Me revoici dans le droit des Aides sur le vin en Anjou. Vous vous souvenez, nous l’avons vu à Rochefort ces derniers temps, entre notaires. Mais cette fois je comprends un peu mieux car au lieu de parler des Aides ce bail à sous ferme parle de jaugeage des tonneaux. Or, le Dictionnaire de l’Ancien Régime, de Lucien Bély renvoit le terme jaugeage à Aides. Et à l’article Aides, je lis effectivement :
Les droits de jauge et de courtage étaient payables sur les boissons. De plus, lorsque des offices de courtiers et de jaugeurs de futailles furent créés en 1691 et 1696, des droits devaient permettre de les payer ; en 1722, ils furent intégrés dans les droit rétablis, avec ceux perçus par les inspecteurs des boucheries. Les droits de jaugeurs étaient perçus en une seule fois à l’enlèvement, ceux de courtiers à chaque vente. Le vin était taxé au double de la bière, du cidre et du poiré ; l’eau-de-vie au double du vin. Ajoutons un droit de rouage pour chaque roue de chariot portant du vin.
J’aime particulièrement la dernière phrase : et si on mettait un impôt sur chaque roue de voiture transportant de nos jours une personne seule ! c’est une suggestion… qui rapporterait gros. Ou alors il faudrait que j’envisage la moto !
Notez que l’acte que je vous propose ci-dessous date de 1609, bien avant 1691, date d’une certaine réforme décrite ci-dessus. Donc, avant cette réforme, n’importe qui pouvait avoir avoir l’office (enfin, du moins ceux qui en étaient capables et/ou en avaient les moyens).
Comment jaugeait-on autrefois ?
Voici ce qu’en dit l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert
JAUGEAGE, s. m. : action de jauger les tonneaux, les navires. Cet homme entend bien le jaugeage ; on a fait le jaugeage de ce tonneau, de ce navire.
Jaugeage se dit aussi du droit que prennent les jurés-jaugeurs, ou officiers qui jaugent les vaisseaux à liqueurs.
Jaugeage signifie encore un certain droit que perçoivent les fermiers des aides sur les vins & liqueurs conjointement avec le droit de courtage. Ainsi l’on dit : » Il a été payé tant pour les droits de jaugeage & courtage de ce vin « . Dict. de Com. (G)
JAUGE facile pour les vaisseaux en vuidange, tels que tonneaux, feuillettes, &c. Pour commencer l’opération, il faut avoir, indépendamment du modele qu’on voit Planche de Mathématique, une verge de fer ou de bois sur laquelle les pouces soient marqués. Cette verge sert à mettre dans la piece dont on veut savoir combien il y a de * pots débités. Pour prendre la hauteur de pouces, non-compris l’épaisseur du bois à la bonde, que la piece a de diametre, en laissant tomber perpendiculairement par le bondon cette verge dans la piece jusqu’au fond ; cette verge sert en même tems à voir combien il reste de pouces marquant mouillant dans la piece.
Le Tonnelier a sa jauge ; c’est un instrument qui lui sert à réduire à une mesure connue, la capacité ou continence de divers tonneaux. C’est un bâton ou une tringle de fer, quarrée, de quatre à cinq lignes d’équarrissage, & de quatre piés deux ou trois pouces de longueur. Par un des côtés, elle est divisée par pouces & piés de roi. Les quatre côtés portent encore la mesure de neuf différentes sortes de vaisseaux réguliers, marquée par deux points qui donnent la longueur & la hauteur. Sur le premier, il y a le muid & le demi-muid ; sur le second, la demi-queue & le quarteau d’Orléans ; sur le troisieme, la pipe & le bussard ; sur le quatrieme, la demi-queue, & le quarteau de Champagne & le quart de muid. Chacune de ces neuf especes de tonneaux a deux places sur la jauge, l’une pour le fond, l’autre pour la longueur. Au-dessus de chaque caractere appartenant à chaque vaisseau, des points placés d’espace en espace désignent un septier ou huit pintes de liqueur, mesure de Paris, excédant la juste continence du tonneau jaugé.
Nous avez compris. Tant mieux pour vous. Moi pas.
Voici quelques liens utiles oour allez plus loin :
Association Les Amis de la Mesure
Bureau International des Poids et Mesures
Je descends de René Joubert sieur de la Vacherie, avocat à Angers, dont il est question ici, et j’ai déjà trouvé et étudié un très grand nombre d’actes notariés sur cette famille. Ici, je découvre que cet avocat, trés connu pour ses travaux sur le droit coutumier, ne négligeait pas les occupations touchant la vigne et ici l’office du droit de jaugeage des tonneaux.
J’ai compris qu’il se faisait payer en grande partie en nature (tonneaux dont il fournit le bois de ses terres, pour y mettre le vin des vendanges de ses terres). Il pait donc la charge des Aides en argent liquide, mais se fait payer la sous-ferme en partie en nature.
L’acte qui suit est extrait des Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 5E5 – Voici la retranscription partielle de l’acte : Le 3 août 1609 avant midy, par devant nous Guillaume Guillot notaire royal à Angers furent présents en leur personne honneste homme Me René Joubert Sr de la Vacherie advocat au siège présidial de cete ville et y demeurant paroisse St Michel du Tertre, sieur (sic) des droits de geaugeage des tonneaux des paroisses de StLambert-du-Lattay et de Chanzeaux comme ayant les droits des adjudications d’une part
et Pierre Godillon et Jacques Fardeau son gendre tonneliers demeurant en la paroisse de St Lambert d’autre part,
lesquelz deuement soubzmis et obligés mesmes lesdits Godillon et Fardeau et chacun d’eux seul et pour le tour sans division et renonczant au bénéfice de division discussion et ordre ont recognu et confessé avoir accordé ce qui s’ensuit s’est assavoir que ledit sieur de la Vacherie audit nom a affermé et afferme auxdits Godillon et Fardeau à ce présents et acceptants pour le temps de 5 années entières qui ont commencé au jour et feste de Pasques, et finiront à pareil jour ledit temps révolu, le droit de geaugeage et visitation des tonneaulx qui se feront esdites paroisses de St Lambert et de Chanzeaux et enivron qui se trouveront esquelles paroisses susdites audit droit de geauge, tout ainsi que ledit Gaudillon en a jouy
non compris les bois taillis que iceluy Joubert luy a vendu qu’il a réservés
à la charge de bien et deuement geauger visiter et marquer lesdits tonneaulx à la geoge (jauge) et mesure ordinaire de ce pais d’Anjou, et de faire raport pour messieurs les conseillers et eslus de ceste ville des abus et malversations qui se pourront faire sur la commission qui a esté cy-devant expédiée audit Godillon …,
prendre et recepvoir les droictz profits revenus et esmolluments attribués audit office par lui cédés ..
et est ce fait pour en payer et bailler par lesdits preneurs audit bailleurs pour l’année courante la somme de 15 livres tz au jour de Nouel prochain et 3 ou 4 fusts de busse leur fournissant de bois pour ce faire et pour chacune des 4 dernières années luy fournir et bailler en sa maison du lieu de la Bodière 12 bons fûts de pippes neufs de châtaigner, marqués et jaugés lors des vendanges et de marquer et geauger sans aucun paiement les autres tonneaux qu’il aura luy Joubert esdites paroisses pour son usage
la Bodière est pour moi depuis plus de 20 ans une énigme. Le fils de René Joubert sieur de la Vacherie avocat à Angers est Nicolas Joubert sieur de la Bodière conseiller au Présidial de Château-Gontier. Or, impossible de situer cette Bodière à ce jour, qui est manifestement en Maine-et-Loire, mais C. Port ne donne qu’une Bodière, située sur la commune de St Lambert la Potherie. Le présent acte semble bien dire qu’il y a existé un lieu de la Bodière sur Saint Lambert du Lattay ou Chanzeaux.
sans préjudice des 25 fusts de pippes que iceluy Godillon doibt audit Joubert de reste des fermes des droits des années passées, sur lequel nombre il luy en a fourni que l’année présente
le nombre de fûts dépasse largement une consommation familiale, donc mon avocat d’ancêtre fait surement commerce dans le vin ! J’ai beau avoir l’habitude des occupations variées de nos ancêtres, et avoir rencontré mon apothicaire Lescouvette de Pouancé, dit marchand de vin dans des actes notariés et agissant comme tel ! Bigre, ils touchaient tous à tout !
ce qu’ils ont stipulé et accepté et à ce tenir respectivement s’obligent lesdites parties chacun d’eux seul et pour le tout sans division et même à tenir prison comme pour les affaires du roy
fait audit Angers en nostre tabler en présente de Me Jehan Lemarchant licencié ès droictz et Mathurin Thomas et Michel Guillot
Godillon et Fardeau ne savent signer.
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