gestion de la boutique d’Olivier Bouvery avec son gendre Pierre Cupif, Angers 1520

Hier nous avions vu le contrat de mariage qui remet en cause ce que d’aucun croyait savoir de la première génération des Cupif, et voici le même un an après son mariage, face à son beau-père, car il a découvert entre temps que la gestion de la boutique sans fonds de roulement était impossible.
D’ailleurs, si vous relisez le contrat de mariage paru ici hier, aucune mention n’est faite d’un apport de Pierre Cupif dans le mariage et/ou dans la gestion de la boutique.

Ici, l’acte est résoluement rare et exceptionnel car il illustre le fonctionnement financier du commerce de draps de laine. Car nous apprenons qu’ils s’agit de marchandise de draps de laine, et on apprend que Pierre Cupif en a acheté à Paris et à Rouen, mais à crédit, c’est à dire en créant chaque fois une obligation.
Par contre nous apprenons qu’il a vendu dans l’année, mais que la marchandise vendue n’a pas été payée comptant, et qu’il a ainsi beaucoup de débiteurs.
Je crois qu’un an après son mariage Pierre Cupif a donc découvert le principe de la nécessité d’un fonds de roulement, lequel fonds il n’a pas, et donc il a demandé à son beau-père de revoir le contrat de mariage afin de disposer de la somme nécessaire pour travailler, qui est de l’ordre de 300 livres.
Cet acte est exceptionnel, car les historiens disposent peu souvent de détails sur le commerce lui-même de telles marchandises, et on a plus souvent sur les pipes de vin que sur les tissus, et c’est volontairement que j’écris ici le terme « tissus » car il s’agit bien de l’ancienne signification de « drap » qui signifiait « étoffe ». On en faisait manteaux, vestes et robes.

et je vous mets ci-dessous à nouveau le nom du père de Pierre Cupif, mais depuis hier vous savez désormais que Jacques est éliminé.
Je ne descends pas des Cupif, et si vous en descendez vous pouvez me remercier !

J’ai trouvé cet acte aux Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 5E121 – Voici sa retranscription (voir ci-contre propriété intellectuelle) :

Le 16 mars 1519 (avant Pâques, dont le 16 mars 1520) Comme ainsi soit que au traité de mariage faisant (Huot notaire Angers) d’entre Pierre Cuppif filz de feu Pierre Cuppif et Antoinette Bouvery fille de honorable homme sire Olivier Bouvery bourgeoys et eschevin d’Angers estoit dit que le mariage faisant dudit Cuppif et de ladite Anthoinette ledit sieur Olivier Bouvery bailleroit audit Cuppif la somme de 300 livres tournois à icelle avoir et prendre du jour des espousailles

Cette vue est la propriété des Archives Départementales du Maine-et-Loire. Cliquez pour agrandir.

jusques à 7 ans après ensuivans avecques ce bailleroit ledit sieur Olivier Bouvery audit Cuppif à moitié de prouffit toute et chacune la marchandise de sa bouticque jusques à 7 ans entiers et parfaits a compter dudit jour des espousailles laquelle marchandise demourant en la bouticque dudit Bouvery, sans ce que ledit Cuppif la puisse transporter ailleurs, et que à la fin desdits 7 ans ledit Cuppif auroit et prendroit sur le total de ladite marchandise ladite somme de 300 livres tz oultre la moitié du prouffilt de ladite marchandise, et que en la fin desdits 7 ans ledit Cuppif rendroit compte audit Bouvery du fait de ladite marchandise et boutique selon l’inventaire qu’il en feroit par entre eulx
que soit ainsi que ledit Cuppif désiroit son avancement et ait désiré de tenir tout à plein bouticque sans ce qu’il soit tenu rendre compte et laquelle bouticque il a tenue possédée et exploitée par ung an entier ou environ en laquelle tenant il a convenu faire plusieurs prestz ledit Cuppif estoit tenu et chargé en tenir compte

    par « prests », il faut entendre les marchandises livrées à crédit, c’est à dire non payées comptant, et pour chaque livraison il y a donc une reconnaissance de dette sous forme de cédules mentionnées plus loin

pourquoy ledit cupif voyant la charge d’icelle bouticque estre grande et de faire les mauvais deniers a bien voulu dire et déclarer audit sieur Olivier Bouvery que son plaisir fust luy donner en oultre et parensus ladite somme de 300 livres tournois qu’il luy avoit promise le mariage faisant de luy et de ladite Anthoinette sa fille quelque somme de deniers en avancement de droit successif et que très volontiers il luy laisseroit sadite bouticque offrant à tenir compte du fait de ladite bouticque et des prestz qui auroient esté faictz à l’occasion d’icelle
pour ce est-il que en notre cour à Angers etc personnellement estably lesdites parties soubzmectant etc confessent les choses dessus dites estre vrayes
duquel compte et prouffils d’icelle bouticque lesdites parties en ont convenu et accordé ensemble c’est à savoir que audit Cuppif est demeuré et demeure la somme de 223 livres 5 sols 4 deniers tournois en draps de layne dont ledit Cuppif s’en en tenu à content par davant nous et la somme de 119 livres 2 sols 5 deniers que ledit Cuppif a confessé avoir euz et receuz des deniers d’icelle bouticque
ensemble a confessé ledit Cuppif avoir esté fait des prests d’icelle bouticque montant et revenant à la somme de 390 livres 12 sols 3 deniers tournois faits tant par ledit sieur Olivier Bouvery que par luy lesquelles debtes sont spécifiées et déclarées en une feuille de pappier en double signée desdites parties
laquelle somme de 390 livres 12 sols 3 deniers demeure audit Cuppif pour s’en faire paier dont et desquelles luy a esté baillé et délivré les cédulles et obligations faites pour raison d’icelle somme dont il s’en est tenu à content
et le reste de toutes autres debtes faites et créées pour raison d’icelle bouticque demeurent audit sieur Olivier Bouvery sans ce que ledit Cuppif y puisse prétendre et demander aulcune chose
toutes lesquelles sommes susdites montant et revenant ensemble à la somme de 733 livres tz sur laquelle somme ledit Pierre Cuppif s’est chargé de paier et acquiter vers Jehan Dubuz marchand demourant à Paris la somme de 189 livres tz, vers Guillaume Bellelle marchand demourant à Rouen la somme de 94 livres tz lesquelles debtes ledit Cuppif auroit créées durant la communauté de ladite bouticque,

    magnifique paragraphe qui illustre le commerce des étoffes, et comme ils étaient fort nombreux à Angers, et manifestement peu s’appauvrissaient, ce commerce était florissant. Je pense que mon blog vous en a déjà donnés quelques uns contemporains d’Olivier Bouvery, du côté des Fouquet, Furet, Grimaudet etc…

aussi est demeuré audit Cuppif pour son prouffit de ladite boutique la somme de 50 livres tz lesquels 50 livres tz ne seront subject à rapport dont et desquelles sommes susdites n’en revient audit Cuppif que la somme de 400 livres tz en ce comprins la somme de 300 livres tz qui promise auroit esté audit Cuppif le mariage faisant de luy et de ladite Anthoinette
de laquelle somme de 400 livres tz ledit Cuppif sera et demeurera tenu subject à rapport
et demeurent lesdites parties par ces présentes quites l’une vers les autres de toutes et chacunes les choses touchans et concernans ladite bouticque et de toutes autres choses dont ils eussent peu faire question et demande l’un à l’autre en quelque manière que ce soit
auxquelles choses dessus dites tenir et accomplir d’une part et d’autre sans jamais aller faire venir encontre en aulcune manière et aux dommages l’un de l’autre amendes etc obligent lesdites parties l’une vers l’autre etc renonçant etc foy jugement et condemnation etc
présents ad ce Jehan Lebreton marchand apothicaire et Rolland Grude marchand demourans à Angers tesmoings
fait à Angers en la maison dudit sieur Olivier Bouvery les jour et an susdits
et demeure le contrat de mariage fait et passé entre ledit Cuppf et ladite Anthoinetet en sa force et vertu fors que en la communauté de ladite bouticque et en l’effet d’icelle il demeure nul et de nul effect et valleur ledit contrat de mariage passé par J. Davoynes et N. Huot notaire des contrats royaulx en dabte du 23 janvier 1518 (ancien style)

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3 réponses sur “Comptes de gestion de la boutique d’Olivier Bouvery avec son gendre Pierre Cupif, Angers 1520

  1. Merci pour ces deux documents sur les Bouvery, fort intéressants en effet. Non seulement ils sont intéressants par eux-même (surtout le dernier), mais en plus ils apportent beaucoup de renseignements permettant de modifier les généalogies jusqu’ici publiées.

  2. Un grand merci pour votre énorme travail et tous ces documents d’une grande utilité pour les généalogistes.

    Ces 2 actes relatifs aux Cupif sont d’une importance capitale car ils remettent clairement en cause la généalogie jusqu’ici établie.

    Un grand bravo à vous !

      Note d’Odile :

    Pas seulement pour les généalogistes, mais aussi pour les historiens !

  3. 2301.(Registre.)-In folio,papier,137 feuillets,le premier manque;plus 3 pièces papier,intercalées.
    1441-1448.-DUBOILLE.
    -Journal de vente de Jacquet Duboille,marchand drapier à Angers;il contient de curieux renseignements sur les pratiques du commerce au XVe siècle,sur le costume,le prix des draps de velours,de damas,de satin,les achats du marchand à la foire de Genève et la mention de ses clients,parmi lesquels figurent Antoine et Huet de Baïf,les sieurs de Martigné,de La Guerche,de Tucé,de La Jumellière,de La Forest,un allemand »qui demeure où la royne de Sicille, »Claux,tailleur du roi de Sicile,l’écuyer du roi de Sicile,qui pour acheter quatre aunes d’écarlate à 8 écus l’aune,engage « un diamant et ungne salade garnie d’orfaverie; « maître Jean le canonnier,le valet de chambre de madame de Calabre,l’amiral de Bretagne,etc.-Rondeau: »Hélas ! que doys-je faire ? »
    (Série E.Titres de famille.A.D du Maine et Loire.C.Port.)

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