Toujours collectif, il est estimé garni, et coûte de 200 à 10 L en 1700, de la classe aisée au domestique ou paysan peu aisé, mais c’est le meuble indispensable et la pièce maîtresse du mobilier.
Dans cette catégorie NIVEAU de VIE, vous allez découvrir, au fil de ces billets, les éléments du coût de la vie, et de véritables indicateurs économiques. Nous avons vu que le logement était considérablement moins onéreux que de nos jours (sans eau, électricité, gaz, chauffage central), qu’il avait cheminée pour faire cuire les aliments et accessoirment se chauffer, mais pas de vitres au fenêtres de la grande majorité des Français.
Je vous invite à découvrir quelques meubles et je commence par le lit. Sa principale caractérisque est d’être collectif, et surtout pas individuel : même à l’hostellerie, on y dort à plusieurs.
J’ai dépouillé beaucoup d’inventaires, et les lits ci-dessous sont uniquement pour vous habituer à différencier les classes sociales. D’ailleurs, dans les 3 premiers cas, le lit est dans la chambre haute, ce qui signifie un minimum d’intimité, laquelle n’existe pas à partir du métayer, René Bouvet qui suit.
Les lits sont décrits garnis, et les éléments qui composent la garniture sont amplement énumérés dans mon LEXIQUE DES INVENTAIRES, mais je vous en ferai un billet spécial si les couvertures et rideaux vous branchent… Mais au fait, les rideaux sont là pour clore le lit et être à l’abri des courants d’air puisque les volets de bois n’assurent pas l’isolation. D’ailleurs on porte même un bonnet de nuit aussi…
Voici quelques exemples, de la classe très aisée, à la plus pauvre, le lit principal (il y en a toujours tout plein d’autres) :
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Fenêtres des chambres hautes de la Maisonneuve, en 1997 : à gauche dimensions conservées, avec sa grille, et à droite, la seconde fenêtre, qui avait été transformée en porte d’accès extérieur aux chambres devenues grenier à récolte.
Les domestiques ont bien entendu une catégorie en dessous, donc mettez 10 L pour leur lit. Et, lorsqu’il s’agit d’une maison manable, c’est à dire dans laquelle les maîtres dorment en haut dans la chambre haute, la ou les domestique(s) dorment dans la salle basse, et si celle-ci est divisée en salle basse et cuisine, ils dorment dans la cuisine. Les vagabonds, et autres routiers dorment sur la paille de la grange.
Attention, vous allez revecoir un choc.
Moi-même, après le choc que j’avais reçu (je n’étais pas la seule) lors de la visite de la Bintinaye (pourtant l’odeur en moins, et il faudrait leur suggérer de l’ajouter), qui donne une idée impressionnante de la salle collective d’alors, j’ai eu un second choc lorsque j’ai lu l’ouvrage de François Lebrun Les hommes et la mort en Anjou aux 17e et 18e siècles, Flammarion, 1675.
François Lebrun y traite de la fréquence des décès d’enfants en ces termes :
« Comment voir disparaître autant d’enfants au berceau – un sur quatre en moyenne avant l’âge d’un an – sans considérer le fait non comme un scandale, mais comme un événement aussi inéluctable que le retour des saisons ? Cela est si vrai que l’on n’essaie même pas de prendre pour les nouveau-nés ce minimum de précautions qui aurait évité peut-être certaines morts prématurées. Les statuts synodaux du diocèse doivent interdire de faire coucher les enfants de moins d’un an avec les grandes personnes et classent, parmi les cas réservés, la suffocation d’enfant arrivée fortuitement dans ces conditions ; le renouvellement d’une telle interdiction aux 17e et 18e siècles prouve que des accidents de ce genre continuent à se produire.» Ainsi, nous seulement on les emmène à l’église le jour de leur naissance, ce qui en élimine déjà quelques uns… mais on continue donc en les étouffant dans le lit collectif.
Vous aussi, vous en avez le souffle coupé ! Alors relisez ce qui précède, car vous avez bien lu, les nouveaux nés étaient mis dans le grand lit collectif. Et je confirme qu’au cours des nombreux inventaires après décès que j’ai dépouillés, je n’ai vu qu’une seule fois une bercouère. Ce qui signifie qu’il n’y en avait pas et qu’on pratiquait pour les nouveaux-nés le lit collectif.
Les autres enfants jusqu’à leur majorité, étaient réunis dans un grand lit, voire 2 grands lits lorsqu’ils sont très nombreux, mais il n’existe pas de lits pour enfants.
La garniture viendra une autre fois, car le coffre va suivre. Au fait, à quoi sert-il le plus souvent ?
Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet seule une citation ou un lien sont autorisés.
Report des commentaires parus dans mon ancien blog :
Marie-Laure, le 30 avril : je crois que godronné pour les pieds de ce lit veut dire décoré de godrons =ornements creux ou saillants en forme d’un oeuf très allongé…Note d’Odile : un grand merci, c’est surement cela. Autrement dit ce lit était très ouvragé, et sans doute que les godrons ont été une mode fin 16e siècle. Ce qui est remarquable dans l’inventaire de 1575 de ce Mr Ernault juge à Angers, c’est que l’ensemble des meubles étaient assortis, car ils sont tous godronnés, et tous ces meubles sont presque neufs car ils s’étaient mariés peu auparavant, ils constituent donc un énorme apport neuf lors du mariage, mais là on est dans la classe aisée
Marie, le 30 avril : Je pense que Marie – Laure a raison en ce qui concerne les pieds du lit à « voyses godronneés » Note d’Odile : je viens de trouver : Godron se dit, 1°. de certains plis faits aux manchettes, aux coifûres des femmes, etc. = 2°. De certaines façons qu’on fait aux bords de la vaisselle d’argent, et à quelques ouvrages de menuiserie et de sculpture. = Godroner de la vaisselle, une coifûre, etc. y faire des godrons. « Vaisselle godronée. (Jean-François Féraud, Dictionnaire critique de la langue française, Marseille, Mossy 1787-1788)
Elisabeth VAILLEN, le 4 mai : Quelques observations chiffrées et recoupements à propos du contenu des inventaires, relatifs au lit et à ses garnitures (références situées en Mayenne).
1730 – Pierre Etigeux, chirurgien à Vautorte
Un charlit de bois de chesne estimé 3 livres dix sols, une couette avec deux traversiers de couetty pesant trente livres de plume pieds de mayenne estimée 25 livres, trois petits ridiaux qui sont au dit charlit avec une vielle couverture estimée à 3 livres trois viels draps, une mauvaise paillasse, lesdits draps contenants chacuns deux aulnes de toille estimée trois livres. Soit un total de 34 livres 10 sols.
1746 François Touchard notaire à Vautorte
un charlit de bois de chesne de peu de valeur avec la carie sans vergette estimé 1 livre 10 sols, un tour de lit de mauvaise sarge de caen de couleur rouge 10 sols, une tranche peinte de peu de valeur 15 sols, une couverture rouge de peu de valeur 10 sols, un mauvais lit de plume doye avec deux traversiers le tout de couetty demy usé à 3 livres, une mauvaise paillasse 5 sols. Soit un total de 6 l 10 sols
1700 François Pivert vivant sieur du Chatellier paroisse de St Ouen des Toits
un charlit de bois de chesne avec ses fongs 7 livres, un tour de lit de sarge sur fil jeausne 15 livres, une catolene ( ?) de sarge sur fil blanc 6 livres, une couette de lit avec deux petits oreillers et un traversier le tout garni de plume couvert de couetty fors un des oreilliers qui n’est couvert que de toille pezant ensemble 40 livres estimée 30 livres, une couette de balle avec un orellier de balle (?) à 20 sols, deux couvertures de tranches (?) estimée 5 livres, une petite couette de balle ( ?) et un orellier estimée ensemble 30 sols Soit un total de 65 L 10 sols
Quelques incertitudes de lecture, je n’ai pas trouvé la possibilité de vous envoyer un extrait de l’inventaire (photo jointe, est-ce possible ?)
Les inventaires, comme vous le soulignez sont riches d’enseignement sur la valeur des biens mobiliers.A l’intérieur d’une même classe sociale, les différences sont également importantes.
Bonjour
Beaucoup d’intérêt pour votre travail. je travaille sur un inventaire réalisé à Piriac (L-A) en 1772. Avez-vous dans vos recherches trouvé :
Un lit à la reine à quelle description correspond-il?
Rideaux de fenêtre de Garat?
Qu’est-ce que les vergettes?
Nappes en coton de Saint-André?
Si vous avez des renseignements, je suis preneur.
Cordiales salutations.
Michel Baranger
Note d’Odile :
voici quelques réponses
les vergettes sont sur mon site, voici le lien :
http://www.odile-halbert.com/Histoire/inven/Invdic.htm
le lit à la reine est la manière de mettre les rideaux :
soit à baldaquin, c’est à dire au carré
soit en ciel de lit, comme la reine
Tappez donc ces mots sur un moteur et voyez les images.
je ne trouve pas le coton de Saint-André.
Odile
E.2677.(Registre.)-Petit in-folio,papier,210 feuillets;1 pièce,papier.
1572.- GOUFFIER.
-Procès -verbal de la vente,faite en l’hôtel de Boisy,à Paris,des meubles de Claude Gouffier,duc de Roannès,grand écuyer de France.
Ce document,par l’abondance et la minutie de ses détails,est une des sources les plus curieuses où l’on puisse recourir pour l’histoire des modes et de la vie privée de XVIe siècle.Il donne de plus le prix des objets et le nom des acquéreurs.
« Une toille painct à huille,atachée sur ung châssis sans moullures,où est paincte la Déesse des fleurs…délivré à M.le général Camus pour la somme de 100 sols tournoys;-ung bec de focon à haulte taille empoincté de diamant…à M Des Buars pour la somme de 70 sols;-une tante de lict de veloux noir violet semé de fleurs de lis aux armes et devises du feu roy Henry,garny de troys pantes,deulx soubassemens et d’ung dossier avec le fond de damars violet semé de fleurs de lis accompagné de troys rideaulx de damas violet… à M de Bertrand,pour la somme de sept vingts-deulx livres 5 sols;-une couppe d’argent vermeilles dorrée,garnye de son couvercle taillée à moresque du poincson de Paris,sur laquelle y a ung petit Bachus…pesant ladite couppe troys marcs troys gros,…à M.de Largillières à 67 livres 4 sols tournoys;-ung petit morion d’argent cizelé sur lequel est figuré ung petit serpent… à Claude Doublet à 54 livres 5 sols;-une paire d’heures en parchemin,escriptes à la main,enluminées,couvertes de veloux noir enrichies par les coings et fermoir de pièces d’or pendans à une chesne d’or…prisez huit vingtz quinze livres tournoys,délivrée néantmoings après avoir icelle exposé en vente par chacun jour de ladicte vente et mainte fois criée,à Claude Doublet,marchant jouaillier,demourans sur le Pont-au-Change,à La Corne-de-Cerf,pour la somme de sept vingtz quinze livres tournoys,etc; »-« mémoire des hardes que madame a laissées chez madame la marquise de Boisy,sa belle-fille »
(Série E-Titres de famille. AD de Maine et loire.C Port.