Je poursuis la reprise sous WP des actes que j’avais publiés avant 2008 sous Dotclear :
La semaine dernière, j’ai, comme vous sans doute, découvert les fortifications de toute la Saintonge, comme on ne les voit jamais du sol.
L’été j’aime regarder la Carte aux Trésor, pour les vues splendides qu’elle donne de la France depuis l’hélicoptère. En particulier, Brouage était non seulement merveilleuse vue du ciel, mais passionnante sur le plan historique. Allez voir leur site officiel, il va vous donner envie d’y aller.
Pour tous les hommes en garnison, que ce soit à Brouage ou ailleurs, les affaires concernant leur famille et leurs biens fonciers, étaient un casse-tête dont nous n’avons pas idée, habitués que nous sommes aux échanges monétaires planétaires instantanés (sauf quand je fais un virement ou par miracle j’ai droit à 48 h de délai, durant lesquelles je ne sais où est passé mon argent planétaire…). Bref, autrefois, pas de banques, pas d’informatique, uniquement des notaires rédigeant scrupuleusement les obligations, les ventes, les échanges… encore faut-il se trouver sur place, et nous avons vu des derniers jours nos Angevins se déplacer en Anjou, parfois de plus de 70 km pour une vente. Pour ceux qui étaient en garnison au loin, cela était certes possible, mais au prix de diffultés considérables.
L’acte qui suit, illustre la difficulté : il met en jeu une part d’indivis sur 2 métairies situées à la Prévière (49), mais l’acquéreur est le second époux d’une dame qui a des parts, et dont on n’a pas encore l’autorisation, ce qui signifie au passage que les dames ne vivent pas dans la garnison… La somme ne peut voyager, même avec des pistolets d’arçon le cavalier n’est pas en sureté avec une somme importante, et il faut donc trouver des astuces pas possible de transfert d’argents sur d’autres contrats. Ici, on doit même à cet effet, faire intervenir un autre notaire d’Angers, Gouyn, qui prend toutes les précautions possibles, et elles sont nombreuses. On peut, après lecture, s’imaginer le nombre de cavaliers qui ont par la suite acheminés les contrats en question, enfin, ils ont sans doute utilisée la messagerie (ancienne poste aux chevaux de l’ouest).
On a vraiement du mal à s’imaginer la difficulté de telles transactions de nos jours ! Voici donc le lieutenant Viot en garnison à Brouage, passant à Brouage l’acquêt des parts sur les métairies de la Prévière :
Attention, je passe en retranscription littérale, y compris l’orthographe de l’acte original : Le 5 may 1646, par devant le notaire royal de Sainctonge soubzmettant et les tesmoings bas nommés a esté présent en sa personne Claude Viot escuier de Launay Liardière lieutenant d’une compagnie entretenue pour le service du roy en ceste garnison de Brouage
lequel sur ce que René de Crosnier escuier sieur de la Rocherie son gendre lieutenant d’une compagnie du régiment de monseigneur le duc de Brezé a représanté que par contrat du 22 mars dernier passé par Geay notaire royal tabellion et gardenotte en Saintonge il a acquict de Pierre Davouere escuier sieur de la Montaigne demeurant au bourg de St Servin de Marennes province de Sainctonge la part et portion qui compette et apartient audict sieur de la Montaigne par le déceps de feu Jehan Davouene escuyer Sr de la Montaigne son père des mestayries nobles de Liardière et de la Haye en la paroisse de Lespervière en Enjou (l’Anjou, vue de Brouage à l’époque !), et encor tous et chascungs les droictz qui pourront eschoir audict sieur Davouere des biens et droictz de damoiselle Françoise de Ladvocat sa mère, après son déceps, à présent espouze dudit sieur de Launay,
le tout pour la somme de 1 250 livres que ledit sieur de la Rocherie auroit promis faire payer audit Sr Davouere en la ville de la Rochelle dans un mois du jour dudit contrat par Mr Jehan Gouyn notaire royal Angers en desduction du prix du lieu de Bouchet par luy acquit dudict Crosnier et à luy appartenant de la succession de damoiselle Ollive Dubois sa tante
et aussy sur ce que ledit Sr de la Rocherie représante audit Sr de Launay qu’ayant faict voir la grosse dudict contract audict Gouyn et ycelluy requis voulloir payer ladite somme de 1 250 livres suivant ledit contract, il en auroit faict difficulté sur ce que ladite damoiselle Fransoize de Ladvocat espouze dudict sieur de Launay n’y auroict poinct parlé ny consenty à la vendition pour son fils de ce qu’il luy doibt eschoir desdicts lieux de sa succession et encore sur ce qu’il n’a coignoissance de la véritté dudit contrat et de la part du vandeur esdits lieux au paternel n’est poinct exprimé, requérant ledit Sr de Launay son beau-père pour la sureté dudit Gouyn et affin qu’il puisse payer vallablement et avoir hypothèque spéciale sur les acquests pour la garantie dudit lieu de Bouchet voulloir luy assurer ledit contrat véritable l’a promis pour son regard et le faire approuver par ledite de Ladvocat son épouse et pour en passer acte l’authorizer ensemble pour s’obliger vers ledit Gouyn qu’en payant par luy lesdictes 1 250 livres soit audit sieur Davouere ou audit sieur de la Rocherie pour les luy payer il n’en sera inquiété ne recherché à quoy ledit sieur Delaunay inclinant à la prière et réquisition dudit sieur de la Rocherie son gendre par ces présentes a vollontairement assuré et certiffié le susdit contrat d’acquest fait dudict sieur de la Montaigne bon valable et véritable et que ledit sieur Davouere vendeur estoit fondé desdits lieux du moings pour icelle part de son chef et ladicte Delle Deladvocat son espouze qui auroit donné pouvoir et consentement audit sieur Davouere filz de ladicte damoiselle Deladvocat de disposer et faire vendition audict sieur de la Rocherie de ce qui pouroit eschoir cy apprès desdictz lieux audict sieur de la Montaigne et pour ainsy le recoignaoistre par ladicte Deladvocat et partant agréé et approuvé ledit contrat et en passer acte en icelle forme qu’elle vesra ensemble pour faire pareilles ou autres assertions et promesses audict Gouyn ledict sieur l’a par ces présentes authorizée mesme pour s’obliger vers ledit Gouyn en quas qu’elle veuille ce faire ou tels autres actes qu’elle verra pour l’effect du contrat dudit Gouyn ou autre nouveau contrat et à l’entretien de ce a ledit Sr Delaunay obligé tous ses biens présents et advenir
fait et passé à Brouage maison dudit sieur Delaunay le 14 avril 1646. (AD49, série 5E5 Nicolas Leconte Notaire royal Angers)
Si Jehan Davouère se sépare de ses biens Angevins, c’est qu’il réside définitivement ailleurs qu’en Anjou
d’Avoir, famille originaire d’Anjou, Sr dudit lieu paroisse de Longué, de Châteaufremont paroisse de St Erblon, de la Turmellère paroisse de Château-Thébaud. « De gueules à la croix ancrée d’or » (Potier de Courcy, Armorial de Bretagne)
Pierre d’Avoir prenait les titres, en 1368, de « sire de Château-Fromond et de Verez (probablement Vair), chambellan de très hauz et excellans princes l’Empereur de Rome, le Roi de France nostre sire et de monseigneur Louys, fils du roi de France ». Sa charge lui vallait 2 000 livres sur le trésor, somme depuis réduite de moitié. Il se maintint toujours fors avancé dans la faveur de Louis 1er, duc d’Anjou. En juillet 1363, à Boulogne-sur-Mer, le prince « considérant ses bons et beaux services et les très grans paines et travaulx que il a prins par plusieurs foys et en maints manyères pour nous, dit-il, et en la persécution de nostre délivrance d’Angleterre, dont nous nous rapportons pour grandement tenuz à luy », le gratifia de tous les biens de Jean de la Haie, d’Echemiré, et du sieur de la Prezaie, à Jarzé, qui avait fait alliance avec l’ennemi. Avoir, quelques années plus tard, en fit dont à l’Hôtel-Dieu d’Angers. Quant le duc partit pour l’Italie, en quttant son favori à Avignon, le 29 mai 1382, il ordonna à Etienne Langlois, son trésorier, de lui payer 100 marcs d’or et 1 000 marcs d’argent, avec quittance générale de tous ses maniements de finances. Le duc lui laissait de plus la principale autorité dans ses pays de France, lui enjoignant de se qualifier lieutenant général de Mgr le Duc et de Mme la Duchesse, titres dont il cumulait les gages avec ceux de sénéchal et de châtelain d’Angers. Aussi, à la mort de son protecteur, pendant que les évêques de Chartes et d’Angers, les seigneurs et les prélats réunis autour de la duchesse, la consolaient de leur mieu, Pierre d’Avoir pleurait « comme une commère, très nicement, sans dire mot de réconfort » (16 novembre 1384). Il prévint la disgrâce prochaine en résignant immédiatement non seulement les diverses charges qu’il occupait, mais aussi les rentes et pensions qu’il tenait de son maître, prit congé, le lendemain même, de la duchesse, avec le duc de Berry, qu’il mena dîner en sa maison d’Avrillé, près Beaufort, et demeura dans ses terres jusqu’à sa mort (février 1690). Il fut enterré à Saint Maurice, dans la chapelle des évêques, auprès de Hardouin de Bueil, son oncle. En lui s’éteignit la maison d’Avoir. Parmi les seigneuries qu’il possédait en Anjou était Erigné. Ses armes s’y voient encore à la clef de voûte de la chapelle du transept gauche de l’église. Tous ses biens passèrent aux enfants d’Anne d’Avoir, femme de Jean de Bueil, dont la maison écartela dès lors son blason des armes d’Avoir De gueules à la croix ancrée d’or. (C. Port, Dict. Hist. de l’Anjou)
le marquisat de Châteaufremont (Saint-Herblon, 44) appartenait à Mr de Cornullier fin 19e siècle. Toute trace du château a aujourd’hui disparu.
Dernière minute : le lendemain matin de ce billet, en ouvrant Internet, je découvre que l’UNESCO vient de classer 12 sites de Vauban au patrimoine de l’humanité.
Odile Halbert – Lorsque vous mettez mes travaux sur un autre site ou base de données, vous enrichissez leurs propriétaires en leur donnant toujours plus de valeur marchande dans mon dos