Prix des couteaux et des ciseaux, Angers, 1673

objet coûteux et rare (Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 5E)

J’ai retranscrit de nombreux inventaires après décès, mais les objets familiers y sont peu détaillés, si tant est qu’ils soient variés. On trouve parfois une (pas deux) cuiller de fer avec la marmite. C’était une sorte de louche pour se servir de la nourriture qui y cuisait. J’ai rencontré le détail lorqu’il y a argenterie (rare, réservé aux gentilhommes ou équivalents), mais même dans ce cas, il ne s’agissait que de cuillers et fourchettes bien entendu. Donc, je n’avais jamais rencontré les couteaux avant l’acte ci-dessous, qui est un échange de marchandises entre marchands couteliers.
Le couteau était probablement rare, en tout cas pas individuel, car il est assez onéreux.

D’ailleurs, au sujet des couteaux, je me souviens dans mon jeune âge des couteaux qui n’étaient pas inox, et aussi des manches qui étaient en os, et avaient une fâcheuse tendance à vouloir se désolidariser de la lame… Ceci pour mémoire, car bien entendu les couteaux en 1673 avaient un lame de fer et non d’inox, qui viendra bien plus tard… Les couteaux de 1637 devaient ressembler aux couteaux de mon enfance. Si l’un d’entre vous en possède encore, merci d’envoyer photo.

Voici la retranscription, dans l’orthographe réelle de l’acte : Le 4 juillet 1673 avant midy par devant nous François Crosnier notaire royal à Angers furent présents establiz et deuement soubzmis Jean Baptiste Justeau marchand Me coutellier demeurant en cette ville paroisse de Saint Pierre et Marye Moreau sa femme de luy autorisée quant à ce, lesquelz chacun d’eux sollidairement renonçant au bénéfice de division, d’une part,
et Florent Moreau aussy marchand Me coutellier demeurant en cette dite ville paroisse Saint Maurice d’autre part, (manifestement beau-frère ou beau-père de Justeau. On fait affaire en famille. Le fait que le coutelier soit qualifié de « marchand maître » indique qu’il vend mais aussi fabrique car les maîtres sont généralement membres d’une corporation)

entre lesquelles partyes a esté fait et conveneu ce qui s’ensuit, c’est à savoir que lesdits Justeau et Moreau sollidairement comme dit est ont promis et se sont obligez de fournir et bailler audit Moreau en sa maison en cette ville de la marchandise de couteaux et ciseaux de la façon dudit Justeau (avec cette expression, on est certain que Justeau fabrique des couteaux et ciseaux) scavoir

  • la douzaine de couteaux de table à raison de 9 livres la douzaine,
  • et les ciseaux à usage de femme aussy à raison de 9 livres la douzaine,
  • et les ciseaux de barbe et aux cheveux et les ciseaux à faire le crin à raison de 11 livres la douzaine,
  • laquelle marchandise lesdits Justeau et Moreau sa femme sollidairement comme dit est ont promis et se sont obligez délivrer audit Moreau savoir demye douzaine de couteaux et demye douzaine de ciseaux d’huy en trois mois prochains et ainsy à continuer de trois moys en trois moys, par les demies douzaines de cousteaux et cizeaux à chasque livraison jusques au parfait payement de la somme de 58 livres que ledit Justeau et Moreau sa femme ont recognu et confessé debvoir audit Moreau à cause de prest qu’il leur a faict tant ce jourd’huy qu’avant ce jour. Seul Florent Moreau sait signer.

    Les prix indiqués ne sont pas des prix de vente, mais des prix de revient entre couteliers. Ils sont élevés, et j’en conclue que le couteau et les ciseaux étaient des objets rares et en aucun cas individuel sauf familles aisées. Il est vrai que la nourriture étaient déjà coupée, et mélangée, un peu comme les potées avec des petits lardons… chez tous ceux qui vivaient de la terre… ne consommant que le porc, sinon la viande était consommée par les notables et gentilshommes.

    Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet, seul un lien est autorisé, et il figure en clair ci-dessous

    Couteaux anciens (photos privées) :

    Laguiole

    Nontron

    Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet seule une citation ou un lien sont autorisés.

    5 réponses sur “Prix des couteaux et des ciseaux, Angers, 1673

    1. Report des commentaires parus dans mon ancien blog :
      La Baule, 19 juin : Je vous adresse à votre adresse courriel deux photos de couteaux … Rappelons-nous de nos grands-pères qui sortaient de leurs poches leurs couteaux et traçaient un signe de croix sur la mmiche de pain et puis, n’oublions pas de donner une pièce de monnaie à celui qui nous offre un couteau ou des ciseaux sinon l’amitié sera coupée !

      Du Périgord, le 19 juin : Je trouve de nombreux propriétaires du patronyme JUSTEAU à Marigné

      Marie, le 19 juin : Tenir la fourchette de la main gauche et le couteau de la droite, n’était pas chose évidente pour nos ancêtres et lorsqu’ils voyageaient, ils n’espéraient pas trouver dans les auberges des couverts mis sur la table, un étui contenant les ustensiles nécessaires, faisait aussi toujours partie du bagage. Dans le domaine de la superstition  » Au XIVe siècle, la décoration variait en fonction des fêtes religieuses. Ainsi, des couteaux à manches d’ébène étaient utilisés pendant le carême et des couteaux à manche d’ivoire à Pâques. Ceux dont on se servait à la Pentecôte alliaient les deux matières en proportions égales, dans un travail délicat de marqueterie.( Lieven Daenens)

      Marie, le 19 juin : Dans nos campagnes Angevines ( et sans doute aussi ailleurs ),quand le maître,assis en bout de table, pliait son couteau, qu’il avait toujours en poche, cela indiquait la fin du repas…

    2. A Ecouflant,1661-1673 (vue 29),une curieuse note, intégrée au registre. Juillet 1670.
      A la senblée ?
      Cadau ? Logerais,demeurant Angers porte St Michèle,maison jirolt,prévient lepublic quil tient un assortiment de coutellerie et siceaux ? et toute sorte dientrument,de c….géries ? il tient aussie des pierre et des cuir à rasoir,vend et repasse toute sorte douti consernent son etta,le tout a garantie et au plus jeuste prix. (traduction incertaine !)
      Note d’Odile :
      Il est vrai qu’aux messes de cette époque on faisait bien les criées et bannies des mises en vente judiciaires, alors je ne m’étonne pas de cette pub ! Enfin, un grand merci, car cette note est tout de même rarissime !

    3. Dans mon village,ces annonces étaient faites par le garde- champêtre,portant képi , avec roulement de tambour, me semble t’il , il y avait deux marches,prévues à cet effet, sur la place de l’église,sorte de promontoire, pour se faire mieux entendre de l’assemblée.Il annonçait par exemple, le passage du ramoneur où du percepteur ! les festivités locales etc.Le garde-champêtre savait tout de la vie d’un village et connaissait tout le monde.

    4. En 1943,nous étions réfugiés à Bouvron, et tous les dimanches, le garde champêtre monté sur une sorte d’estrade en pierre annonçait à la sortie de la grand messe les nouvelles de la semaine. Je ne sais pas si cette estrade existe encore car l’église de Bouvron a été très abimée par les bonbardements de la poche.
      Par contre à Ste Marie sur Mer cette estrade est toujours là.

    5. Richelieu invente le couteau de table.

      -Le cardinal de Richelieu,agacé par les gens qui se curent les dents avec la pointe du couteau de table,fait arrondir les lames.
      -Il invente ainsi le couteau de table,car jusque là,on se servait de son poignard pour couper la viande.
      -Au siècle précédent François 1er à lancé la mode de l’assiette et Henri III,celle de la fourchette.
      -Peu après apparaît sur les tables raffinées le couvert individuel.
      -Ce n’est qu’au XIXe siècle que sera ajouté le verre.
      (Google:Dictionnaire des noms propres.)

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