Contrat de vente à l’Université de Paris du papier fabriqué à Saint Rémy de la Vanne (77), 1635

Introduction

L’université de Paris était utilisatrice de papier, et avait même au moins un responsable de la gestion du papier de l’université, dénommé papetier juré en l’université.

Maison de la bannière de France rue St Antoine, Paris

Pour passer son contrat de vente à l’université de Paris, Victor Thomé, papetier à Saint Rémy de la Vanne (77) doit dormir à Paris.  La rue St Antoine était alors assez aristocratique, et si la maison de la bannière de France a disparu de Paris, il existe encore en France à Laon, un hôtel de ce nom.  Je suppose que cette hôtellerie portait en enseigne le drapeau du roi : « La bannière de France, drapeau de nos anciens rois lorsqu’ils allaient à la guerre, et qui était parsemé de fleurs de lis. »  (dictionnaire Littré)

Contrat à l’année, livraisons chaque mois

Les contrats de vente de marchandises étaient autrefois passés devant notaire, et c’est ainsi que le contrat suivant nous est parvenu. Il fait manifestement suite à des contrats annuels précédents, et il est fort bien structuré, car tout y est défini, même les risques d’imposition lors du transport, car autrefois, certes on ne connaissait pas les péages d’autoroute, mais on avait bien des péages divers. Le contrat prévoit aussi quelques défauts de qualité, et un prix dans ce cas, et il faut se souvenir que ces moulins à papier d’autrefois subissaient les aleas du temps, humide ou sec etc… et la qualité du papier pouvait dépendre du temps qu’il faisait ce jour-là.  Enfin, les quantités achetées par l’Université de Paris sont importantes.

2 qualités de papier

le moyen et le commun, mais ce dernier est meilleur que le moyen car son prix est supérieur : « le moyen de 40 sols par rame, et le commun 50 sols » J’ai compris que le payeur était l’université, qui avait donc des fonds pour l’achat du papier, mais je croyais qu’alors les étudiants venaient avec leur propre papier, et il faut sans doute comprendre qu’ils pouvaient aussi en acheter à l’université, car je pense pas qu’on leur donnait gratuitement.

Victor Thomé, frère d’Antoine aussi papetier

Antoine Thomé, ascendant de Jules Verne, est papetier au moulin voisin de la Fontaine Chailly à Saint Rémy de la Vanne. Victor, don frère, a 35 ans en 1635 et manifestement il est chargé de vendre non seulement le papier produit au moulin de la Planche, mais aussi celui d’autres moulins à papier voisins. Je vous ai montré combien les papetiers étaient solidaires entre eux. D’ailleurs les quantités livrées sont importantes et dépassent probablement les capacités d’un moulin.
Les registres paroissiaux de Saint Rémy de la Vanne sont plus que lacunaires, car si l’un est très lacunaire, l’autre n’est qu’une table et non le registre. Ainsi, il est impossible de retrouver la naissance d’Antoine, mais on a sa filiation prouvée par son contrat de mariage devant notaire. D’autres Thomé vivent alors à Saint Rémy de la Vanne, manifestement issus d’une même branche car on y retrouve les prénoms Antoine, Victor etc… Je les ai tous reconstitués tant bien que mal. Je les publierai.

contrat de vente à l’université de Paris, 1635

L’acte est passé à Paris le 7 mars 1635  par le notaire Renault VAUTIER cote MC/ET/CXII/25 « Le 7 mars 1635, fut présent Victor Thomé marchant papetier juré en l’Université de Paris, demeurant au moulin à papier de la Planche paroisse St Remy de la Vanne en Brye, estant à Paris logé rue St Anthoine en la Maison de la bannière de France, paroisse St Germain, a recognu avoir vendu et promis fournir et livrer à honnorable homme Romain Bouteleu marchant papetier juré en ladite université demeurant rue St Denis enseigne du chapeau royal paroisse saint Jacques de la Boucherie à ce présent, la quantité de 1 200 rames de moyen de poix (poids) de 7 à 8 livres, de 400 rames de commun du poix de 9 à 10 livres, le tout bon loyal et marchant bien collé et conditionné, et de la fasson dudit Thomé, que ledit Thomé sera tenu amener et rendre à ses fraiz et despens à Paris pendant un an commencé le premier de ce mois et livré chacun mois 100 rames jusques à la révolution dudit an, sans que ledit Thomé soit tenu payer aucun droit d’import pour la ferme de Paris, sinon qu’il acquittera ce qu’il est deub de ferme sur les lieux ; et lequel droit de Paris ledit Bouteleu payera. Ce marché fait moyennant que ledit Bouteleu s’est obligé vers ledit Thomé de luy fournir et… délivrance eschera à la fin du présent mois et ainsy continuer de mois en mois (f°2) et livré au fur et à mesure de ladite délivrance de payer jusques à concurrence de vingt milliers de vieux chapeaux que ledit Thomé yra prendre et recevoir au magasin du faulxbourg St Marcel à raison de 40 livres le millier, et ce pendant ladite année, et pour le surplus du poix (poids) … rames de papier à raison scavoir le moyen de 40 sols par rame, et le commun 50 sols, ledit Bouteleu sera aussy tenu le bailler et payer audit Thomé à fin de la délivrance après disjonction faicte de ce qui luy sera livré à chacun jour de vieux chapeau (sic), et s’il se rencontre par la tradition (action par laquelle on livre quelque chose à quelqu’un) qui sera faite de ladite marchandise de papier y en a de défectueuse et non recepvable ledit Bouteleu sera tenu pourtant la prendre en luy rabatant 11 sols sur chacune rame sans que ceste clause puisse donner lieu audit Thomé de fournir aultre marchandise que bien et duement conditionnée comme dit est, et pour … des présentes a ledit Thomé esleu domicile en la maison de François Bonnin Me de la Bannière (f°3) de France ou il est logé … nonobstant … »

Les papetiers de Saint-Rémy-de-la-Vanne (77) recyclaient aussi les vieux chapeaux, 1635

Introduction

En 1635 le papier est toujours fabriqué à partir de chiffes, c’est à dire les vieux tissus de chanvre, lin surtout mais aussi laine et peu de soie. Le papetier est donc un recycleur extraordinaire. Pourtant, à cette époque, on use les tissus jusqu’au bout, troués ils sont rapiécés etc… et je vous mets prochainement l’inventaire d’un meunier de Sainte-Colombe (77) qui n’avait que du linge fort usé et rapiécé.
Alors que nous avons infiniement plus de variétés de tissus et beaucoup plus de monde sur terre, nous ne recyclons plus de cette magnifique manière d’autrefois, et nous brûlons même en quantité !!! Nous avons oublié la beauté des recycleurs d’antan, ainsi les papetiers.

les chapeaux de laine

Faute d’avoir déjà le parapluie, on avait le chapeau de feutre, aussi imperméable sous la pluie que chaud l’hiver. Et les capes ou manteaux de laine foulée. Le chapeau de feutre est en laine, et la laine est recyclée par les papetiers.
C’est ainsi que je viens de découvrir un contrat extraordinaire de Victor Thomé, frère de l’ascendant de Jules Verne papetier au moulin de Chailly à Saint Rémy de la Vanne (77). Victor Thomé est papetier juste à côté au moulin de la Planche même commune, et l’acte que j’ai trouvé le montre à Paris passant un énorme contrat de vente à l’université de Paris. Je vais vous mettre ce contrat, mais lorsque je l’ai retranscrit j’ai été totalement stupéfaite de rencontrer les vieux chapeaux et pire en quantité absolument phénoménale, que Victor Thomé après chaque livraison de son papier à l’université allait prendre pour recycler les vieux chapeaux.

le recyclage des vieux chapeaux

Ce passage du contrat de vente de papier à l’université de Paris est une telle information que je vous mets ici ce qui concerne les vieux chapeaux, et demain vous aurez tout l’acte. Donc, dans son contrat de vente de 1635, Victor Thomé aura à prendre pas moins de 20 000 vieux chapeaux. Vous avez bien lu. Vous allez pouvoir lire la vue ci-dessous de l’acte et relire comme moi j’ai relu ce passage stupéfiant, qui m’a demandé 24 h de relecture pour que je comprenne que j’avais bien lu tant le nombre est élevé. C’est un formidable contrat de recyclage, et avant d’avoir lu ces lignes je ne m’étais jamais demandée ce que devenait les chapeaux. Je suppose pourtant qu’ils passaient de riche à moins riche etc… jusqu’à usure, mais qu’ils étaient si solides que l’usure n’arrivait que des années plus tard. Bref, je suis stupéfaite par ces lignes et je vous les offre pour que vous puissiez vérifier ce que je viens d’écrire. Mais comment tant de vieux chapeaux, et je me demande bien si les chapeaux usés étaient uniquement ceux des Parisiens et si d’autres régions n’envoyaient pas à Paris les vieux chapeaux lorqu’aucun papetier ne les reprenait près d’eux ?
Cet acte dont je vous mets ci-dessous l’extrait concernant les vieux chapeaux. L’acte est passé à Paris le 7 mars 1635  par le notaire Renault VAUTIER cote MC/ET/CXII/25

et livré au fur et à mesure de ladite délivrance de payer jusques à concurrence de vingt milliers de vieux chapeaux que ledit Thomé yra prendre et recevoir au magasin du faulxbourg St Marcel à raison de 40 livres le millier, et … (à demain pour tout l’acte, mais vous avez bien lu les « vieux chapeaux » et les « vingt milliers »)

Jules Verne a des ascendants papetiers en 1578 à Saint-Rémy-de-la-Vanne (77), et sans doute avant.

Introduction

En France, le premier moulin à papier est installé vers 1348 à Torvoy-lez-Troyes (Champagne). Un siècle plus tard les moulins de Champagne peuvent même exporter leur fabrication.
Pour mémoire, ce papier n’est alors pas le même que celui qu’on fabriquera plus tard dans le but d’augmenter sa production avec un papier de moins bonne qualité !
Le papier va alors certes aux imprimeurs, mais les universités étaient aussi utilisatrices.
Les papetiers étaient solidaires entre eux, et l’acte qui suit le montre. Ils soutiennent tous l’un des leurs condamné à tord.

Jaillard papetier, copié par erreur Julliard

Mais l’acte qui suit est en fait copie faite à Paris de la procuration originale passée en Brie.
Or, une copie peut parfois contenir des erreurs de lecture du copiste et tout chercheur sait bien qu’on doit toujours se méfier des copies.
Et la copie ci-dessous comporte effectivement au moins une erreur, celle du nom JULLIARD, qui est en fait JAILLARD certainement dans l’original disparu, car ce sont les JAILLARD qui sont imprimeurs en 1578 à Saint-Rémy-de-la-Vanne, et ce sont des ascendants de Jules Verne.
Donc Jules Verne était fabricant de papier avec certitude au moins depuis 1578, et probablement avant, mais les sources ne seront plus disponibles pour le savoir.
J’ai encore un acte à vous mettre concernant ces papetiers et je dresserai un tableau récapitulatif de ce que j’ai trouvé des papetiers.

Soutien des papetiers de la Brie à leur confrère, 1578

L’acte qui suit est un formidable exemple de solidarité entre papetiers. Même celui qui va représenter à Paris tous ceux de la Brie, ne touchera aucun salaire pour son assistance, et on comprend qu’il est solidaire lui aussi avec eux.

« Le 22 janvier 1578 (calendrier Julien, donc 22 janvier 1579 n.s.) Honnorable[1] homme Pierre Fieffé marchant papetier bourgeois de Paris, au nom et comme procureur de Jacques Simonet et de Jehan Moreau es noms et qualités cy après déclarés, fondé de la procuration de laquelle la teneur ensuit : « Tous ceulx qui ces présentes lettres verront Anthoine Duprat chevalier de l’ordre du roy seigneur de Nauthoillet près Rozay et Fourmières, baron de Thoury et de Viteaulx, conseiller de la majesté dudit seigneur son chambellan ordinaire et de la prévosté de Paris salut scavoir faisons que par devant Anelot Favyn et Edmé Parqué notaires du roy notre dict seigneur en son chatelet de Paris furent présents en leurs personnes Jacques Simonet marchant papetier demourant à Sainct Rémy de la Vanne en Brye et Jehan Moreau dudit estat demourant à la Ferté Gaulcher en leurs noms et comme eulx faisant fort de Jehan Moreau le jeune Cothin Bailly et de Claude Moreau aussi marchans papetiers demourant à Jouy sur Morain, de Bernard Simonet Claude Julliard pareillement marchans papetiers demourant audit Sainct Remy, de Charles Desescoustes et Jehan Simonnet aussi marchans papetiers demourants à Sainct Simeon, le tout pais de Brie, lesquels esdits noms ont faict et constitué font et constituent leur procureur honnorable homme Pierre Fieffé marchant papetier bourgeois de Paris, auquel ils donnent pouvoir et puissance de poursuivre et mener à fin certain appel interjecté par Germain Oliguet en la court de parlement de certaine sentence contre luy donnée par messieurs du trésor à Paris au proffit de Me Mathieu Duprast et audit procès se joindre avec ledit Germain Oliguet, Nicollas Roux, Claude Roux, Jehan Naue et Jacques (f°2) Langlier marchans papetiers demourans à Assoue et pour poursuivre ledit procès fair et frayer par ledit Fieffé procureur tous fraiz et mises qui y seront requis et nécessaires et jusques en fin d’icelluy, desquels frais et mises lesdits Jacques Simonnet et Jehan Moreau promettent et gaiger esdits noms et en chacun d’iceulx seul et pour le tout sans division ne discussion renonçans au bénéfice de division fide jussion ordre de droit et de discussion, acquiter garantir desdommager et rendre indempne ledit Fieffé et le rembourser de ce qu’il en aura ja fait et desboursé et fera et desboursera, le tout touteffois et quantes que par ledit Fieffé requis en seront et dont il sera sera oui à la simple parole selon les parties qu’il en aura faites et sans autres preuves faire sans pouvoir par ledit Fieffé demander aulcuns salaires pour raison desdites poursuites et générallement faire en ce que dict est ce qui en deppend comme lesdits constituants feroient si présents en leurs personnes y estoient jacoient que le cas requist mandement plus spécial, promettant lesdits constituants bonne foy soubz l’obligation de tous et chacuns leurs biens avoir ces présentes et ce qui sera faict en vertu d’icelles pour agréables sans y contrevenir en tesmoing de ce nous à la relation desdits notaires avons fait mettre à ces présentes le scel de ladite prévosté de Paris qui furent faictes et passées l’an 1577 le jeudy 31 janvier signé Favyn et Parque et scellé de cyre verte en double queue audit nom l’an 1578 le mercredi 22 janvier, signé Bontemps et Cothereau »

[1] AN-MC/ET/VI/115 Philippe Cothereau notaire