Cardeur de laine : paillasse et matelas

Le matelas était fort rare autrefois et nos ancêtres dormaient sur la paille,

c’est ce qui ressort des inventaires après décès. J’y trouve le plus souvent le terme paillasse.

De nos jours, le matelas sort d’une grande surface, c’est bien connu, d’ailleurs c’est là qu’on trouve tout… et on ne sait plus rien des sources et fabricants. Mais, qu’il soit à ressort, de mousse synthérique, ou de laine, le matelas est maintenant répandu. L’artisan qui les fabriquait ayant disparu, c’est le tapissier qui de nos jours refait ces matelas de laine, alors qu’autrefois le tapissier ne faisait que les fauteuils garnis.

Autrefois, la majorité de nos ancêtres dormait sur une paillasse, car c’est l’unique garniture que j’ai rencontrée dans la majorité des charlits dans les inventaires après décès que j’ai dépouillés. Comme son nom laisse à penser, elle était de paille, tandis que le matelas était de laine, crin et bourre. Voici les deux définitions selon le Dictionnaire de L’Académie française, 4th Edition,1762.

PAILLASSE. s.f. Amas de paille enfermé dans de la toile, pour servir à un lit.
MATELAS. s.m. Une des principales pièces de la garniture d’un lit, couverte de futaine, remplie de laine, de bourre ou de crin, & piquée d’espace

Mais quel artisan fabriquait donc ces matelas de laine si rares ?
C’est le contrat d’apprentissage de cardeur peigneur de laine, qui m’a fait comprendre quel artisan fabriquait autrefois le matelas. Eh oui, malgré tout ce que j’ai déjà fouillé, je découvre chaque jour encore des détails sur les modes de vie, et c’est fabuleux, car c’est chaque fois une joie de comprendre comment cela se passait alors.

Donc, j’ai mis en ligne un contrat d’apprentissage de cardeur peigneur de laine. Comme il s’agissait de laine, je l’ai mis sur ma page des foulons, qui eux aussi travaillent la laine pour le drap de laine.

Le maître, Jean Guyon, marchand cardeur peigneur de laine installé à Angers la Trinité, devra entre autres, montrer à faire les matelas quand il en fera. Notez qu’il est installé à Angers, où on livre plus souvent des matelas qu’en campagne. Pourtant la phrase laisse à penser qu’il n’en faisait pas tous les jours.
La formation durant 3 ans, j’avais trouvé d’abord qu’elle était bien longue pour quelqu’un qui peigne la laine sur des cardes (grands peignes). L’Encyclopédie Diderot est formelle, il s’agit d’une corporation réglementée :

Par ces statuts & réglemens, les maîtres de cette communauté sont qualifiés Cardeurs, Peigneurs, Arçonneurs de laine & coton, Drapiers drapans, Coupeurs de poil, Fileurs de lumignons. Aucun ne peut être reçû maître qu’après trois ans d’apprentissage, & un de compagnonage… Outre le pouvoir attribué aux maîtres Cardeurs de Paris, de carder & peigner la laine ou le coton, de couper toute sorte de poil, de faire des draps, &c. ils ont encore, suivant les mêmes statuts, celui de faire teindre ou de teindre dans leurs maisons toute sorte de laine, en noir, musc, & brun…

Certes, ceci est le règlement de Paris, et date des années 1691, alors que le contrat d’apprentissage angevin date de 1681. Quoiqu’il en soit, en y regardant de plus près, le métier de cardeur s’avère bien plus spécialité qu’un vulgaire peigneur, et j’y vois là un artisan ayant un réel savoir faire.
Comme quoi un terme peut en dire plus qu’au premier abord, et je dois beaucoup à ces contrats d’apprentissage, car ils me permettent de mieux situer certains métiers dans leurs compétences… oubliées…
Ceci dit on dort fort bien sur la paille, j’ai connu. Un été, lorsque j’étais jeune, j’étais en camp en Haute-Savoie dans une étable : on nous avait fait remplir une poche de paille, avant de nous allongés sur les pavés de l’étable. C’était très confortable (enfin pour un jeune), et l’odeur pure nature. A vivre une fois absoluement !

Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet seule une citation ou un lien sont autorisés.