Non encore sorti des entrailles de sa mère

Aujourd’hui je viens vous parler d’un point de religion, et ce, parce qu’avant la Révolution, les actes catholiques de baptême, mariage et sépulture étaient devenus l’état civil des Français depuis Villers-Cotterêts, 1539.

Le prêtre avait un ouvrage religieux destiné à lui indiquer le mode d’emploi de ses actes. Cet ouvrage, nommé un RITUEL, était écrit en latin, donnait avec précision toutes les indications utiles à l’exercice de son ministère, et était publié par diocèse sous la responsabilité de chaque évêque.
Il se trouve que je possède le RITUALE NANNETENSE de 1776, qui est le rituel du diocèse de Nantes. C’est de lui que je tire par exemple les prénoms autorisés qui sont sur mon site.

Parmi les points évoqués par un rituel, il y avait le baptême des foetus ou embryons.
Bref, avant la Révolution, voici la précision pour ce qui est du diocèse de Nantes, et je gage que les autres diocèses lui ressemblaient fort sur ce point de doctrine comme sur la plupart des points, et je pense que les variantes étaient uniquemement au niveau de fêtes locales et des prénoms autorisés.

Ce point de la religion catholique pré-révolutionnaire me vient à l’esprit parce que je viens de lire l’acte suivant au Louroux-Béconnais sur le site des Archives Départementales du Maine-et-Loire :

« Le sixiesme jour de janvier l’an mil six cents quarante furent administrées les cérémonies du saint baptesme à Pierre filz de Mathurin Lepretre et de Saincte Greslet ses père et mère lequel pour le péril de mort de ladite Greslet avoit esté baptizé par Marie veufve feu (blanc) non encore entièrement issu des entrailles de sa mère fut parrain Pierre Landays la marraine Jacquette Greslet femme de Jehan Leportier » v°47-199

  • Voici donc ce que dit sur ce point mon RITUALE NANNETENSE, 1771 :
  • Sur le baptême des foetus, ou embryons, on lira utilement un livre intitulé : Embriologie Sacrée, ouvrage composé en latin par M. Cangiamila, docteur en théologie, chanoine théologal de l’église de Palerme, et inquisiteur de la Foi dans tout le royaume de Sicile ; abrégé et traduit en françois par M. l’abbé Dinouart, chanoine de l’église collégiale de St Benoit à Paris.
    Le but que s’est proposé l’auteur, dans cet ouvrage, c’a été d’intruire les prêtres, les médecins, les chirurgiens et les sages-femmes, des devoirs qu’ils ont à remplir à l’égard des foetus, embryons, ou enfants qui sont encore dans le sein de leur mère, ou qui en sont sortis. Dans cette vue il traite 1° du Baptême desdits foetus ou embryons – 2° de l’opération césarienne, dont il prouve la nécessité, quand on ne peut tirer l’enfant du sein de sa mère par les voies plus naturelles.

    Quant au premier objet, c’est-à-dire, quant à la nécessité de baptiser les foetus et embryons, il établit des maximes entièrement négligées dans la pratique, quoiqu’elles soient de la dernière importance, puisqu’elles regardent le salut éternel d’un grand nombre d’enfants. Il enseigne que, dans les avortements ou fausses couches des femmes, on doit baptiser (avec de l’eau tière) sous consition les foetur, quelques petits qu’ils puissent être, et quelque peu avancée que soit la grossesse, du moins quant on y aperçoit les premiers traits de la forme humaine, et que d’ailleurs on n’a pas des preuves certaines de leur mort. Sur quoi il est bon d’observer avec lui, que le défaut de mouvement ne constate point la mort d’un embryon, attendu qu’il peut être plein de vie et paroître néanmoins sans mouvement, à cause de la foiblesse extrême où le réduit quelquefois la violence de l’avortement. Il n’y a, selon notre auteur, que la putréfaction universelle, ou le déchirement des parties, qu’on puisse prendre pour des marques assurées de la mort du foetus ; toutes les autres lui paraissent équivoques ; et il en conclut qu’il faut le baptiser conditionnellement, de peur de risquer le salut éternel d’une créature raisonnable.

    Pour la même raison, il dit que si le foetus sort du sein de sa mère enveloppé de sa membrane, il faut le baptiser tout de suite dans l’état où il se trouve avec cette condition : Si tu es capax. Le moindre délai l’exposerait à perdre la vie sans avoir reçule baptême, soità cause de sa grande foiblesse, soit à cause de l’impression de l’air extérieur. Après cette première opération, il faut, continue-t-il, ouvrir la membrane, et le baptiser une seconde fois avec cette double condition : Si tu es capax, et si non es baptizatus ; parce que les théologiens ne conviennent pas de la validité du baptême donné dans le premier cas. Il ajoute qu’on doit toujours examiner avec attention, s’il n’y a pas plusieurs foetus, comme il arrive souvent, afin de les baptiser tous.

    Quant au second objet, c’est-à-dire, à la nécessité de l’opération césarienne… (ce point important fera l’objet d’un article la semaine prochaine, aussi avec un cas extrait de l’état civil) A bientôt.
    De nos jours, l’état civil français reconnait depuis peu l’existence civile d’un foetus mort-né, mais pas de celui des avortements, et sur ce point, mon QI ne m’a permis de comprendre.

    Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet Merci d’en discuter sur ce blog et non aller en discuter dans mon dos sur un forum ou autre blog.

    5 réponses sur “Non encore sorti des entrailles de sa mère

    1. J’ai trouvé ce baptême à Cherizy …L’an 1739 le 14 avril a été par nous ptre curé soussigné inhumé dans le cimetière de ce lieu un monstre ayant la figure humaine composé de deux têtes séparéez les unes des autres avec quatre bras dont ils embrasoient la tête de l’un et de l’autre sur corps unique et un cœur le bas du ventre séparé en deux quatre jambes entre lasséz les unes les autres il y paroissoit aussi tous filles isssues du légitime mariage de Charles BINARD mtre jardinier de Me GREFFIER à Frémincourt hameau de cette paroisse et de Marie Margueritte MASSON Lesquelles ont été batisées à la maison par Madame BINET sage femme jurée de la ville de Dreux et ont encore survécu un quart d’heure après avoir recu ledit bataime ainsi que me l’a certifié ledit Charles BINART père qui a asisté à ladite inhumation …
      Note d’Odile : à l’époque, ceci était considéré comme monstre , et ils ont eu de la chance d’être considéré comme être humain. Voir ma page sur les peurs d’antan.

    2. J’ai des ancêtres meusiens d’un petit village nommé Avioth à la frontière belge. Dans ce village de 200 habitants il y a une magnifique basilique dédiée à Notre Dame. Notre Dame d’Avioth est ce que l’on appelle  » un sanctuaire de Répit ».
      Selon la croyance populaire en certaines provinces, le « répit » est, chez un enfant mort-né, un retour temporaire à la vie le temps de lui conférer le baptême avant la mort définitive. Ayant été baptisé, l’enfant pourra de ce fait entrer en paradis au lieu d’errer dans les limbes où il serait privé de la vision de Dieu. Les enfants mort-nés étaient apportés dans un panier et venaient souvent de fort loin : Bastogne, Marville, Habay, Arrancy, distants de plusieurs lieues d’Avioth. Quel que soit la saison, ils étaient exposés nus aux pieds de la statue de la Vierge, à même la pierre. Tous les assistants, appelés au son de la cloche, se mettaient en prières. On chantait le Salve Regina puis les litanies en l’honneur de la Vierge. Certains faisaient célébrer la messe, se confessaient et communiaient, «afin de pouvoir plus efficacement incliner la Vierge Marie de leur obtenir de Dieu son Fils, grâces et miséricordes pour ces enfants à leur grande consolation.» Alors des signes de vie pouvaient apparaitre : «le mouvement des veines des membres revient, la couleur de noir devient vermeille, l’effusion du sang ou une sueur chaude survient » note le chroniqueur. En présence de ces symptômes le baptême, sous conditions, était donné : « Si tu es en vie, je te baptise… » Aussitôt après les signes de mort réapparaissaient et l’enfant était inhumé à l’est de l’église.

    3. Le Louroux-Beconnais « Le quinziesme desdits mois et an 1654 fut inhumé au grand cimetière le corps de deffunte Marie Hallignon vivante femme de Jehan Lepage de laquelle le corps de l’enfant y mort a esté inhumé le jour précédent qui aurait esté baptisé estant encore partie au corps de sa mère par Pierre Poytevin le tout par moy prêtre soubsigné Adam » v°282-327

    4. Une ancêtre de mon époux …
      Oinville-sous-Auneau
      Ce samedi 8e jour d’octobre 1695, Magdeleine VALTEMAND, veuve de René RICHER faisant fonction de sage-femme dans cette paroisse et y demeurant, s’est transportée dans la maison de Pierre DAVAUT pour assister à l’accouchement de Radegonde DENFER, laquelle son fruit étant encore vivant et l’enfant ayant de la peine à entrer au monde ladite sage-femme l’a ondoyé sous condition sur la première partie qui lui a apparue en présence de Sébastienne AUBER, grand-mère dudit enfant et cet enfant ayant ensuite —- perdu la vie et n’a montré aucun mouvement depuis qu’il est sorti du ventre de sa mère et dans la croyance que cet enfant (qui étoit fille) avoit été ondoyé pendant qu’il avait encore un peu de vie ou savoir de sa propre mère, j’ai soussigné prêtre curé d’Oynville que ledit enfant pouvait être inhumé dans l’église dudit Oynville en la place de ses parents en présence de son dit père …

    5. Saint-Clément-de-la-Place (collection départementale) : « Le dixiesme jour d’avril de l’année mil six cent quatre vingt dix a esté inhumé dans le petit cimetière de cette église par moy curé d’icelle soussigné le corps d’un petit enfant nay du même jour et fils légitime de Pierre Retineau te Renée Thenier demeurants en cette paroisse lequel a esté baptisé à la maison par necessité, et deux fois, la première sur un pied en sortant du ventre de la mère par Anne Thesnier fille de feu Mathieu Thesnier et d’Anne Hachet demeurante paroisse de la Meignenne et sœur de la mère de l’enfant, lequel après estre sorti du ventre de la mère a derechef esté baptisé sous condition par Estienne Bourgais de la paroisse de Vern sur la teste, ces deux baptêmes ont été administrés en présence de la mère de l’enfant et de la grande mère nommée le veuve Thesnier, a assisté à la sépulture dudit enfant Pierre Retineau son père et Françoise Roullois fille de François Roullois et de Magdeleine Moitier demeurant au Houx en cette paroisse lesquels ont déclaré ne savoir signer de ce ensuis, signé Horeau »

      Vous imaginez la scène ;l’accouchée doit être en travail depuis des heures,elle crie de douleur ,il y a du sang et ce pied …et l ‘angoisse c’est le baptème… Vive la médecine actuelle et la Raison qui arrivera au siècle suivant( ce qui n’empeche pas la foi que je respecte) EMK

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