Généafolie : la loupe mondaine et la diagonale

Ma génération, née avant guerre, a donné une majorité d’ados, puis adultes, plutôt obéissants que rebelles, j’appartiens à ces zombis qui ne discutaient pas beaucoup voire pas du tout les déclarations des parents. On avait même quelque chose qui semble oublié, le respect des parents.
Parmi les amis proches des miens, une généalogiste des années 1960, époque d’une généalogie naissante. Elle nous vantait en long et en large telle propriété que telle famille de ses ancêtres avait possédée.
Et tout le monde de la croire !
D’autant qu’à cette époque je n’avais pas commencé mes propres recherches.

Des années plus tard, débutante, je découvrais la richesse de Clisson dans ma filiation, et parallèlement j’utilise la micro-informatique naissante. J’entreprends alors les tables des mariages de Clisson bien avant que le système actuel existe.

L’un des mariages FORGET, concernant mes collatéraux, m’interpelle. En effet, curieusement, il donne la filiation des ascendants de l’amie de mes parents.
Mais pas du tout la filiation énoncée plus haut.

Rencontrant l’amie, je l’informe avoir trouvé le mariage et le nom de ses parents. En vain, elle me répond que j’avais tord.

Au passage suivant aux Archives (rares étaient mes passages car je travaillais encore) je prends une photocopie du microfilm, et je dépose l’acte en question dans la boîte aux lettres de l’amie.
Les années qui suivirent virent la même réponse : « je m’étais trompée »

Et, comme je vous exposais au début de ce billet, à cette époque ma génération ne contredisait pas facilement les aînés, surtout quand on risquait une crise diplomatique familiale. Je dus donc me taire. D’autant que l’amie clamait haut et fort comment elle avait fait et que c’était ma méthode qui était erronnée, du moins c’est ce qu’elle prétendait.

Voici donc sa méthode :

Mes (cette amie) ascendants sont d’un certain milieu ou plutôt « je veux que mes ancêtres sortent d’un certain milieu, donc je ne vois pas les autres, et surtout je ne les cherche pas car je risquerais de les trouver « 
Donc ils sont forcément dans le fonds Freslon
Donc, inutile d’utiliser les registres paroissiaux
Puisque le fonds Freslon pour Clisson donne UNTEL c’est mon ancêtre
Un homonyme dans les registres paroissiaux ne peut pas être mon ancêtre (cf les 2 premiers énoncés) cela s’appelle la loupe mondaine
D’autant que j’évite de regarder et/ou croire qu’il existe des homonymes. cela s’appelle la diagonale

Cette dernière méthode, qui consiste à utiliser la diagonale sans vérifier tous les mariages de la lignée, donnant expréssement la filiation, mais à se contenter d’un homonyme en sautant dessus, sur que c’est le sien, est un travers hélas toujours existant. J’ai bien d’autres vécus à vous conter concernant l’utilisation de la diagonale.

Mais qu’est ce donc que le fonds Freslon pour les non initiés et/ou non habitués de mon département de Loire-Atlantique.
Ce fonds est le relevé manuscrit partiel du vicomte de Freslon, qui parcourut les registres paroissiaux muni d’une puissante loupe mondaine, laissant impitoyablement tomber tous ceux qui à ses yeux mondains, ne méritaient pas qu’on les note. Oh là là, ils travaillaient de leurs mains !!! Il alla même jusqu’à écrire de telle famille qu’il avait commencé à relever, que la suite « tombait » et il ne la notait plus.
La loupe mondaine a été (et est encore) beaucoup utilisée.
Ainsi il a y a des années de cela, Bernard Mayaud, voyant mes travaux sur les Alaneau, chatelains de Pouancé sur plusieurs générations, me les demande pour les publier dans ses recueils. L’entrevue fut brêve, il refusait de mettre la branche trop descendue, au point de travailler de ses mains. Mon refus fut à la hauteur de mon caractère, désormais connu de beaucoup pour « mal-commode » : c’est tout ou rien, la vérité ou rien.

Et depuis, j’ai été confronté à nombre d’obsédés de la loupe mondaine, loupe au reste très courante autrefois. J’ai des vécus que je qualifierais d’hallucinants, mais que je peux vous conter, car souvent avec menaces à la clef si je parle.
Eh oui, toute vérité n’est pas bonne à dire.
Et qu’est-ce que la vérité sans traçabilité en généalogie ?

Mais, moi, il n’y a pas de jours où je ne pense à cette amie de mes parents, à travers laquelle j’ai été brutalement confrontée à la loupe mondaine, pas de jours où je ne sois écoeurée de la généalogie, car elle est encore pervertie.
Et vice-versa, pas de jours où je n’ai l’obsession du devenir de mes travaux, bardés de preuves, dont certains généalogistes n’ont rien à faire, au point des les altérer, ou pire de continuer à croire les pseudo-mondains d’antan.

Alors comment transmettre des travaux fiables ? Comment faire pour que ce qui est duement prouvé ne soit jamais altéré ?
J’ai autrefois écrit sur mon site des pages de GENEAFOLIE. Je viens de les relire et je n’en retire rien, au contraire j’ai ici entrepris de compléter mon témoignage, pour en dresser une histoire (ou des éléments pour servir à l’histoire) de la généalogie.