Prison pour dettes, René Lemesle laboureur à bras, Marigné près Daon, 1625

Autrefois les dettes étaient sévèrement punies.
Nous avons vu dans le dernier chapitre de Nantes la Brume, paru le 2 octobre, le suicide d’un banquier (les temps ont changé !)
et voici la prison pour dettes, et soyons claire pour dettes infimes.

Mais, dans ce cas, on était solidaire en famille. Ici, René Lemesle laboureur à bras à Marigné est emprisonné pour avoir touché 120 livres pour livrer du blé qu’il n’a pas livré. Son frère, Jacques Lemesle, demeurant à Querré, vient le faire libérer en se portant caution solidaire avec lui du remboursement.

L’acte suivant est extrait des Archives Départementales du Maine-et-Loire – Voici la retranscription de l’acte : Le mardy 21 mars 1625 après midy devant nous Pierre Bechu notaire royal Angers fut présent estably et soubsmis chacun de Maurice Edin marchand demeurant audit Angers paroisse de la Trinité au nom et comme soy faisant fort de René Alleaume marchand baptelier demeurant audit Angers dite paroisse auquel il a promis faire ratiffier et avoir agréable ces présenes dans 2 jours prochainement venant à peine de toutes pertes dommages intérests et depends ces présentes néanmoins d’une part et Jacques Lemesle laboureur à bras demeurant en la paroisse de Querré et René Lemesle son frère aussi laboureur à bras demeurant en la paroisse de Marigné près Daon à présent prisonnier ès prisons royaulx dudit Angers pour ce mandé et fait descendre en la chapelle desdites prisons d’autre part, lesquels et lesdits Jacques et René Lemesle chacun d’eux seul et pour le tout sans division de personne ni de biens confessent avoir fait et font entre eulx ce qui ensuit sur la prière et requeste présentement faire par lesdits Lemesle audit Edin de vouloir consentir à l’élargissement de la personne dudit René Lemesle emprisonné soubz son nom à défaut d’avoir par ledit René Lemesle fourni et livré audit Edin quoique soit audit Alleaume ayant les droits dudit Edin, le nombre de bled par le jugement donné par les juges civils de ceste ville le (blanc) dernier et en vertu duquel il aurait esté emprissoné, offrant lesdits Lemesle s’obliger solidairement payer audit Alleaum ayant les droits ceddés dudit Edin la somme de siw vingt livres que ledit René Lemesle auroit receue dudit Alleaume par advance sur le reste du prix dudit nombre de bled et dont il ne luy auroit fourni et livré aulcun bled pour ladite somme, leur donnant par ledit Edin audit nom et d’iceluy Alleaume terme et délay de payer ladite somme dans d’huy en 7 ans prochainement venant par chacuns ans à pareil jour des présentes la somme de 17 livres 2 sols 10 deniers et jusques à l’entier payement de ladite somme de six vingt livres icelle payée par chacuns ans,
à laquelle prière et requeste ledit Edtin audit nom a pour éviter la détention de la personne dudit René Lemesle accepté et accepté ladite offre par lesdits Lemesle faire, au moyen de quoy ont lesdits Jacques et René Lemesle solidairement sans division de personne et d ebiens promis et promettent rendre payer et bailler audit Alleaume la somme de six vingt livres dans ledit temps de 7 ans savoir par chascuns ans la somme de 17 livres 2 sols 10 deniers le premier payement commenczant savoir du jourd’huy en un an et à continuer d’an en an jusques à l’entier payement sans desroger comme dit est …

PJ Contre lettre de René Lemesle : Le 21 mars 1625, devant nous Pierre Bechu notaire royal Angers, furent présents et personnellement establis et soubzmis René Lemesle laboureur à bras demeurant en la paroisse de Marigné près Daon, lequel a recogneu et confessé que ce jourd’huy devant nous que c’est à sa prière et requête et pour lui faire plaisir seulement que Jacques Lemesle son frère aussi laboureur à bras demeurant en la paroisse de Querré à ce présent et acceptant se seroit avecq luy solidairement obligé payer à Maurisse Edin au nom et comme procureur de René Alleaume la somme de six vingt livres dans du jourd’huy en sept ans scavoir la somme de 17 livres 2 sols 10 deniers par chascuns ans à pareil jour et dabte des présentes jusques au parfait payement le premier payement commenczant du jourd’huy en un an comme du tout est porté par l’accord fait entre eux, lequel a esté par ledit Jacques Lemesle fait pour parvenir à l’eslargissement de la personne dudit René Lesmesle qui avoit esté prisonnier à la requeste dudit Edin ès prisons de ceste ville, et desquelles il a esté ce jourd’huy avec ces présentes eslargi au moyen dudit accord, et comme il est par iceluy porté, c’est pourquoi ledit René Lemesle a promis et promet par ces présentes tirer et mettre hors ledit Jacques Lemesle son frère de ladite convention et intervention payer pour le tout de ses deniers ladite somme de six vingt livres et en fournir acquits et quittances vallables de toute ladite somme di jourd’huy en 6 moix prochainement venant à peine de toutes pertes dommage et intérests et despends, à quoy faire ledit René Lemesle a voulu et consenti estre contraint par toutes voyes et manières deues et raisonnables mesme par emprisonnement de sa personne en vertu des présentes …
fait et passé audit Angers en nostre tablier en présence de Me René de Lalande et René Sallays sergents royaux et Mathurin Rigault sarger demeurant ledit Delalande audit Angers ledit Sallays au bourg de Cantenay et ledit Rigault audit Querré
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Prison pour femmes en 1634 la cave du cloître Saint-Martin d’Angers,

Nous étions hier dans le tabac. Or, au 19e siècle, l’entrepôt de tabac d’Angers occupait les ruines de l’église Saint-Martin, dont la nef s’était effondrée en 1829. En 1634, on y mettait bien autre chose, dans une cave.

Le terme cave ne signifie plus grand chose pour nombre d’entre nous, habitants les ensembles et autres tours de béton, dont celle qui m’abrite. Mais, autrefois (et encore dans les maisons anciennes), c’était franchement sous terre, sous la maison. Lorsque j’étais petite, notre maison en possédait une, et lors des bombardements, nous nous blotissions ensemble dans la cave, se pensant à l’abri, tandis que nos parents nous racontaient que c’était l’orage. Comment peut-on dire à des enfants que des bombes leur tombent dessus ?.

Voici la cave que je viens de découvrir, en 1634. L’acte est extrait des Archives Départementales du Maine-et-Loire : Voici la retranscription : Le 22 avril 1634, devant nous Laurent Chuppé notaire royal Angers furent présents personnellement establis et duement soumis Me Jacques Margautin bedeau et serguer de l’église royale Monsieur St Martin de cette ville d’Angers, y demeurant paroisse St Michel de la Palludz d’une part,
et honneste fille Jeanne Moreau lingère demeurante audit Angers paroisse dudit St Martin d’autre part,
lesquels sont volontairement fait et font entre eux le bail à louage qui s’ensuit, c’est à savoir que ledit Margautin a baillé et baille par ces présentes à ladite Moreau ce requérante pour le temps et espace de 8 années entières et consécutives qui commenceront au jour et feste de Noël prochain
savoir est le corps de logis dépendant de la bedellerye dudit St Martin à présent exploicté par la veuve Feuryau comme il se poursuit et comport sans réservation en faire par ledit bailleur
pour en jouir par la preneure ledit temps durant bien et duement comme un bon père de famille sans rien y malverser ains entretiendra ladite preneure ledit logis en bonne et due réparation de terrasse viltre carreau et couverture, et rendra le tout bien et duement réparé desdites réparations à la fin dudit présent bail comme lui seront baillées au commencement d’iceluy,
demeure ladite preneure tenue fermer et ouvrir soir et matin la grande porte du cloistre estant soubz la petite chambre dudit logis lors qu’il plaira audit sieur doyen chanoines et chapitre de l’église dudit St Martin l’ordonner par conclusion capitulaire
et oultre demeure ladite preneure tenue délivrer la clef de la cave dudit logis qui est la prison dudit St Martin audit bailleur et la tenir nette pour y mettre des prisonnières lors et toutefois et quante qu’il en sera requis et fera ladite preneure tailler le volier (volier : du Poitou à la Sarthe, espalier, tonnelle, treillage destiné à supporter la vigne, à la faire grimper le long des maisons) de ladite appartenance de temps et saison convenable et en baillera par chacun an 6 beaux raisins de ceux qui proviendront audit bailleur, et est fait ledit présent bail à louage oultre les charges ci-dessus pour en payer et bailler par ladite preneur audit bailleur la somme de 30 L tournois par chacun an par moitié .. (AD49)

Le Dictionnaire du Maine et Loire, de Célestin Port, dans sa première édition, tome 1, page 58, à l’article Angers, Saint-Martin, précise

« Autour de l’enclos régnaient des cloîtres, loués presque entièrement à des laïcs ; à l’entrée, vers la rue Saint Martin, une cave attenant à la maison des Greniers, servait de prison capitulaire. »

Voici donc la cave du cloître Saint-Martin, qui servit autrefois pour enfermer des femmes… Mais la locataire a aussi le charme d’une treille. Elle doit l’entretenir et en donner chaque année 6 grappes de raisin au bailleur.
Je m’imaginais qu’à Angers il n’y avait qu’une prison, et je n’avais même pas réfléchi qu’on ne mettait pas les femmes avec les hommes… Je viens de découvrir qu’il existait avant le 16e siècle, bien d’autres prisons. Célestin Port (Dictionnaire du Maine et Loire) dit qu’il y en avait une dans chaque fief ayant justice.

Quant au bedeau, il était décrit dans le billet du 23 février « Nantes la Brume », sous le nom de Suisse, et je me souviens avoir vu dans mon enfance ce personnage au costume curieux, marcher devant Mr le curé lors des processions dans l’église Saint-Jacques. C’était du plus bel effet lors des mariages.

Comme tout bail, ce bail indique que le locataire doit entretenir en bon état de réparation terrasse vitre carreau et couverture. Nous partons demain dans la terrasse, ce faux-ami des baux Angevins.

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