Le cheval aveugle de la tannerie Jallot x Lemonnier : Noëllet 1724

Il y a exactement 10 jours, le 10 novembre, lancée dans l’étude des tanneurs et leur tannerie, je vous mettais mon grand étonnement de trouver :
La jument aveugle de la tannerie Jallot x Crespin : Ampoigné (53) 1714

Ces dépouillements me réservent beaucoup de surprises, et ce jour, la santé revenant (mais la loi de l’em… maximum sévissant chez moi : malade pendant une semaine sans eau, suivie d’une semaine sans ascenseur et celui-ci pas encore réparé, et Orange en travaux dans le quartier prévoyant perturbations des téléphones portables toute cette semaine) j’ai commencé un autre inventaire de tannerie, celui de Julien Jallot à Noëllet, qui était le neveu du précédent, si ce n’est que le père de Julien Jallot était un frère aîné, d’une génération plus âgé que l’époux de Marie Crespin.

Or, ce soir, stupéfaite, je lis :


Un moulin à tan, un cheval poil noir et aveugle, et 2 malles de sercle de cuves à coudrir 100 livres

Je suis très étonnée, car le cheval en question, d’ailleurs comme le précédent, est bien listé et inventorié dans la tannerie, donc à l’usage de la tannerie. Alors je me demande si d’autres tanneries ont aussi un cheval aveugle, et par contre je pense qu’il faut éliminier un accident de travail car les tanneurs avaient certes un métier peu ragoutant mais pas dangereux chimiquement.

Avez-vous de vôtre côté des inventaires de tannerie ? Cela m’intéresse.
Odile

Les nappes de feu Jean Jallot, tanneur à Ampoigné 1714

Selon Quynh Delaunay « Histoire de la machine à laver », Puf, 1994, le linge de maison était plus important que le linge de corps, et j’ai donc fait le total des nappes, et je vous épargne les draps, serviettes et essuie mains, tant ils sont nombreux.
Jean Jallot, tanneur, décédé dans la force de l’âge, en possédait beaucoup. J’ai même été frappée par le nombre de serviettes et essuie mains, par contre l’abscence de mouchoirs. Je trouve cela curieux.

L’inventaire donne :

15 nappes de toile de réparon en réparon 15 livres
12 aultres nappes de toile de brin d’une aulne et demie chasque 12 livres
Une aultre douzaine de nappes 10 livres
7 nappes de mesme toile d’une aulne et demie 7 livres
soit au total 46 nappes estimées 44 livres

La vente donne :

6 nappes de 2 aulnes chacune à ladite Lemersier 8 livres 6 sols
6 autres nappes audit Arthuis 7 livres
6 nappes de 2 aulnes chacune au sieur Aubin hoste à Château-Gontier 10 livres
6 autres nappes audit Pinault 7 livres
6 grandes nappes à madame Chevron 8 livres 11 sols
8 nappes au sieur Aubin de Château-Gontier 12 livres 15 sols
8 nappes de toile neufve de réparon à madame Fauveau 10 livres 10 sols
Une nappe audit Girardier 25 sols
3 nappes à ladite Jallot 35 sols
6 autres nappes audit Leroux 2 livres
soit au total 50 nappes vendues 66 livres 7 sols

Comme vous le voyez, il y a encore plus de nappes lors de la vente que lors de l’inventaire quelques jours auparavant. C’est vraiement incompréhensible, et il est vraisemblable que tout est ainsi, et qu’il faudrait établir un immense tableau comparatif. Immense car l’inventaire est long et riche.

Mais le nombre de nappes est sincèrement important, car il y en a plus que de chemises, autrement dit on pouvait changer de nappe plus souvent que de chemise !!!
Mais surtout tout remettre en ordre, car l’inventaire est toujours fait dans le plus grand désordre, mais c’est bien pire pour la vente, et elle dure plusieurs jours dans le plus grand désordre.
Odile

Les chemises de feu Jean Jallot, tanneur à Ampoigné 1714

Selon Quynh Delaunay « Histoire de la machine à laver », Puf, 1994, le terme de linge a pendant longtemps désigné le linge de maison : draps, nappes, serviettes. « Dès le XIIIème siècle, on observe dans les inventaires la présence de la chemise. Mais celle-ci est restée longtemps de l’ordre de l’unité, au milieu d’une abondance de linge de maison et de vêtements…. A partir du XVIème siècle, la propreté en France s’apprécie à la blancheur. Le port de la chemise se généralise et l’entretien du linge dans la blancheur s’inscrit dans les préceptes de civilité et des convenances. Être propre c’est avoir du linge »

Pour ma part, j’ai déjà dépouillé un grand nombre d’inventaires après décès, et je constate bien la rareté des chemises, seul sous vêtement de l’époque.
Jean Jallot, tanneur, décédé dans la force de l’âge, en possédait beaucoup. Nous avons la chance de disposer, outre l’inventaire, de la vente, quelques jours plus tard.
Si l’inventaire a été bien fait, on doit trouver la même quantité à la vente. Il n’en est rien, et j’ai revérifié.

L’inventaire donne :

2 douzaines de chemises à l’usage dudit deffunt Jallot 20 livres

Et la vente donne :

6 chemises à usage d’homme au sieur Bourse marchand à Ampoigné 10 livres 15 sols
6 chemises à usage d’homme à Michel Lannion tirier demeurant à Mée 8 livres 10 sols
6 autres chemises à usage d’homme au sieur Chanteloup demeurant à Craon 12 livres
6 chemises à usage d’homme audit Latouche 7 livres
2 chemises à usage d’homme audit Lemelle 2 livres
10 autres chemises à usage d’homme au sieur Mahié boullanger 12 livres

Autrement dit, on a dû se tromper en faisant l’inventaire d’une douzaine de chemises, et au final la valeur n’est pas de 20 livres, mais de 44 livres 5 sols. Les chemises se sont bien vendues. Les acheteurs sont des artisans, sans doute heureux d’acquérir des chemises probablement ayant déjà servi, mais on peut supposer qu’ils n’ont pas les moyens d’en acquérir de neuves.
Lors de son mariage, Jean Jallot a donc reçu 2 ou 3 douzaines de chemises neuves, ce qui est la marque d’un bon bourgeois, bien au dessus d’un artisan.

Selon d’autres sources, dont l’ouvrage que je vous ai cité ci-dessus, on allait chaque semaine au lavoir du village, enfin la domestique par l’épouse de Jean Jallot. Donc j’en conclue que Jean Jallot changeait de chemise chaque jour.

Odile

La fin tragique de la tannerie de la Grihoulière : Ampoigné 1714

La tannerie était une industrie malodorante et si vous avez bien remarqué mon texte d’hier, elle était au bord d’une rivière car elle nécessitait de l’eau, beaucoup d’eau pour le lavage des peaux : elle polluait donc les rivières.

De leur côté, les tanneurs, ou du moins les lignées que j’ai étudiées, étaient probablement un des rares métiers à pouvoir transmettre à plusieurs enfants, alors que l’immense majorité des artisans ne pouvaient transmettre leur activité qu’à un descendant, et les puinés étaient priés de prendre leur baluchon sur leur dos et aller voir ailleurs trouver un emploi, souvent très loin, en fait de l’immigration.

Mais Guillaume Jallot avait très fort : non seulement il avait fait 13 enfants à 2 épouses, mais 9 d’entre eux atteignent l’âge adulte. Tous casés, et tous dans le même milieu.
Jean Jallot, son 10ème enfant, perd son père à 10 ans, mais sa mère et ses frères aînés veillent sur lui. Et, arrivé à l’âge adulte c’est tout naturellement qu’il épouse la soeur de la femme de son frère aîné, toutes deux filles de Pierre Crespin et Louise Chesneau, qui n’avaient laissé que 3 filles pour héritières, bien sûr toutes 3 mariées à des tanneurs.

On ne saura sans doute jamais pourquoi Jean Jallot et Marie Crespin installent à la Grihoullière à Ampoigné une tannerie importante par le nombre de peaux (que nous verrons plus tard). Certes ses frères aînés avaient eu une meilleure installation, donc celle de leur père.

Mais ce que je peux vous dire, c’est que les rivières doivent déjà être assez monopolisées et disputées entre tanneurs de Château-Gontier et tanneurs de Noëllet et de Craon, qui luttent entre concurrents.
Certes, les parents de Marie, Pierre Crespin et Louise Chesneau ont déjà tannerie à Ampoigné, à la Sablonnière, et Louise Chesneau descend de son côté des tanneurs de Saint Quentin.

Mais je vous demande maintenant d’examiner attentivement les 2 vues qui suivent :

Carte de Cassini


Carte IGN actuelle

Aucune rivière, juste un petit ruisseau, qui me fait penser au petit filet d’eau que je franchis chaque jour en direction de mon bourg, où l’on devine à peine un cm d’eau sur les pierres et encore, en été, plus rien.
Certes, sur la carte de Cassini on voit 2 étangs, qui ont disparu aujourd’hui, mais les étangs ne sont pas eau courante, et sont donc vite polluables. Et j’ajoute que l’abbé Angot, dans son Dictionnaire de la Mayenne, donne bien un ruisseau, et pas de rivière.

Alors, souvenez-vous de mon billet d’hier, et des odeurs nauséabondes qui entouraient une tannerie. Les 2 étangs de la Grihoullière n’étaient pas capables de supporter une telle pollution, et ce qui arriver arriva : le couple disparaît jeune, laissant 3 orphelins.
La pollution a eu raison d’eux, et d’ailleurs la pollution des eaux par d’autres voies de pollution (le fumier par exemple…) a eu raison de bon nombre de nos ayeux.

Nous disposons aux archives de mieux qu’un inventaire des meubles après décès, car nous avons aussi la vente des meubles, le tout en 1714, et comme ils sont jeunes, le trousseau est en bon état, et contrairement à ce que lis dans la majorité des inventaires, rien n’est méchant, mauvais, usé etc…

Demain, je vous mets le nombre de chemises, car les tanneurs sont aisés, donc tentez de découvrir combien de chemises ?

Odile

La jument aveugle de la tannerie Jallot x Crespin : Ampoigné (53) 1714

Les passionnés actuels de sport équestre connaissent plusieurs chevaux borgnes, dont l’un s’est illustré dans le haut niveau de compétition avant de prendre à 16 ans une retraite bien méritée.
Le sport équestre est un sport exceptionnel, puisque sont sur le même plan homme et femme, handicapés ou non handicapés, cheval entier et jument, et même le cheval borgne. Merveilleux sport n’est-ce pas ?

Alors, que devenaient autrefois les animaux handicapés ???
Vous me direz « l’abattoir n’était pas loin ! »

Eh bien, voici un cas probablement rarissime. Il est extrait de l’inventaire après décès Jallot x Crespin en 1714 à Ampoigné, marchand tanneur. C’est cet inventaire qui m’occupe depuis des semaines et dont je vous parlais hier.

12 livres de sain noir 4 livres 7 sols
2 lampes, 2 chandeliers et une lampe de cuivre 3 livres
2 grands cochons de l’an et 2 petits 70 livres
Un cheval poil rouge avec une jument aveugle avec leurs équipages 100 livres
5 mères vaches 140 livres

Alors, je me suis demandée, comme vous, pourquoi la jument aveugle ? Et j’ai supposé qu’elle ne valait plus grand chose, mais par contre qu’elle étant sans doute très capable de faire des poulains…

François Jallot baille la Delinaie à Sulpice Geslin : Vergonnes 1824

A cette époque les Français apprennent progressivement à compter en francs, mais on leur indique aussi le montant en livres. Ceci me rappelle notre passage à l’euro, et les calculs nous ont longtemps été indiqués en francs à titre indicatif, sur nos relevés bancaires.

Mais les francs ne sont pas leur seul apprentissage, car le système métrique entre peu à peu en vigueur, et là aussi on leur donne encore l’ancienne mesure.

Mais une chose n’est pas encore au point : l’impôt foncier ! Alors, le notaire doit rédiger cette clause en précisant qu’il sera à payer quelque soit son montant, c’est à peu près ce qu’il veut dire. Autrement dit, tout au moins jusqu’à Armaillé et Vergonnes, l’impôt foncier n’était pas encore calculé. Sans doute ailleurs, car tout ne s’est pas fait du jour au lendemain d’un coup de baguette magique.

Et revoici les fameuses pépinières dont je vous ai déjà parlé, qui apparaissent après la Révolution dans les baux, jamais auparavant puisqu’elles étaient chez le seigneur, et sans doute un droit seigneurial ? Je me pose toujours la question, qui ne découle en fait que de mes observations.

Acte des Archives du Maine-et-Loire 5E49 – Ma retranscription (voir ci-contre propriété intellectuelle) :
Le 29 janvier 1824 par devant Victor Auguste Leclerc et son collègue notaire à Pouancé arrondissement de Segré département de Maine et Loire, ont comparu Mr François Jallot propriétaire demeurant en la commune d’Armaillé, lequel a par ces présentes donné à ferme pour 7 années entières et consécutives qui commenceront à la Toussaint 1824, à Mr Jean Sulpice Geslin propriétaire demeurant à la Garenne en la commune de Vergonnes preneur ici présent et acceptant, savoir : la métairie de la Delinaie située en la paroisse de Vergonnes telle qu’elle se poursuit et comporte et qu’en jouit à colonie partiaire d’après conventions verbales le sieur Troisvalet, sans réserve ; le preneur jouira en bon père de famille sans commettre ni souffrir commettre aucune malversation et dégradations ; il n’abattra aucun arbre par pied, tête, ni autrement, si ce n’est les émondables qu’il émodera en due saison, sans avancer ni retarder le sèves, Il nettoyera et taupinera les prés, et en curera les canaux de manière qu’ils soient arrosés utilement ; il élèvera et élaguera avec soin les jeunes arbres de bellevenue qui ercitront sur les haies, sans en récolter ou détruire aucun ; il laissera la dernière année le foin et chaume sur pied et les pailles à l’aire. Il labourera, fumera et ensemencera les terres en saison et de semences convenables sans les surcharger ni dessoller. Il plantera la première année une pépinière qu’il graissera et rebechera tous les ans et dont il ne pourra disposer que pour transplanter sur les terres de ladite métairie.Il plantera annuellement 6 pommiers ou poiriers qu’il greffera de bonne espèce de fruit et rendra ainsi greffé à la fin du présent. Et entretiendra en bon était les claies barrières et échalliers et les fera faire au besoin le bois lui sera fourni par le bailleur. Il fera faire par année 175 metres réprésentant 70 toises de fossé neuf ou réparé. Le preneur fera aussi par année 4 journées de réparations de couverture en se fournissant de toutes matières fors le bois. Et recevra à son entrée le cheptel et les semences propres à l’exploitation de ladite métairie du dit sieur Troisvalet et en donnera au bailleur une reconnaissance notariée. Le preneur payera outre le prix de ferme cy après les impositions foncières mises ou à mettre sur sa dite métairie, à quelque taux qu’elles se montent et sous quelque dénomination qu’elles soient établies. Il fera pour le compte du bailleur et sans diminution du prix de ferme 3 journées de bœufs par an soit sur le domaine du bailleur à Armaillé soit à Segré ou à pareille distance. Le présent bail a été ainsi fait pour la somme de 591 francs 60 centimes, représentant celle de 612 livres ancienne valeur nominale, que le preneur s’est obligé à payer au bailleur en son domicile le 1er novembre de chaque année, le payement de la première année aura lieu le 1er novembre 1825 et ainsi de suite. Le preneur entretiendra jusqu’à son expiration le bail verbal en vertu duquel jouit ledit Troisvalet. Ledit Mr Jallot a également donné à sous ferme pour 5 années entières et consécutives qui commenceront aussi à la Toussaint prochaine, audit Geslin, le pâtis de Toulon, la petite Couere ? et le pâtis de la Garanne, situés commune de Vergonnes, dont il est fermier en vertu du bail passé devant ledit Leclerc le 23 décembre 1819. Les frais du présent et d’une grosse pour le bailleur seront acquités par le preneur.Fait et passé en l’étude dudit Me Leclerc le 29 janvier 1824