Gamaliel Jeubert, laboureur à Chalautre la Grande (77) a acheté du drap à Provins, 1563

Introduction

Le fonds du notaire Ponthus Baisela contient surtout des reconnaissances de dette et des reçus, et autrefois, comme maintenant d’ailleurs, on ne payait pas toujours comptant, et c’est chez le notaire qu’on devait passer pour enregistrer le montant restant à payer.

le drap

Le drap est un tissu à l’époque, qui n’a rien à voir avec le drap de lit que nous connaissons. Donc, c’est en 1563 une étoffe de laine, et si Gamaliel Jeubert est venu en acheter tant de mètres, c’est probablement pour faire faire un trousseau à un enfant lors de son mariage, car c’est une occasion que j’ai souvent rencontrée, on faisait alors à tous des vêtements neufs. Et j’ajoute que ce tissu de laine était chaud.

magnifique signature de Gamaliel Jeubert, laboureur

avec une très jolie fioriture, et un prénom rare, mais dans le Provinois on utiisait beaucoup plus de prénoms que ceux que je voyais en Anjou.

AD77-1056E476 Ponthus Baisela notaire à Provins – vue prise par le CGHSM de Melun, avec son aimable autorisation

1563.02.01 n.s. (1562) vue 228 – Gamaliel Jeubert laboureur demeurant à Pigolle paroisse de Chalautre la grand recognut debvoir à honneste femme Symone Boucher veufve de feu Jehan Posteau demeurant à Provins absente la somme de 11 livres tz pour vendition et délivrance de drap … et de trois aulnes et demye … oblige corps et biens …

Georges Briasson, vigneron à Chalautre la Grande, possédait 10 hectares, 1563

Introduction

Ce blog vous donne 7 000 articles et j’ai été il y a 40 ans déjà, une pionnière dans le dépouillement des actes notariés à des fins de recherches généalogiques, car je voulais comprendre les modes de vie de nos ascendants. Ce jour je vous mets le plus extraordinaire des actes, grâce auquel je viens enfin de comprendre la fable de La Fontaine « Un riche laboureur ».

mes connaissances avant mes recherches

Bac début des années 50 au Lycée Guist’hau à Nantes, puis j’ai acheté beaucoup de livres d’histoires, dont pour un aperçu sur les paysans d’autrefois :
ANTOINE Annie Fiefs et villages du Bas-Maine au 18e Floch 1994
AUDISIO Gabriel Les Français d’hier : des Paysans XV-XIXèmes siècles Armand Colin 1998
BENDJEBBAR André La Vie quotidienne en Anjou au XVIIIe siècle Hachette 1983
BOURQUIN Laurent La France au XVIème siècle (1483-1610) Belin 2007
DLOUSSKY Jocelyne Vive la Toile, économie et société à Laval au 18e Floch 1990
DRÉVILLON Hervé Histoire culturelle de l’ancien régime XVIe Sedes 1997
GUTTON Jean-Pierre Sociabilité villageoise France d’Ancien Régime Pluriel 1979
JOUANNA Arlette La France du XVIe siècle 1483-1598 PUF 1996
LE MENÉ Michel Les Campagnes angevines à la fin du moyen-âge CID 1982
LEBRUN François Les Hommes & la mort en Anjou au XVIIe & XV Flammarion 1975
Mais malgré toutes ces lectures, je ne comprenais toujours pas ce que racontait La Fontaine « Un riche laboureur »

 Depuis 9 mois, je découvre les recherches sur PROVINS

Et je découvre sur Provins et sa région beaucoup d’actes notariés concernant des achats de terres par des laboureurs et vignerons. Puis, depuis 3 semaines, je découvre des signatures, et même de splendides signatures, de laboureurs et/ou vignerons. Je réalise combien ces exploitants agricoles étaient différents de ceux que j’avais toujours rencontré à Nantes, Angers, ou en Normandie, où mes ascendants laboureurs ne savent surtout pas signer et ne possédaient rien.

un paysan n’était pas le même partout en France

En Anjou et dans le pays Nantais, durant des années, je n’ai rencontré que des exploitants agricoles qui ne possédaient pas la terre qu’ils exploitaient mais la prenait à bail. S’ils possédaient parfois une petite parcelle c’était uniquement leurs économies pour le jour où leurs enfants seront à doter etc… en quelque sorte leur livret A (excusez ma comparaison). Ce qui signifie au passage qu’en Anjou et dans le pays Nantais, la terre faisait vivre aussi les marchands fermiers, qui étaient les intermédiaires entre les exploitants directs et les propriétaires fonciers. Et j’ajoute que les fermiers, ces intermédiaires, s’enrichissaient, et même considérablement, donc la terre faisait vivre 3 niveaux : l’exploitant, le marchand fermier intermédiaire, le propriétaire.

merveilleux acte qui donne la fortune d’un vigneron

C’est une merveilleuse découverte que je viens de faire. Commençant depuis une semaine le dépouillement du fonds de Ponthus Baisela notaire à Provins, cote 476 années 1562-1563, je découvre un acte qui donne en détail tous les biens fonciers d’un vigneron du Provinois. L’acte est un bail à années des biens de Nicole Briasson, mineure, sous tutelle. Le tuteur doit énumérer toutes les parcelles de vigne et la maison, et j’ai pu comptabiliser au mieux la surface approximative de tous ces biens. Sachant que les mesures de surface étaient variables et peu précises, d’ailleurs les actes disent toujours « environ » après chaque chiffre, je trouve 10 hectares, soit la taille d’une closerie angevine, sachant que les métairies angevines faisaient le double. J’ai pris pour mon calcul ce que j’ai trouvé :
Arpent : mesure de surface très variable, qui peut aller de 15 à 82 ares selon la région. En Seine-et-Marne à Congis-sur-Therouanne il mesure 35,45 ares soit 3 545 m2 (Dictionnaire du Monde Rural, M. Lachiver, 1997)
Quartier : c’est le quart de l’arpent
La perche (carrée) d’arpent valait 22 pieds de côté (= 484 pieds carrés), soit environ 51,1 mètres carrés.

Certes, les parcelles énumérées sont dispersées sur le territoire de la paroisse de Chalautre la Grande, et ne sont pas comme les closeries d’Anjou un territoire regroupé, mais tout de même c’est une surface totale qui faisait probablement vivre plus aisément qu’en Anjou.

AD77-1056E476 Ponthus Baisela notaire à Provins – vue prise par le CGHSM de Melun, avec son aimable autorisation

1563.03.15 n.s. (1562) vue 256 – fut présent en sa personne Jacques ? Simonin laboureur et vigneron demeurant à Pijolly paroisse de Challautre la Grande comme tuteur et curateur de Nicole fille mineure de deffunt Georges Briasson en son vivant vigneron demeurant à Chalautre la Grande et Denise Landin sa femme lequel de son bon gré sans force a recognu et confessé avoir baillé et délaissé à René ? Demoison et Nicolas Crespin chausseurs demeurant à Provins présents et acceptant c’est à savoir 18 perches de vigne (18×51,1 = 919,8 m2) sises au lieudit la Croix de Pierre tenant d’un costé à Sanson Glorie d’aultre à la veufve Grassault d’un bout sur la rue ; Item 17 perches de vigne (868,7 m2 ∑ 1 788,5 m2) sises au lieudit les Parens tenant d’une part et d’aultre à Marion fille de Pierre Marchant d’un bout sur Lupien Poupelet ; Item une maison contenant 2 chartz sise audit Chalaustre court et jardin le tout contenant 2 quartiers ou environ (1 772,5 m2 ∑ 3 561 m2) tenant d’un costé à George Petillon d’un bout sur la rue d’autre bout sur les fossés dudit Chalaustre ; Item une pièce de vigne sise au lieudit Girou contenant 15 perches (766,5 m2 ∑ 4 327,5 m2) tenant d’une part et d’aultre à la veufve Tingnont d’un bout sur Jehan Papon et d’aultre bout sur Felizot Fleury ; Item 8 perches de vigne (408,8 m2 ∑ 4 736,3 m2) sises au lieu cy dixsols ? tenant d’un costé à Pierre Marchant boucher d’aultre à ladite veufve Jehan Tinguant d’un bout sur les héritiers Simon Blacset ; Item 2 aultres pièces de vigne contenant 7 perches (357,7 m2 ∑ 5 094 m2) sises au lieudit les Cosces tenant d’un costé à l’église St Nicolas d’aultre à Clement Billaut d’un bout sur ladite église d’aultre sur George Lemau ; Item 10 perches de vigne (511 m2 ∑ 5 605 m2) sises au lieu de Gillebon tenant d’un costé à Guillaume Tinguant d’aultre à Jehan Garnon d’un bout sur la rue de la Malle Pierre d’aultre sur ledit Tingnant ; Item demy quartier de vigne (443,1 m2 ∑ 6 048,1 m2) assis au lieudit le Bois Girard tenant d’un costé à Jehan Petillon d’aultre à Jehan Saulnier d’un bout sur les terres labourables ; Item 2 quartiers (1 772,5 m2 ∑ 7 820,3 m2) assis au lieudit la Coste Saint Martin tenant d’un costé à Georges Daudelot d’aultre aulx hoirs Edmé Droyn d’un bout sur plusieurs ; Item une aultre pièce de vigne assise au lieudit Champlefroy contenant 15 perches (766,5 m2 ∑ 8 585,8) tenant d’un costé à Jehan Joubert d’aultre à Fery Glorie d’un bout sur ledit Guillaume Lemau d’aultre à Claude Simonyn ; Item une aultre pièce de vigne assise au lieudit Farineau contenant 7 perches (357,7 m2 ∑ 8 944,5 m2) tenant d’un costé à Jacquin Dubois d’altre à Claude Huet d’un bout sur la petite rue, d’aultre sur le finage de la Chapelle St Nicolas ; Item ung quartier de pré (886,2 m2 ∑ 9 830,7 m2) assis es maraines tenant d’un costé à Jehan Leglas ? d’aultre à Pierre Simonin d’un bout sur les hoirs du seigneur de la Sansfotte, pour en jouyr par ledit preneur du premier jour de febvrier dernier passé jusques à 9 ans 9 desponières et payement finis et accomplis moyennant la somme de 4 livres 12 sols 6 deniers tz de moison par chascun an le jour sainct Martin Diver premier terme de payement commençant au jour saint Martin Diver prochainement venant et ainsi en continuant par chascun an audit jour jusques en fin desdites années, laquelle somme de 4 livres 12 sols 6 deniers tz ledit Crespin sera tenu payer par chascun an durant ledit temps à Simon Goyot marchant demeurant à Provins pour et en l’acquit de ladite mineure de trois septiers de blé froment de rente constituée par ledit deffunct George Briasson avec ledit Goyot et d’icelle en prendre quittance au nom dudit bailleur par chascun an, lesquelles ledit preneur sera tenu bailler et délivrer en fin dudit temps audit bailleur, aussi sera tenu iceluy preneur de faire façonner lesdites vignes bien et duement et en fin dudit temps les rendre (f°2) en bon et suffisant estat …

Jean Thomassin loue la moitié de la maison au bout de la Vielle Rue, Provins (77) 1563

Introduction

Jean Thomassin est tanneur, et généralement les tanneurs ne demeurent pas près de leur tannerie, pour en éviter les odeurs. Il occupe, comme beaucoup d’habitants de Provins à l’époque, des fonctions de capitaine dans les gardes de la ville, comme le relate Claude Haton dans ses Mémoires :

  • « Avec M. de Lours, capitaine et lieutenant général pour le roy à Provins, estoient encore quatre capitaines, citoyens dudit Provins, esleuz et choisis par les habitans : Nicolas Thomassin, marchant, pour la porte et quartier de St-Jehan ; Nic. de Villers, aussi marchant, pour la porte et quartier de Jouy ; Me Jehan Retel, advocat, pour la porte et quartier de Changy ; et Me Claude Thibault, conseiller du roy au siége présidial, pour la porte et quartier de Culoyson, hommes bien estimez pour vraiz citoyens loyaux et fidelles, comme aussi catholicques et bien affectionnez au roy et à leur ville et patrie, combien toutesfois que plusieurs eussent doubte et oppinion contraire dudit Retel. »

Jean Thomassin signe

Comme les patronymes que je vous ai mis ces jours-ci avec leurs signatures, les Thomassin sont nombreux à Provins, mais hélas, je n’ai pas vu de généalogies remontant en 1563, et j’espère que mes travaux contribueront un jour à aider ceux qui ne savent remonter si haut.

AD77-1056E476 Ponthus Baisela notaire à Provins – vue prise par le CGHSM de Melun, avec son aimable autorisation

1563.03.30 n.s. (1562) vue 272 – furent présents en leurs personnes Nicolas Thomassin estant tanneur et Magdelaine Lecerf sa femme demeurant à Provins de luy auctorisée, lesquels recognurent et confesserent avoir prins et retenu à tiltre de location à années d’honorable homme Claude Delaserne marchand potier d’estaing demeurant audit Provins présent bailleur audit tiltre qui leur a promis garantir etc ung demy corps d’hostellerie fond en comble chambre basse ouvrant devant chambre haulte et grenier dessus couverts de thuille à le prendre … Denis Nyvert assise audit Provins au bout de la Vielle Rue … du jour de Pasques jusques à Pasques en 6 ans finis et accomplis moyennant la somme de 13 livres tz …

Jean Dupas, sergent royal aux Foires de Champagne et Brye, à Provins, signait DUPAIS, 1563

Introduction

La signature de Jean Dupas montre clairement un i pour faire Dupais, ce qui laisse supposer que la prononciation était un peu entre ces deux orthographes à l’époque car nul doute qu’un sergent royal savait correctement signer son nom. L’accent d’autrefois est ce que nous avons le plus perdu, et impossible de le retrouver.

signature de Jean Dupas, 1563

Il cèdde à un tiers une forte somme qui lui est due par sentence.

AD77-1056E476 Ponthus Baisela notaire à Provins – vue prise par le CGHSM de Melun, avec son aimable autorisation

1563.04.02 n.s. vue 274 – 1562 avant Pasques fut présent en sa personne honorable homme Jehan Dupas sergent royal aux foires des Champagne et Brye demeurant à Provins lequel de son bon gré sans force recognut et confessa avoir baillé ceddé transporté délaissé et promis garantir fournir et valloir rendre d’huy en ung an suivant et dudit an passé à ses forts et posession à François Richard marchant boucher demeurant audit Provins la somme de 47 livres 2 sols 9 deniers d’une part et 3 septiers 4 bechets … le tout bon grain cours et marchand mesure de Provins et y rendables, à luy deubz par Nicolas Legrans surnommé Groz Front laboureur demeurant à Champcordes (non identifié) et en quoi il a esté redevable envers ledit Dupas par sentence donnée par monsieur le bailly de Provins au proffit dudit Dupas ..

Philipon Boucher, vigneron à Villenauxe la Grande (51), a une magnifique signature, 1562

Introduction

Non seulement Philipon Boucher signe, mais les lettres sont très bien formées et avec des pleins et déliés, ce que j’aime beaucoup voir, car cela me rappelle mon enfance, avec les plumes et l’encre, avant l’invention du stylo Bic, et j’aimais faire des lignes de pleins et déliés. Je vois aussi un fioriture en étoile, mais par contre je suis très intriguée car il semble bien que son frère ne signe pas, ou bien, il suffisait que l’un signe pour engager les deux ?

signature de Philipon Boucher

Philipon Boucher signe sans le R à la fin de son nom, et je suppose que son nom était bien prononcé comme un  » é  » et je rapproche donc cette écriture dans le R final de mes propres ascendants Angevins du nom de Goussé pour lesquels j’avais mis beaucoup de temps et de recherches car les accents ne s’écrivaient pas au 16ème siècle.

AD77-1056E476 Ponthus Baisela notaire à Provins – vue prise par le CGHSM de Melun, avec son aimable autorisation

1562.11.28 vue 204 – furent présents en leurs personnes Benoist Boucher et Philipon Boucher frères vignerons demeurant à Villenauxe la grande lesquels recognurent debvoir l’un pour l’autre sans division à Symon Lescouflier laboureur la somme de 24 livres tz pour livraison et délivrance de 12 boisseaulx de bled … seront tenus .. l’un pour l’autre sans division … corps et biens … pour prest à eulx fait de la somme de 16 livres tz

 

Nicolas Lambert était pelletier à Provins, 1563

Introduction

J’avais connaissance des fourrures du Canada et avant le Canada, j’avais entendu parlé de l’hermine. J’ignorais en fait tout des manteaux de fourrure avant le Canada, et je découvre https://manuel-de-methodologie-historique.blog.tudchentil.org/le-commerce-des-fourrures/ 
Avant le Canada et ses fourrures (17ème siècle) on utilisait des fourures de renard, vison, chinchilla, lapin, ours, loup, martre, hermine et même écureuil (dont la fourrure est dite« vair »). Aux XIVe et XVe siècles, la fourrure en vogue est la zibeline d’Europe de l’Est surtout Russie.
On comprend vite à cette énumération que la fourrure pouvait être un signe de richesse ! C’est ainsi qu’à Provins, ville assez bourgeoise, il y avait un pelletier.
Vous remarquerez au passage que son métier est ortographié PELEFIER en 1563 !

Reçu de 160 livres par Nicolas Lambert

Cette somme est très élevée pour l’époque et semblerait relever d’une vente de maison plus que d’un manteau de fourrure !!! Et au passage, je vous signale que le fonds de ce notaire contient presqu’uniquement des reçus ou l’inverse des reconnaissances de dettes. Mais rarement des sommes importantes comme celle-ci.

AD77-1056E476 Ponthus Baisela notaire à Provins – vue prise par le CGHSM de Melun, avec son aimable autorisation

1563.01.20 n.s. (1562) vue 212 – fut présent en sa personne Nicolas Lambert marchant pelefier demeurant à Provins lequel recognut avoir eu et receu de Toussaint Corcessin bourgeois de Provins présent la somme de 40 livres tz faisant partie et restant de la somme de 160 livres tz que ledit Corcessin estoit tenu luy payer par transaction faite entre lesdites parties le 17 juillet 1562 dernier passé, de laquelle somme de 160 livres tz ledit Lambert s’est tenu pour comptant et en a quicté et quicte ledit Courcessin …