avec habit de deuil prévu pour l’épouse si elle survit à son époux
Tous les contrats sont écrits au kilomètre, sans alinéa, et sans ponctuation, c’est leur difficulté première. Alors, je vous présente un contrat de mariage en allant à la ligne à chaque fois que l’on change de sujet, et en vous mettant en italique et entre parenthèses, mon commentaire. Si vous avez d’autres questions, posez là dans les grilles de commentaires qui vous sont accessibles en ligne, ci-dessous.
Les contrats ont presque toujours un rythme, immuable selon les provinces et droits coutumiers.
Le contrat ci-après concerne une famille modeste, voire très modeste. En particulier la fille et sa mère ne possèdent que le strict minimum pour survivre, et il ressort de ce contrat que la mère aura du mal à aligner le peu qu’elle doit donner à sa fille en faveur de ce mariage.
Voici la retranscription de l’acte : Le 10 février 1729 après midy, par devant nous Charles Billault Nre royal Angers résidant à Rablay, furent présents établis et soubmis Pierre Mérit métayer veuf de Jeanne Renou, Perrine Beguier veuve de Jacques Bernier et Catherine Bernier sa fille, Dt paroisse de Rablay, entre lesquelles dits Pierre Merit et Catherine Bernier a esté fait les traités et conventions de mariage qui suivent (introduction avec filiations, pas toujours données mais le plus souvent)
c’est à savoir que lesdits Merit et Catherine Bernier du consentenent savoir ledit Merit de François Merit son frère, de Marie Lorine sa belle mère, et ladite Bernier du consentement de sa dite mère, de François Burgevin et Jean Morin ses beaux-frères, se sont mutuellement promis la foy de mariage et iceluy solemniser en face d’églize si tôt que l’un en sera pas l’autre requis, tout légitime empeschement cessant, (après cet engagement il est quasiement impossible de revenir en arrière, seuls de rares cas y sont parvenus. Ce point comporte souvent des collatéraux, toujours bons à prendre)
auquel mariage entreront lesdits futurs conjoints avec tous et chacuns leurs droitz, (on attaque ici les clauses financières et les droits de chacun)
ledit futur a déclaré avoir d’effets mobiliaires en meubles bestiaux et ensemancé pour sa part et portion, faisant moitié de sa communauté acquise entre luy et ladite Jeanne Renou, la somme de 300 L de laquelle somme il entrera en communauté celle de 100 L et le surplus montant 200 L tiendra nature de propre audit futur, en ces estocq et lignée, et à tous effets, (on ne donne pas toujours un chiffre pour les biens du futur, mais pour contre toujours un chiffre pour ce qui en entrera dans la communauté. Tous les contrats de mariage donnent ce dernier chiffre, qui est très important en droit. Ce chiffre ne semble pas un pourcentage des biens propres, et me semble plus un plancher. Enfin l’estoc ne doit pas vous faire peur, c’est la même chose que la lignée)
et ladite Perrine Beguier veuve Bernier a promis et par ces présentes promet et s’oblige donner à ladite future sa sille en avancement de droit successif la somme de 100 L à 2 termes savoir 50 L à Noël prochain, et 50 L en un an, de laquelle somme il en entrera en communaulté, qui sera acquise entre lesdites parties dans le jour de la bénédiction nuptiale, celle de 50 L et le surplus, montant pareille somme tiendra nature de propre à ladite future de son côté et lignée à tous effets,
à laquelle communaulté pourront ladite future elle ses hoirs renoncer toutte foy et quante à ce faisant reprendront franchement et quittement ce qu’ils justifieront qu’elle y aura aporter préférablement à tous créanciers, ensemble ses habits linge bague et joyaux, et autres hardes servant à son usage, (en fait de joyaux, c’est une phrase systématique, écrite même s’il n’y en a pas, comme c’est surement le cas présent… Mais, on ne sait jamais, ils pourraient faire fortune...)
les debtes qui seront créées pendant ladite communaulté seront acquittées par ledit futur nonobstant que ladite future y fut obligée,
et celles qui seront créées auparavant icelle seront acquitté par celui ou celle qui les aura créées, sans qu’elles puissent entrer en ladite communauté,
et pour cas qu’il soit vendu ou aliéné des biens propres desdits futurs, ils en seront récompensés sur les biens de ladite communaulté, ladite future par préférence aura défault sur les biens dudit futur, (si un bien propre de Mr ou de Mme est vendu, l’argent n’en rentre pas dans la communauté, mais dans un autre bien propre)
les successions tant directes que collatérales qui échoieront auxdits futurs tiendront nature de propre à celuy ou celle à qui elles échoiront, sans qu’elles puissent entrer en ladite communaulté, (ce dont ils hériteront de leurs proches reste bien propre et n’entre jamais dans la communauté. D’ailleurs s’ils meurent sans enfants ces biens reviennent aux collatéraux, avec la moitié des biens de la communauté)
et a ledit futur assigné et assigne par ces présentes douaire coutumier à ladite future, sur tous et chacuns ses biens le cas avenant, (le douaire, aliàs dotation de la veuve, est souvent coutumier et la coutume variable d’une province à l’autre, mais il arrive que le douaire soit particulier et déroge à la coutume, car la future a obtenu encore plus lors de ce contrat)
et aura ladite future un habit de deuil selon sa condition survivant ledit futur, (clause que je rencontre pour la première fois, car elle est inexistante en Haut-Anjou. Elle nous apprend, ce que j’ai vu quand j’était enfant, qu’on portait autrefois plus le dueil que de nos jours)
et à l’égard de l’autre moitié des meubles et effets de la communaulté dudit Merit et de ladite Jeanne Renou, montant pareille somme de 300 L qui appartient à Jeanne Merit sa fille et de ladite déffunte, âgée de 2 ans environ, l’estimation qui en a esté fait faire par Louis Renou métayer grand père de ladite mineure Dt à Rablay, et François Renou vigneron oncle de la mère de ladite mineure Dt paroisse de Chanzeaux, à ce présents établis et soubmis par personne… ledit Pierre Merit déduction faire des debtes de ladite communaulté si bien qu’il revient à Jeanne Merit mineure pour la moitié des effets mobiliaires de la communauté de ladite Jeanne Merit (sic, mais surement une erreur) sa mère la somme de 300 L que ledit Pierre Merit promet et s’oblige payer et bailler à ladite Jeanne Merit sa fille quante elle aura atteint l’âge de majorité de la bien traiter entretenir nourrir et gouverner jusqu’à l’âge de 14 ans pour l’intérest de ladite somme et après ledit âge de 14 ans accomplis ledit Pierre Merit s’oblige payer l’intérest de ladite somme de 300 L à ladite Jeanne Merit sa fille au denier 20 jusque à parfait payement d’icelle (l’enfant ne sera nourri que jusqu’à ses 14 ans, puis manifestement sera placée domestique ailleurs, par contre sa part, toujours préservée, comme cela est redit dans ce contrat, ne lui sera accessible qu’à ses 25 ans, âge de sa majorité, à moins qu’elle ne se marie avant, auquel cas elle pouvait généralement la toucher.)
ce qui a esté ainsy voulu consenty stipulé et accepté, s’obligent lesdites parties leurs hoirs … (ritournelle dans tous les contrats, avec des variantes, pour dire que tout le monde est d’accord)
fait et passé au village de la Roche paroisse dudit Rablay demeure dudit Jean Morin présents Etienne Coeurderoy, vigneron, cousin de ladite future et Me Anthoine Debrye chevalier seigneur de Doué Dt paroisse de Rablay témoins,
lesdits futurs, Louis et François les Renou, Jean Morin, François Merit et Marie Lorine ont déclaré ne savoir signer de ce enquis. Signé : de Brie, E. Coeurderoy, Billault (toujours intéressant de découvrir le niveau d’alphabétisation, ici peu élevé. Les signatures, quand elles existent permettent aussi des identifications par recoupement ultérieurs avec d’autres actes, car ils signent toujours en ordre, futur, future, parents, oncles, tantes, cousins etc…)
Si vous avez des questions concernant le vocabulaire ou le droit, posez-les et je ferai un prochain contrat avec les réponses.
Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet seule une citation ou un lien sont autorisés.